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Dominique Le Tourneau - Page 185

  • Le Graal

    Qu’est-ce que le saint Graal ? Quels sont ses rapports avec le saint Calice ?

    Étymologiquement, le mot graal vient du latin tardif gradalis ou gratalis, qui dérive du latin classique crater, vase. Dans les livres de chevalerie du Moyen Âge il est présenté comme étant le récipient ou la coupe dans lequel Jésus a consacré son Sang au cours de la dernière Cène et que Joseph d’Arimathie a utilisé ensuite pour recueillir le sang et l’eau qui ont coulé quand il a lavé le corps de Jésus. Des années plus tard, selon ces livres, Joseph l’emporta avec lui aux îles britanniques (voir « Qui était Joseph d’Arimathie ? ») et fonda une communauté de gardiens de la relique, qui devait être liée plus tard aux Templiers. Il est probable que cette légende est née au pays de Gales et qu’elle s’inspire de sources anciennes latinisées, comme ce peut être le cas des Actes de Pilate, un ouvrage apocryphe du Vème siècle. Avec la saga celte de Perceval ou Parsifal, liée au cycle du roi Arthur et développée dans des ouvrages tels que Le conte du Graal, de Chrétien de Troyes, Parcival, de Wolfram von Eschenbach, ou Le morte Darthur, de Thomas Malory, la légende s’enrichit et se répand. Le Graal devient une pierre précieuse qui, gardée pendant un certain temps par des anges, a été confiée à la garde de chevaliers de l’ordre du saint Graal et de leur chef, le roi du Graal. Tous les ans, le Vendredi saint, sous une colombe du ciel et après avoir déposé un cachet sur la pierre, elle renouvelle sa vertu et sa force mystérieuse, qui communique une jeunesse perpétuelle et peut combler tout désir de manger et de boire. De temps à autre, des inscriptions sur la pierre révèlent le nom de ceux qui sont appelés au bonheur éternel dans la ville du Graal, au Mont sauvage.
    Par sa thématique, cette légende est en rapport avec le calice que Jésus utilisé lors de la dernière Cène et sur lequel existent diverses traditions anciennes. Elles sont fondamentalement au nombre de trois. Selon la plus ancienne, du VIIème siècle, un pèlerin anglo-saxon affirme avoir vu et touché dans l’église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, le calice que Jésus a utilisé. Il était en argent et avait deux anses visibles. Une seconde tradition dit que ce calice est celui qui est conservé dans l’église San Lorenzo de Gênes. On l’appelle le Sacro catino. Il s’agit d’un verre de couleur verte semblable à une assiette, qui aurait été apporté à Gênes par les croisés au XIIèmesiècle. Selon une troisième tradition, le calice de la dernière Cène est celui qui est conservé dans la cathédrale de Valence, en Espagne, où il est vénéré comme le saint Calice. Il s’agit d’une coupe en calcédoine de couleur très foncée, qui aurait été apportée par saint Pierre à Rome et utilisée dans cette ville par ses successeurs, jusqu’à ce qu’elle soit remise, au IIIème siècle, à cause des persécutions, à la garde de saint Laurent, qui l’aurait apportée à Huesca. Après avoir été dans divers endroits de l’Aragon, elle aurait été transférée à Valence au XVème siècle.

    Juan Chapa, professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site

  • Pourquoi Jésus a-t-il été condamné à mort ?


    Le personnage de Jésus de Nazareth était de plus en plus controversé au fur et à mesure que sa prédication avançait. Les autorités religieuses de Jérusalem s’inquiétaient des troubles que l’arrivée du maître de Galilée pouvait susciter dans le peuple à la Pâque. Les élites impériales aussi, car à une époque où des soulèvements contre l’occupation romaine se produisaient de temps à autre sous la conduite de chefs locaux qui en appelaient au caractère propre des Juifs, les nouvelles qu’elles recevaient de ce maître qui parlait de se préparer pour l’arrivée d’un « royaume de Dieu » n’avaient rien de rassurant. Les unes et les autres étaient donc prévenues contre lui, bien que pour des motifs différents.
    Jésus a été arrêté et son cas étudié par le sanhédrin. Il ne s’agissait pas d’un procès formel, selon les procédures qui seront recueillies plus tard dans la Misna (Sanhédrin 4, 1) et qui exigeaient, entre autres, qu’il y ait lieu de jour, mais d’un interrogatoire chez des particuliers pour vérifier les accusations reçues ou les doutes au sujet de son enseignement, plus précisément sur son attitude critique envers le Temple, le halo messianique autour de sa personne que provoquaient ses paroles et son comportement, et, surtout, la prétention qui lui était attribuée de posséder une dignité divine. Plus que les questions doctrinales en soi, ce qui préoccupait vraiment les autorités religieuses était peut-être la révolte qu’elles craignaient contre les modèles établis. Cela pouvait donner lieu à une agitation populaire que les Romains ne tolèreraient pas, et dont il pouvait dériver une situation politique pire que celle qui existait alors.
    Dans ce contexte, la cause fut déférée à Pilate, et le contentieux juridique contre Jésus fut présenté devant l’autorité romaine. Face à Pilate, les autorités religieuses exposèrent leurs craintes que celui qui parlait de « royaume » puisse être un danger pour Rome. Le procureur pouvait affronter la situation de deux façons. Une d’elles, la coercitio (« châtiment, mesure forcée ») lui donnait la capacité d’appliquer les moyens opportuns pour maintenir l’ordre. Faisant appel à elle, il aurait pu infliger à Jésus un châtiment exemplaire ou même le condamner à mort pour qu’il serve d’exemple. Il pouvait aussi établir une cognitio (« connaissance »), un procès formel avec formulation d’une accusation, interrogatoire et sentence prononcée conformément à la loi.
    Il semble que Pilate ait hésité un instant sur la procédure, tout en optant finalement pour le procès selon la forme la plus habituelle dans les provinces romaines, appelée cognitio extra ordinem, c’est-à-dire un procès dans lequel le préteur déterminait lui-même la procédure et dictait la sentence. C’est ce qui découle de quelques détails apparemment accidentels figurant dans les récits : Pilate reçoit les accusations, interroge, s’assied au tribunal pour dicter la sentence (Jean 19, 13 ; Matthieu 27, 19), et condamne Jésus à la mort en croix pour un délit formel : il est condamné en tant que « roi des Juifs », comme cela fut indiqué sur le titulus crucis, l’écriteau apposé sur la Croix.
    Les appréciations historiques sur la condamnation de Jésus doivent être très prudentes, pour ne pas tomber dans des généralisations hâtives qui conduiraient à des appréciations injustes. En particulier, il est important de faire noter — bien que ce soit évident — que les Juifs ne sont pas responsables collectivement de la mort de Jésus. « Tenant compte du fait que nos péchés atteignent le Christ Lui-même, l’Église n’hésite pas à imputer aux chrétiens la responsabilité la plus grave dans le supplice de Jésus, responsabilité dont ils ont trop souvent accablé uniquement les Juifs » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 598).

    Francisco Varo, doyen de la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • Jésus a-t-il voulu réellement fonder une Église ?

    La prédication de Jésus s’adresse en premier lieu à Israël, comme il la dit lui-même à ceux qui le suivaient : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Matthieu 15, 24). Dès le début de son activité, il invite tout le monde à la conversion : « Le temps est révolu, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous et croyez à l’Évangile » (Marc 1, 15). Cependant cet appel à la conversion personnelle n’est pas conçu dans un contexte individualiste, mais vise continuellement à réunir l’humanité dispersée pour constituer le Peuple de Dieu qu’il est venu sauver.
    Un signe évident comme quoi Jésus avait l’intention de réunir le peuple de l’Alliance, ouvert à l’humanité tout entière, dans l’accomplissement des promesses faites à son peuple, est l’institution des douze apôtres, à la tête desquels Pierre est placé : « Voici les noms des douze apôtres : Simon dit Pierre, et André son frère ; Jacques, file Zébédée, et Jean son frère ; Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le publicain ; Jacques, fils d’Alphée, et Thaddée ; Simon le Zélote et Judas Iscariote, qui fut celui qui le livra » (Matthieu 10, 2-4 ; voir Marc 3, 13-16 ; Luc 6, 12-16) (voir « Qui furent les douze apôtres ? »). Le chiffre douze renvoie aux douze tribus d’Israël et manifeste le sens de cette initiative de rassembler le peuple saint de Dieu, la ekklesia Theou (l’Église de Dieu) : ils sont les fondations de la nouvelle Jérusalem (voir Apocalypse 21, 12-14).
    Un nouveau signe de cette intention de Jésus est donné par le fait qu’au cours de la dernière Cène il confie le pouvoir de célébrer l’Eucharistie qu’il a instituée à ce moment-là (voir « Que s’est-il passé lors de la dernière Cène ? »). De cette façon, il a transmis à toute l’Église, en la personne des douze qui en étaient la tête, la responsabilité d’être le signe et l’instrument de la réunion commencée par lui et qui devait se réaliser aux derniers temps. En effet, son don sur la Croix, anticipé de façon sacramentelle dans ce repas, et actualisé chaque fois que l’Église célèbre l’Eucharistie, crée une communauté unie dans la communion avec lui-même, appelée à être signe et instrument de la tâche qu’il a commencée. L’Église naît donc du don total du Christ pour notre salut, anticipé dans l’institution de l’Eucharistie et consommé sur la Croix.
    Les douze apôtres sont le signe le plus évident de la volonté de Jésus quant à l’existence et la mission de son Église, la garantie qu’il n’y a pas d’opposition entre le Christ et l’Église : ils sont inséparables, malgré les péchés des hommes qui composent l’Église.
    Les apôtres étaient conscients de ce que leur mission, parce qu’ils l’avaient reçue de Jésus, devait se perpétuer. C’est pourquoi ils ont pris soin de se trouver des successeurs afin que la mission a eux confiée se prolonge après leur mort, comme en témoigne le livre des Actes des apôtres. Ils ont laissé une communauté structurée par le ministère apostolique, sous la direction de pasteurs légitimes, qui l’édifient et la soutiennent dans la communion avec le Christ et avec l’Esprit Saint dans laquelle tous les hommes sont appelés à faire l’expérience du salut offert par le Père.
    Dans les lettres de saint Paul, les membres de l’Église sont donc conçus comme des « concitoyens des saints et membres de la famille de Dieu. L’édifice que vous êtes a pour fondement les apôtres et les prophètes, le Christ Jésus étant lui-même la pierre d’angle » (Éphésiens 2, 19-20).
    Il n’est pas possible de rencontrer Jésus si l’on fait abstraction de la réalité qu’il a créée et dans laquelle il se communique. Entre Jésus et son Église, il y a une continuité profonde, inséparable et mystérieuse, en vertu de laquelle le Christ se rend présent parmi son peuple.

    Francisco Varo, doyen de la faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site

  • Comment s'expliquent les miracles de Jésus ?


    Au nombre des accusations les plus anciennes portées par des Juifs et des païens contre Jésus se trouve celle d’être un magicien. Au IIème siècle, Origène réfute les accusations de magie que Celse faisait du Maître de Nazareth et auxquelles font allusion saint Justin, Arnobe et Lactance. Des traditions juives qui peuvent remonter au IIème siècle contiennent elles aussi des accusations de sorcellerie. En tout cas, on n’affirme pas qu’il n’aurait pas existé ni qu’il n’aurait pas réalisé des prodiges, mais que les motifs qui le poussaient à les faire étaient l’intérêt et la renommée personnels. De ces affirmations découlent l’existence historique de Jésus et sa renommée de thaumaturge, comme les Évangiles le montrent. C’est pourquoi aujourd’hui, la réalisation par Jésus d’exorcismes et de guérisons figure parmi les faits qui sont considérés comme prouvés au sujet de la vie de Jésus.
    Néanmoins, par rapport à d’autres personnes de l’époque connues comme réalisant des prodiges, Jésus est unique. Il se distingue par le nombre beaucoup plus élevé de miracles qu’il a réalisé et par le sens qu’il leur a donnés, absolument distinct des prodiges que certains de ces personnages sont pu réaliser (s’il est avéré qu’ils les ont réalisés). Le nombre de miracles attribués à d’autres thaumaturges est très réduit, alors que nous avons dans les Évangiles 19 récits de miracles chez Matthieu, 18 chez Marc, 20 chez Luc et 8 chez Jean. En outre, les synoptiques et Jean évoquent beaucoup d’autres miracles que Jésus a fait (voir Marc 1, 32-34 et parallèles ; 3, 7-12 et parallèles ; 6, 53-56 ; Jean 20, 30). Le sens est également différent de celui de tout autre thaumaturge : Jésus opère des miracles qui impliquaient chez les bénéficiaires la reconnaissance de la bonté de Dieu et un changement de vie. Sa résistance à les faire montre qu’il ne cherchait pas son exaltation personnelle ou sa propre gloire. Il s’ensuit qu’ils ont une signification propre.
    Les miracles de Jésus comprennent dans le contexte du royaume de Dieu : « Si c’est par l’Esprit de Dieu que, moi, je chasse les démons, c’est donc que le royaume de Dieu est arrivé » (Matthieu 12, 28). Jésus inaugure le royaume de Dieu et les miracles sont un appel à une réponse de la part du croyant. Cela est fondamental et caractéristique des miracles réalisés par Jésus. Royaume et miracles sont inséparables.

    Les miracles de Jésus n’étaient pas le résultat de techniques (comme pour un médecin) ou de l’action de démons ou d’anges (comme pour un magicien), mais du pouvoir surnaturel de l’Esprit de Dieu.
    Par conséquent, Jésus a réalisé des miracles pour confirmer que le royaume de Dieu était présent en lui, pour annoncer la défaite définitive de satan et augmenter la foi en sa Personne. Ils ne peuvent pas s’expliquer comme des prodiges étonnants mais comme des actions de Dieu lui-même ayant une signification plus profonde que le fait prodigieux. Les miracles sur la nature sont le signe que le pouvoir divin qui agit en Jésus s’étend au-delà du monde humain et se manifeste en tant que pouvoir de domination, y compris sur les forces de la nature. Les miracles de guérison et les exorcismes sont le signe que Jésus a manifesté son pouvoir de sauver les hommes du mal qui menace l’âme. Les uns et les autres sont le signe d’autres réalités spirituelles : les guérisons du corps et de la libération de l’esclavage de la maladie signifie la guérison de l’âme de l’esclavage du péché ; le pouvoir d’expulser les démons indique la victoire du Christ sur le mal ; la multiplication des pains fait allusion au don de l’Eucharistie ; la tempête apaisée est une invitation à avoir confiance dans le Christ aux moments de bourrasque et de difficultés ; la résurrection de Lazare annonce que le Christ est lui-même la résurrection et est une figure de la résurrection finale, etc.

    Juan Chapa, professeur à la faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • Liberté, liberté chérie… (6)

    Liberté et libertinage

    « Lorsqu'on respire une atmosphère de liberté, on comprend que mal agir n'est pas une libération mais un esclavage » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 37). Comme le prêchait le saint évêque d'Hippone, privée du secours de la grâce divine, notre volonté libre ne pourra rien faire de bien. « On l'appelle libre, mais en agissant mal, elle devient mauvaise servante. Et quand je te dis que sans l'aide divine tu ne peux rien faire, j'entends rien de bon, car pour mal faire, ta volonté libre en est toujours capable sans le secours de Dieu, bien qu'elle ne jouisse plus alors de la vraie liberté : « car on est esclave de celui par qui on s'est laissé vaincre » (Psaume 2, 19). « Et si le Fils de Dieu vous délivre, alors vous serez vraiment libres » (Jean 8, 34-36) » (St Augustin, Sermo 156 12).
    Ce qui enchaîne l'homme et le taraude au plus secret de lui-même, ce sont les mille et un plaisirs de ce monde non orientés vers sa fin ultime, les ambitions mesquines, le « nombrilisme » maladif, la perception de l'homme comme « un loup pour l'homme » et la « lutte des classes » qui en est le corollaire ; c'est la chimère d'une liberté illimitée qui s'avère n'être que le passage sous la coupe de multiples contraintes : la contrainte des sens et des instincts, la contrainte de la situation, la contrainte de l'information et des différents moyens de communication, la contrainte de la manière courante de penser, d'évaluer, de se comporter, « en passant sous silence la question fondamentale de savoir si cela est bien ou mal, digne ou indigne » (Jean-Paul II, Homélie aux étudiants de Rome, 26 mars 1981). « Je te conseille d'être parcimonieux vis-à-vis de toi-même et très généreux envers les autres ; évite les dépenses superflues, par luxe, caprice, vanité, commodité... ; ne te crée pas de besoins » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 123). Mais comment vivre détaché des contingences sans s'identifier à la Volonté de Dieu ? Comment accéder à cette identification sans connaître et suivre la loi naturelle ? Comment la suivre sans lutte, sans effort ascétique ? Dans ce combat chrétien, l'homme « se sent doué d'une merveilleuse vigueur de l'esprit » (Ibid., n° 38), parce qu'il est confiant dans le secours divin. En ceci, comme dans le reste de sa vie, il avance au pas de Dieu, dans une union toujours accrue à l'Amour ineffable. L'homme vraiment homme « sait se passer de ce qui nuit à son âme, et il se rend compte que son sacrifice n'est qu'apparent : parce qu'en vivant de la sorte — avec le sens du sacrifice — il se délivre de beaucoup d'esclavages et il parvient, dans l'intimité de son cœur, à savourer tout l'amour de Dieu » (Ibid., n° 84).
    C'est de toutes ses forces que le fondateur de l’Opus Dei proclame, aime et défend cette liberté de l'homme, de la liberté tout court, de la liberté sans additif, car, pour lui, tout comme les hommes sont tous appelés à la même et unique sainteté, il n'existe qu'une seule et même liberté, la liberté des enfants de Dieu. Par conséquent, s'écarter de la voie choisie, être inconstant, pire infidèle, ne pas remplir ses obligations ni faire valoir ses droits de fidèles du Christ (cf. D. Le Tourneau, « Le sacerdoce commun et son incidence sur les droits et les devoirs des fidèles en général et des laïcs en particulier », Revue de Droit Canonique 39 [1989]), n'est qu'une liberté « dépourvue de tout but, de toute forme objective, de toute loi, de toute responsabilité. En un mot, le libertinage » (st Josémaria, Amis de Dieu, n° 32), c'est-à-dire asservissement à ses propres vices, assujettissement des autres à notre dérèglement intérieur. « Il faut tuer en soi le colonel », disait Alain, propos qui trouve sa réplique chez Monseigneur Escriva, quand il affirme que nous portons tous en nous un tyran qu'il faut savoir juguler. « Il est nécessaire de faire obstacle avec courage à ces « libertés de perdition », filles du libertinage, petites-filles des passions mauvaises, arrières-petites-filles du péché originel... ; comme on le voit, elles descendent du diable en ligne directe » (saint Josémaria, Forge, n° 720) et ne sont qu'un néant de liberté. Alors que le Royaume du Christ est un royaume de liberté. Il ne renferme que « des esclaves qui se sont enchaînés, librement, par amour de Dieu. Servitude bénie ! Servitude qui nous libère ! Sans la liberté, nous ne pouvons pas répondre à la grâce ; sans la liberté nous ne pouvons pas nous donner librement au Seigneur pour le plus surnaturel des motifs : parce que nous en avons envie » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 184).

    (à suivre…)

  • 24 juin : Saint-Jean-Baptiste

    L’influence de Jean-Baptiste sur Jésus

    La figure de saint Jean-Baptiste occupe une place importante dans le Nouveau Testament et, concrètement, dans les Évangiles. Elle a été commentée par la tradition chrétienne la plus ancienne et a pénétré profondément dans la piété populaire, qui célèbre depuis les temps les plus reculés la fête de sa naissance avec une solennité particulière. Ces dernières années, elle est au centre de l’attention de ceux qui étudient le Nouveau Testament et les origines du christianisme et qui se posent la question de savoir ce que nous pouvons connaître des rapports entre Jean-Baptiste et Jésus de Nazareth du point de vue de la critique historique.
    Deux types de sources parlent de Jean-Baptiste, les unes chrétiennes, les autres profanes. Les sources chrétiennes sont les quatre Évangiles canoniques et l’évangile gnostique de Thomas. La source profane la plus importante est Flavius Josèphe, qui consacre un long paragraphe de ses Antiquitates Judaicæ 18, 116-119, à gloser le martyre de Jean-Baptiste du fait d’Hérode dans la forteresse de Machéronte (en Pérée). Pour apprécier les influences éventuelles, il peut être utile de considérer ce que nous savons de la vie, de la conduite et du message des deux hommes.
    1. Naissance et mort. Jean-Baptiste est contemporain de Jésus, est né certainement un peu avant lui et a commencé sa vie publique aussi avant. Il était d’origine sacerdotale (Luc 1), même s’il n’a pas exercé ses fonctions et si l’on suppose que, par sa conduite et du fait qu’il est resté éloigné du Temple, il s’est montré contraire au comportement du sacerdoce officiel. Il a passé un certain temps au désert de Judée (Luc 1, 80), mais il ne semble pas qu’il ait été en relation avec le groupe de Qumran, étant donné qu’il ne se montre pas aussi radical que lui dans l’accomplissement des préceptes légaux (halakhot). Il est mort condamné par Hérode Antipas (Flavius Josèphe, Ant. 18, 118). Jésus, pour sa part, a passé sa première enfance en Galilée et a été baptisé par Jean dans le Jourdain. Il a appris la mort de Jean-Baptiste et en a toujours loué la figure et la mission prophétique.
    2. Comportement. De sa vie et sa conduite, Josèphe dit que c’était « une bonne personne » et que beaucoup « allaient à lui et s’enflammaient en l’écoutant ». Les évangélistes sont plus explicites et mentionnent le lieu où sa vie publique s’est déroulée, la Judée et les rives du Jourdain, sa conduite austère dans l’habillement et la nourriture, son attitude de chef à l’égard de ses disciples et sa fonction de précurseur, quand il découvre en Jésus de Nazareth le vrai Messie. Jésus, en revanche, ne s’est pas distingué extérieurement de ses concitoyens : il ne s’est pas limité à prêcher en un endroit déterminé, il a pris part aux repas de famille, s’est habillé avec naturel et, tout en condamnant l’interprétation littérale de la Loi que faisaient les pharisiens, il a accompli tous les préceptes légaux et s’est rendu au Temple de façon assidue.
    3. Message et baptême. Selon Josèphe, Jean-Baptiste « exhortait les Juifs à pratiquer la vertu, la justice les uns envers les autres et la piété envers Dieu, puis à recevoir le baptême ». Les Évangiles ajoutent que son message était un message de pénitence, eschatologique et messianique ; il exhortait à la conversion et enseignait que le jugement de Dieu était imminent : un qui est « plus fort que moi » viendra, qui baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Pour Josèphe, son baptême était « un bain du corps » et signe de propreté de l’âme par la justice. Pour les évangélistes, c’était « un baptême de conversion pour le pardon des péchés » (Marc 1, 15). Jésus ne rejette pas le message de Jean-Baptiste, mais part de lui (Marc 1, 15) pour annoncer le royaume et le salut universel, et il s’identifie au Messie que Jean annonçait, ouvrant ainsi l’horizon eschatologique. Et, surtout, il fait du baptême la source du salut (Marc 16, 16) et la porte pour participer aux dons octroyés aux disciples.
    En résumé, il y a eu beaucoup de point de contact entre Jean et Jésus, mais toutes les données connues jusqu’ici mettent en évidence le fait que Jésus de Nazareth a dépassé le schéma vétérotestamentaire de Jean-Baptiste (conversion, attitude éthique, espérance messianique) et présenté l’horizon infini du salut (règne de Dieu, rédemption universelle, révélation définitive).

    Santiago Ausín, professeur de la faculté de Théologie de l’Université de Navarre
    Original sur le site opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • Comment les Évangiles ont-ils été écrits ?


    L’Église affirme sans hésiter que les quatre Évangiles canoniques « transmettent fidèlement ce que Jésus, le Fils de Dieu, vivant parmi les hommes, a fait et enseigné » (concile Vatican II, constitution dogmatique Dei Verbum, « la parole de Dieu », n° 19). Ces quatre Évangiles « ont une origine apostolique. Ce que les apôtres, en effet, sur l’ordre du Christ, ont prêché, par la suite eux-mêmes et des hommes de leur entourage nous l’ont, sous l’inspiration divine de l’Esprit, transmis dans des écrits » (Ibid.). Les écrivains chrétiens de l’Antiquité ont expliqué comment les évangélistes ont réalisé ce travail. Saint Irénée, par exemple, dit que « Matthieu a publié parmi les Hébreux dans leur propre langue une forme écrite d’Évangile, tandis que Pierre et Paul à Rome annonçaient l’Évangile et fondaient l’Église. C’est après leur départ que Marc, le disciple et l’interprète de Pierre, nous a transmis aussi par écrit ce que Pierre avait prêché. Luc, compagnon de Paul, a consigné aussi dans un livre ce que ce dernier avait prêché. Ensuite Jean, le disciple du Seigneur, celui qui avait reposé sur sa poitrine (Jean 13, 23), a publié aussi l’Évangile tandis qu’il habitait Éphèse » (Contre les hérétiques III, 1, 1). Des commentaires très semblables se trouvent chez Papias de Hiérapolis ou Clément d’Alexandrie (voir Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique 3, 39, 15 ; 6, 14, 5-7) : les Évangiles ont été écrits par les apôtres (Matthieu et Jean) ou par des disciples des apôtres (Marc et Luc), mais toujours en recueillant la prédication de l’Évangile par les apôtres.
    L’exégèse moderne, après une étude très attentive des textes évangéliques, a expliqué en détail ce processus de composition. Le Seigneur Jésus n’a pas envoyé ses disciples écrire mais prêcher l’Évangile. C’est ce que les apôtres et la communauté apostolique ont fait et, pour faciliter la tâche d’évangélisation, ils ont mis par écrit une partie de cet enseignement. Enfin, au moment où les apôtres et ceux de leur génération étaient en train de disparaître, « les auteurs sacrés composèrent les quatre Évangiles, choisissant certains des nombreux éléments transmis soit oralement soit déjà par écrit, rédigeant un résumé des autres, ou les expliquant en fonction de la situation des Églises » (Dei Verbum, n° 19).
    Par conséquent, on peut en conclure que les quatre Évangiles sont fidèles à la prédication des apôtres sur Jésus et que la prédication des apôtres sur Jésus est fidèle à ce que Jésus a fait et dit. Par là nous pouvons dire que les Évangiles sont fidèles à Jésus. De fait, les noms que les auteurs anciens donnent à ces textes — « Souvenirs des apôtres », « Commentaires, Paroles sur (du) le Seigneur » (voir saint Justin, Apologie 1, 66) ; Dialogue avec Triphon 100) — vont dans ce sens. Avec les écrits évangéliques, nous avons accès à ce que les apôtres prêchaient au sujet de Jésus.

    Vicente Balaguer, professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • 11 juin : la Sainte Trinité


    Les chrétiens célèbrent aujourd’hui le mystère central de leur foi : l’existence d’un seul Dieu en trois Personnes. C’est un paradoxe, certes, mais en même temps la réalité la plus élevée. « Il n’y a qu’un seul Dieu et le monothéisme de l’Ancien Testament est fidèlement maintenu. Ce Dieu se manifeste comme le Père qui a un Fils, avec lequel il est en relation dans l’unité d’un même Esprit. Non pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois Personnes, auxquelles l’Écriture [la Bible] donne trois noms divins, qui accomplissent, dans cette communion divine, un même salut pour les hommes » (Catéchisme des évêques de France, n° 235).
    Dès le début de leur prédication, les apôtres enseigneront que « comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il n’y a qu’un seul Corps et un seul Esprit. Il n’y a qu’un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui règne au-dessus de tous, par tous et en tous » (Éphésiens 4, 4-6).
    Je n’ai pas la prétention de faire ici un cours sur la Trinité, ce qui conduirait trop loin. Je me limiterai à dire qu’en partant de l’Écriture, qui est la Parole de Dieu, « les relations qui unissent le Père, le Fils et l’Esprit dans la réalisation de notre salut révèlent des relations qui les unissent dans leur vie éternelle. Le Père est Père depuis toujours et n’est que Père ; le Fils est éternellement engendré par le Père et de même nature que lui (« consubstantiel »), comme le définissent les conciles de Nicée en 325 et de Constantinople en 381, et comme le dit encore aujourd’hui le Credo. De même l’Esprit n’est pas une créature du Fils : « Il est Seigneur et il donne la vie : avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire, il procède du Père ». […] Pour désigner pareillement le Père, le Fils et l’Esprit qui ne font pas trois dieux, la Tradition de l’Église a élaboré le terme de personneen le distinguant de celui de nature. Chacune des Personnes est constituée par la relation spécifique qui l’unit aux autres. Mais les Personnes s’inscrivent dans l’unité de la même nature divine et ne la multiplient pas. Simplement, chaque Personne a une place et un rôle originaux dans l’éternel mouvement d’échange, de don et de retour qui habite la même nature. Le dogme de la Trinité se résume donc dans la formule : trois Personnes égales et distinctes en une seule nature » (Catéchisme des évêques de France, n° 237).
    Dans la préface de la messe, les croyants affirment que, « vraiment, il est juste et il est bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant. Avec ton Fils unique et le saint-Esprit, tu es un seul Dieu, tu es un seul Seigneur, dans la trinité des personnes et l’unité de leur nature. Ce que nous croyons de ta gloire, parce que tu l’as révélé, nous le croyons pareillement, et de ton Fils et du Saint-Esprit ; et quand nous proclamons notre foi au Dieu éternel et véritable, nous adorons en même temps chacune des Personnes, leur unique nature, leur égale majesté ».

  • Qui étaient les évangélistes ?

    Ce qui est important dans les Évangiles, c’est qu’ils nous transmettent la prédication des apôtres et que les évangélistes ont été des apôtres ou des hommes apostoliques (voir concile Vatican II, constitution dogmatique Dei Verbum, « la Parole de Dieu », n° 19). Ceci est conforme à la tradition : les auteurs des Évangiles sont Matthieu, Jean, Luc et Marc. Les deux premiers figurent dans la liste des apôtres (Matthieu 10, 2-4 et passages parallèles) et les deux autres sont des disciples respectivement de saint Paul et de saint Pierre. Lorsqu’elle fait l’analyse critique de cette tradition, la recherche moderne ne voit pas de gros inconvénients attribuer à Marc et à Luc leur Évangile. En revanche, elle analyse avec un œil plus critique l’autorité de Matthieu et de Jean. Elle affirme d’ordinaire que cette attribution met en évidence la tradition apostolique d’où ces écrits proviennent, non que les auteurs en question aient eux-mêmes écrit ces textes.
    Ce qui compte, ce n’est donc pas la personne concrète qui écrit l’Évangile, mais l’autorité apostolique qui se trouvait derrière chacune d’elles. Au milieu du IIème siècle, saint Justin parle des « mémoires des apôtres ou évangiles » (Apología, 1,66, 3) qu’on lisait pendant la réunion liturgique. Ce qui laisse entendre deux choses : l’origine apostolique de ces écrits et le fait qu’on les recueillait pour les lires en public. Un peu plus tard, toujours au IIème siècle, d’autres auteurs disent que les Évangiles apostoliques sont au nombre de quatre et de quatre seulement. Origène, par exemple, écrit : « L’Église a quatre Évangiles, les hérétiques un très grand nombre, parmi lesquels un qui a été écrit selon les Égyptiens, un autre selon les douze apôtres. Basilide a osé écrire un évangile et lui donner son nom (...). Je connais un évangile appelé selon Thomas et un autre selon Matthias ; et nous en lisons beaucoup d’autres » (Hom. I in Luc., PG 13,1802). Nous trouvons des expressions semblables chez saint Irénée, qui ajoute en outre : « Le Verbe artisan de l’univers, qui est assis au-dessus des chérubins et qui maintient tout, une fois manifesté aux hommes, nous a donné l’Évangile à quatre formes, Évangile qui est cependant maintenu par un seul Esprit » (Contre les hérésies, 3, 2, 8-9). Cette expression — Évangile à quatre formes — met en évidence quelque chose d’important, à savoir que l’Évangile est un, mais sa forme quadruple. La même idée est exprimée par le titre des Évangiles : leurs auteurs ne sont pas indiqués, comme d’autres auteurs de l’époque, par le génitif d’origine (« Évangile de… »), mais par le mot kata (« Évangile selon… »). On indique de cette façon que l’Évangile est unique, celui de Jésus-Christ, mais qu’il en est donné témoignage de quatre façons qui proviennent des apôtres et des disciples des apôtres. C’est la pluralité dans l’unité qui est ainsi soulignée.

    Vicente Balaguer, professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • Liberté, liberté chérie… (5)

    Liberté et loi morale

    La liberté ne devient effective que par la connaissance de la loi naturelle. Mais elle n'est pas adhésion aveugle, prédéterminée — ce qui serait la négation même de la liberté — ni simple consentement. « Dieu nous demande un effort, effort qui est la preuve de notre liberté » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 17). L'homme a la propriété, qui le spécifie en tant qu'homme, de pouvoir être véritablement et personnellement la cause de ses actes. Nous nous situons ici au plan de la voluntas ut ratio, car la volonté est « domina sui actus » (saint Thomas d’Aquin, Summa Theologiæ I-II, q. 9, a. 3).
    Il n'en découle pas que l'homme puisse être l'auteur de la loi morale : cela équivaudrait à se prendre pour l'auteur de la nature. Il possède « le don très spécial de la liberté » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 99) qui le rend maître de ses actes et capable, toujours avec la grâce divine, de façonner son destin éternel.
    Mais il est vraiment la cause de ses actes dont l'exécution concourt, parce qu'ils sont posés en conformité avec la loi, à conserver et développer « l'harmonie divine de la création » (Ibid., n° 183). Non pas cause aveugle, nécessaire, mais cause par le jeu combiné de son intelligence et de sa volonté, par un choix qui lui est personnel. « Voilà le degré suprême de dignité chez les hommes : qu'ils se dirigent par eux-mêmes et non par un autre vers le bien » (saint Thomas d’Aquin, Super Epistolas S. Pauli lectura. Ad Romanos, cap. II, lect. III, 217, éd. Marietti, Turin, 1953, p. 38-39 ; cf. Amis de Dieu, n° 27). C'est alors que l'homme « se sent entièrement libre parce qu'il travaille aux choses de son Père » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 138) et qu'il assume délibérément le « conditionnement » que comporte la vie chrétienne. D'où cette exclamation joyeuse et optimiste : "Mon joug est la liberté" (saint Josémaria, Chemin de Croix, Paris, 1982, 2e station, point de méditation n° 4). Comme Dante l'a bien subodoré, « Vous qui vivez, vous attribuez au ciel seul toutes les causes, comme s'il entraînait nécessairement tout avec lui. S'il en était ainsi, le libre-arbitre serait détruit en vous (...) Si le monde actuel s'égare, la cause en est en vous » (Dante Alighieri, La Divine comédie. Le Purgatoire, chant XVI, 67-71. 82, trad. Alexandre Masseron, Paris, 1954).
    C'est pour cela que l'homme n'a pas seulement à suivre la nature, mais qu'il doit consentir entièrement à l'ordre établi par Dieu, jusque et y compris en ce point précis qu'agir librement, être pour de bon et personnellement cause, est inhérent à sa nature humaine et qu'il ne respecte pas excellemment cet ordre établi tant qu'il n'agit pas en toute liberté. « Dieu a jugé que ses serviteurs seraient meilleurs s'ils le servaient librement... Dieu ne veut pas d'esclaves. Il préfère avoir des enfants libres » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 33). Or le maximum de liberté se trouve dans la volonté (saint Thomas d’Aquin, In II Sent., d. 25, q. 1, a. 2 ad 4). D'autre part, il ne faut pas oublier que c'est le propre de Dieu Créateur d'agir au fond intime de sa créature, en sorte que celle-ci demeure parfaitement libre. Donc « plus Dieu est le Maître de la volonté de l'homme, plus celui-ci choisit ce qui est meilleur pour lui, c'est-à-dire conforme à sa destinée établie de toute éternité par le Père, grâce à l'Esprit du Christ qui anime son vouloir. Et plus aussi ce chrétien s'humanise vraiment en sa volonté d'homme » (H.-M. Manteau-Bonamy, La Vierge Marie et le Saint-Esprit, 2e éd. augmentée, Paris, 1975, p. 159).
    La loi divine ne s'oppose nullement à la liberté. Bien au contraire, puisqu'elle a pour auteur la liberté même. « Le Seigneur nous a octroyé un grand don surnaturel, la grâce divine, et un merveilleux présent humain, la liberté personnelle qui, pour ne pas se corrompre ni se transformer en licence, exige de nous une intégrité et un ferme engagement de refléter dans notre conduite la loi divine, parce que là où est l'Esprit de Dieu, là se trouve la liberté » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 184). La loi divine est, bien évidemment, contraire aux tendances désordonnées de la nature humaine, commutata in deterius par le péché originel. Mais elle n'est pas l'adversaire de tout ce qui est authentiquement humain, de tout ce qui construit la société et le monde dans l'harmonie. Comment en irait-il autrement, alors qu'elle préside à ce développement ? Moyennant quoi il n'y a pas, et il ne peut pas y avoir, « d'opposition entre le service de Dieu et le service des hommes ; entre l'exercice des devoirs et des droits civiques et celui des devoirs et des droits religieux ; entre un effort pour construire et perfectionner la cité temporelle et la certitude que ce monde que nous traversons est un chemin qui nous conduit à la patrie céleste » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 165).
    En dernière instance, c'est l'obéissance à la loi, et donc le respect de l'ordre naturel établi par la Sagesse éternelle, qui seuls maintiennent vives la liberté et la joie de la liberté ; et la conviction que rien de ce monde n'est perdu pour l'au-delà : « Où il n'y a pas de liberté, là point de mérite » (St Bernard, Serm. 81 in Cant. 6).

    (à suivre…)