Mais comment réaliser cet apostolat qu’il vous appartient de faire ?
Le décret sur l’apostolat des laïcs précise que « les laïcs ont d’innombrables occasions d’exercer l’apostolat d’évangélisation et de sanctification. Le témoignage même de la vie chrétienne et les œuvres accomplies dans un esprit surnaturel sont puissants pour attirer les hommes à la foi et à Dieu ». Et d’ajouter que « cet apostolat cependant ne consiste pas dans le seul témoignage de la vie ; le véritable apôtre cherche les occasions d’annoncer le Christ par la parole, soit aux incroyants, pour les aider à cheminer vers la foi, soit aux fidèles pour les instruire, les fortifier, les inciter à une vie plus fervente, « car la charité du Christ nous presse ». Ce passage termine par un rappel : « Malheur à moi si je n’évangélise pas ! »
Nous pouvons penser qu’il est difficile de parler de Dieu. En réalité, cela correspond à un manque de foi et à la peur de réactions. Il nous arrive souvent d’agir en fonction du « qu’en dira-t-on, alors que ce qui devrait nous importer, c’est le « qu’en dira Dieu ». C’est autrement important.
Il n’y a donc pas lieu d’avoir peur de parler de Dieu. Nous devrions au contraire éprouver une sainte fierté d’avoir été choisi par Dieu pour être son enfant, notre reconnaissance pour se don précieux entre tous se manifestant dans l’ardeur à faire partager notre bonheur aux autres et à leur transmettre ce qui en est à l’origine : notre foi catholique. Il serait normal d’éprouver une sorte de complexe de supériorité. Je m’explique. Non en nous croyant supérieur aux autres, ce qui serait de l’orgueil. Mais en partant de la fierté d’être et de se sentir enfant de Dieu.
Saint Josémaria, fondateur de l’Opus Dei, que nous avons déjà rencontré l’autre jour, a forgé une expression pour qualifier l’action apostolique que tout un chacun est appelé à réaliser dans sa vie de tous les jours. Il parlait d’un « apostolat d’amitié et de confidence ».
« À travers les rapports individuels avec vos compagnons de profession ou de métier, avec vos parents, vos amis, vos voisins, disait-il, dans une tâche que j’ai souvent qualifié d’apostolat d’amitié et de confidence, vous secouerez leur engourdissement, vous ouvrirez de larges horizons à leur existence égoïste et embourgeoisée, vous leur compliquerez la vie, en faisant en sorte qu’ils s’oublient eux-mêmes et qu’ils comprennent les problèmes de ceux qui les entourent. Et soyez sûrs qu’en leur compliquant la vie, vous les menez – vous en avez l’expérience – au gaudium cum pace, à la joie et à la paix. »
Et le pape François d’attirer notre attention dans La joie de l’Évangile, sur le fait que « la première motivation pour évangéliser est l’amour de Jésus que nous avons reçu, l’expérience d’être sauvés par lui qui nous pousse à l’aimer toujours plus. Mais, quel est cet amour qui ne ressent pas la nécessité de parler de l’être aimé, de le montrer, de le faire connaître ? Si nous ne ressentons pas l’intense désir de le communiquer, il est nécessaire de prendre le temps de lui demander dans la prière qu’il vienne nous séduire » (n° 264).
Apostolat d’amitié.
Le préalable consiste donc à gagner peu à peu l’amitié de l’autre, de celui que l’on se propose de rapprocher de Dieu. C’est bien ce que nous voyons notre Seigneur pratiquer. Nous le voyons chez des ais ou des connaissances, en visite ou pour partager une repas : chez Pierre à Capharnaüm, dans la maison de Lévi, le futur Matthieu, après son appel à le suivre ; chez Simon le pharisien, ou dans la maison de Zachée, chez qui il s’invite lui-même : « Zachée descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison. »
Il est invité aux noces qui se déroulent à Cana, ou bien prend le temps de s’occuper de ses seuls disciples, « se retirant avec [eux] au bord de la mer », désireux qu’ils se reposent un peu. Ou encore, il se rend relativement fréquemment à Béthanie chez Marthe, Marie et Lazare. Quand celui-ci tombe malade, ses sœurs envoient un messager avertir le rabbi de Nazareth que « celui que tu aimes est malade ».
Apostolat de confidence
L’amitié facilite la confidence, et permet ainsi l’apostolat de la doctrine, de rapprocher de Dieu ces âmes, ces amis dont nous voulons le bien.
Nous le voyons clairement à Béthanie. La confiance née de l’amitié permet à chacun de s’exprimer en toute confiance. Marthe, voulant que tout soit prêt à temps et quelque peu débordée par l’arrivée inopinée du Seigneur et de ses disciples, s’impatiente de voir que sa sœur ne l’aide pas pour le service mais reste aux pieds de Jésus à l’écouter. Elle finit par exploser et s’adresser à Jésus avec véhémence : « Seigneur, cela ne te fait rien que ma sœur me laisse faire seule le service ? » Il est très beau de voir cette confiance.
Elle se manifeste encore au moment de la mort de Lazare. Lorsque Jésus se présente enfin à Béthanie, Marthe lui dit : « Seigneur, si avais été ici, mon frère ne serait pas mort. » Quelques instants plus tard, Marie lui dit exactement la même chose.
L’amitié est importante : elle permet de partager les joies et les peines, de demander conseil, de se faire aider, d’être réconforté dans l’épreuve. Elle autorise d’aborder les sujets essentiels de la vie : la prière, la fréquentation des sacrements, à commencer par la confession, si nécessaire pour le développement de la vie spirituelle, pour ne pas être coupé de Dieu. Elle donne autorité pour faire remarquer à l’autre ses erreurs, quitte à ce qu’il réagisse mal dans un premier temps. mais, l’amitié reprenant vite le dessus, l’intéressé témoigne de sa reconnaissance.
L’amitié possède une valeur intrinsèque, parce qu’elle traduit une préoccupation réelle pour l’autre. L’actuel prélat de l’Opus Dei, Mgr Ocariz, écrit à ce sujet que « l’amitié elle-même est apostolat. L’amitié elle-même est un dialogue dans lequel nous donnons et nous recevons de la lumière ; dans lequel des projets surgissent, alors que l’on s’ouvre mutuellement des horizons ; dans lequel nous nous réjouissons de ce qui est bon et nous nous soutenons dans ce qui est difficile ; dans lequel enfin nous nous sentons bien, parce que Dieu nous veut heureux ».
« L’apostolat que chacun doit exercer personnellement, nous dit encore le concile, et qui découle toujours d’une vie vraiment chrétienne est le principe et la condition de tout apostolat des laïcs, […] et rien ne peut le remplacer ». Cet apostolat individuel, d’ami à ami, de personne à personne, « est toujours et partout fécond, poursuit ce texte ; il est en certaines circonstances le seul adapté et le seul possible. Tous les laïcs y sont appelés et en ont le devoir, quelle que soit leur condition, même s’ils n’ont pas l’occasion ou la possibilité de collaborer dans des mouvements » (AA, n° 16).
Ce qui sera le cas la plupart du temps. En tout cas cette collaboration à des mouvements est même impensable dans le cas, le plus général, que nous avons présenté d’apostolat d’amitié et de confidence. Les engagements du baptême suffisent largement à l’assumer.