À lire les Actes de apôtres, on s'aperçoit qu'ils vont de surprise en surprise, sans cesse dépassés par les événements. Ils s'attendaient à être persécutés : le Christ le leur avait prédit. Mais non à ce que l'un de leurs persécuteurs les plus actifs devînt soudain leur soutien et auxiliaire le plus ardent : c'est pourtant ce qui arrive avec Saül de Tarse, devenu Paul. Ils s'attendaient à convertir la communauté juive au sein de laquelle ils prêchaient, mais non les païens qui s'adressent à eux et dont ils voient avec stupeur qu'eux aussi reçoivent l'Esprit-Saint ; c'est pourtant l'histoire de Corneille le centurion, un petit sous-officier de l'armée romaine en garnison à Césarée. Les apôtres iront ainsi d'imprévu en imprévu, de dépassement en dépassement. Ce sont des hommes simples pour la plupart, on le sait, pêcheurs de leur état, et non sans reproche. On imagine le regard que le Christ dut avoir sur les douze hommes au moment même où il les choisissait : le premier un renégat, le dernier un traître ; rien de très rassurant dans cette douzaine d'hommes inexplicablement choisis. Et cela va constituer un trait permanent de l'histoire de l'Église.
Régine Pernoud, Les saints au Moyen Âge. La sainteté d'hier est-elle pour aujourd'hui ? Paris, 1984, p. 34.