4. La remise en cause de la divinité du Christ et son affirmation par le magistère de l’Église
Précision terminologique : magistère, du latin magister, « maître ». Fonction d’enseignement de l’Église, qu’elle exerce en vertu du mandat reçu de son divin fondateur, Jésus-Christ, de prêcher la vérité à toutes les nations.
« Dès le troisième siècle, l’Église a dû affirmer contre Paul de Samosate, dans un concile [c’est-à-dire une réunion d’évêques ou de chefs d’Églises locales] que Jésus-Christ est Fils de dieu par nature et non par adoption. Le premier concile œcuménique [réunion des évêques représentant l’ensemble de l’Église] de Nicée, en 325, confessa dans son Credo que le fils de Dieu est « engendré, non pas créé, de la même substance (homousios) que le Père » et condamna Arius qui affirmait que « le Fils de Dieu est sorti du néant » et d’une autre substance que le Père » (Catéchisme de l’Église catholique)
Plus tard, Nestorius (vers 380-vers 451) voit dans le Christ une personne humaine conjointe à la personne divine du Fils de Dieu. Cette nouvelle hérésie est combattue par saint Cyrille d’Alexandrie (vers 376-444) et condamnée par le troisième concile œcuménique, réuni à Éphèse en 431. Il affirme que « le Verbe, en s’unissant dans sa personne une chair animée par une âme rationnelle, est devenu homme ».
« L’humanité du Christ n’a d’autre sujet que la personne divine du Fils de Dieu qui l’a assumée et faite sienne dès sa conception. »
C’est pourquoi le même concile d’Éphèse a proclamé que la Vierge Marie est en toute vérité theotokos, la Mère de Dieu par la conception humaine du Fils de Dieu en son sein : « Mère de Dieu, non parce que le Verbe de Dieu a tiré d’elle sa nature divine, maistrance que c’est d’elle qu’il tient le corps sacré doté d’une âme rationnelle, uni auquel en sa personne le Verbe est dit naître selon la chair » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 466).
Une nouvelle hérésie allait surgir : le monophysisme, du grec monos « un seul » et phusis « nature ». Elle est développée par Eutychès (378- après 454), pour qui « la nature humaine avait cessé d’exister comme telle dans le Christ en étant assumée par sa personne divine de Fils de Dieu » (Catéchisme de l'Église catholique, n° 467). En 451, le concile de Chalcédoine, quatrième concile œcuménique, l’a condamnée en enseignant qu’il y avait deux natures en Jésus, la divine et l’humaine, « sans confusion, sans changement, sans division, et sans séparation. La différence des natures n’est nullement supprimée par leur union, mais plutôt les propriétés de chacune sont sauvegardées et réunies en une seule personne et une seule hypostase ».
Cette définition ne devait pas calmer tous les esprits. Il s’en trouva encore, après Chalcédoine, pour faire de la nature humaine du Christ une sorte de sujet personnel. Il revint au deuxième concile de Constantinople (cinquième concile œcuménique), réuni en 553, de proclamer qu’il « n’y a qu’une seule hypostase [ou personne], qui est notre seigneur Jésus-Christ, un de la Trinité ». Résumant les enseignements conciliaires le Catéchisme de l’Église catholique (n° 468) affirme que « tout dans l’humanité du Christ doit donc être attribué à sa personne divine comme à son sujet propre, non seulement les miracles mais aussi les souffrances et même la mort : « Celui qui a été crucifié dans la chair, notre seigneur Jésus-Christ, est vrai Dieu, Seigneur de la gloire et Un de la Sainte Trinité » (IIème concile de Constantinople, en 553).
Dans son enseignement, l’Église se sert de notions qu’elle empreinte à la philosophie — substance, nature, hypostase ou personne — pour préciser la réalité de Dieu et, en lui, de Jésus-Christ, à la fois, nous l’avons dit, vrai dieu et vrai homme. On appelle union hypostatique cette union de la nature divine et de la nature humaine, dans l’unité de la personne, ou hypostase, du Christ, chaque nature conservant ses caractéristiques propres. L’union hypostatique de la nature humaine du Christ avec le Logos ou « Verbe » divin se produit au moment de la conception du Fils de Dieu dans le sein de la Vierge Marie. Elle ne s’est pas interrompue avec la mort du Christ sur la Croix : son âme seule s’est séparée de son corps, la divinité ne se séparant pas de l’humanité du Seigneur.
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La divinité de Jésus
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Jésus est Dieu
3. D’une façon implicite, Jésus-Christ lui-même a déclaré être Dieu et il l’a montré dans les faits. Par exemple : « Le Père et moi, nous sommes un » (Jean 10, 30). « Qui m’a vu a vu le Père » (Jean 14, 9). Lors de son procès, à la question « Es-tu le Christ, le Fils du Béni ? » il affirme sans détour : « Je le suis, et vous verrez le Fils l’homme siéger à la droite de la Puissance et venir avec les nuées du ciel » (Marc 14, 61-62). Semblable affirmation sera retenue contre lui pour le mettre à mort comme blasphémateur (voir Mac 14, 64).
Fils Unique de Dieu, de la même nature que le Père, et il a manifesté sa divinité par sa vie, sa doctrine et ses miracles, surtout par sa glorieuse Résurrection. Cette dernière sera étudiée ultérieurement.
Quant à la doctrine et aux miracles, ils suscitent l’admiration des foules : « Il a tout fait à la perfection » (Marc 7, 37), il donnait son enseignement « en homme qui détient l’autorité, et non comme les scribes » (Matthieu 7, 29). Les Évangiles apportent de nombreux témoignages en ce sens. Il est question, par exemple, du pouvoir de Jésus sur la nature : « Il lança au vent un ordre impératif et dit à la mer : « Tais-toi. Fais silence ! » Et le vent tomba, et il se fit un grand calme » (Marc 4, 39).
Jésus possède le pouvoir de guérir les différentes maladies : « La ville entière se trouvait rassemblée auprès de la porte. Il guérit beaucoup de gens qui souffraient de maux divers » (Marc 1, 33-34). Il commande aux esprits impurs : « Il chassa beaucoup de démons » (Marc 1, 34).
Il a même la maîtrise de la mort, faisant revenir des défunts à la vie : la fille de Jaïre (voir Matthieu 9, 18-25), le fils de la veuve de Naïm (voir Luc 7, 11-17), son ami Lazare (voir Jean 11, 1-45).
Jésus est conscient de jouer un rôle particulier et d’accomplir les prophéties de l’Ancien Testament, qui le concernent effectivement. Il dit un jour à ses apôtres : « Voici que nous montons à Jérusalem. Le Fils de l’homme sera livré aux grands prêtres et aux scribes. Ils le condamneront à mort, et ils le livreront aux païens, et ils le bafoueront, et ils cracheront sur lui, et ils le flagelleront, et ils le mettront à mort, et trois jours après il relèvera d’entre les morts » (Marc 10, 33-34). Cette annonce renvoie à ce que disait le prophète Isaïe 52, 13-53, 12.
Jésus sait que ces paroles sont des paroles de vie éternelle : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » (Matthieu 24, 35). Pour le croyant, il est logique qu’il en soit ainsi, car le Christ est la Parole éternelle du Père, il est le Verbe fait chair. C’est pourquoi il peut affirmer : « C’est moi la Voie, la Vérité et la Vie. Personne ne va au Père que par moi » (Jean 14, 6). Pour être sauvé, c’est-à-dire pour parvenir au bonheur éternel du ciel, il faut donc passer par lui : « C’est moi qui suis la porte : celui qui entrera par moi sera sauvé » (Jean 10, 9). D’où la nécessité de le suivre pour atteindre le salut, en se détachant des choses de la terre : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, mais qui perdra sa vie à causée moi et du Bon message la sauvera » (Marc 8, 34-35). Vraiment, « jamais homme n’a parlé comme cet homme » (Jean 7, 46) et n’a pu présenter de telles exigences.
Nous avons là le caractère tout à fait singulier de la religion chrétienne. Jésus-Christ n’est pas en partie Dieu et en partie homme, ni un mélange des deux. Il s’est fait vraiment homme tout en restant vraiment Dieu. L’Église a dû défendre cette vérité de foi et la clarifier au cours des premiers siècles face à des hérésies qui la falsifiaient. L’hérésie, du grec haireô « choisir » et hairesis « choix », « préférence », étant un choix opéré parmi les vérités révélées, ou une « négation obstinée, après la réception du baptême, d’une vérité qui doit être crue de foi divine et catholique, ou le doute obstiné sur cette vérité » (Code de droit canonique, canon 751).
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La Résurrection du Christ
20. Jésus-Christ est ressuscité le troisième jour d’entre les morts
Le troisième jour après sa mort Jésus ressuscita avec le même Corps qui avait été enseveli. Son âme se réunit alors à son corps.
La Résurrection du Seigneur est une vérité de foi et le fondement de notre foi : « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre foi » (1 Corinthiens 15, 17). C’est « la vérité culminante de notre foi dans le Christ,crue et vécue comme vérité centrale par la première communauté chrétienne, transmise comme fondamentale par la Tradition, établie par les documents du Nouveau Testament, prêchée comme partie essentielle du mystère pascal en même temps que la Croix » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 638).
— La Résurrection, prophétisée dans l’Ancien Testament et par le Christ lui-même, est enseignée en toute certitude par les apôtres et attestée unanimement par la Sainte Écriture et la Tradition ; c'est un article de foi contenu dans le Credo ou « symbole de la foi ».
— Nous savons avec une certitude historique entière que le Nouveau Testament contient fidèlement la prédication des apôtres dès le début ; tous ont prêché la Résurrection du Christ comme vérité fondamentale. Saint Paul affirme : « Je vous ai donc transmis ce que j’avais moi-même reçu, à savoir que le Christ est mort pour nos péchés selon les Écritures, qu’il a été mis au tombeau, qu’il est ressuscité le troisième jour selon les Écritures, qu’il est apparu à Céphas [saint Pierre], puis aux Douze » (1 Corinthiens 15, 3-4). Il est humainement impossible que les apôtres aient inventé ce qu’ils enseignaient ou qu’ils se soient trompés eux-mêmes et qu’ils aient trompé les autres sur ce fait historique alors que, comme l’attestent les récits du dimanche de Pâques, ils semblent être les seuls à ne pas croire aux dires des saintes femmes affirmant qu’il leur est apparu.
— Ce fait historique est prouvé avec plus de garanties que l’immense majorité des faits historiques que nous admettons tous fermement. Cependant, on perçoit dans le miracle une réalité mystérieuse et inexplicable, qui dépasse les forces de la raison.
— Pour comprendre la vérité de la Résurrection telle que l’Église l’enseigne, il faut le don surnaturel de la foi, sans lequel l’intelligence humaine est incapable d’accéder à la connaissance de telles vérités qui se situent au-delà du rationnel, même si, comme les vérités de foi, elles peuvent être comprises, partiellement du moins, par la raison et être expliquées.
La Résurrection du Christ se différencie d’autres résurrections — comme celles de Lazare, du fils de la veuve de Naïm, etc. — en ceci que :
— le Christ ressuscite par son propre pouvoir, c’est-à-dire par le pouvoir infini de sa divinité ;
— le Christ ressuscite pour ne plus mourir ;
— le Christ ressuscite déjà avec son Corps glorieux le troisième jour après sa mort (la résurrection glorieuse des saints se fera à la fin du monde).
La Résurrection :
— exalte le Christ après son humiliation de la Croix ;
— confirme la vérité de sa divinité : la Résurrection fut, parmi ses prophéties, celle qui apporte la plus grande preuve de sa propre divinité. Il avait dit : « Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez que Je suis » (Jean 8, 28). Moyennant quoi, saint Paul pourra affirmer : « La promesse faite à nos pères ,Dieu l’a accomplie en notre faveur […] : il a ressuscité Jésus, ainsi qu’il est écrit au psaume second : « Tu es mon Fils, moi-même c’est aujourd’hui que je t’ai engendré » (Actes 13, 32-33).
— donne la certitude que nous avons été rachetés et l’espérance en notre propre résurrection. Le Christ est le « premier-né d’entre les morts » (Colossiens 1, 18), qui nous donne accès à une nouvelle vie : dès maintenant pour la justification de notre âme, qui nous rend la grâce de Dieu ; et après par notre résurrection future. La Résurrection du Christ est « principe et source de notre résurrection future » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 655). « Le Christ est ressuscité des morts, prémices de ceux qui se sont endormis […] de même que tous meurent en Adam, tous aussi revivront dans le Christ » (1 Corinthiens 15, 20-22).
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Jésus mis au tombeau
18. Jésus-Christ a été enseveli
a) Le corps du Christ a été enseveli dans un sépulcre neuf, non loin du lieu où on l’avait crucifié. La sépulture du Christ manifeste sa vraie mort. Dieu a prévu que le Christ connaisse la mort, c’est-à-dire la séparation de l’âme et du corps « pendant le temps compris entre le moment où il a expiré sur la Croix et le moment où il est ressuscité » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 624), au matin de Pâques.
b) Durant le temps que le Christ est resté au tombeau aussi bien son âme que son corps, séparés entre eux par la mort, sont restés unis à la Personne divine. « Puisque le « Prince de la vie » qu’on a mis à mort (Actes 3, 15) est bien le même que le « Vivant qui est ressuscité »(Lc 24, 5-6), il faut que la Personne divine du Fils de Dieu ait continué d’assumer son âme et son corps séparés entre eux par la mort » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 626).
c) Le Corps du Christ n’a pas souffert la corruption à cause de l’union qu’il a gardée avec la Personne du Fils. Nous pouvons dire du Christ tout à la fois qu’il « a été retranché la terre des vivants » (Isaïe 53, 8) et, comme saint Pierre le proclame le jour de la Pentecôte : « Ma chair reposera dans l’espérance que tu n’abandonneras pas mon âme aux enfers et ne laisseras pas ton saint voir la corruption » (Actes 2, 26-27), affirmation qui est un écho du Psaume 16, 9-10. En raison de la « communication des idiomes, du grec idios « ce qui est propre à un sujet », le Christ ne peut connaître la corruption. Cette « communication des idiomes » est le fait que dans l'unique Personne de Jésus-Christ, le Verbe de Dieu, se trouvent unies la nature divine et la nature humaine, en raison de l'Incarnation (c'est l'union hypostatique, dont nous avons parlé prédédemment). Les propriétés appartenant en propre à chacune des natures peuvent être attribuées à l'unique sujet Jésus-Christ
d) La réalité du séjour du Christ dans le tombeau — le Saint Sépulcre — constitue le lien entre l’état passible du Seigneur avant sa Pâques et l’état glorieux dans lequel il se trouve désormais. Il est le Vivant qui peut déclarer en toute vérité : « J’ai été mort et me voici vivant pour les siècles des siècles » (Apocalypse 1, 18).
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La deuxième venue de Jésus
22. La seconde venue du Seigneur
Le septième article du Credo, le dernier à porter sur le Christ, confesse : « D’où [du ciel] il reviendra juger les vivants et les morts ». C’est ce que l’on appelle la « seconde venue du Seigneur ».
Le Christ Seigneur est Roi de l’univers, mais toutes les choses de ce monde ne lui sont pas encore soumises : « Quand toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils de l’homme lui-même soumettra à Celui qui lui a soumis toutes les choses, afin que Dieu soit tout en tous » (1 Corinthiens 15, 28). Le triomphe du Royaume aura lieu à la fin des temps, quand le Christ reviendra visiblement dans le monde « avec beaucoup de puissance et de gloire » (Luc 21, 27).
Cette deuxième venue du Christ est appelée parousie, mot grec signifiant « venue », « présence », « manifestation ». Jésus l’a lui-même annoncé : « […] le Fils de l’homme doit venir dans la gloire de son Père, avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon sa conduite » (Matthieu 16, 27).
Avant cette seconde venue, aura lieu un dernier assaut du diable avec de grandes calamités et d’autres signes, comme Jésus l’a explicitement annoncé : « Aussitôt après ce temps de tribulations, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa clarté, les astres tomberont du ciel et les puissances des cieux seront ébranlées. C’est alors qu’apparaître dans le ciel le signe du Fils de l’homme » (Matthieu 24, 29-30).
À ses disciples qui l’interrogent, Jésus répond : « Ce n’est pas à vous de connaître le jour et l’heure que le Père a fixés de sa propre autorité » (Actes 1, 7). Il s’est toujours refusé à préciser davantage, car « quant à ce jour-là et à cette heure-là, nul n’en sait rien, pas même les anges des cieux : il n’y a que le Père qui le sache, lui seul » (Matthieu 24, 36).
Cette seconde venue est définitive et soudaine, fulgurante : « Tout comme l’éclair part du levant pour briller jusqu’au couchant, ainsi sera l’événement du Fils de l’homme » (Matthieu 24, 27). L’Église s’oppose à toutes les théories millénaristes, c’est-à-dire la croyance, née en milieu judéo-chrétien, selon laquelle, par une interprétation littérale d’Apocalypse 20, 3-6, le Christ devait revenir sur terre et régner pendant mille ans, avant de procéder au Jugement dernier. Le millénarisme s’appuie également sur les « semaines de Daniel » (Daniel 9, 24). Après les trois premiers siècles, il revient en force au Moyen Âge, lors de la Réforme, ou encore au XXe siècle. Il se retrouve dans une foule de mouvements et sectes : adventisme, anabaptisme, hussitisme, joachimisme, labadisme, spirituels, etc.
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L'existence historique de Jésus
2. L’existence historique du Christ est une vérité de foi pour les chrétiens. C’est aussi un fait facilement vérifiable. Jésus-Christ est né, a vécu et est mort à un moment historique précis. Dans son Évangile, saint Luc précise le cadre historique de la naissance de Jésus :
« En ce temps-là parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant le recensement de tout l’univers. Le premier recensement se fit pendant que Quirinius était gouverneur de Syrie. Et tout le monde allait se faire recenser, chacun dans sa propre ville. Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth, en Judée, à la ville de David qui s’appelle Bethléem, parce qu’i était de la maison et de la lignée de David : il avait à se faire recenser avec Marie, son épouse, qui retrouvait enceinte. Or, pendant qu’ils étaient là, le temps où elle devait enfanter étant venu, elle mit au monde son fils premier-né, l’emmaillota et le coucha dans une crèche, parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie » (Luc 2, 1-7).
Il convient d’apporter ici une précision sur l’expression « premier-né ». Dans la Bible, cette expression désigne le premier enfant, même si d’autres enfants naissent ou non du même mariage (voir, par exemple, Exode 13, 2 ; Nombres 15, 8). L’usage profane est identique : une inscription datant de l’époque de la naissance du Christ, retrouvée près de Tell-el-Jeduieh en Égypte, indique qu’une certaine Arsinoé est morte « dans les douleurs de l’enfantement de son fils premier-né ». Quand saint Luc écrit, comme nous venons de le voir, que la Vierge « enfanta son fils premier-né », il suit cet usage, sans laisser entendre que Marie a eu d’autres enfants, ce qui serait contraire à la foi et à la tradition catholiques. Marie garde une perpétuelle virginité. D’autre part, ceux qui sont appelés « frères et sœurs de Jésus » dans l’Évangile (voir Matthieu 13, 55-56) sont en réalité ses cousins, car l’hébreu et l’araméen n’ont pas de termes distincts pour désigner les différents degrés de parenté. C’est pourquoi il est question, à plusieurs reprises, dans les Évangiles des frères et des sœurs de Jésus pour désigner en réalité ses cousins et cousines, qui font partie de la « sainte parenté ». Par exemple, Jacques et Joseph sont cités dans Marc 6, 3 comme des frères de Jésus, alors qu’ils sont les fils de Marie de Cléophas, selon Marc 15, 40. Cette expression, dont on trouve d’autres utilisations dans l’Ancien Testament (par exemple, Lot est appelé frère d’Abraham dans Genèse 14, 14, alors qu’il est son neveu, d’après Genèse 12, 5), ne s’oppose donc pas à la virginité perpétuelle de Marie,
Fermons la parenthèse. Pour reprendre le cadre historique, nous savons que Jésus est arrêté et condamné à mort alors que Caïphe est le grand prêtre des Juifs et que Ponce Pilate est le gouverneur romain.
Il s’agit donc d’un personnage historiquement repérable, dont saint Jean pourra dire : « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nous avons touché de nos mains, pour ce qui est du Verbe de vie […] nous vous l’annonçons à vous aussi » (1 Jean 1, 1-3).
Les écrivains profanes mentionnent, bien que brièvement, l’existence du Christ. C’est le cas des historiens Flavius Josèphe dans ses Antiquités judaïques, et Tacite dans ses Annales. Suétone y fait allusion dans sa biographie de l’empereur Claude, ainsi que Pline le Jeune, gouverneur de Bithynie (voir Jean-Paul II, lettre apostolique À l'approche du troisième millénaire , 10 novembre 1994, n° 5).
Jésus-Christ est un Homme véritable : « Le Fils de Dieu a travaillé avec des mains d’homme, il a pensé avec une intelligence d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un de nous, en tout semblable à nous, hormis le péché » (concile Vatican II, constitution dogmatique Gaudium et spes, n° 22). Ce n’est ni un mythe ni une création des hommes. Quand il commence son ministère public (sa prédication et les miracles qui l’accompagnent), ses compatriotes de Nazareth se le rappellent comme « le fils du charpentier » (Matthieu 13, 55), ou simplement comme « le charpentier » (Marc 6, 3), c’est-à-dire qu’ils l’identifient par sa profession.
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Le Calvaire
17. Le sacrifice du Calvaire
Jésus-Christ a anticipé dans la dernière Cène l’offrande de sa vie, en instituant la très Sainte Eucharistie : « Ceci est mon corps qui va être donné pour vous » (Luc 22, 19). « Ceci est mon sang, le sang de l’alliance qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés » (Matthieu 26, 28).
L’Eucharistie est le « mémorial » de son sacrifice sur la Croix. Après avoir béni le pain, Jésus dit : « Faites ceci en souvenir de moi » (1 Corinthiens 11, 24). Pareillement, après avoir béni la coupe : « Faites cela, chaque fois que vous la boirez, en souvenir de moi » (1 Corinthiens, 11, 25).
Jésus-Christ a institué les apôtres prêtres en leur donnant ce commandement : « Faites ceci en mémoire de moi » (Luc 22, 19). Ils sont donc chargés de répéter les mêmes gestes et les mêmes paroles tout au long des siècles. « Quand l’Église célèbre l’Eucharistie, mémorial de la mort et de la résurrection de son Seigneur,cet événement central du salut est rendu réellement présent et ainsi s’opère l’œuvre de notre rédemption » (Jean-Paul II, encyclique (Ecclesia de Eucharistia) , n° 11).
Sur la Croix, le Christ s’est offert lui-même comme victime immaculée à Dieu le Père par l’entremise de l’Esprit Saint. Jésus-Christ, Prêtre et Victime en même temps, a réalisé un véritable sacrifice, car il a livré sa vie, en un acte d’amour et d’obéissance à la volonté du Père, et « s’est livré pour nous, s’offrant à Dieu en sacrifice d’agréable odeur » (Éphésiens 5, 2).
Le Sacrifice du Christ a « valeur de rédemption et de réparation, d’expiation et de satisfaction » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 616), car il nous rachète de l’esclavage du péché, répare (guérit) la maladie ou la chute du péché, expie ou souffre, à notre place, la peine du péché, et satisfait pour l’offense faite à Dieu (le péché) en nous réconciliant avec lui. Ce que l’homme ne pouvait pas faire, le Christ le pouvait : « Aucun homme, fût-il le plus saint, n’était en mesure de prendre sur lui les péchés de tous les hommes et de s’offrir en sacrifice pour tous. L’existence dans le Christ de la Personne divine du Fils, qui dépasse et, en même temps, embrasse toutes les personnes humaines, et qui le constitue Tête de toute l’humanité, rend possible son sacrifice rédempteur pour tous » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 616).
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Jésus-Christ est vraiment venu dans le monde
Je commence aujourd’hui une présentation argumentée de la personne de Jésus-Christ.
Les chrétiens affirment dans le Credo, ou profession de foi : [Je crois] « en Jésus-Christ, son Fils Unique, notre Seigneur ».
Je me propose ici d’expliquer sommairement qui est ce Jésus, ainsi déclaré Fils unique de Dieu le Père. J’ai déjà donné dans un précédent message, du 19 février, le sens des différents noms qui servent à désigner Jésus.
Aujourd’hui, je voudrais montrer que Jésus-Christ est à la fois vrai Dieu et vrai homme, comme le proclame une ancienne profession de foi, le « Symbole d’Athanase », qui remonte à la fin du Ve siècle.
À l’origine, le mot « symbole », du grec sumballein « qui réunit », signifiait la moitié d’un objet brisé, par exemple un sceau, que l’on présentait comme un signe de reconnaissance. Il désigne ensuite un recueil, une collection ou un sommaire, comme ici, un recueil ou résumée la foi (voir Catéchisme de l’Église catholique, n° 188).
1. Le Fils de Dieu est vraiment venu dans le monde
« Quand vint la plénitude du temps, Dieu envoya son fils né d’une femme » (Galates 4, 4). « Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous » (Jean 1, 14).
Le Christ « ne se limite pas à parler « au nom de Dieu » comme les prophètes, mais c'est Dieu même qui parle dans son Verbe éternel fait chair. Nous touchons ici le point essentiel qui différencie le christianisme des autres religions, dans lesquelles s'est exprimée dès le commencement la recherche de Dieu de la part de l'homme. Dans le christianisme, le point de départ, c'est l'Incarnation du Verbe. Ici, ce n'est plus seulement l'homme qui cherche Dieu, mais c'est Dieu qui vient en personne parler de lui-même à l'homme et lui montrer la voie qui lui permettra de l'atteindre. C'est ce que proclame le prologue de l'Évangile de Jean : « Nul n'a jamais vu Dieu ; le Fils unique, qui est tourné vers le sein du Père, lui l'a fait connaître » (1, 18). Le Verbe incarné est donc l'accomplissement de l'aspiration présente dans toutes les religions de l'humanité : cet accomplissement est l'œuvre de Dieu et il dépasse toute attente humaine. C'est un mystère de grâce » (Jean-Paul II, lettre apostolique (À l'approche du troisième millénaire) , 10 novembre 1994, n° 6).
C’est pourquoi il est inexact de dire que le christianisme est une « religion du Livre ». En effet, plus qu’une religion du Livre, le christianisme est la religion du Verbe, ou Parole de Dieu incarnée, qui vient attester en personne la réalité de Dieu, et révéler l’existence de la Sainte Trinité, Dieu unique en trois Personnes, en même temps que donner sa vie pour le salut du monde, pour délivrer les hommes des chaînes du péché.
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La mort du Christ
Dans le quatrième article du Credo, les baptisés affirment que Jésus-Christ « souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli ». Nous affirmons donc la Passion et la mort du Christ.
16. Jésus-Christ a souffert et est mort pour les péchés des hommes
En premier lieu, à cause du péché originel les hommes naissent esclaves du péché, du démon et de la mort, c’est-à-dire qu’ils sentent en eux une tendance au péché, ce que l’on appelle la concupiscence, du latin concupiscere « désirer ardemment ». L’homme se trouve privé de la sainteté et de la justice originelles, mais la nature humaine n’est pas totalement corrompue : elle est blessée dans ses propres forces naturelles, soumise à l’ignorance, à la souffrance et à l’empire de la mort, et encline au péché ; cette inclination au mal est appelée « concupiscence », ou, métaphoriquement, fomes peccati « foyer du péché ». Elle est laissée en l’homme pour qu’il puisse « lutter et résister avec courage par la grâce du Christ » (concile de Trente), par l’ascèse. « De même l’athlète ne reçoit la couronne dans la gloire céleste que s’il a lutté selon les règles » (2 Timothée 2, 5).
En second lieu, la Volonté du Père est que tous les hommes soient sauvés : Dieu notre Sauveur « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Timothée 2, 4). Par amour pour nous, Dieu le Père a livré son Fils Unique : « Voici en quoi est l’amour : ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu, c’est lui qui nous a aimés et qui a envoyé son Fils comme agent de propitiation pour nos péchés » (1 Jean 4, 10). Lorsque la plénitude des temps est arrivée, il a envoyé son Fils Unique pour qu'étant rachetés du péché, nous soyons constitués enfants de Dieu, participants de la vie divine de la Très Sainte Trinité : « Quand les temps furent accomplis, Dieu envoya son Fils né d’une femme, né sous la Loi, pour racheter ceux qui étaient sous la Loi, afin que nous recevions la qualité de fils » (Galates 4, 4-5).
Enfin nous confessons dans le Credo que Jésus-Christ, descendu du ciel « pour nous les hommes et pour notre salut », a été « crucifié pour nous ».
— Le péché est une désobéissance à la Volonté divine. Pour nous racheter le Christ s’est fait « obéissant jusqu’à la mort et à la mort sur une Croix » (Philippiens 2, 8). Le don de soi sur la Croix est la manifestation suprême de son obéissance à la volonté divine. « Ce désir d’épouser le dessein d’amour rédempteur de son Père anime toute la vie de Jésus, car sa passion rédemptrice est la raison d’être de son Incarnation : « Père, sauve-moi de cette heure ! Mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure » (Jean 12, 27) » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 607).
— La douleur et la mort étaient entrées dans le monde comme juste châtiment du péché. Le Christ les assume dans sa nature humaine pour obéir à la volonté du Père, et, de cette manière, il les a transformées en instruments de notre Rédemption. Leur valeur est infinie, car la vie du Christ était rien moins que la vie humaine du Fils de Dieu.
La passion et la mort du Christ ont été annoncées dans l’Ancien Testament. « Ils me lient les mains et les pieds… Ils partagent entre eux mes habits et ils tirent au sort ma tunique » (Ps 22, 17.19). « J’ai livré mes épaules à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe ; je n’ai pas dérobé mon visage aux outrages et aux crachats » (Isaïe 52, 6). « Maltraité, il s’inclinait et n’ouvrait pas la bouche ; tel l’agneau conduit à la boucherie, et la brebis muette devant les tondeurs, il n’ouvrait pas la bouche. […] On a mis avec les impies son sépulcre » (Isaïe 53, 7.9). « Condamnons-le à une mort honteuse » (Sg 2, 20).
(à suivre…) -
Le Christ Rédempteur
15. Toute la vie du Christ est rédemptrice
a) « Le Symbole ne parle, concernant la vie du Christ, que des mystères de l’Incarnation (conception et naissance) et de la Pâque (passion, crucifixion, mort, sépulture, descente aux enfers, résurrection, ascension). Il ne dit rien, explicitement, des mystères de la vie cachée et publique de Jésus, mais les articles de la foi concernant l’Incarnation et la Pâque de Jésus éclairent toute la vie terrestre du Christ » (Catéchisme de l'Eglise catholique, n° 512).
b) Toute la vie du Christ est rédemptrice, même les années de vie quotidienne en famille et de travail à Nazareth, qui ont une grande signification : elles nous montrent que nous pouvons nous sanctifier dans la vie de tous les jours, sans avoir à faire rien d’extraordinaire. Saint Josémaria, fondateur de l’Opus Dei, a proposé la sanctification dans la vie ordinaire, à l’imitation des trente années de « vie cachée » de Jésus : « J’ai en outre une faiblesse toute particulière pour ses trente ans de vie cachée à Bethléem, en Égypte et à Nazareth. Cette période, cette longue période, dont il est à peine question dans l’Évangile, semble dépourvue de signification particulière pour ceux qui l’envisagent de façon superficielle. Pourtant, j’ai toujours soutenu que ce silence sur la biographie du Maître est très éloquent, et qu’il renferme de merveilleux enseignements pour les chrétiens. Ce furent des années intenses de travail et de prière ; Jésus-Christ menait une existence ordinaire — semblable à la nôtre, si l’on veut — tout à la fois divine et humaine. Il accomplissait tout à la perfection, aussi bien dans l’atelier modeste et ignoré de l’artisan que, plus tard, en présence des foules » (saint Josémaria, (Amis de Dieu, n° 56).
Dans un discours prononcé à Nazareth, Paul VI devait déclarer que Nazareth est une école où nous apprenons le silence, la vie familiale et le sens du travail (5 janvier 1964).
(à suivre…)