Jésus a été accusé auprès de l’autorité romaine de promouvoir une révolte politique (voir Luc 23, 2). Pendant que le procurateur Pilate délibérait, il a fait l’objet de pressions pour qu’il condamne Jésus au motif suivant : « Si c’est celui-là que tu libères, tu n’es pas ami de César : quiconque se fait roi se déclare contre César » (Jean 19, 12). C’est pourquoi dans le titre de la croix qui indiquait le motif de la condamnation, il est écrit : « Jésus de Nazareth, roi des Juifs. »
Ses accusateurs ont pris pour prétexte la prédication de Jésus au sujet du royaume de Dieu, un royaume de justice, d’amour et de paix, pour le présenter comme un adversaire politique qui pourrait finir par poser des problèmes à Rome. Mais Jésus n’a pas participé directement à la politique et n’a pas pris parti en faveur d’aucune des factions ou des tendances réunissant les opinions ou l’action politique de ceux qui vivaient alors en Galilée ou en Judée.
Cela ne veut pas dire que Jésus se désintéressait des questions importantes dans la vie sociale de son temps. De fait, l’attention qu’il portait aux malades, aux pauvres et aux nécessiteux n’est pas passée inaperçue. Il a prêché la justice et, par-dessus tout, l’amour du prochain sans distinction.
Quand il entre à Jérusalem pour participer à la fête de la Pâque, la foule l’acclame comme le Messie en criant sur son passage : « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Hosanna au plus haut des cieux ! (Matthieu 21, 9). Cependant Jésus ne répondait pas aux attentes politiques selon lesquelles le peuple s’imaginait le Messie : il n’était pas un chef guerrier venant changer par les armes la situation dans laquelle ils se trouvaient, ni un révolutionnaire incitant à se soulever contre le pouvoir romain.
Le messianisme de Jésus ne se comprend qu’à la lumière des cantiques du Serviteur souffrant prophétisés par Isaïe (Isaïe 52, 13-53, 12), qui s’offre à la mort pour la rédemption de beaucoup. C’est ainsi que les premiers chrétiens l’ont clairement compris en réfléchissant, mus par l’Esprit Saint, sur ce qui s’était passé : « Le Christ lui-même a souffert pour vous, vous laissant un modèle afin que vous suiviez ses traces ; lui qui n’a pas commis le péché et dont la bouche n’a pas proféré de mensonge ; lui qui subissait les outrages sans riposter ; qui endurait la souffrance sans faire de menaces, s’en remettant à celui qui juge en toute justice ; qui a lui-même porté nos péchés en son corps, sur le bois, afin qu’étant mort à nos péchés nous vivions pour la justice ; dont les meurtrissures nous ont guéris. Car vous étiez comme des brebis errantes ; mais à présent vous êtes revenus au pasteur et au gardien de vos âmes » (1 Pierre 2, 5-9).
Certaines biographies récentes de Jésus font remarquer, à propos de son attitude face à la politique du moment, la diversité des hommes qu’il a choisis comme apôtres. On cite d’ordinaire Simon, appelé le zélote (voir Luc 6, 15), qui, comme son surnom l’indique, devait être un nationaliste radical, engagé dans la lutte pour l’indépendance du peuple face aux Romains. Certains experts des langues de la région signalent aussi Judas Iscariote dont le surnom iskariot semble être la transcription populaire grecque du mot latin sicarius, ce qui en ferait un sympathisant du groupe le plus extrémiste et violent du nationalisme juif. En revanche, Matthieu était collecteur d’impôts pour l’autorité romaine, « publicain » ou, ce qui était alors considéré comme l’équivalent, collaborateur avec le pouvoir politique établi par Rome. D’autres noms, comme Philippe, marquent la provenance du monde hellénique qui était très établi en Galilée.
Ces données peuvent présenter des détails discutables ou associer certains de ces hommes à des attitudes politiques qui n’ont pris de l’importance que quelques décennies plus tard, mais en tout état de cause elles montrent bien que dans le groupe des Douze se trouvaient des gens très différents les uns des autres, chacun avec ses opinions et ses prises de positions, qui avaient été appelés à une tâche, celle de Jésus, qui transcendait leur filiation politique et leur condition sociale.
Francisco Varo, doyen de la faculté de théologie de l’Université de Navarre
Disponible sur le site www.opusdei.es
Traduit par mes soins
Dominique Le Tourneau - Page 185
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Quelles étaient les affinités politiques de Jésus ?
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Coment expliquer la Résurrection de Jésus ?

La résurrection du Christ est un événement réel qui a eu des manifestations historiquement vérifiées. Les apôtres ont rendu témoignage de ce qu’ils ont vu et entendu. Vers 57, saint Paul écrit aux Corinthiens : « Je vous ai, en effet, transmis tout d’abord ce que moi-même j’avais reçu : quel le Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Écritures ; qu’il a été mis au tombeau et qu’il est ressuscité le troisième jour, conformément aux Écritures ; et qu’il est apparu à Céphas, puis aux Douze » (1 Corinthiens 15, 3-5).
Quand quelqu’un s’approche de nos jours de ces faits pour y chercher avec le plus d’objectivité possible la vérité de ce qui s’est produit, une question peut se présenter à son esprit : S’agit-il d’une manipulation de la réalité qui a eu un écho extraordinaire dans l’histoire humaine, ou d’un fait réel qui continue d’être surprenant et inattendu aujourd’hui comme pour les disciples stupéfaits à l’époque ?
Il n’est possible de trouver une réponse raisonnable à cette question qu’en étudiant ce que pouvaient être les croyances de ces hommes au sujet de la vie après la mort, pour se rendre compte si l’idée d’une résurrection comme celle qu’ils racontent est quelque chose de logique dans leurs schémas mentaux.
D’entrée de jeu, dans le monde grec on trouve des références à une vie après la mort, mais avec des caractéristiques singulières. L’Hadès, motif récurent dès les poèmes homériques, est le domicile de la mort, un monde d’ombres qui est comme un vague souvenir de la demeure des vivants. Mais Homère n’a jamais imaginé qu’un retour de l’Hadès soit possible dans la réalité. Dans une perspective différente, Platon a spéculé sur la réincarnation, mais n’a pas pensé à la revitalisation du corps, une fois mort, comme à quelque chose de réel. C’est-à-dire que, même s’il était parfois question d’une vie après la mort, l’idée de résurrection ne passait jamais par la tête, c’est-à-dire l’idée d’un retour à la vie corporelle dans le monde présent d’un individu quelconque.
Dans le judaïsme, la situation était en partie distincte et en partie commune. Le shéol dont parlent l’Ancien Testament et d’autres textes juifs anciens n’est pas très différent de l’Hadès homérique. Les gens y sont comme endormis. Mais, à la différence de la conception grecque, des portes sont ouvertes sur l’espérance. Le Seigneur est l’unique Dieu, aussi bien des vivants que des morts, avec un pouvoir aussi bien sur le monde d’ici-bas que sur le shéol. Un triomphe sur la mort est possible. Dans la tradition juive, d’aucuns manifestent une croyance en une certaine résurrection. L’on attend aussi la venue du Messie. Mais les deux événements ne semblent pas liés. Pour n’importe quel Juif contemporain de Jésus, il s’agit, au moins de prime abord, de deux questions théologiques qui se situent dans des domaines très distincts l’un de l’autre. On s’attend à ce que le Messie batte les ennemis du Seigneur, rétablisse dans toute sa splendeur et sa pureté le culte du Temple, établisse la domination du Seigneur sur le monde, mais on ne pense jamais qu’il ressuscitera après sa mort : c’est quelque chose qui, d’ordinaire, ne venait jamais à l’idée d’un Juif pieux ou instruit.
Dérober son corps ou inventer le faux bruit comme quoi il est ressuscité avec son corps, comme argument pour prouver qu’il était le Messie, est impensable. Le jour de la Pentecôte, selon les Actes des apôtres, Pierre affirme que « Dieu l’a ressuscité, l’affranchissant des douloureux la mort », concluant : « Que toute la maison d’Israël sache avec certitude que Dieu a fait Seigneur et Messie ce Jésus que vous avez crucifié » (Actes 2, 24.36).
L’explication de semblables affirmations est que les apôtres avaient été les témoins de quelque chose qu’ils n’avaient jamais pu imaginer et que, malgré leur perplexité et les moqueries qu’ils pensaient à juste titre que cela allait provoquer, ils se voyaient dans l’obligation d’en rendre témoignage.
Francisco Varo, doyen de la faculté de théologie de l’Université de Navarre
Disponible sur le site www.opusdei.es Traduit par mes soins -
Peut-on nier l’existence historique de Jésus ?

Actuellement, les analyses historiques les plus rigoureuses sont d’accord pour affirmer en toute certitude — y compris en faisant totalement abstraction de la foi et du recours aux sources historiques chrétiennes pour éviter toute méfiance éventuelle — que Jésus de Nazareth a existé, a vécu dans la première moitié du Ier siècle, était juif, a passé la majeure partie de sa vie en Galilée, a formé un groupe de disciples qui l’ont suivi, a suscité de fortes adhésions et espérances par ce qu’il disait et par les faits admirables qu’il réalisait, a été au moins une fois en Judée et à Jérusalem, à l’occasion de la fête de la Pâque, a été regardé avec méfiance par certains membres du sanhédrin et avec suspicion par l’autorité romaine, moyennant quoi il a fini par être condamné à la peine capitale par le procureur romain de Judée, Ponce Pilate, est mort cloué sur une croix. Une fois mort, son corps a été déposé dans un tombeau, mais au bout de quelques jours son cadavre ne s’y trouvait plus.
Le développement contemporain de la recherche historique permet d’établir ces faits comme étant prouvés, ce qui n’est pas peu de chose concernant un personnage d’il y a vingt siècles. Il n’existe pas d’évidence rationnelle permettant d’assurer avec plus de certitude l’existence de personnages tels qu’Homère, Socrate ou Périclès, pour ne citer que quelques-uns des plus connus, que celles apportées par les preuves de l’existence de Jésus. Et même les données objectives, vérifiables de façon critique, que nous possédons sur ces personnages sont presque toujours des détails.
Le cas de Jésus est différent, non seulement en raison de la trace profonde qu’il a laissée, mais aussi parce que les informations fournies à son sujet par les sources historiques dessinent une personnalité et soulignent des faits qui vont au-delà de l’imaginable et de ce que peut être disposé à accepter quelqu’un qui pense qu’il n’existe rien au-delà du visible et de l’expérimentable. Les données invitent à penser que Jésus était le Messie qui devait venir gouverner son peuple comme un nouveau David et, plus encore, que Jésus était le Fils de Dieu fait homme.
Pour accueillir vraiment cette invitation, il faut compter sur l’aide divine, gratuite, qui donne une splendeur à l’intelligence et la rend capable de percevoir dans toute sa profondeur la réalité dans laquelle elle vit. Il s’agit d’une lumière qui ne défigure pas cette réalité, mais permet de la capter avec toutes ses nuances réelles, dont beaucoup échappent au regard ordinaire. C’est la lumière de la foi.
Francisco Varo, doyen de la faculté de Théologie de l’Université de Navarre
Original sur le site opusdei.es
Traduit par mes soins -
Que savons-nous réellement de Jésus ?

Nous possédons sur Jésus de Nazareth des informations plus abondantes et meilleurs que sur la plupart des personnages de son temps. Nous disposons de tout ce que les témoins de sa vie et de sa mort nous ont transmis : traditions orales et écrites sur sa personne, parmi lesquelles se détachent les quatre Évangiles, qui ont été transmises dans la réalité de la communauté de foi vivante qu’il a établie et qui continue jusqu’à nos jours. Cette communauté est l’Église, composée de millions de personnes qui suivent Jésus au long de l’histoire, qui l’ont connu par les données que les premiers disciples lui ont transmis de façon ininterrompue. Les données qui figurent dans les évangiles apocryphes et d’autres références extra-bibliques n’apportent rien de substantiel à l’information fournie par les Évangiles canoniques, tels qu’ils ont été transmis par l’Église.
Jusqu’aux Lumières, croyants et non croyants étaient persuadés que ce que nous pouvions connaître de Jésus était contenu dans les Évangiles. Néanmoins, s’agissant de récits écrits à partir de la foi, des historiens du XIXème siècle ont mis en doute l’objectivité de leur contenu. Pour ces savants, les récits évangéliques étaient peu crédibles parce qu’ils ne contenaient pas ce que Jésus a fait et dit, mais ce que croyaient ceux qui ont suivi Jésus quelques années après sa mort. La conséquence a été que jusqu’au milieu du XXème siècle on a mis en doute la véracité des Évangiles et on en est venu à affirmer que « nous ne pouvons savoir presque rien » (Bultmann) de Jésus.
Aujourd’hui, avec le développement de la science historique, les progrès de l’archéologie et notre meilleure connaissance des sources anciennes, nous pouvons affirmer avec un spécialiste connu du monde juif du Ier siècle après Jésus-Christ, qui ne peut pas être accusé de conservatisme, que « nous pouvons savoir beaucoup de Jésus » (Sanders). Par exemple, cet auteur indique « huit faits indiscutables » du point de vue historique sur la vie de Jésus et les origines du christianisme : 1) Jésus a été baptisé par Jean-Baptiste ; 2) c’était un Galiléen qui a prêché et réalisé des miracles ; 3) il a appelé des disciples et a dit qu’ils étaient au nombre de douze ; 4) il a limité son activité à Israël ; 5) il a maintenu une controverse sur le rôle du Temple ; 6) il a été crucifié en dehors de Jérusalem par les autorités romaines ; 7) après la mort de Jésus, ses disciples ont continué de former un mouvement identifiable ; 8) certains Juifs au moins ont persécutés certains groupes du nouveau mouvement (Galates 1, 13.22 ; Philippiens 3, 6) et, à ce qu’il semble, cette persécution a duré au minimum jusqu’à la fin du ministère de Paul (2 Corinthiens 11, 24 ; Galates 5, 11 ; 6, 12 ; voir Matthieu 23, 34 ; 10, 17).
À partir de cette base minimale sur laquelle les historiens sont d’accord, on peut déterminer que les autres données contenues dans les Évangiles sont dignes de foi du point de vue historique. L’application des critères d’historicité à ces données permet d’établir le degré de cohérence et de probabilité des affirmations évangéliques, et que ce que ces récits contiennent est substantiellement certain.
Enfin, il convient de rappeler que ce que nous savons de Jésus est fiable et crédible parce que les témoins sont dignes de foi et parce que la tradition est critique envers elle-même. En outre, ce que la tradition nous transmet résiste à l’analyse de la critique historique. Il est certain que seule une partie de tout ce qui nous a été transmis peut être démontrée par les méthodes utilisées par les historiens. Cependant, cela ne veut pas dire que ce qui n’est pas démontrable par ces méthodes ne s’est pas produit,mais seulement que nous pouvons apporter des données sur sa moindre ou plus grande probabilité. N’oublions pas en outre que la probabilité n’est pas déterminante. Il existe des faits très peu probables qui se sont historiquement produits. Ce qui est certainement vrai, c’est que les données évangéliques sont raisonnables et cohérentes avec les données démontrables. En tout état de cause, c’est la tradition de l’Église, au sein de laquelle ces écrits sont nés, qui nous donne des garanties de sa fiabilité et nous dit comment les interpréter.
Original sur le site opusdei.es
Traduit par mes soins -
Liberté, liberté chérie… (fin)
Liberté et unité de vie
L'homme libre ne se laisse pas détourner de la finalité essentielle de sa nature. Il intègre chacune des composantes de son être dans le plan divin et collabore ainsi de toutes ses forces à co-racheter avec le Christ. Parfaitement conscient de sa vocation à la plénitude de la vie chrétienne, il discerne à quel point sa vocation humaine et sa vocation surnaturelle constituent un tout qu'il est convié à couler dans une « unité de vie » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 165) compacte. Il faut « aimer le monde passionnément », comme l'indique le titre d'une homélie du fondateur de l’Opus Dei (cf. Entretiens avec Mgr Escriva, n° 111-123), parce que « votre vocation humaine est une partie, et une partie importante, de votre vocation divine » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 46). L'on infère de cette puissante assertion que « notre époque a besoin qu'on restitue à la matière et aux situations qui semblent les plus banales, leur sens noble et originel, qu'on les mette au service du Royaume de Dieu, qu'on les spiritualise, en en faisant le moyen et l'occasion de notre rencontre continuelle avec Jésus-Christ » (Ibid., n° 114).
La vie courante est donc le théâtre où l'homme conquiert sa liberté et où il la met en acte, c'est-à-dire où sa volonté acquiert un habitus, ou qualité stable par laquelle l'être se perfectionne. L'homme s'attache et se livre à Dieu dans un épanouissement sans cesse grandissant qui lui vient de l'adéquation à la loi morale par le truchement de la réponse à la grâce. « La liberté et le don de soi ne se contredisent pas ; ils se soutiennent mutuellement. On ne donne sa liberté que par amour ; je ne conçois pas d'autre type de détachement » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 31).
C'est ainsi que l'homme vit le plus intensément, s'auto-réalise au maximum, transforme avec vivacité sa vocation humaine — familiale, professionnelle, scientifique, politique, culturelle, etc. — en une authentique vocation divine. S'ouvrent alors devant lui « les chemins divins de la terre » (Ibid., n° 314). Il y déchiffre que Dieu s'intéresse à ce qui constitue « son monde », avec ses projets, avec son amour, avec son travail (cf. D. Le Tourneau, « Le travail comme caractéristique de la sécularité des laïcs. Pistes pour une réflexion », Studium Legionensis [1988]). Un rapport simple, filial et confiant se noue avec l'Absolu, empreint de cette liberté dont les enfants font preuve à l'égard de leurs parents. L'exécution fidèle de sa vocation dans les moindres incidences de son existence lui font savourer le gaudium cum pace (cf. saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 9), la paix et la joie qui l'acheminent à la volonté de ne pas dévier du chemin de Vie : « Nous nous savons libres; nous élevant comme dans un chant d'amour - épithalame d'une âme ardente - qui nous pousse à désirer ne pas nous écarter de Dieu » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 297). Cette ambition de la sainteté, de la « bonne divinisation » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 98) doit s'affirmer et s'affermir tout au long de la vie, dans un crescendo irrésistible d'amour de Dieu, en commençant et en recommençant sans cesse : « Afin de persévérer à la suite de Jésus, il faut une liberté continuelle, un vouloir continuel, un exercice continuel de sa propre liberté » (saint Josémaria, Forge, n° 819) ; elle fait brûler d'une impatience volcanique de contempler Dieu face à face. Vultum tuum, Domine, requiram ! (Psaume 27, 8), Seigneur, je cherche ton visage, répétait Mgr Escriva sur le tard de sa vie (cf. F. Gondrand, Au pas de Dieu. Josémaria Escriva de Balaguer fondateur de l'Opus Dei, Paris, 1982, p. 312).
« Je me plais à parler de l'aventure de la liberté, car c'est ainsi que se déroule votre vie et la mienne. Librement — comme des enfants et, pardonnez-moi si j'insiste, non comme des esclaves — nous suivons le sentier que le Seigneur a tracé pour chacun de nous. Nous savourons cette facilité de mouvement comme un don de Dieu. Librement, sans aucune contrainte, parce que telle est ma volonté, je me décide pour Dieu. Et je m'engage à servir, à transformer mon existence en un don aux autres, par amour de mon Seigneur Jésus » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 35). Et en dernier ressort cette libre élection émane de « la liberté des enfants de Dieu, que Jésus-Christ nous a gagnée en mourant sur le bois de la croix » (Ibid., n° 297).
(fin)
Dominique LE TOURNEAU
(cet article est paru dans Theologica XXII-XXIII [1991], p. 3-14) -
Le Graal
Qu’est-ce que le saint Graal ? Quels sont ses rapports avec le saint Calice ?
Étymologiquement, le mot graal vient du latin tardif gradalis ou gratalis, qui dérive du latin classique crater, vase. Dans les livres de chevalerie du Moyen Âge il est présenté comme étant le récipient ou la coupe dans lequel Jésus a consacré son Sang au cours de la dernière Cène et que Joseph d’Arimathie a utilisé ensuite pour recueillir le sang et l’eau qui ont coulé quand il a lavé le corps de Jésus. Des années plus tard, selon ces livres, Joseph l’emporta avec lui aux îles britanniques (voir « Qui était Joseph d’Arimathie ? ») et fonda une communauté de gardiens de la relique, qui devait être liée plus tard aux Templiers. Il est probable que cette légende est née au pays de Gales et qu’elle s’inspire de sources anciennes latinisées, comme ce peut être le cas des Actes de Pilate, un ouvrage apocryphe du Vème siècle. Avec la saga celte de Perceval ou Parsifal, liée au cycle du roi Arthur et développée dans des ouvrages tels que Le conte du Graal, de Chrétien de Troyes, Parcival, de Wolfram von Eschenbach, ou Le morte Darthur, de Thomas Malory, la légende s’enrichit et se répand. Le Graal devient une pierre précieuse qui, gardée pendant un certain temps par des anges, a été confiée à la garde de chevaliers de l’ordre du saint Graal et de leur chef, le roi du Graal. Tous les ans, le Vendredi saint, sous une colombe du ciel et après avoir déposé un cachet sur la pierre, elle renouvelle sa vertu et sa force mystérieuse, qui communique une jeunesse perpétuelle et peut combler tout désir de manger et de boire. De temps à autre, des inscriptions sur la pierre révèlent le nom de ceux qui sont appelés au bonheur éternel dans la ville du Graal, au Mont sauvage.
Par sa thématique, cette légende est en rapport avec le calice que Jésus utilisé lors de la dernière Cène et sur lequel existent diverses traditions anciennes. Elles sont fondamentalement au nombre de trois. Selon la plus ancienne, du VIIème siècle, un pèlerin anglo-saxon affirme avoir vu et touché dans l’église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, le calice que Jésus a utilisé. Il était en argent et avait deux anses visibles. Une seconde tradition dit que ce calice est celui qui est conservé dans l’église San Lorenzo de Gênes. On l’appelle le Sacro catino. Il s’agit d’un verre de couleur verte semblable à une assiette, qui aurait été apporté à Gênes par les croisés au XIIèmesiècle. Selon une troisième tradition, le calice de la dernière Cène est celui qui est conservé dans la cathédrale de Valence, en Espagne, où il est vénéré comme le saint Calice. Il s’agit d’une coupe en calcédoine de couleur très foncée, qui aurait été apportée par saint Pierre à Rome et utilisée dans cette ville par ses successeurs, jusqu’à ce qu’elle soit remise, au IIIème siècle, à cause des persécutions, à la garde de saint Laurent, qui l’aurait apportée à Huesca. Après avoir été dans divers endroits de l’Aragon, elle aurait été transférée à Valence au XVème siècle.
Juan Chapa, professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
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Pourquoi Jésus a-t-il été condamné à mort ?

Le personnage de Jésus de Nazareth était de plus en plus controversé au fur et à mesure que sa prédication avançait. Les autorités religieuses de Jérusalem s’inquiétaient des troubles que l’arrivée du maître de Galilée pouvait susciter dans le peuple à la Pâque. Les élites impériales aussi, car à une époque où des soulèvements contre l’occupation romaine se produisaient de temps à autre sous la conduite de chefs locaux qui en appelaient au caractère propre des Juifs, les nouvelles qu’elles recevaient de ce maître qui parlait de se préparer pour l’arrivée d’un « royaume de Dieu » n’avaient rien de rassurant. Les unes et les autres étaient donc prévenues contre lui, bien que pour des motifs différents.
Jésus a été arrêté et son cas étudié par le sanhédrin. Il ne s’agissait pas d’un procès formel, selon les procédures qui seront recueillies plus tard dans la Misna (Sanhédrin 4, 1) et qui exigeaient, entre autres, qu’il y ait lieu de jour, mais d’un interrogatoire chez des particuliers pour vérifier les accusations reçues ou les doutes au sujet de son enseignement, plus précisément sur son attitude critique envers le Temple, le halo messianique autour de sa personne que provoquaient ses paroles et son comportement, et, surtout, la prétention qui lui était attribuée de posséder une dignité divine. Plus que les questions doctrinales en soi, ce qui préoccupait vraiment les autorités religieuses était peut-être la révolte qu’elles craignaient contre les modèles établis. Cela pouvait donner lieu à une agitation populaire que les Romains ne tolèreraient pas, et dont il pouvait dériver une situation politique pire que celle qui existait alors.
Dans ce contexte, la cause fut déférée à Pilate, et le contentieux juridique contre Jésus fut présenté devant l’autorité romaine. Face à Pilate, les autorités religieuses exposèrent leurs craintes que celui qui parlait de « royaume » puisse être un danger pour Rome. Le procureur pouvait affronter la situation de deux façons. Une d’elles, la coercitio (« châtiment, mesure forcée ») lui donnait la capacité d’appliquer les moyens opportuns pour maintenir l’ordre. Faisant appel à elle, il aurait pu infliger à Jésus un châtiment exemplaire ou même le condamner à mort pour qu’il serve d’exemple. Il pouvait aussi établir une cognitio (« connaissance »), un procès formel avec formulation d’une accusation, interrogatoire et sentence prononcée conformément à la loi.
Il semble que Pilate ait hésité un instant sur la procédure, tout en optant finalement pour le procès selon la forme la plus habituelle dans les provinces romaines, appelée cognitio extra ordinem, c’est-à-dire un procès dans lequel le préteur déterminait lui-même la procédure et dictait la sentence. C’est ce qui découle de quelques détails apparemment accidentels figurant dans les récits : Pilate reçoit les accusations, interroge, s’assied au tribunal pour dicter la sentence (Jean 19, 13 ; Matthieu 27, 19), et condamne Jésus à la mort en croix pour un délit formel : il est condamné en tant que « roi des Juifs », comme cela fut indiqué sur le titulus crucis, l’écriteau apposé sur la Croix.
Les appréciations historiques sur la condamnation de Jésus doivent être très prudentes, pour ne pas tomber dans des généralisations hâtives qui conduiraient à des appréciations injustes. En particulier, il est important de faire noter — bien que ce soit évident — que les Juifs ne sont pas responsables collectivement de la mort de Jésus. « Tenant compte du fait que nos péchés atteignent le Christ Lui-même, l’Église n’hésite pas à imputer aux chrétiens la responsabilité la plus grave dans le supplice de Jésus, responsabilité dont ils ont trop souvent accablé uniquement les Juifs » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 598).
Francisco Varo, doyen de la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
Disponible sur le site www.opusdei.es
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Jésus a-t-il voulu réellement fonder une Église ?
La prédication de Jésus s’adresse en premier lieu à Israël, comme il la dit lui-même à ceux qui le suivaient : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Matthieu 15, 24). Dès le début de son activité, il invite tout le monde à la conversion : « Le temps est révolu, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous et croyez à l’Évangile » (Marc 1, 15). Cependant cet appel à la conversion personnelle n’est pas conçu dans un contexte individualiste, mais vise continuellement à réunir l’humanité dispersée pour constituer le Peuple de Dieu qu’il est venu sauver.
Un signe évident comme quoi Jésus avait l’intention de réunir le peuple de l’Alliance, ouvert à l’humanité tout entière, dans l’accomplissement des promesses faites à son peuple, est l’institution des douze apôtres, à la tête desquels Pierre est placé : « Voici les noms des douze apôtres : Simon dit Pierre, et André son frère ; Jacques, file Zébédée, et Jean son frère ; Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le publicain ; Jacques, fils d’Alphée, et Thaddée ; Simon le Zélote et Judas Iscariote, qui fut celui qui le livra » (Matthieu 10, 2-4 ; voir Marc 3, 13-16 ; Luc 6, 12-16) (voir « Qui furent les douze apôtres ? »). Le chiffre douze renvoie aux douze tribus d’Israël et manifeste le sens de cette initiative de rassembler le peuple saint de Dieu, la ekklesia Theou (l’Église de Dieu) : ils sont les fondations de la nouvelle Jérusalem (voir Apocalypse 21, 12-14).
Un nouveau signe de cette intention de Jésus est donné par le fait qu’au cours de la dernière Cène il confie le pouvoir de célébrer l’Eucharistie qu’il a instituée à ce moment-là (voir « Que s’est-il passé lors de la dernière Cène ? »). De cette façon, il a transmis à toute l’Église, en la personne des douze qui en étaient la tête, la responsabilité d’être le signe et l’instrument de la réunion commencée par lui et qui devait se réaliser aux derniers temps. En effet, son don sur la Croix, anticipé de façon sacramentelle dans ce repas, et actualisé chaque fois que l’Église célèbre l’Eucharistie, crée une communauté unie dans la communion avec lui-même, appelée à être signe et instrument de la tâche qu’il a commencée. L’Église naît donc du don total du Christ pour notre salut, anticipé dans l’institution de l’Eucharistie et consommé sur la Croix.
Les douze apôtres sont le signe le plus évident de la volonté de Jésus quant à l’existence et la mission de son Église, la garantie qu’il n’y a pas d’opposition entre le Christ et l’Église : ils sont inséparables, malgré les péchés des hommes qui composent l’Église.
Les apôtres étaient conscients de ce que leur mission, parce qu’ils l’avaient reçue de Jésus, devait se perpétuer. C’est pourquoi ils ont pris soin de se trouver des successeurs afin que la mission a eux confiée se prolonge après leur mort, comme en témoigne le livre des Actes des apôtres. Ils ont laissé une communauté structurée par le ministère apostolique, sous la direction de pasteurs légitimes, qui l’édifient et la soutiennent dans la communion avec le Christ et avec l’Esprit Saint dans laquelle tous les hommes sont appelés à faire l’expérience du salut offert par le Père.
Dans les lettres de saint Paul, les membres de l’Église sont donc conçus comme des « concitoyens des saints et membres de la famille de Dieu. L’édifice que vous êtes a pour fondement les apôtres et les prophètes, le Christ Jésus étant lui-même la pierre d’angle » (Éphésiens 2, 19-20).
Il n’est pas possible de rencontrer Jésus si l’on fait abstraction de la réalité qu’il a créée et dans laquelle il se communique. Entre Jésus et son Église, il y a une continuité profonde, inséparable et mystérieuse, en vertu de laquelle le Christ se rend présent parmi son peuple.
Francisco Varo, doyen de la faculté de théologie de l’Université de Navarre
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Comment s'expliquent les miracles de Jésus ?

Au nombre des accusations les plus anciennes portées par des Juifs et des païens contre Jésus se trouve celle d’être un magicien. Au IIème siècle, Origène réfute les accusations de magie que Celse faisait du Maître de Nazareth et auxquelles font allusion saint Justin, Arnobe et Lactance. Des traditions juives qui peuvent remonter au IIème siècle contiennent elles aussi des accusations de sorcellerie. En tout cas, on n’affirme pas qu’il n’aurait pas existé ni qu’il n’aurait pas réalisé des prodiges, mais que les motifs qui le poussaient à les faire étaient l’intérêt et la renommée personnels. De ces affirmations découlent l’existence historique de Jésus et sa renommée de thaumaturge, comme les Évangiles le montrent. C’est pourquoi aujourd’hui, la réalisation par Jésus d’exorcismes et de guérisons figure parmi les faits qui sont considérés comme prouvés au sujet de la vie de Jésus.
Néanmoins, par rapport à d’autres personnes de l’époque connues comme réalisant des prodiges, Jésus est unique. Il se distingue par le nombre beaucoup plus élevé de miracles qu’il a réalisé et par le sens qu’il leur a donnés, absolument distinct des prodiges que certains de ces personnages sont pu réaliser (s’il est avéré qu’ils les ont réalisés). Le nombre de miracles attribués à d’autres thaumaturges est très réduit, alors que nous avons dans les Évangiles 19 récits de miracles chez Matthieu, 18 chez Marc, 20 chez Luc et 8 chez Jean. En outre, les synoptiques et Jean évoquent beaucoup d’autres miracles que Jésus a fait (voir Marc 1, 32-34 et parallèles ; 3, 7-12 et parallèles ; 6, 53-56 ; Jean 20, 30). Le sens est également différent de celui de tout autre thaumaturge : Jésus opère des miracles qui impliquaient chez les bénéficiaires la reconnaissance de la bonté de Dieu et un changement de vie. Sa résistance à les faire montre qu’il ne cherchait pas son exaltation personnelle ou sa propre gloire. Il s’ensuit qu’ils ont une signification propre.
Les miracles de Jésus comprennent dans le contexte du royaume de Dieu : « Si c’est par l’Esprit de Dieu que, moi, je chasse les démons, c’est donc que le royaume de Dieu est arrivé » (Matthieu 12, 28). Jésus inaugure le royaume de Dieu et les miracles sont un appel à une réponse de la part du croyant. Cela est fondamental et caractéristique des miracles réalisés par Jésus. Royaume et miracles sont inséparables.

Les miracles de Jésus n’étaient pas le résultat de techniques (comme pour un médecin) ou de l’action de démons ou d’anges (comme pour un magicien), mais du pouvoir surnaturel de l’Esprit de Dieu.
Par conséquent, Jésus a réalisé des miracles pour confirmer que le royaume de Dieu était présent en lui, pour annoncer la défaite définitive de satan et augmenter la foi en sa Personne. Ils ne peuvent pas s’expliquer comme des prodiges étonnants mais comme des actions de Dieu lui-même ayant une signification plus profonde que le fait prodigieux. Les miracles sur la nature sont le signe que le pouvoir divin qui agit en Jésus s’étend au-delà du monde humain et se manifeste en tant que pouvoir de domination, y compris sur les forces de la nature. Les miracles de guérison et les exorcismes sont le signe que Jésus a manifesté son pouvoir de sauver les hommes du mal qui menace l’âme. Les uns et les autres sont le signe d’autres réalités spirituelles : les guérisons du corps et de la libération de l’esclavage de la maladie signifie la guérison de l’âme de l’esclavage du péché ; le pouvoir d’expulser les démons indique la victoire du Christ sur le mal ; la multiplication des pains fait allusion au don de l’Eucharistie ; la tempête apaisée est une invitation à avoir confiance dans le Christ aux moments de bourrasque et de difficultés ; la résurrection de Lazare annonce que le Christ est lui-même la résurrection et est une figure de la résurrection finale, etc.
Juan Chapa, professeur à la faculté de théologie de l’Université de Navarre
Disponible sur le site www.opusdei.es
Traduit par mes soins -
Liberté, liberté chérie… (6)
Liberté et libertinage
« Lorsqu'on respire une atmosphère de liberté, on comprend que mal agir n'est pas une libération mais un esclavage » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 37). Comme le prêchait le saint évêque d'Hippone, privée du secours de la grâce divine, notre volonté libre ne pourra rien faire de bien. « On l'appelle libre, mais en agissant mal, elle devient mauvaise servante. Et quand je te dis que sans l'aide divine tu ne peux rien faire, j'entends rien de bon, car pour mal faire, ta volonté libre en est toujours capable sans le secours de Dieu, bien qu'elle ne jouisse plus alors de la vraie liberté : « car on est esclave de celui par qui on s'est laissé vaincre » (Psaume 2, 19). « Et si le Fils de Dieu vous délivre, alors vous serez vraiment libres » (Jean 8, 34-36) » (St Augustin, Sermo 156 12).
Ce qui enchaîne l'homme et le taraude au plus secret de lui-même, ce sont les mille et un plaisirs de ce monde non orientés vers sa fin ultime, les ambitions mesquines, le « nombrilisme » maladif, la perception de l'homme comme « un loup pour l'homme » et la « lutte des classes » qui en est le corollaire ; c'est la chimère d'une liberté illimitée qui s'avère n'être que le passage sous la coupe de multiples contraintes : la contrainte des sens et des instincts, la contrainte de la situation, la contrainte de l'information et des différents moyens de communication, la contrainte de la manière courante de penser, d'évaluer, de se comporter, « en passant sous silence la question fondamentale de savoir si cela est bien ou mal, digne ou indigne » (Jean-Paul II, Homélie aux étudiants de Rome, 26 mars 1981). « Je te conseille d'être parcimonieux vis-à-vis de toi-même et très généreux envers les autres ; évite les dépenses superflues, par luxe, caprice, vanité, commodité... ; ne te crée pas de besoins » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 123). Mais comment vivre détaché des contingences sans s'identifier à la Volonté de Dieu ? Comment accéder à cette identification sans connaître et suivre la loi naturelle ? Comment la suivre sans lutte, sans effort ascétique ? Dans ce combat chrétien, l'homme « se sent doué d'une merveilleuse vigueur de l'esprit » (Ibid., n° 38), parce qu'il est confiant dans le secours divin. En ceci, comme dans le reste de sa vie, il avance au pas de Dieu, dans une union toujours accrue à l'Amour ineffable. L'homme vraiment homme « sait se passer de ce qui nuit à son âme, et il se rend compte que son sacrifice n'est qu'apparent : parce qu'en vivant de la sorte — avec le sens du sacrifice — il se délivre de beaucoup d'esclavages et il parvient, dans l'intimité de son cœur, à savourer tout l'amour de Dieu » (Ibid., n° 84).
C'est de toutes ses forces que le fondateur de l’Opus Dei proclame, aime et défend cette liberté de l'homme, de la liberté tout court, de la liberté sans additif, car, pour lui, tout comme les hommes sont tous appelés à la même et unique sainteté, il n'existe qu'une seule et même liberté, la liberté des enfants de Dieu. Par conséquent, s'écarter de la voie choisie, être inconstant, pire infidèle, ne pas remplir ses obligations ni faire valoir ses droits de fidèles du Christ (cf. D. Le Tourneau, « Le sacerdoce commun et son incidence sur les droits et les devoirs des fidèles en général et des laïcs en particulier », Revue de Droit Canonique 39 [1989]), n'est qu'une liberté « dépourvue de tout but, de toute forme objective, de toute loi, de toute responsabilité. En un mot, le libertinage » (st Josémaria, Amis de Dieu, n° 32), c'est-à-dire asservissement à ses propres vices, assujettissement des autres à notre dérèglement intérieur. « Il faut tuer en soi le colonel », disait Alain, propos qui trouve sa réplique chez Monseigneur Escriva, quand il affirme que nous portons tous en nous un tyran qu'il faut savoir juguler. « Il est nécessaire de faire obstacle avec courage à ces « libertés de perdition », filles du libertinage, petites-filles des passions mauvaises, arrières-petites-filles du péché originel... ; comme on le voit, elles descendent du diable en ligne directe » (saint Josémaria, Forge, n° 720) et ne sont qu'un néant de liberté. Alors que le Royaume du Christ est un royaume de liberté. Il ne renferme que « des esclaves qui se sont enchaînés, librement, par amour de Dieu. Servitude bénie ! Servitude qui nous libère ! Sans la liberté, nous ne pouvons pas répondre à la grâce ; sans la liberté nous ne pouvons pas nous donner librement au Seigneur pour le plus surnaturel des motifs : parce que nous en avons envie » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 184).
(à suivre…)