Un jour, un jour viendra que, dans ta majesté,
Parmi tes chérubins en triomphe porté,
Tu jugeras le monde. À ta voix solennelle
Tes anges partiront de la voûte éternelle :
Soudain, des quatre points du monde épouvanté,
Tes élus accourront s'asseoir à tes côtés ;
Cités devant ton trône entouré de nuages,
Les vivants et les morts, tous les rangs, tous les âges,
Comparaîtront ensemble à ce grand tribunal ;
Les tombeaux entendront le terrible signal,
La mort rendra sa proie ; en un morne silence
Tous du juge suprême attendront la sentence ;
La foule des méchants rassasiera l'enfer :
Alors se fermeront ses cent portes de fer.
Les flammes à ta voix embraseront le monde ;
Mais bientôt renaîtront de sa cendre féconde
Des astres plus brillants, des mondes plus parfaits ;
Là, tes élus réunis sous mes yeux satisfaits,
Tranquilles dans leur port, sous un ciel sans nuages,
D'une vie inquiète oublieront les orages.
Et de leurs saints travaux retrouvant le trésor,
Dans les jardins du ciel cueilleront des fruits d'or,
L'allégresse, la paix et la vérité sainte.
J. Milton, Le Paradis perdu, L. III, trad. de Jacques Delille, Paris, 1805.