Partout dans le monde, les chrétiens se recueillent en ce jour pour célébrer la naissance — la Nativité — d’un enfant, Jésus de Nazareth, qui allait se révéler être le Messie annoncé par les prophètes d’Israël, Celui qui devait venir racheter son peuple de ses péchés. C’est la naissance de celui qui est Dieu lui-même, le Fils de Dieu, qui veut naître aussi dans l’âme des hommes et y régner, ainsi que la solennité du Christ-Roi l’a rappelé récemment. Nous pouvons parler de trois naissances : « La première et la plus sublime naissance est celle du fils unique engendré par le Père céleste dans l’essence divine, dans la distinction des personnes. La seconde naissance fêtée aujourd’hui est celle qui s’accomplit par une mère qui dans sa fécondité garda l’absolue pureté de sa virginale chasteté. La troisième est celle par laquelle Dieu, tous les jours et à toute heure, naît en vérité spirituellement, par la grâce et l’amour, dans une bonne âme. Telles sont les trois naissances qu’on célèbre aujourd’hui par trois messes » (Jean Tauler, Sermon pour la fête de Noël).
Cette naissance de Jésus n’est pas seulement un événement qui s’inscrit dans l’histoire de l’humanité, à un moment bien précis, il y a de cela deux mille ans environ. C’est une réalité dont l’efficacité se prolonge dans le temps et qui oriente l’homme vers l’éternité. Mais pour cela, l’homme doit se mettre à la recherche de Dieu. Dieu ne s’impose pas et, de fait, à Bethléem les portes se ferment devant Marie et Joseph en quête d’un logement. Pour que Jésus naisse dans l’âme tous les jours, l’homme doit le vouloir. « Le jour de Noël, nous lisons que les bergers de Bethléem, qui furent les premiers appelés à venir voir le nouveau-né de la crèche, « y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans la mangeoire » (Lc 2, 16).
Arrêtons-nous sur le mot « trouvèrent » qui exprime la recherche. Les bergers de Bethléem, qui se reposaient avec leurs troupeaux, ne savaient pas, en effet, que le temps était arrivé où se réaliserait ce qui depuis des siècles était annoncé par les prophètes de leur peuple, et que cela aurait lieu cette nuit-même, tout près d’eux. Quand ils sont sortis du sommeil où ils étaient plongés, ils ne savaient ni ce qui était arrivé ni où cela était arrivé. S’ils sont parvenus à la grotte, c’est après une recherche. Mais en même temps, ils avaient été conduits. Comme nous le lisons, ils avaient été guidés par une voix et une lumière. Et si nous remontons plus haut dans le passé, nous voyons qu’ils avaient été guidés par la tradition de leur peuple, par son attente. Nous savons qu’Israël avait obtenu la promesse du Messie. […]
Ils ont cherché où il pouvait être, et finalement ils l’ont trouvé. Et en même temps, chez saint Luc, le mot « trouver » exprime la dimension intérieure de ce qui s’est passé chez ces simples bergers de Bethléem la nuit de Noël. […]
Le mot « trouver » exprime une recherche.
L’homme est un être qui cherche. Toute son histoire le confirme. La vie de chacun de nous en témoigne aussi. […] Parmi tous les domaines où l’homme se révèle comme un être qui cherche, il en est un, plus profond, qui pénètre plus intimement dans l’humanité même de l’être humain et qui correspond le mieux au sens de toute la vie humaine.
L’homme est l’être qui cherche Dieu » (Jean-Paul II, Audience générale, 27 décembre 1978). Depuis Noël, nous savons comment combler cette quête et cette soif de Dieu.
Dominique Le Tourneau - Page 189
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Noël
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saint Jean(3)
Jean, le Voyant de Patmos
[…] Aujourd'hui, nous revenons encore une fois sur la figure de l'apôtre Jean, en prenant cette fois en considération le Voyant de l'Apocalypse. Et nous faisons immédiatement une observation : alors que ni le Quatrième Évangile, ni les Lettres attribuées à l'apôtre ne portent jamais son nom, l'Apocalypse fait référence au nom de Jean, à quatre reprises (cf. 1, 1.4.9 ; 22, 8). Il est évident que l'Auteur, d'une part, n'avait aucun motif pour taire son propre nom et, de l'autre, savait que ses premiers lecteurs pouvaient l'identifier avec précision. Nous savons par ailleurs que, déjà au IIIe siècle, les chercheurs discutaient sur la véritable identité anagraphique du Jean de l'Apocalypse. Quoi qu'il en soit, nous pourrions également l'appeler « le Voyant de Patmos », car sa figure est liée au nom de cette île de la mer Égée, où, selon son propre témoignage autobiographique, il se trouvait en déportation « à cause de la Parole de Dieu et du témoignage pour Jésus » (Apocalypse 1, 9). C'est précisément à Patmos, « le jour du Seigneur... inspiré par l'Esprit » (Apocalypse 1, 10), que Jean eut des visions grandioses et entendit des messages extraordinaires, qui influencèrent profondément l'histoire de l'Église et la culture occidentale tout entière. C'est par exemple à partir du titre de son livre — Apocalypse, Révélation — que furent introduites dans notre langage les paroles « apocalypse, apocalyptique », qui évoquent, bien que de manière inappropriée, l'idée d'une catastrophe imminente.
Le livre doit être compris dans le cadre de l'expérience dramatique des sept Églises d'Asie (Éphèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie, Laodicée), qui vers la fin du Ier siècle durent affronter des difficultés importantes — des persécutions et également des tensions internes — dans leur témoignage au Christ. Jean s'adresse à elles en faisant preuve d'une vive sensibilité pastorale à l'égard des chrétiens persécutés, qu'il exhorte à rester solides dans la foi et à ne pas s'identifier au monde païen si fort. Son objet est constitué en définitive par la révélation, à partir de la mort et de la résurrection du Christ, du sens de l'histoire humaine. La première vision fondamentale de Jean, en effet, concerne la figure de l'Agneau, qui est égorgé et pourtant se tient debout (cf. Apocalypse 5, 6), placé au milieu du trône où Dieu lui-même est déjà assis. À travers cela, Jean veut tout d'abord nous dire deux choses : la première est que Jésus, bien que tué par un acte de violence, au lieu de s'effondrer au sol, se tient paradoxalement bien fermement sur ses pieds, car à travers la résurrection, il a définitivement vaincu la mort; l'autre est que Jésus, précisément en tant que mort et ressuscité, participe désormais pleinement au pouvoir royal et salvifique du Père. Telle est la vision fondamentale. Jésus, le Fils de Dieu, est sur cette terre un agneau sans défense, blessé, mort. Toutefois, il se tient droit, il est debout, il se tient devant le trône de Dieu et participe du pouvoir divin. Il a entre ses mains l'histoire du monde. Et ainsi, le Voyant veut nous dire : Ayez confiance en Jésus, n'ayez pas peur des pouvoirs opposés, de la persécution ! L'Agneau blessé et mort vainc ! Suivez l'Agneau Jésus, confiez-vous à Jésus, prenez sa route! Même si dans ce monde, ce n'est qu'un Agneau qui apparaît faible, c'est Lui le vainqueur !
L'une des principales visions de l'Apocalypse a pour objet cet Agneau en train d'ouvrir un livre, auparavant fermé par sept sceaux que personne n'était en mesure de rompre. Jean est même présenté alors qu'il pleure, car l'on ne trouvait personne digne d'ouvrir le livre et de le lire (cf. Apocalypse 5, 4). L'histoire reste indéchiffrable, incompréhensible. Personne ne peut la lire. Ces pleurs de Jean devant le mystère de l'histoire si obscur expriment peut-être le sentiment des Églises asiatiques déconcertées par le silence de Dieu face aux persécutions auxquelles elles étaient exposées à cette époque. C'est un trouble dans lequel peut bien se refléter notre effroi face aux graves difficultés, incompréhensions et hostilités dont souffre également l'Église aujourd'hui dans diverses parties du monde. Ce sont des souffrances que l'Église ne mérite certainement pas, de même que Jésus ne mérita pas son supplice. Celles-ci révèlent cependant la méchanceté de l'homme, lorsqu'il s'abandonne à l'influence du mal, ainsi que le gouvernement supérieur des événements de la part de Dieu. Eh bien, seul l'Agneau immolé est en mesure d'ouvrir le livre scellé et d'en révéler le contenu, de donner un sens à cette histoire apparemment si souvent absurde. Lui seul peut en tirer les indications et les enseignements pour la vie des chrétiens, auxquels sa victoire sur la mort apporte l'annonce et la garantie de la victoire qu'ils obtiendront eux aussi sans aucun doute. Tout le langage fortement imagé que Jean utilise vise à offrir ce réconfort.
Au centre des visions que l'Apocalypse présente, se trouvent également celles très significatives de la Femme qui accouche d'un Fils, et la vision complémentaire du Dragon désormais tombé des cieux, mais encore très puissant. Cette Femme représente Marie, la Mère du Rédempteur, mais elle représente dans le même temps toute l'Eglise, le Peuple de Dieu de tous les temps, l'Église qui, à toutes les époques, avec une grande douleur, donne toujours à nouveau le jour au Christ. Et elle est toujours menacée par le pouvoir du Dragon. Elle apparaît sans défense, faible. Mais alors qu'elle est menacée, persécutée par le Dragon, elle est également protégée par le réconfort de Dieu. Et à la fin, cette Femme l'emporte. Ce n'est pas le Dragon qui gagne. Voilà la grande prophétie de ce livre qui nous donne confiance. La Femme qui souffre dans l'histoire, l'Église qui est persécutée, apparaît à la fin comme une Epouse splendide, figure de la nouvelle Jérusalem, où il n'y a plus de larmes, ni de pleurs, image du monde transformé, du nouveau monde, dont la lumière est Dieu lui-même, dont la lampe est l'Agneau.
C'est pour cette raison que l'Apocalypse de Jean, bien qu'imprégnée par des références continues aux souffrances, aux tribulations et aux pleurs — la face obscure de l'histoire —, est tout autant imprégnée par de fréquents chants de louange, qui représentent comme la face lumineuse de l'histoire. C'est ainsi, par exemple, que l'on lit la description d'une foule immense, qui chante presque en criant : « Alléluia ! le Seigneur notre Dieu a pris possession de sa royauté, lui, le Tout-Puissant. Soyons dans la joie, exultons, rendons-lui gloire, car voici les noces de l'Agneau. Son épouse a revêtu ses parures » (Apocalypse 19, 6-7). Nous nous trouvons ici face au paradoxe chrétien typique, selon lequel la souffrance n'est jamais perçue comme le dernier mot, mais considérée comme un point de passage vers le bonheur, étant déjà même mystérieusement imprégnée par la joie qui naît de l'espérance. C'est précisément pour cela que Jean, le Voyant de Patmos, peut terminer son livre par une ultime aspiration, vibrant d'une attente fervente. Il invoque la venue définitive du Seigneur : « Viens, Seigneur Jésus ! » (Apocalypse 22, 20). C'est l'une des prières centrales de la chrétienté naissante, également traduite par saint Paul dans la langue araméenne : « Marana tha ». Et cette prière, « Notre Seigneur, viens ! » (1 Corinthiens 16, 22), possède plusieurs dimensions.
Naturellement, elle est tout d'abord l'attente de la victoire définitive du Seigneur, de la nouvelle Jérusalem, du Seigneur qui vient et qui transforme le monde. Mais, dans le même temps, elle est également une prière eucharistique : « Viens Jésus, maintenant ! » Et Jésus vient, il anticipe son arrivée définitive. Ainsi, nous disons avec joie au même moment: « Viens maintenant, et viens de manière définitive ! » Cette prière possède également une troisième signification : « Tu es déjà venu, Seigneur ! Nous sommes certains de ta présence parmi nous. C'est pour nous une expérience joyeuse. Mais viens de manière définitive ! » Et ainsi, avec saint Paul, avec le Voyant de Patmos, avec la chrétienté naissante, nous prions nous aussi : « Viens, Jésus ! Viens, et transforme le monde ! Viens dès aujourd'hui et que la paix l'emporte ! » Amen ! -
15 novembre : saint Albert le Grand
C’est aujourd’hui le dies natalis, le « jour de la naissance » au ciel de saint Albert le Grand, né en 1206 et décédé le 15 novembre 1280. De son vrai nom Albert de Bollstaedt, il entra dans l’ordre des frères prêcheurs (les Dominicains), malgré la vive opposition de sa famille. Il se consacra très vite à l’enseignement dans divers couvents, avant d’être nommé Régent du studium generale, le centre d’études supérieures de l’ordre qui venait d’ouvrir à Cologne, où il fut le professeur du futur saint Thomas d’Aquin (lire la suite) -
18 octobre : saint Luc
Saint Luc est l’auteur du troisième Évangile, comme l’attestent de nombreux témoignages des Pères de l’Église, sans compter les manuscrits eux-mêmes : le papyrus Bodmer XIV (P66), daté de 175-225 a pour titre Euangelion katá Loukan, « Évangile selon Luc », et contient Luc 1,1 à 14, 26. Saint Irénée écrit dans son Adversus hæreses, « Contre les hérétiques », que « Luc, le compagnon de Paul, a consigné en un livre l’évangile prêché par celui-ci ».
Le nom de Luc apparaît à trois reprises dans le Nouveau Testament, et il s’agit toujours d’un collaborateur de Paul. « Tu as les salutations […] de Marc, Aristarque, Démas et Luc, mes collaborateurs » (épître à Philémon 24). « Seul Luc est avec moi » (2 Timothée 4, 11). Le dernier texte précise que Luc est médecin : « Vous avez les salutations de Luc, le cher médecin » (Colossiens 4, 14).
Luc n’a pas été le témoin oculaire des faits qu’il rapporte, comme il ledit lui-même en introduction à son Évangile : « Puisque beaucoup ont entrepris décomposer un récit des événements quichenotte accomplis parmi nous, tels que nous les ont transmis ceux qui furent dès le début témoins oculaires et serviteurs de la parole, j’ai décidé, moi aussi, après m’être informé soigneusement de tout depuis les origines, d’en écrire pour toi l’exposé suivi, illustre Théophile, afin que tu te rendes compte de la solidité des enseignements que tu as reçus » (1, 1-4).
Il n’est pas d’origine palestinienne ; il est cultivé ; le langage qu’il utilise et la doctrine qu’il expose sont proches du corps doctrinal paulinien (de saint Paul) ; il connaît bien la communauté chrétienne d’Antioche. Il est probablement né dans cette ville et fait partie des chrétiens de la deuxième génération.
Il est également l’auteur des Actes des apôtres, qui reprennent la narration des faits là où son Évangile s’était arrêté, c’est-à-dire au moment de l’Ascension de Jésus au ciel. Il y raconte la naissance de l’Église,avec la venue du Saint-Esprit le jour de la pentecôte, son implantation et sa propagation. Il ne s’agit toutefois pas d’une simple chronique des événements : Luc montre que la mission du christ se poursuit avec les apôtres sous l’impulsion du Saint-Esprit. Celui-ci est tellement présent que les actes ont été qualifiés d’Évangile du Saint-Esprit. Le livre se compose de quatre grandes parties : la communauté primitive de Jérusalem (chap. 1-7), la dispersion des chrétiens à la suite des persécutions (chap. 8-12), l’entreprise missionnaire de saint Paul (chap. 13-20), la captivité de Paul à Jérusalem et à Rome (chap. 21-28).
On peut penser que saint Luc a achevé d’écrire son Évangile au début de l’année 63 et qu’il a terminé les Actes à la fin de cette même année63. -
3ème mystère douloureux : le couronnement d’épines
Il faut que l’Amour du Christ soit grand — démesuré à la démesure de sa condition infinie de Fils de Dieu — pour accepter de supporter de telles avanies.
C’est un acte de cruauté inutile. Dans l’état dans lequel il se trouvait, Jésus était déjà un homme mort… Mais il est la proie facile d’une garnison désœuvrée.
Dans leur méchanceté, les soudards sont malgré tout l’instrument dont Dieu se sert pour faire connaître une réalité profonde : la royauté du Christ. Certes, ils prennent cela sur le ton burlesque. Mais Jésus est bien roi. Il l’a expliqué à Pilate qui lui demandait : « C’est toi qui est le roi des Juifs ? » Jésus répond sans ambages : « Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gardes auraient combattu pour que je ne fusse pas livré aux Juifs » (Jean 18, 32-35). En effet, il aurait pu invoquer son Père, qui lui « fournirait immédiatement douze légions d’anges et plus » (Matthieu 26, 53). « Non, mon royaume n’est pas de ce monde. « Alors lui dit Pilate : « C’est donc que tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui le dit : je suis roi. Moi, je suis né et je suis venu dans le monde à seule fin de rendre témoignage à la Vérité. Quiconque est du parti de la vérité écoute ma voix » (Jean 18, 36-38). Ce ne sera pas le cas de Pilate, qui précisément livre Jésus à ses soldats pour qu’ils lui administrent une correction sévère. Les sévices gratuits peuvent sembler inutiles. Mais comme tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu (cf. Romains 8, 28), quand c’est le Fils de Dieu qu’ils blessent, ils servent à sauver du péché tous les hommes et les femmes qui acceptent l’Amour du Christ et de le reconnaître pour ce qu’il est : le Fils de Dieu incarné.
Les soldats, « après lui avoir retiré ses vêtements, jetèrent sur lui une clamyde rouge, tressèrent une couronne d’épines et la lui posèrent sur la tête, avec un roseau dans la main droite » (Matthieu 27, 28-29). Ils peuvent tourner Jésus en ridicule et faire des génuflexions grotesques : « Fléchissant le genou devant lui, ils le tournaient en dérision, disant : « Salut, ô roi des Juifs ! » Ils lui crachaient aussi dessus et, prenant le roseau, ils le frappaient à la tête » (Matthieu 27, 29-30). Ils n’en proclament pas moins une grande vérité. C’est « au nom de Jésus que [tout] genou fléchit dans le monde céleste, terrestre et infernal », toute langue devant « proclamer que Jésus-Christ est le Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Philippiens 2, 10-11).
Pilate dit alors aux Juifs, sur un ton de moquerie : « Voilà votre roi ! » Ce à quoi les grands prêtres répliquèrent : « Nous n’avons d’autre roi que César » (Jean 19, 15-16). Machiavel dira qu’il aimait plus sa patrie que son âme…
Pilate persiste et signe dans son ironie. Il fait placer en-haut de la Croix un écriteau rédigé « en hébreu, en latin et en grec » (Jean 19, 20), de sorte que l’univers entier sache que « le seigneur est roi, il règne éternellement » (Psaume 29, 10). Dans l’âme de chaque baptisé, la royauté du Christ est appelée à s’étendre au monde entier. Son royaume est, en effet, spirituel. C’est un « règne de vie et de vérité, règne de grâce et de sainteté, règne de justice, d’amour et de paix » (préface de la solennité du Christ-Roi). -
Les commandements de Dieu
Le terme « commandement » peut faire peur, car il fait penser à une série de prescriptions, d’ordres, qui viennent en quelque sorte limiter la liberté de l’homme. C’est vrai dans le cas des lois humaines, qui encadrent la vie en société. Mais Dieu n’a pas pour objectif de brider la liberté humaine. Bien au contraire, il veut qu’elle s’exprime le plus possible. La liberté est un grand don qu’il a fait aux hommes, sans doute le plus grand après celui de la vie.
Ces commandements ne constituent pas un carcan insupportable. « Combien j’aime ta loi, Yahvé ! Elle est sans cesse l’objet de ma méditation. Tes commandements me rendent plus sage que mes ennemis, car ils sont miens pour jamais. Je suis plus sage que tous mes maîtres, car tes ordonnances sont l’objet de ma méditation. J’ai plus d’intelligence que les vieillards, car je garde tes préceptes. […] Que ta parole est douce à mon palais, plus que le miel à ma bouche. Par tes préceptes je deviens intelligent : aussi je hais tous les sentiers du en songe » (Psaume 119 [118], 97-100.102-104).
Saint Jean exprimera une idée semblable : « L’amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas écrasants » (1 Jean 5, 3). C’est l’écho de l’enseignement du Maître — Jésus — qui sait bien de quoi il parlait : « Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau : c’est moi qui vous soulagerai. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école : je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez du soulagement pour votre être, car mon joug est agréable et mon fardeau léger » (Matthieu 11, 18-30).
Il existe dix commandements, le Décalogue, qui « se comprend d’abord dans le contexte de l’Exode qui est le grand événement libérateur de Dieu au centre de l’Ancienne Alliance. Qu’elles soient formulées comme des préceptes négatifs, des interdictions, ou comme des commandements positifs (comme : « Honore ton père et ta mère »), les « dix paroles » indiquent les conditions d’une vie libérée de l’esclavage du péché. Le Décalogue est un chemin de vie » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2057). En effet, « si tu aimes ton Dieu, si tu marches dans ses voies, si tu gardes ses commandements, ses lois et ses coutumes, tu vivras et tu te multiplieras » (Deutéronome 30, 16).
Mais « Dieu qui t’a créé sans toi ne te sauvera pas sans toi (saint Augustin, Sermon 149 13), car il est toujours possible à n’importe lequel d’entre nous, toi ou moi, d’avoir le malheur de nous rebeller contre Dieu, de le rejeter par notre conduite ou bien encore de nous exclamer : nous n’en voulons pas pour roi » (Luc 5, 4) » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 23).
Cet accomplissement des commandements de Dieu est essentiel pour l’éternité, pour construire la vie au-delà de notre monde, qui suit notre mort. Comme le Seigneur Jésus nous en avertit : « Amen, je vous le dis : avant que le ciel et la terre disparaissent, pas une lettre, pas un seul petit trait ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise. Donc, celui qui rejettera un de ces plus petits commandements et qui apprendra aux hommes à faire ainsi, sera déclaré le plus petit dans le Royaume des cieux. Mais celui qui les observera et les enseignera sera déclaré grand dans le Royaume des cieux » (Matthieu 5, 18-19). -
Le péché originel (5)
Le péché originel (suite)
Ses conséquences pour l’homme. Outre le châtiment que le péché originel entraîné, et que j’ai rappelé précédemment, désormais « l'homme n'a pas confiance en Dieu. Tenté par les paroles du serpent, il nourrit le soupçon que Dieu, en fin de compte, ôte quelque chose à sa vie, que Dieu est un concurrent qui limite notre liberté et que nous ne serons pleinement des êtres humains que lorsque nous l'aurons mis de côté ; en somme, que ce n'est que de cette façon que nous pouvons réaliser en plénitude notre liberté » (Benoît XVI, homélie pour le 40ème anniversaire de la clôture du concile Vatican II, 8 décembre 2005).
Par sa ruse, le démon, qui est un ange, déchu certes, mais un ange quand même, qui « se déguise en ange de lumière » (2 Corinthiens 11, 14), réussi le tour de force de dresser l’homme contre Dieu, à lui occulter sa Bonté pour le présenter comme un obstacle au libre accomplissement de sa volonté. L’homme, créé libre, se sent esclave. Et comme il n’est pas esclave de Dieu, de qui l’est-il, si ce n’est de lui-même et, par ricochet, du diable ? Telle est la condition dramatique dans laquelle le péché originel l’a plongé.
Le serpent infernal, sous la forme duquel le récit biblique représente le tentateur, a distillé le venin du doute dans le cœur de l’homme : le doute sur l’Amour de Dieu, le doute sur son vrai Bien. L’Ami avec lequel il conversait dans le jardin d’Éden (voir Genèse 2, 16 ; 3, 8-9) n’est plus… Désormais « le mal se présente comme bien et le bien est disqualifié » (Jean-Paul II, lettre Dilecti amici à tous les jeunes du monde, 31 mars 1985, n° 4). « Nous portons tous en nous une goutte du venin de cette façon de penser illustrée par les images du Livre de la Genèse. Cette goutte de venin, nous l'appelons péché originel » (Benoît XVI, homélie cit.).
« L'homme vit avec le soupçon que l'amour de Dieu crée une dépendance et qu'il lui est nécessaire de se débarrasser de cette dépendance pour être pleinement lui-même. L'homme ne veut pas recevoir de Dieu son existence et la plénitude de sa vie. Il veut puiser lui-même à l'arbre de la connaissance le pouvoir de façonner le monde, de se transformer en un dieu en s'élevant à Son niveau, et de vaincre avec ses propres forces la mort et les ténèbres. Il ne veut pas compter sur l'amour qui ne lui semble pas fiable ; il compte uniquement sur la connaissance, dans la mesure où celle-ci confère le pouvoir. Plutôt que sur l'amour, il mise sur le pouvoir, avec lequel il veut prendre en main de manière autonome sa propre vie. Et en agissant ainsi, il se fie au mensonge plutôt qu'à la vérité et cela fait sombrer sa vie dans le vide, dans la mort. L'amour n'est pas une dépendance, mais un don qui nous fait vivre. La liberté d'un être humain est la liberté d'un être limité et elle est donc elle-même limitée. Nous ne pouvons la posséder que comme liberté partagée, dans la communion des libertés : ce n'est que si nous vivons d'une juste manière, l'un avec l'autre et l'un pour l'autre, que la liberté peut se développer. Nous vivons d'une juste manière, si nous vivons selon la vérité de notre être, c'est-à-dire selon la volonté de Dieu. Car la volonté de Dieu ne constitue pas pour l'homme une loi imposée de l'extérieur qui le force, mais la mesure intrinsèque de sa nature, une mesure qui est inscrite en lui et fait de lui l'image de Dieu, et donc une créature libre. Si nous vivons contre l'amour et contre la vérité — contre Dieu —, alors nous nous détruisons réciproquement et nous détruisons le monde. Alors nous ne trouvons pas la vie, mais nous faisons le jeu de la mort » (Benoît XVI, Ibid.).
Mais le péché n’est pas le dernier mot sur l’homme. Dieu « a pris les choses en main », pour ainsi dire, et envoyé son Fils sur terre pour « tout rassembler dans le Christ » (Éphésiens 1, 10).
(à suivre…) -
Le péché originel (4)
3. La présence du mal dans le monde.
Tout le mal qui existe dans le monde provient de ce mal originel qu’est le péché d’Adam et Ève et par cette présence du mal en l’homme. Ce péché n’est pas un péché personnel de celui qui le contracte en naissant. Il n’en marque pas moins cruellement l’âme qui naît « fille de la colère », c’est-à-dire coupée de Dieu. La nature transmissible par génération est une nature irrémédiablement marquée par le péché originel, car « tout le genre humain est en Adam « comme l’unique corps d’un homme unique » (saint Thomas d’Aquin, De malo 4, 1) » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 404). « Depuis ce premier péché, une véritable « invasion » du péché inonde le monde » (Ibid., n° 401). Satan, ce « génie pervers du soupçon » (Jean-Paul II, encyclique Dominum et vivificantem, n° 37), cherche par tous les moyens, même s’il se répète beaucoup, à mettre Dieu « en état de doute, et même en état d’accusation, dans la conscience de la créature » (Ibid.).
C’est pourquoi, à la suite de saint Paul affirmant que « par la désobéissance d’un seul homme, la multitude [c’est-à-dire tous les hommes] a été constituée pécheresse » (Romains 5, 19), l’Église « a toujours enseigné que l’immense misère qui opprime les hommes et leur inclination au mal et à la mort ne sont pas compréhensibles sans leur lien avec le péché d’Adam et le fait qu’il nous a transmis un péché dont nous naissons tous affectés et qui est la « mort de l’âme » (concile de Trente) » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 403).
Cependant cette nature n’est pas pleinement corrompue, moins encore détruite. L’homme reste capable d’accueillir le salut, qui lui est déjà annoncé, bien que de façon voilée : « Je mets une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; elle te visera la tête, et tu la viseras au talon » (Genèse 3, 15). L’Église voit dans ce texte l’annonce du Rédempteur et de Marie, associée au salut de l’humanité. C’est pourquoi ce verset est qualifié de protévangile, ou premier Évangile. Ainsi, Dieu n’a pas abandonné l’homme au pouvoir de la mort. Il décide d’envoyer son Fils, Jésus-Christ, pour réconcilier l’humanité avec Dieu, la création et elle-même.
Tant que le Fils de Dieu n’avait pas donné sa vie en rançon pour la multitude, la réconciliation avec Dieu était impossible. Les justes de l’Ancien Testament ne pouvaient pas accéder au ciel. Ils attendaient la délivrance dans le « sein d’Abraham ».
(à suivre…) -
5ème mystère joyeux : Jésus perdu et retrouvé au Temple
Fidèles observateurs de la Loi mosaïque et de ses prescriptions liturgiques, Marie et Joseph « se rendaient chaque année à Jérusalem pour la fête de la Pâque » (Luc 2, 41), confiant Jésus à des voisins ou à des amis. Quand Jésus « eut douze ans, ils y montèrent selon la coutume pour cette fête ; puis, le temps voulu écoulé, ils s’en retournèrent » (Luc 2, 42-43), en deux caravanes, comme à l’aller, une d’hommes et une de femmes. Les enfants allaient de l’une à l’autre, ce qui explique que ses parents ne s’aperçurent pas que « le jeune Jésus resta à Jérusalem » (Luc 2, 43). Chacun « pensant qu’il était dans la caravane, ils firent une journée de chemin » (Luc 2, 44). Et ce n’est qu’arrivés à l’étape que tous deux s’aperçurent avec horreur qu’il manquait à l’appel. « Ils se mirent à le chercher parmi leurs parents et connaissances » (Luc 2, 44), mais en vain. Il leur fallut se rendre à l’évidence : aussi incroyable que cela pouvait paraître : ils avaient bel et bien perdu Jésus, le Messie d’Israël… Perdre un enfant, c’est déjà poignant, mais le Fils de Dieu… Marie et Joseph ont dû se culpabiliser de ne pas avoir été plus attentifs, tout en acceptant la volonté de Dieu qu’ils ne pouvaient humainement pas comprendre. Les plans de Dieu ne sont pas ceux des hommes. Ce n’était pas la première fois qu’ils s’en apercevaient : il y avait déjà eu la chaude alerte d’Hérode voulant tuer l’Enfant, la fuite en Égypte, l’installation précaire dans la condition d’immigré, l’incertitude quant à l’avenir et au retour au pays…
« Ne l’ayant pas trouvé, ils retournèrent, toujours le cherchant, à Jérusalem. Ce fut au bout de trois jours qu’ils le trouvèrent dans le Temple », probablement sur le parvis du Temple, « assis au milieu des docteurs, les écoutant et leur posant des questions ; et tous ceux qui l’entendaient étaient stupéfaits de son intelligence et de ses réponses » (Luc 2, 45-47), ignorant qu’ils avaient à faire au Verbe de Dieu.
« Sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois, ton père et moi, nous te cherchions tout angoissés » (Luc 2, 48) depuis trois jours. C’est long, trois jours. On a le temps de souffrir beaucoup. Marie et Joseph, qui ont passé au peigne fin tous les endroits où ils avaient été, n’ont pas dû fermer l’œil et ont prié sans relâche.
Ils se sont rendus enfin au Temple, comme au dernier endroit où ils s’attendaient à trouver Jésus. Et lui va leur expliquer qu’il est logique qu’il soit là. « Il leur répondit : « Et pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? » (Luc 2, 49), dans ce Temple qui est « une maison de prière » (Luc 19, 46) ? Sa place est chez son Père, sa fonction consiste à s’occuper des affaires de son Père : « Je m’applique à faire non ma volonté à moi, mais la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jean 5, 30).
Ses parents « ne comprirent pas la parole qu’il venait de leur dire » (Luc 2, 50), du moins pas à ce moment-là. « Marie gardait tout cela en sa mémoire » (Luc 2, 51) et elle « y réfléchissait » (Luc 2, 19), elle en faisait la matière de sa méditation. Nul doute que peu à peu la lumière s’est faite dans son âme. C’est ainsi, en tout cas, que nous devons nous comporter quand la logique des plans de Dieu nous échappe et que les événements prennent une tournure déconcertante et nous font souffrir. Jésus comme Marie nous invitent à prier pour avoir et la force et la lumière dont nous avons besoin. -
4ème mystère joyeux : la Purification
Marie dont l’âme n’a jamais été souillée un instant par le péché originel, Marie toute sainte, panhagiata, se rend au temple portant son Enfant dans ses bras, accompagnée de Joseph. Elle se conforme à la Loi qui prescrit que toute mère doit être purifiée après qu’elle a mis un enfant au monde, et de présenter aussi une offrande pour le premier-né.
Marie et Joseph obéissent à la Loi, la suivent avec fidélité. Ils ne cherchent aucun privilège que, d’ailleurs, personne ne comprendrait. Il faudrait des explications indiscrètes… La meilleure façon d’adhérer à la Volonté de Dieu est sans nul doute de vivre la Loi reçue du Très-Haut avec la plus grande perfection possible, puisqu’elle la Volonté de Dieu codifiée, et d’imiter l’humilité du Fils de Dieu, « lui qui était de condition de Dieu, n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur » (Philippiens 2, 6-7). Comment Marie et Joseph auraient-ils pu agir différemment ?
Et Dieu se sert de cette fidélité pour se faire connaître des justes. C’est d’abord le vieillard Siméon qui comprend par révélation que le nourrisson qu’on lui présente est le Messie Sauveur. Il est conscient d’avoir atteint un âge avancé pour être témoin de la venue de l’envoyé de Dieu : « Il lui avait été révélé par l’Esprit Saint qu’il ne verrait pas la mort avant d’avoir vu l’Oint du Seigneur » (Luc 2, 26). C’est pourquoi, après avoir reçu l’enfant Jésus dans ses bras, il « bénit Dieu et dit : « Maintenant, ô Maître, tu peux congédier ton serviteur en paix, selon ta parole ; car de mes yeux j’ai vu le salut que tu as préparé en faveur de tous les peuples, lumière qui révélera aux païens et gloire d’Israël, ton peuple » (Luc 2, 29-32).
Il prédit que cet enfant sera « un signe de contradiction » (Luc 2, 34) pour beaucoup en Israël. Et « pour toi — c’est à Marie qu’il s’adresse — tu auras l’âme transpercée d’un glaive » (Luc 2, 35). Des jours sombres sont ainsi annoncés, qui viennent altérer la joie de cette journée. C’est aussi l’annonce que la Sainte Vierge sera associée de près aux souffrances rédemptrices de son divin Fils.
Puis voici que survient une prophétesse, Anne, âgée de quatre-vingt-quatre ans, qui « ne quittait pas le Temple, servant Dieu nuit et jour dans le jeûne et la prière » (Luc 2, 37). Elle se met à son tour à « louer le Seigneur et à parler de l’enfant à tous ceux qui, à Jérusalem, attendaient la rédemption » (Luc 2, 38).
L’humilité de Siméon et d’Anne, leur service assidu de Dieu, leur vie de prière et de pénitence, leur valent d’être un instrument de l’Esprit Saint pour découvrir aux hommes le Christ qui vient de faire son entrée dans le monde et proclamer qu’il est le Messie annoncé par les prophètes. C’est dire que la prière et la mortification — les sacrifices consentis volontairement dans une fin spirituelle — rendent l’homme agréable à Dieu et attirent sur lui toutes sortes de bénédictions.