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Évangélisation

  • La mission évangélisatrice des laïcs (4)

    Éducation à la foi en tout premier lieu.

    Saint Josémaria donnait le conseil suivant : « Dans tous les milieux chrétiens on sait, par expérience, les bons résultats que donne cette initiation à la vie de piété, initiation naturelle et surnaturelle, faite dans la chaleur du foyer. L'enfant apprend à placer le Seigneur au niveau de ses premières affections, les affections fondamentales ; il apprend à traiter Dieu en Père et la Vierge en Mère ; il apprend à prier, en suivant l'exemple de ses parents. Lorsque l’on comprend cela, on voit la grande tâche apostolique que peuvent accomplir les parents, et combien ils sont obligés d’être sincèrement pieux, pour pouvoir transmettre — plutôt qu’enseigner — cette piété aux enfants. »

     

    Éducation aux vertus.

    C’est à la maison que les enfants apprennent avant tout à développer des habitudes vertueuses. Cela demande beaucoup de patience de la part des parents, et de savoir s’adapter à la personnalité de chacun. Vous le savez mieux que moi.

    Mais si vous vous limitez à reprendre chaque fois que l’enfant commet une erreur, fait une bêtise, désobéit, est en retard, à le gronder, à l’attraper, espérons que sans le frapper, vous obtiendrez peut-être qu’il réagisse, mais à contre-cœur, et vous manquerez à la justice.

    Oui, vous manquerez à la justice ! Car ce qu’il convient de faire, si vous me pardonnez l’audace de vous donner un conseil, c’est de rendre la vertu aimable. Et rendre la vertu aimable implique de féliciter l’enfant pour ce qu’il a bien fait, de l’encourager pour les efforts fournis, peut-être maladroitement, de manifester de l’intérêt pour ses petites histoires, et aussi, ce qui est fort important, de lui demander pardon quand vous lui avez crié après ou vous vous êtes mis en colère.

    Cela lui fait un bien fou de voir que vous reconnaissez vos torts. Il en est conscient. Et si vous ne lui demandez pas pardon, il se sent injustement traité.

    Pourquoi si, pour prendre un exemple, l’enfant laisse sa chambre en désordre, ne pas lui dire : Chéri, je sais que tu fais des efforts, mais tu n’y arrives pas toujours, comme moi, qui ne voudrais pas m’énerver et qui m’énerves parfois. Viens, nous allons commencer à ranger ta chambre ensemble ; et après vous le laissez continuer. Cela ne marchera pas à tout les coups. Mais vous l’éduquez à la vertu, dans la confiance. Et la confiance est très importante.

    L’on a demandé à un garçon de douze ans : « Est-ce quand ta maman te demande quelque chose tu le fais aussitôt ? » Il répond : « Maman ne me  demande jamais rien. Elle préfère que nous prenons l’initiative. » « Et c’est ce que tu fais ? » Un peu vexé, le gamin répond : « Évidemment ! » C’est cela faire aimer la vertu.

     

    Une dernière remarque

    L’amitié avec le prochain n’est possible que si nous sommes d’abord personnellement ami de Dieu. Notre Seigneur dit à ses apôtres, dans l’ambiance de chaude intimité du Cénacle, le Jeudi Saint : « Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande. Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ne sait pas ce que fait son maître ; je vous appelle mes amis, car tout ce que j’ai entendu de mon Père, je vous l’ai fait connaître. »

    « L’amitié avec Jésus est indéfectible, relève François dans l’exhortation apostolique Christus vivit, Il vit, le Christ : « Il ne s’en va pas, même si parfois il semble être silencieux. Quand nous en avons besoin, il nous laisse le rencontrer et il est à nos côtés, où que nous allions. Car il ne rompt jamais une alliance. Il demande que nous ne l’abandonnions pas : Demeurez en moi. Mais si nous nous éloignons, il reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même » (n° 154).

    L’amitié cultivée avec notre Seigneur suppose, nous l’avons dit, de fréquenter les sacrements et de mener une vie de prière. L’image et la ressemblance de Dieu que nous portons en nous deviennent de plus en plus nettes, de plus en plus conformes à l’original. Ce qui fait que nous sommes le Christ qui passe dans la vie de nos semblables. Le Christ qui continue à appeler les hommes à sa suite, mais en se servant de nous, tout comme il s’est servi des apôtres et des disciples de la première génération pour l’expansion de l’Église après la Pentecôte.

    Cela sera possible si, et seulement si, « les fidèles laïcs savent surmonter en eux-mêmes la rupture entre l’Évangile et la vie, en sachant créer dans leur activité de chaque jour, en famille, au travail, en société, [dans les loisirs,] l’unité d’une vie qui trouve dans l’Évangile inspiration et force de pleine réalisation » (CFL, n° 34).

     

    Terminons par une dernière réflexion.

    L’apostolat peut être parfois indirect, et s’exprimer par des gestes on ne peut plus banals, et même sans prétention particulière. C’est le cas de l’anecdote que j’ai mentionnée de celui qui est entré à l’église faire une visite au saint-sacrement pendant que son collègue attendait dehors. J’ai connu des frères jumeaux qui m’ont dit être devenus prêtres parce que leur curé leur avait donné un chapelet quand ils étaient au catéchisme.

    Un cardinal créé depuis peu reçu en audience, se plaignait au pape des énormes responsabilités de sa nouvelle dignité s’ajoutant au poids déjà lourd du sacerdoce et de l’épiscopat. Et Jean XXIII, Giovanni en italien, de lui répondre : « C’est vrai, Éminence. À moi aussi, il me vient quelquefois de ces idées. Alors je prie mon ange gardien et il me dit : ‘Giovanni, Giovanni, ne te prends pas trop au sérieux !’[1] »

    Ne pensons pas que Dieu nous en demande trop et que nous occuper d’évangéliser autour de nous nous dépasse. Le Seigneur nous donne toujours sa grâce selon nos besoins. Et c’est l’Esprit Saint qui travaille dans les âmes, plus que notre propre parole ou notre exemple. Mais, encore une fois, entend se servir de nous comme d’instrument, de véhicule de la grâce.

    « Ce que chacun a reçu comme don de la grâce, écrit saint Pierre, mettez-le au service des autres, comme de bons gérants de la grâce de Dieu sous toutes ses formes. »

     

    Terminons par une autre anecdote authentique, portant elle aussi sur un petit geste apparemment bien banal.

    Une mère de famille se promène avec son enfant, en Belgique, au bord d’une rivière. L’enfant glisse soudain et tombe dans l’eau. Sa maman ne sait pas nager et est donc désespérée. Heureusement une voiture passait par-là. Le conducteur a tout vu. Il s’arrête, se jette à l’eau et ramène l’enfant sain et sauf.

    Sa maman ne sait comment remercier le sauveur. Elle enlève de son cou une chaîne avec la médaille de Notre-Dame-de-Hal. Notre-Dame-de-Hal est le sanctuaire marial national de la Belgique. Le monsieur répond qu’il n’est pas très pratiquant et refuse. Mais comme la dame insiste, il finit par accepter.

    Longtemps plus tard, très longtemps, ce monsieur a un grave accident de voiture en Suisse. Il est conduit à l’hôpital en très mauvais état. Il se met à parler, mais l’infirmière ne comprend rien de ce qu’il dit parce qu’il parle en flamand. Elle sort dans le couloir pour le cas, fort improbable, où elle trouverait quelqu’un parlant flamand.

    Passe à ce moment-là un prêtre belge qui venait rendre visite à un malade de ses connaissances. Il va donc au chevet du monsieur en question qui lui dit : « Je ne suis pas très pratiquant, mais je voudrais me confesser. » Mais vous portez la médaille de Notre-Dame-de-Hal, lui fait remarquer le prêtre. C’est vrai, répond le moribond. Et il lui explique pourquoi il  la porte au cou. Le prêtre le confesse et le malade meurt peu après.

    Mais, avant de le confesser, le prêtre lui avait dit :

    « Eh bien ! Cet enfant que vous avez sauvé… c’est moi ! »

     

    [1] Cité par J. Chelini, Les nouveaux Papes, Paris, éd. Jean Goujon, 1979, p. 84 ; Lettre Romaine écrite pour Le Méridional, le 12 octobre 1962.

  • La mission évangélisatrice des laïcs (3)

    Comment vivre cet apostolat d’amitié et de confidence ?

    Très simplement, avec le plus grand naturel. Certains privilégient l’apostolat dans la rue, auprès des prostituées, sur les plages l’été, etc. Chacun a son charisme. Mais ce que nous avons dit jusqu’ici nous montre que l’évangélisation ne se limite pas à quelques actions plus ou moins spectaculaires et temporaires.

    Nous avons parlé de promouvoir la croissance continuelle de l’Église, et de travailler sans cesse à ce que le message de salut atteigne tous les hommes. Il s’agit donc d’une tâche permanente, de tous les jours. « Être disciple, écrit le pape François dans La joie de l’Évangile, c’est avoir la disposition permanente – permanente, et non occasionnelle, comme nous le disions à l’instant – la disposition permanente de porter l’amour de Jésus aux autres, et cela se fait spontanément en tout lieu : dans la rue, sur la place, au travail, en chemin. »

    La relation d’amitié conduit à vivre ensemble de nombreux moments, à partager des heures d’intimité : une conversation autour d’un verre ou à l’occasion du déjeuner [ce qui, soit dit en passant, montre que faire de l’apostolat ne demande pas toujours du temps, car nous déjeunons en principe tous les jours], lors d’une promenade, ou en pratiquant un sport ensemble, en allant en excursion, en partageant un intérêt commun culturel ou autre, en effectuant un pèlerinage tous les deux à un sanctuaire marial.

    L’amitié demande d’y consacrer du temps, d’une façon ou d’une autre, pour être ensemble et parler à cœur ouvert. « Quand je te parle d’apostolat d’amitié, a écrit saint Josémaria, je me réfère à une amitié ‘personnelle’, sacrifiée, sincère : être à tu et à toi, parler à cœur ouvert. »

    Pourquoi sacrifiée ? Parce qu’il s’agit de s’intéresser sincèrement à l’autre, de chercher son bien, non le nôtre, de savoir s’adapter à lui.

    Saint Thomas d’Aquin parlait de « la réciprocité de l’amour, puisque l’ami est ami pour son ami ».

    « Aimer les autres, écrit l’actuel prélat de l’Opus Dei, implique de les reconnaître et de les prendre tels qu’ils sont, avec leurs problèmes, leurs défauts, leurs histoires personnelles, leur contexte et leur rythme pour s’approcher de Jésus. »

    Et d’ajouter qu’« un ami n’a pas besoin de remplir des conditions préalables pour recevoir notre affection. Comme chrétien, nous voyons chaque personne, avant tout, comme une créature aimée de Dieu. Chaque personne est unique, et unique aussi chaque relation d’amitié ».

     

    Apostolat dans la famille

    N’oubliez pas pour autant que votre premier apostolat est celui que vous réalisez à la maison, dans le milieu familial.

    S’engager dans des œuvres sociales, des activités associatives diverses et variées, aux fins certes nobles, mais au détriment des devoirs familiaux serait un désordre. Cela reviendrait à se retrouver dans la situation que notre Seigneur dénonce avec vigueur

    Ne cherchez pas des entreprises compliquées, ni à vous engager dans des activités spectaculaires. Nous avons vu, à propos du rôle des laïcs, que leur tâche première est de se sanctifier à la place qu’ils occupent dans l’Église et dans la société temporelle.

    Nous pouvons en dire autant de la dimension évangélisatrice de leur vocation chrétienne. Elle se doit de commencer par ce que vous avez sous la main, si je puis m’exprimer ainsi, disons par ce qui vous est le plus proche. Et ce qui vous est le plus proche, ce sont votre conjoint et vos enfants ; puis, dans un cercle plus élargi, vos amis et vos collègues de travail.

    Le premier domaine de votre action évangélisatrice est donc la famille. Elle est prioritaire. « Ceux qui vivent dans l’état conjugal ont, selon leur vocation propre, le devoir particulier de travailler à l’édification du peuple de Dieu par le mariage et la famille » ; ce qui se traduit, entre autres, pour les parents, « ayant donné la vie à des enfants », par « la très grave obligation de les éduquer » tout comme le droit fondamental de le faire. « C’est pourquoi il appartient aux parents chrétiens en premier d’assurer l’éducation chrétienne de leurs enfants selon la doctrine transmise par l’Église » (c. 226).

    Ou, pour reprendre les termes du décret conciliaire sur l’apostolat des laïcs, « les époux chrétiens son l’un pour l’autre, pour leurs enfants et les autres membres de leur famille, les coopérateurs de la grâce et les témoins de la foi. Ils sont les premiers à transmettre la foi à leurs enfants et à en être auprès d’eux les éducateurs. Ils les forment par la parole et l’exemple à une vie chrétienne et apostolique ; ils les aident avec sagesse dans le choix de leur vocation » (n° 11).

    Un panégyriste de Jeanne d’Arc, parlant de l’Eucharistie, disait aux parents : « Amenez vos enfants à l’église de bonne heure. Aimez à communier devant eux alors même qu’ils paraissent encore incapables de vous comprendre. Des objets sacrés entrevus, de vos agenouillements à la sainte table, jailliront pour eux des suggestions éducatrices ; vous leur imprimerez par là un premier mouvement d’orientation sainte. Est-on assez chrétien si on ne croit pas au rayonnement mystérieux du tabernacle ? »

    Je mentionne ici, juste pour attirer votre attention, la Charte des droits de la famille présentée par le Saint-Siège en 1983, qui garde toute son actualité.

    Prenons conscience de ce que « la civilisation et la solidité des peuples dépendent surtout de la qualité humaine de leurs familles. De là vient que l’engagement apostolique envers la famille a une valeur sociale incomparable », écrivait saint Jean-Paul II dans l’exhortation apostolique Les fidèles laïcs du Christ (n° 40).

  • La mission évangélisatrice des laïcs (2)

    Mais comment réaliser cet apostolat qu’il vous appartient de faire ?

    Le décret sur l’apostolat des laïcs précise que « les laïcs ont d’innombrables occasions d’exercer l’apostolat d’évangélisation et de sanctification. Le témoignage même de la vie chrétienne et les œuvres accomplies dans un esprit surnaturel sont puissants pour attirer les hommes à la foi et à Dieu ». Et d’ajouter que « cet apostolat cependant ne consiste pas dans le seul témoignage de la vie ; le véritable apôtre cherche les occasions d’annoncer le Christ par la parole, soit aux incroyants, pour les aider à cheminer vers la foi, soit aux fidèles pour les instruire, les fortifier, les inciter à une vie plus fervente, « car la charité du Christ nous presse ». Ce passage termine par un rappel : « Malheur à moi si je n’évangélise pas ! »

    Nous pouvons penser qu’il est difficile de parler de Dieu. En réalité, cela correspond à un manque de foi et à la peur de réactions. Il nous arrive souvent d’agir en fonction du « qu’en dira-t-on, alors que ce qui devrait nous importer, c’est le « qu’en dira Dieu ». C’est autrement important.

    Il n’y a donc pas lieu d’avoir peur de parler de Dieu. Nous devrions au contraire éprouver une sainte fierté d’avoir été choisi par Dieu pour être son enfant, notre reconnaissance pour se don précieux entre tous se manifestant dans l’ardeur à faire partager notre bonheur aux autres et à leur transmettre ce qui en est à l’origine : notre foi catholique. Il serait normal d’éprouver une sorte de complexe de supériorité. Je m’explique. Non en nous croyant supérieur aux autres, ce qui serait de l’orgueil. Mais en partant de la fierté d’être et de se sentir enfant de Dieu.

    Saint Josémaria, fondateur de l’Opus Dei, que nous avons déjà rencontré l’autre jour, a forgé une expression pour qualifier l’action apostolique que tout un chacun est appelé à réaliser dans sa vie de tous les jours. Il parlait d’un « apostolat d’amitié et de confidence ».

    « À travers les rapports individuels avec vos compagnons de profession ou de métier, avec vos parents, vos amis, vos voisins, disait-il, dans une tâche que j’ai souvent qualifié d’apostolat d’amitié et de confidence, vous secouerez leur engourdissement, vous ouvrirez de larges horizons à leur existence égoïste et embourgeoisée, vous leur compliquerez la vie, en faisant en sorte qu’ils s’oublient eux-mêmes et qu’ils comprennent les problèmes de ceux qui les entourent. Et soyez sûrs qu’en leur compliquant la vie, vous les menez – vous en avez l’expérience – au gaudium cum pace, à la joie et à la paix. »

    Et le pape François d’attirer notre attention dans La joie de l’Évangile, sur le fait que « la première motivation pour évangéliser est l’amour de Jésus que nous avons reçu, l’expérience d’être sauvés par lui qui nous pousse à l’aimer toujours plus. Mais, quel est cet amour qui ne ressent pas la nécessité de parler de l’être aimé, de le montrer, de le faire connaître ? Si nous ne ressentons pas l’intense désir de le communiquer, il est nécessaire de prendre le temps de lui demander dans la prière qu’il vienne nous séduire » (n° 264).

     

    Apostolat d’amitié.

    Le préalable consiste donc à gagner peu à peu l’amitié de l’autre, de celui que l’on se propose de rapprocher de Dieu. C’est bien ce que nous voyons notre Seigneur pratiquer. Nous le voyons chez des ais ou des connaissances, en visite ou pour partager une repas : chez Pierre à Capharnaüm, dans la maison de Lévi, le futur Matthieu, après son appel à le suivre ; chez Simon le pharisien, ou dans la maison de Zachée, chez qui il s’invite lui-même : « Zachée descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. »

    Il est invité aux noces qui se déroulent à Cana, ou bien prend le temps de s’occuper de ses seuls disciples, « se retirant avec [eux] au bord de la mer », désireux qu’ils se reposent un peu. Ou encore, il se rend relativement fréquemment à Béthanie chez Marthe, Marie et Lazare. Quand celui-ci tombe malade, ses sœurs envoient un messager avertir le rabbi de Nazareth que « celui que tu aimes est malade ».

     

    Apostolat de confidence

    L’amitié facilite la confidence, et permet ainsi l’apostolat de la doctrine, de rapprocher de Dieu ces âmes, ces amis dont nous voulons le bien.

    Nous le voyons clairement à Béthanie. La confiance née de l’amitié permet à chacun de s’exprimer en toute confiance. Marthe, voulant que tout soit prêt à temps et quelque peu débordée par l’arrivée inopinée du Seigneur et de ses disciples, s’impatiente de voir que sa sœur ne l’aide pas pour le service mais reste aux pieds de Jésus à l’écouter. Elle finit par exploser et s’adresser à Jésus avec véhémence : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur me laisse faire seule le service ? » Il est très beau de voir cette confiance.

    Elle se manifeste encore au moment de la mort de Lazare. Lorsque Jésus se présente enfin à Béthanie, Marthe lui dit : « Seigneur, si avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Quelques instants plus tard, Marie lui dit exactement la même chose.

    L’amitié est importante : elle permet de partager les joies et les peines, de demander conseil, de se faire aider, d’être réconforté dans l’épreuve. Elle autorise d’aborder les sujets essentiels de la vie : la prière, la fréquentation des sacrements, à commencer par la confession, si nécessaire pour le développement de la vie spirituelle, pour ne pas être coupé de Dieu. Elle donne autorité pour faire remarquer à l’autre ses erreurs, quitte à ce qu’il réagisse mal dans un premier temps. mais, l’amitié reprenant vite le dessus, l’intéressé témoigne de sa reconnaissance.

    L’amitié possède une valeur intrinsèque, parce qu’elle traduit une préoccupation réelle pour l’autre. L’actuel prélat de l’Opus Dei, Mgr Ocariz, écrit à ce sujet que « l’amitié elle-même est apostolat. L’amitié elle-même est un dialogue dans lequel nous donnons et nous recevons de la lumière ; dans lequel des projets surgissent, alors que l’on s’ouvre mutuellement des horizons ; dans lequel nous nous réjouissons de ce qui est bon et nous nous soutenons dans ce qui est difficile ; dans lequel enfin nous nous sentons bien, parce que Dieu nous veut heureux ».

    « L’apostolat que chacun doit exercer personnellement, nous dit encore le concile, et qui découle toujours d’une vie vraiment chrétienne est le principe et la condition de tout apostolat des laïcs, […] et rien ne peut le remplacer ». Cet apostolat individuel, d’ami à ami, de personne à personne, « est toujours et partout fécond, poursuit ce texte ; il est en certaines circonstances le seul adapté et le seul possible. Tous les laïcs y sont appelés et en ont le devoir, quelle que soit leur condition, même s’ils n’ont pas l’occasion ou la possibilité de collaborer dans des mouvements » (AA, n° 16).

    Ce qui sera le cas la plupart du temps. En tout cas cette collaboration à des mouvements est même impensable dans le cas, le plus général, que nous avons présenté d’apostolat d’amitié et de confidence. Les engagements du baptême suffisent largement à l’assumer.

  • La mission évangélisatrice des laïcs (1)

    Une de mes collègues canonistes, italienne, a écrit dans un article fleuve : Le Tourneau dit que la vocation chrétienne est vocation à la sainteté et à l’apostolat. Elle n’avait apparemment pas lu les textes du concile Vatican II, ou avait oublié ce qui y est pourtant proclamé explicitement dans le décret sur l’apostolat des laïcs : « La vocation chrétienne est aussi par nature vocation à l’apostolat. »

    Faut-il rappeler qu’un concile œcuménique est la réunion de l’ensemble des évêques de l’Église catholique, sous la présidence du Pontife romain ou de son représentant ? Le premier concile du Vatican s’était réuni en 1870 et avait dû s’interrompre par suite de la défaite, l’année suivante, de la France amputée alors de l’Alsace et de la Lorraine. Le deuxième concile du Vatican a été convoqué par saint Jean XXIII, en 1962, et mené à son terme, en 1965, par saint Paul VI. Il comptait 2400 évêques. Ceux-ci sont aujourd’hui au nombre de plus de 5300. C’est dire le dynamisme de la croissance de l’Église dans le monde.

    Donc ce n’est pas Le Tourneau qui déclare que la recherche de la sainteté et la pratique de l’apostolat, ou de l’évangélisation, comme l’on préfère dire de nos jours, sont les deux facettes de la vocation chrétienne dans le monde. C’est l’Église elle-même, Mater et Magistra, Mère et Maîtresse, comme saint Jean XXIII intitulait une de ses encycliques, c’est l’Église qui nous l’enseigne.

    Le code de droit canonique, qui formule en termes juridiques l’enseignement du concile Vatican II, présente un catalogue de droits et de devoirs fondamentaux des fidèles et des laïcs. Mentionnons les canons 210 et 211.

    Il est affirmé tout d’abord que « tous les fidèles doivent, chacun selon la condition propre, s’efforcer de mener une vie sainte et de promouvoir la croissance de la sanctification continuelle de l’Église ». Nous trouvons bien ici la double dimension de sainteté personnelle pour contribuer à l’expansion de l’Église dans le monde.

    L’autre canon énonce le principe selon lequel « tous les fidèles ont le devoir et le droit de travailler à ce que le message divin du salut atteigne sans cesse davantage tous les hommes de tous les temps et de tout l’univers ».

    Le pape Benoît XVI se demandait : « Pourquoi ne laissons-nous pas en paix les hommes adhérant à d’autres convictions ? Ils ont leur authenticité, leur vérité. Nous avons la nôtre. Coexistons donc pacifiquement, en laissant à chacun le soin de rechercher son authenticité selon les voies qu’il juge opportunes. » Mais l’authenticité de l’homme ne réside-t-elle pas précisément dans la communion avec le Christ ? Dès lors, si nous avons trouvé le Seigneur et s’il est pour nous la lumière et la joie de notre vie, n’est-ce pas notre devoir de proposer à tous cette réalité essentielle ? […] Nous ne faisons de tort à personne en montrant le Christ et en offrant à tout homme la possibilité de découvrir ainsi sa véritable authenticité, et de goûter la joie d’avoir trouvé la vie[1]. »

    Non seulement nous ne leur causons nul tort, mais nous essayons de leur faire découvrir le seul vrai Bien, le seul qui corresponde à leur aspiration au bonheur : notre Dieu d’Amour.

    Évangéliser est donc non seulement un droit, mais aussi un devoir. Ce n’est pas une tâche réservée à quelques individus, les prêtres, par exemple, ou les catéchistes. Cela concerne tous les baptisés, qui auront un jour à rendre compte à Dieu de leur annonce de la Bonne Nouvelle.

     

    La dimension apostolique de la vie du laïc

    Cela nous permet de poursuivre notre réflexion en abordant l’aspect apostolique, évangélisateur, de la mission du laïc au sein de la société humaine. Votre apostolat, à vous laïcs, est particulièrement important. Car vous êtes amenés à le réaliser sur le tas, au bureau, à l’usine, à l’atelier, en des lieux auxquels bien souvent le prêtre n’a pas accès, voire où sa présence n’est pas admise.

    C’est ce que la constitution dogmatique sur l’Église précise : « L’apostolat des laïcs est une participation à la mission salutaire elle-même de l’Église ; à cet apostolat, tous sont députés par le Seigneur lui-même en vertu du baptême et de la confirmation. […] Les laïcs sont appelés tout spécialement à assurer la présence et l’action de l’Église dans les lieux et les circonstances où elles ne peuvent devenir autrement que par eux le sel de la terre. »

    Soit dit en passant, le sacrement de la confirmation fait partie de l’initiation chrétienne. Ce qui veut dire qu’un baptisé qui n’a pas été confirmé n’est pas un chrétien adulte. Il lui manque l’aide et la présence agissante de l’Esprit Saint. De fait, « pour l’exercice de cet apostolat [dont nous parlons ici], le Saint-Esprit qui sanctifie le peuple de Dieu par les sacrements et le ministère accorde en outre aux fidèles des dons particuliers […] en vue de l’édification du Corps tout entier dans la charité » (AA, n° 3).

    Dans une lettre remarquable adressée aux jeunes, lors de la première Journée mondiale de la jeunesse, intitulée Dilecti amici, chers amis, le saint pape slave écrivait : « C’est de diverses manières que l’on peut devenir imitateur du Christ, c’est-à-dire non seulement en donnant un témoignage du Règne eschatologique de vérité et d’amour, mais aussi en s’employant à réaliser la transformation de toute la réalité temporelle selon l’esprit de l’Évangile. Et c’est là que l’apostolat des laïcs trouve aussi son point de départ, lui qui est inséparable de l’essence même de la vocation chrétienne. » Le pape réaffirme ici l’unicité de la vocation chrétienne dans sa double dimension de sainteté et d’évangélisation, en même temps qu’il insiste sur l’annonce de la foi dans les milieux où chacun agit, afin de les transformer selon l’Évangile de Jésus-Christ, source de liberté.

    Comme saint Jean-Paul II le faisait aussi remarquer, « le fruit de votre apostolat dépend également de la qualité de votre foi, de votre prière et de votre vie personnelle, familiale et professionnelle ». Nous en revenons à la nécessité de la cohérence de vie, évoquée voici deux semaines. La même constitution sur l’Église précisait à ce sujet que « les sacrements, surtout la sainte Eucharistie, communiquent et entretiennent cette charité envers Dieu et les hommes, qui est l’âme de tout apostolat ».

    N’oublions pas que nous ne sommes que des instruments entre les mains de Dieu, et que l’Esprit Saint accomplit l’essentiel, mais à partir de notre modeste contribution. Quelqu’un se promène avec un collègue. Comme ils passent devant une église, il lui dit qu’il a l’habitude de rendre visite tous les jours au Seigneur dans une église, et qu’il aimerait en profiter pour le faire. Il propose à son collègue de l’accompagner, mais celui-ci refuse et l’attend dehors.

    À sa sortie de l’église, le collègue, pour se moquer un peu de lui, lui demande : « Que t’a-t-il dit le Seigneur ? » Il lui a répond sur le champ : « Il m’a dit qu’il t’attendait. » Ils n’en ont plus parlé, mais le collègue en question n’arrivait pas à sortir de sa tête ce « Il m’a dit qu’il t’attendait… » et il est finalement allé voir un prêtre pour changer sa manière de vivre… C’est le travail de la grâce. Nous voyons la valeur de l’exemple, d’une vie de foi vécue avec naturel et sans respect humain. Qui n’a d’ailleurs pas lieu d’être.

    Saint Charles de Foucauld était bien conscient que « c’est à nous à être les successeurs des premiers apôtres, des premiers évangélistes. La parole est beaucoup, mais l’exemple, l’amour, la prière, sont mille fois plus. Donnons-leur l’exemple d’une vie parfaite, d’une vie supérieure et divine ; aimons-les de cet amour tout-puissant qui se fait aimer ; prions pour eux avec un cœur assez chaud pour leur attirer de Dieu une surabondance de grâces, et nous les convertirons infailliblement »[2].

    Comme sainte Teresa de Calcutta le reconnaissait, « il n’est pas possible de s’engager dans l’apostolat direct si l’on n’est pas une âme de prière. Soyons conscients d’être un avec le Christ, disait-elle, comme il était conscient d’être un avec le Père ; notre activité n’est véritablement apostolique que dans la mesure où nous le laissons travailler en nous et à travers nous avec sa puissance, son désir et son amour. Nous devons parvenir à la sainteté, non pas pour nous sentir en état de sainteté, mais pour que le Christ puisse pleinement vivre en nous »[3].

    Quant à saint Jean Chrysostome, dont l’éloquence, au IVe siècle, lui a valu d’être appelé saint Jean bouche d’or, il disait qu’« il n’y a rien de plus froid qu’un chrétien qui ne sauve pas les autres »[4], ou du moins cherche à les sauver en leur parlant de Dieu, de son bonheur d’être chrétien, de sa foi qui sauve et libère.

    Entretenir et fortifier progressivement nos liens d’amitié exige du temps, de l’attention, de la patience, parce que l’ami, ou le futur ami, n’est pas toujours présent au rendez-vous. Cela demande aussi de renoncer à ses préférences personnelles.

    Comme nous devrions être fiers de notre condition d’enfant de Dieu, de baptisé, d’ami de Dieu. C’est le résultat d’une décision de l’Amour fou de Dieu envers nous. Il ne pouvait rien nous arriver de plus beau et de plus merveilleux. La vie chrétienne vécue par amour de Dieu vaut vraiment la peine d’être vécue, et est source d’une joie profonde.

     

    [1] BENOÎT XVI, Discours à l’issue de la rencontre avec le clergé de Rome, 13 mai 2005.

    [2] Charles de Foucauld, Lettre du 28 novembre 1892, cité dans René Bazin, Charles de Foucauld, explorateur du Maroc, ermite au Sahara, Paris, Nouvelle Cité, nouvelle édition, 2003, p. 135.

    [3] Ste Mère Teresa de Calcutta, La joie du don, Paris, Le Seuil, « Livre de vie » n° 132, 1975, p. 70.

    [4] St Jean Chrysostome, In Acta apostolorum hom. 20, 4, PG 60, 162.

  • La nouvelle évangélisation

    COLLOQUE

    le dimanche 14 octobre 2012  à 15 heures

     

     

    Salle Rossini

    Eglise Notre-Dame de Grâce de Passy

    8bis, Rue de l’Annonciation – Paris 16ème

     

     

    La Nouvelle Evangélisation

     

     

    avec la participation de

     

     

    Père François BROSSIER

    Exégète, Professeur Emérite de l’Institut catholique de Paris

    L’Interprétation de l’Ecriture Sainte dans l’Eglise

    de Pie XII à Benoît XVI

     

     

    Monseigneur Dominique LE TOURNEAU

    Prêtre, Professeur visitant à l’Université de Navarre

    Juge ecclésiastique et Ecrivain

    Evangéliser dans un monde paganisé

     

    Samuel PRUVOT

    Journaliste à « Famille Chrétienne »

    L’annonce de la Parole de Dieu

    dans la nouvelle évangélisation en France

     

    Conférence organisée par l’Association

    « Ecouter avec l’Eglise »

    - treomoric@orange.fr

  • Annoncer l'Evangile

    Caritas Christi urget nos (2 Corinthiens 5, 14) : c’est l’amour du Christ qui remplit nos cœurs et nous pousse à évangéliser. Aujourd’hui comme alors, il nous envoie par les routes du monde pour proclamer son Évangile à tous les peuples de la terre (cf. Matthieu 28, 19). Par son amour, Jésus-Christ attire à lui les hommes de toutes générations : en tous temps il convoque l’Église lui confiant l’annonce de l’Évangile, avec un mandat qui est toujours nouveau. C’est pourquoi aujourd’hui aussi un engagement ecclésial plus convaincu en faveur d’une nouvelle évangélisation pour redécouvrir la joie de croire et retrouver l’enthousiasme de communiquer la foi est nécessaire. L’engagement missionnaire des croyants, qui ne peut jamais manquer, puise force et vigueur dans la redécouverte quotidienne de son amour. En effet, la foi grandit quand elle est vécue comme expérience d’un amour reçu et quand elle est communiquée comme expérience de grâce et de joie. Elle rend fécond, parce qu’elle élargit le cœur dans l’espérance et permet d’offrir un témoignage capable d’engendrer : en effet elle ouvre le cœur et l’esprit de tous ceux qui écoutent à accueillir l’invitation du Seigneur à adhérer à sa Parole pour devenir ses disciples. Les croyants, atteste saint Augustin, « se fortifient en croyant.

    Benoît XVI, lettre apostolique La Porte de la foi, n° 7.

  • 19 fevrier : le besoin d'evangeliser

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    L'Église a besoin de personnes qui participent pleinement à sa mission d'évangéliser la paix. Le monde a besoin de chrétiens convaincus, loyaux, fiers de leur foi et capables de s'engager dans leur famille et dans les milieux de vie pour montrer avec leurs œuvres que le Christ n'est pas mort en vain pour nous et que la force de sa Résurrection purifie et transforme notre vie.

    Jean-Paul II, Homélie à la caserne romaine de la Cecchignola, 2 avril 1989.

     

     

  • 29 janvier : evangeliser au quotidien

    c2165c5f6573a366116515bd571df9dd.jpgJamais on ne consacrera assez de forces et de temps, de moyens et de soins, d'intelligence et de travail pour la plus importante de toutes les causes, à savoir pour procurer le salut éternel des hommes et, sur la terre, leur assurer une vie en rapport avec leur dignité, selon les commandements du Christ et l'enseignement de l'Église.

    Jean-Paul II, Lettre au Supérieur de la Société du divin Sauveur, 2 juillet 1989.

     

     

  • 28 janvier : etre saint

    dde85a6d62a06a8714ecf26343f15129.jpgÊtre saint veut dire chercher à penser comme le Christ pensait, vouloir comme le Christ voulait, parler comme le Christ parlait, travailler comme le Christ travaillait, être en somme un autre Christ (alter Christus), c'est-à-dire un témoin authentique du Christ et un vrai chrétien. La sainteté exige que nous nous posions toujours cette question : que ferait le Christ en ce moment à ma place ? »

    J. Albewicz, Vous serez mes témoins, Paris, 1990, p. 38.

     

     

  • 21 octobre : accueillir le Seigneur

    c6c3d26a94ee5f0c4c7456f6d2adb82e.jpg« Si, selon la chair, la mère du Christ est une, selon la foi, toutes les âmes engendrent le Christ ; chacune, en effet, accueille en elle le Verbe de Dieu » (saint Ambroise, Discours sur l'Évangile de saint Luc 2, 26-27). Ainsi le saint docteur, interprétant la parole de la Madone elle-même, nous invite à faire en sorte que dans notre âme et dans notre vie, le Seigneur trouve une demeure. Nous ne devons pas seulement le porter dans le cœur, mais nous devons l'apporter au monde, afin que nous aussi nous puissions engendrer le Christ pour notre temps.

    Benoît XVI, Angélus, 15 février 2006.