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Dominique Le Tourneau - Page 171



Les photographies prises avant l’incendie de 1890 montraient les personnages de la coupole recouverts et cachés aux yeux par des peintures à l’huile représentant des arbres, tandis que le Christ Pantocrator disparaissait sous un papier sur lequel était peinte une inscription coranique et que la Madone de l’abside était invisible.

Marcel Le Tourneau a lu une note le 17 janvier 1908 à l’Académie des Inscriptions dans laquelle il livre le résultat de ses travaux. On en trouvera le texte dans une publication de la Fondation Eugène Piot, Les mosaïques de Sainte-Sophie de Salonique par Ch. DIEHL et M. LE TOURNEAU, Extrait des Monuments et Mémoires publiés par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (Premier fascicule du Tome XVI), Paris, Ernest Leroux, Éditeur, 1908, avec treize illustrations et trois planches en couleurs.
  • La vie cachée du Christ

    LA PRÉSENCE DU CHRIST DANS LE MESSAGE DE SAINT JOSÉMARIA ESCRIVA, FONDATEUR DE L’OPUS DEI (suite)

    L’imitation de la vie cachée de notre Seigneur. Pour un chrétien courant, appelé à se sanctifier dans sa vie de tous les jours, le processus d’identification au Christ passe par l’imitation des trente années que Jésus a passées à Bethléem, en Égypte et à Nazareth. Une tranche de vie qui semble dépourvue de signification. Pourtant, « ce furent des années intenses de travail et de prière ; Jésus-Christ menait une existence ordinaire — semblable à la nôtre, si l’on veut — tout à la fois divine et humaine. Il accomplissait tout à la perfection, aussi bien dans l’atelier modeste et ignoré de l’artisan que, plus tard, en présence des foules » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 56). Par conséquent, l’enseignement principal que nous tirons de la vie cachée du Seigneur est que la vie ordinaire, le travail et toutes les occupations humaines, les relations avec nos frères les hommes peuvent et doivent devenir l’occasion privilégiée de la perfection chrétienne. Dieu a fait naître l’Opus Dei, le 2 octobre 1928, pour que les chrétiens comprennent que leur vie « peut être l’occasion d’une rencontre avec le Christ, c’est-à-dire qu’elle est un chemin de sainteté et d’apostolat. Le Christ est présent à toute tâche humaine honnête : l’existence d’un chrétien ordinaire — qui paraît peut-être quelconque et mesquine à d’autres — peut et doit être une vie sainte et sanctifiante. En d’autres termes : pour suivre le Christ, pour servir l’Église, pour aider les autres hommes à reconnaître leur destin éternel, il n’est pas indispensable de quitter le monde, pas plus que de se consacrer à une activité ecclésiastique ; la condition nécessaire et suffisante est d’accomplir la mission que Dieu nous a confiée à chacun, à l’endroit et dans le milieu fixés par sa Providence ». Or, cette mission consiste, pour les fidèles laïcs, à sanctifier le monde de l’intérieur, en l’imprégnant de sens chrétien et en l’orientant à Dieu. L’Opus Dei montre alors que « la vocation humaine — la vocation professionnelle, familiale et sociale — ne s’oppose pas à la vocation surnaturelle ; bien au contraire, elle en est une partie intégrante » (Entretiens, n° 60 ; voir D. Le Tourneau, L'Unité de vie et la sainteté ordinaire d'après le bienheureux Josémaria Escriva, Paris, 1999).


    Revivre l’Évangile comme un film. L’imitation du Christ et la sanctification de la vie courante demandent de bien connaître la vie du Seigneur. Le bienheureux Josémaria conseillait de se fondre dans les personnages qui vivent avec Jésus ou qu’il rencontre, et de lire et méditer le Nouveau Testament afin d’arriver à revivre les scènes comme dans un film. « Vis près du Christ ! Sois, dans l’Évangile, comme un personnage de plus, qui partage sa vie avec Pierre, avec Jean, avec André…, parce que maintenant aussi le Christ est vivant ! » (Forge, n° 8). Commentant le mystère de l’Annonciation (Saint Rosaire), il nous livre sa propre expérience des « enfantillages de la vie intérieure » : « Toi, tu es dans cette maison [de Marie, à Nazareth] tout ce que tu voudras : un ami, un serviteur, un curieux, un voisin… — Quant à moi, je n’ose pas être quoi que ce soit en ce moment. Caché derrière toi, je contemple la scène, ébloui. » Puis, parlant de la Naissance de Jésus, il se fait le serviteur de saint Joseph, qui, écrit-il, « me pardonne si je prends l’Enfant dans mes bras et passe des heures entières à lui dire des choses douces et ardentes !… Et je l’embrasse — embrasse-le toi aussi — et je l’appelle Roi, Amour, mon Dieu, mon Unique, mon Tout !… » Le fondateur de l’Opus Dei invite son lecteur à être un personnage de plus de la vie du Seigneur, pour « que « tu accomplisses » l’Évangile dans ta vie…, et pour « le faire accomplir » (Sillon, n° 672). L’insistance sur ce mode de méditation est constante dans l’enseignement du bienheureux Josémaria, qui y voit un élément essentiel de l’identification au Christ. Bien entendu, si la vie du chrétien courant doit reproduire avant tout celle de Jésus dans son cadre familial, professionnel, social, elle doit aussi chercher l’identification au Christ souffrant pour la rédemption des hommes. « Veux-tu suivre Jésus de près, de très près ?… Ouvre le saint Évangile et lis la Passion du Seigneur. Non seulement pour la lire, mais pour la vivre. La différence est grande. Lire, c’est se rappeler un événement passé ; vivre, c’est se trouver là quand quelque chose arrive, c’est être un personnage parmi d’autres dans la scène. Alors, laisse ton cœur s’épancher et se blottir près du Seigneur. Et lorsque tu sentiras que ton cœur t’échappe — que tu es lâche, comme les autres — demande pardon pour tes lâchetés, et pour les miennes » (, 9ème station, point n° 3).

    (à suivre…)

    Dominique Le Tourneau

  • Jésus dans l'enseignement de st Josémaria

    LA PRÉSENCE DU CHRIST DANS LE MESSAGE DE
    SAINT JOSÉMARIA ESCRIVA,
    FONDATEUR DE L’OPUS DEI


    Toute la pensée du fondateur de l’Opus Dei étant christocentrique, il est particulièrement ardu de résumer en quelques pages son enseignement sur le Christ. De fait, « sa personnalité humaine et sacerdotale, son activité ecclésiale, son action de fondation et sa pensée se sont forgées depuis sa jeunesse dans la profondeur de l’identification surnaturelle avec le Fils de Dieu sur la Croix et dans sa glorification, dans son existence quotidienne et dans l’événement pascal, dans son mystère sacerdotal de donation et de service de l’Église et de tous les hommes » (A. ARANDA, « Il cristiano « alter Christus, ipse Christus », Santità e mondo. Atti del Convegno teologico di studio sugli insegnamenti del beato Josemaría Escrivá (Roma, 12-14 ottobre 1993), Cité du Vatican, 1994, p. 103). C’est pourquoi nous ne pourrons brosser ici que quelques coups de pinceau, en espérant qu’ils suffiront quand même à permettre d’apercevoir ou d’entrapercevoir la profondeur de la pensée de quelqu’un qui se sentait « fasciné par le Christ », comme le pape Jean Paul II l’a relevé dans l’homélie de la messe de béatification, place Saint-Pierre, le 17 mai 1992. Une fascination qui amenait le bienheureux à insérer fréquemment dans ses écrits les initiales « RChV », pour regnare Christum volumus, « nous voulons que le Christ règne », en nous et dans le monde. Nous ferons une large place aux citations textuelles des écrits du bienheureux Josémaria, car elles sont plus parlantes que toute glose. Ces textes s’adressent au chrétien qui cherche à être cohérent avec sa foi. Ils tracent un itinéraire de vie, qui n’est nullement hors de portée, mais qui ne saurait être parcouru en un clin d’œil. C’est l’affaire de toute notre vie. Par conséquent, nous sommes invités à regarder le Christ comme un miroir, qui nous montre ce qu’il attend que nous devenions : sa « reproduction » la plus fidèle possible, car, ne l’oublions pas, l’homme a été créé à l’image de Dieu (Genèse 1, 27).

    Le chrétien est appelé à être alter Christus, ipse Christus, « un autre Christ, le Christ lui-même ». Moyennant le baptême, le fidèle est incorporé au Christ dans l’Esprit Saint ; il participe au don et à la mission de l’unique Christ Seigneur ; il est revêtu du sacerdoce commun de tous les fidèles qui, comme le concile Vatican II l’a souligné, se distingue d’avec le sacerdoce ministériel d’une « différence non seulement de degré mais essentielle » (Lumen gentium, n° 10). Cette identification progressive, fruit de la grâce et de la réponse généreuse dans la lutte ascétique quotidienne, conduit à ce que le bienheureux Josémaria a appelé la « divinisation ». L’on sait que les orientaux parlent de préférence de « déification ». Mais le concept est le même. Il s’agit de suivre saint Paul, qui affirme : « Je suis crucifié avec le Christ ; ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Galates 2, 19-20). L’initiative part de Dieu : « C’est notre Seigneur Jésus-Christ qui le veut : il faut le suivre de près. Il n’y a pas d’autre chemin. Telle est l’œuvre du Saint-Esprit dans chaque âme et dans la tienne : sois docile, n’oppose pas d’obstacles à Dieu, jusqu’à ce qu’il fasse un crucifix de ta pauvre chair » (Sillon, n° 978). Parvenir à être un crucifix demande de combattre le péché et de rejeter avec énergie et décision tout ce qui pourrait nous écarter de Dieu, et du chemin de notre vie, dont l’aboutissement doit être la sainteté. C’est une lutte sans cesse recommencée, et toujours menée avec l’aide de la grâce de Dieu, qui ne saurait jamais manquer. Nous disposons des mêmes moyens spirituels que les premiers chrétiens, et Jésus, « premier-né parmi beaucoup de frères » (Romains 8, 29), intercède constamment auprès du Père. Mais nous devons y mettre du nôtre. « Mon enfant : où est le Christ que les âmes cherchent en toi ? Dans ton orgueil ? Dans tes désirs de t’imposer aux autres ? Dans ces mesquineries de caractère que tu ne veux pas vaincre en toi ? Dans cet entêtement… ? Le Christ se trouve-t-il là ? — Non et non ! — D’accord : il faut avoir une personnalité, mais la tienne doit tendre à s’identifier à celle du Christ » (Forge, n° 468). Le chrétien doit donc crucifier ses passions s’il veut parcourir l’itinéraire de la sainteté, qui se résume ainsi : « Cherche le Christ, trouve le Christ, aime le Christ » (Chemin, n° 382), il est indispensable qu’il tâche de revivre le Sacrifice du Christ, de transformer sa journée en un sacrifice permanent, uni à celui du Christ sur la Croix et à l’autel, « en une messe qui dure vingt-quatre heures », de faire de la sainte messe « le centre et la racine de sa vie intérieure », expression qui se retrouvera dans l’enseignement du concile Vatican II. « Pour accompagner le Christ dans sa Gloire, lors de sa victoire définitive, il est nécessaire de participer à son holocauste et de nous identifier à lui, lui qui est mort sur le Calvaire » (Forge, n° 1022).

    (à suivre…)


    Dominique LE TOURNEAU

  • Un féminisme chrétien

    En cette Journée de la femme, je mentionne mon article « un féminisme chrétien » paru dans une revue qui n’existe plus, Cedrus Libani, 55, Automne 1997, p. 4-5 et publié récemment en portugais sous le titre « Um feminismo cristão », Celebração Liturgica. Revista de Liturgia e Pastoral 35 (2003-2004) n° 3, p. 574-578. Il figure aussi sur mon site. J’en cite juste un bref extrait : « C’est vers une femme que l’Église se tourne continuellement. Vers la Femme, par excellence, la seule créature humaine à n’avoir pas été marquée par le péché originel, en raison du choix que Dieu avait fait d’Elle pour être la Mère de son Fils, notre Rédempteur. La Femme, sans laquelle les chrétiens ne seraient rien, car elle nous a vraiment engendrés à la vie surnaturelle et aussi parce que Dieu l’a instituée médiatrice de toutes les grâces : aucun secours divin, aucune aide spirituelle ne nous est accordé indépendamment d’Elle. Aucun féminisme ne va aussi loi. Aucun féminisme ne peut même envisager un tel radicalisme. Ce qui fait que la religion catholique est l’archétype d’un sain féminisme, dépourvu de toute revendication étriquée et tout entier orienté vers la finalité ultime de l’homme, qui consiste à reconnaître et aimer Dieu, à le servir et le glorifier pour les siècles sans fin. »

  • La miséricorde de Dieu

    24. La miséricorde de Dieu

    La justice du Juge va de pair avec sa miséricorde.
    Le Christ apparaîtra non seulement rempli de justice, mais aussi de sagesse, de pouvoir et d’une infinie miséricorde. « Le jugement dernier révélera jusque dans ses ultimes conséquences ce que chacun aura fait de bien ou omis de faire durant sa vie terrestre (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1039).

    Le Jugement final « appelle à la conversion pendant que Dieu donne encore aux hommes « le temps favorable, le temps du salut » (2 Corinthiens 6, 2). Il inspire la sainte crainte de Dieu. Il engage pour la justice du Royaume de Dieu. Il annonce la « bienheureuse espérance » (Tite 2, 13) du retour du Seigneur qui « viendra pour être glorifié dans ses saints et admiré en tous ceux qui auront cru » (2 Thessaloniciens 1, 10) » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1041).
    Il remplit de confiance et d’espérance, car, « devant lui [Dieu], nous apaisons notre cœur, parce que, si notre cœur nous condamne, Dieu est plus grand que notre cœur et il connaît toute chose » (1 Jean 3, 19-20). Le pape Jean-Paul II a décidé, en 2000, année du grand jubilé du bimillénaire de la Rédemption, de consacrer le deuxième dimanche de Pâques à célébrer la miséricorde divine.
    L’homme ne doit pas attendre passivement la fin du monde. « Cette heureuse venue du Christ dans la gloire, nous devons la préparer en travaillant à rendre le monde toujours plus conforme aux vues de Dieu, telles que Jésus nous les a fait connaître dans sa prédication du Royaume. Cette terre est le lieu de la « croissance du règne du Christ » (concile Vatican II, constitution pastorale Gaudium et spes, n° 39) où s’ébauche le siècle à venir, et où déjà se réalise le jugement » (Catéchisme des évêques de France, n° 670). C’est jour après jour que nous faisons l’expérience que Dieu est » Père de l’amour et de la miséricorde ; de l’amour qui donne à l’autre d’être lui-même ; de la miséricorde, qui lui redonne sa dignité après une rupture ou une défaillance » (Ibid., n° 81) ; et que « Dieu est amour : celui qui demeure dans l’amour demeure en Dieu, et Dieu en lui » (1 Jean 4, 16). Ce Dieu qui est amour « ne peut révéler autrement que comme miséricorde, [qui], en tant que perfection du Dieu infini, est elle-même infinie » (Jean-Paul II, encyclique (Riche en miséricorde) , n° 13).

    Comme le pape Benoît XVI l’écrit dans son encyclique Dieu est amour (n° 10), « l’amour passionné de Dieu pour son peuple — pour l’homme — est en même temps un amour qui pardonne. Il est si grand qu’il se retourne contre Dieu lui-même, son amour contre sa justice. Le chrétien voit déjà poindre là, de manière voilée, le mystère de la Croix : Dieu aime tellement l’homme que, en se faisant homme lui-même, il le suit jusqu’à la mort et il réconcilie de cette manière justice et amour ».

    (fin)

  • L'Incarnation

    [L’Incarnation, suite]

    9. L’Incarnation apparaît ainsi comme un immense don complètement gratuit qui agit sur les trois vertus théologales et sur l’ensemble de la vie du chrétien. Elle :

    — renforce la foi, car c’est Dieu en personne qui s’adresse à l’homme et lui parle, comme saint Paul le rappelle dans un raccourci saisissant : « Bien des fois et de bien des manières, Dieu avait parlé jadis à nos pères par les prophètes. En ces temps qui sont les derniers, il nous a parlé par le fils » (Hébreux 1, 1-2) ;


    — augmente l’espérance, en montrant de façon éminente que Dieu veut que tous les hommes se sauvent (« Le Christ Jésus est venu en ce monde pour sauver les pécheurs : 1 Timothée 1, 15), et allume en l’homme le désir de se retrouver avec le Christ, car, comme le dit le psalmiste, « pour moi, il est bon d’être proche de Dieu » (Psaume 73, 28) ;


    — enflamme la charité, puisqu’en voyant à quel point Dieu l’aime, l’homme se sent poussé à répondre par l’amour à son Amour : « L’amour devient une véritable découverte de l’autre […], soin de l’autre et pour l’autre » (Benoît XVI, encyclique Dieu est amour, n° 6) ;

    — conduit l’homme à s’efforcer d’agir mieux, puisque Jésus s’est incarné pour donner un exemple et détourner l’homme du mal en lui montrant la grande dignité de la nature humaine, assumée par Dieu en personne.

    Vu la condition pécheresse de la nature humaine après le « péché originel », l’Incarnation apparaît comme une nécessité, car l’homme était par lui-même incapable de réparer le mal produit et de rétablir la paix avec Dieu. « Malade, notre nature demandait à être guérie ; déchue, à être relevée ; morte, à être ressuscitée. Nous avions perdu la possession du bien, il fallait nous la rendre. Enfermés dans les ténèbres, il fallait nous porter la lumière ; captifs, nous attendions un sauveur ; prisonniers, un secours ; esclaves, un libérateur. Ces raison-là étaient-elles sans importance ? se demande saint Grégoire de Nysse. Ne méritaient-elles pas d’émouvoir Dieu au point de le faire descendre jusqu’à notre nature humaine pour la visiter, puisque l’humanité se trouvait dans un état si misérable et si malheureux ? » (st Grégoire de Nysse, Oratio catechetica, citée dans Catéchisme de l’Église catholique, n° 457).


    (à suivre…)

  • Voyage à Pompéi et au Vésuve en 1886

    Un de mes cousins, Louis Le Tourneau, a retrouvé de vieux papiers de famille et a pris la peine de transcrire le récit de voyages de mon arrière grand-père, Ernest Le Tourneau (1843-1917). On trouvera ci-dessous le premier de ces récits, rédigé sous la forme d’un journal.

    VOYAGE de M. Ernest LE TOURNEAU

    à POMPÉI et au VÉSUVE en 1866


    Première ascension du Vésuve.

    Naples, 22 mars. Je suis allé avec mes amis au Théâtre San Carlos entendre un nouvel opéra d’un nommé Mercadante, intitulé « Virginie ». La musique est assez médiocre ; il y a quelques motifs assez jolis, et voilà tout. Quant aux chanteurs, ils ne sont pas meilleurs que ceux de la France. La prima donna était assez bonne, mais elle était excessivement froide, ce qui gâte la situation dramatique de la pièce. Après cela, nous avons eu un ballet assez médiocre. L’architecture du théâtre me plaît beaucoup ; j’aime ce genre de décoration excessivement grandiose et à grand effet. La loge du Roi est d’un grand effet par sa position médiane et sa décoration originale ; une seule chose ne me plaît pas : le plafond, que j’ai trouvé excessivement inférieur, même mesquin pour la grandeur de la salle.

    Nous avons fait jeudi dernier notre ascension du Vésuve. Nous sommes partis le matin de bonne heure, et avons visité la Villa Real et la Favorite de Portici. Ce sont de très belles propriétés avec des jardins magnifiques, remplis de citronniers, orangers et plantes exotiques. Pour l’architecture, elle est médiocre, comme tout ce qu’il y a ici.


    Après cette visite, nous avons déjeuné et pris des chevaux pour commencer notre ascension. Nous avons quitté Portici à 2 heures, et nous étions à 5 heures au pied du nouveau cône. Là, nous avons laissé les chevaux et commencé notre ascension, qui a été très pénible. Après une heure de fatigue, nous étions au sommet. Alors, nous avons joui du plus beau panorama que j’aie jamais vu : devant nous s’étendait la mer avec les Iles de Procida, Ischia et Capri ; à notre droite, Naples et la Côte du Pausilippe ; à gauche, Castellammare, Pompéi, Sorrente et, derrière, les Monts Apennins, et les premières plaines de la Calabre. Nous avons attendu le coucher du soleil qui nous a procuré un plaisir sans égal. Toute cette mer se colore par les feux du soleil, passant du rouge vif au jaune et au bleu du ciel, et produisant une harmonie de tons, une douceur de coloris que la peinture ne peut atteindre que bien difficilement.

    Là, nous sommes descendus dans le cratère, et montés sur la cheminée même du volcan. Nous avons vu le feu intérieur et respiré cet air sulfureux qui vous prend à la gorge, si l’on y reste trop longtemps. Cette vue du cratère est unique par les variétés de tons et de couleurs que l’on rencontre parmi ces pierres couvertes de fer, de cuivre, de soufre, et rejetées de l’intérieur de la terre.

    Nous sommes ensuite redescendus assez rapidement, et nous nous sommes arrêtés en route pour boire du Lacryma-Christi, qui est vraiment un vin exquis.

    De retour vers 10 heures à Portici, nous avons pris une barque qui nous amenait à destination vers 11 heures.

    Vendredi, je suis allé à Pompéi, que j’ai visité consciencieusement pour la première fois. Le sentiment qu’on éprouve en entrant dans cette ville est d’abord pénible, puis ensuite, en quittant le siècle où nous vivons, et en se reportant au siècle d’Auguste, on est étonné de voir les rues désertes, et l’on s’attend toujours à voir apparaître les habitants revenant soit d‚une expédition guerrière, soit des jeux de l’amphithéâtre, que l’on entre bien dans les habitudes et la vie romaine, lorsque l’on voit ces habitations uniquement faites pour une vie agréable, qui devaient être très confortable ; car partout, l’on retrouve l’usage des jets d’eau si nécessaires dans les pays chauds.

    Je suis étonné et ravi de voir par mes yeux et de pouvoir disserter, sur les lieux mêmes, des hypothèses faites en écrivant la vie drun Romain sous le siècle drAuguste.

    Hier, nous sommes allés à Castellammare ; c’est un pays bien beau, et surtout admirablement situé. Nous nous sommes promenés sous les orangers et les citronniers chargés de fleurs et de fruits. C’est vraiment ravissant. Nous avons fait une excursion sur la hauteur et descendus par un ravin de toute beauté. Naturellement, le torrent était à sec, mais le site avait conservé son aspect agreste et même riant par la puissante végétation qui couvrait ses bords : orangers, citronniers, aloès, toutes ces plantes inconnues de nous poussent et ornent les moindres petites collines de ce délicieux paradis.



    3 mai. Cette ville romaine m’a offert tant de belles choses et tant à étudier que je n’ai pu résister à l’attrait d’y passer quelques jours.

    J’ai vu Paestum et sans brigands ; c’est un pays moins désert que je me l’étais figuré ; il est vrai que de temps à autre l’on rencontre des terrains incultes, mais généralement, les eaux marécageuses ont disparu, du moins le long de la route. Quant aux brigands, je n’en ai aperçu aucun.

    La route est assez bonne, et le trajet se fait en quatre heures. Les temples de Paestum sont quelque chose d’admirable. C’est imposant, grandiose, et tout cela avec une simplicité étonnante. La ligne est d’une pureté incroyable : c’est vraiment l’apogée de l’art, et devant ces ruines on comprend et on reconnaît la supériorité du génie grec sur celui des Romains. Le temple de Neptune, qui est le plus grand et le mieux conservé est d’un effet saisissant, l’intérieur ou cella est admirable de proportions. Ce qui est surtout magnifique est le ton doré que la pierre a pris sous l’action du soleil. C’est une chose dont nous, habitants du nord, habitués à voir nos monuments noirs, par le temps et la pluie, ne pouvons nous faire une idée sans l’avoir vu.

    Ce temple est plutôt grandiose, imposant que gracieux ; pourtant quand on l’étudie, on reconnaît une certaine grâce alliée à de la force dans le galbe des colonnes et la pureté des profils, mais une chose m’a fait beaucoup de peine, c’est le peu de soins avec lesquels est faite la construction proprement dite. Pour n’en donner qu’un exemple, les triglyphes sont coupés par un joint, ce qui est une chose extraordinaire chez les Grecs, plus soigneux dans leur construction que les Romains.

    Le temple de Cérès, plus petit, est moins remarquable : il est d’un style beaucoup moins correct : les colonnes sont d’un galbe étrange et même désagréable ; les chapiteaux sont lourds et hors de proportions. Cependant, l’ensemble est encore satisfaisant.

    La Basilique est conçue dans le même style, la disposition est assez remarquable. Le paysage et la campagne sont ravissants dans ce pays de soleil qui donne à tout cela une teinte et une couleur particulières que l’on ne saurait définir. C’est lumineux, brillant de ton, et en même temps doux et agréable à l’œil, c’est ravissant.



    Pompéi est une mine où l’on ne saurait trop miser ; mais malheureusement le temps manque pour faire et étudier tout ce que l’on voudrait. Il faudrait des jours là où on ne peut passer que des heures. J’ai passé quatre jours à Pompéi et je les ai employés à étudier la construction et l‚ornementation des anciens. Il est malheureux qu’à Pompéi la décadence se fasse déjà sentir ; on trouve bien souvent des choses de mauvais goût qui prouvent qu’à toutes les époques il y a eu du bon et du mauvais. Je n’ai point fait de restauration parce que je n’avais pas le temps et que les instruments nécessaires me manquaient.

    Pendant ces quatre jours, je me suis promené seul dans Pompéi sans gardien, livré à moi-même et, parfois je me sentais reporté à une époque antérieure, je voyais ces rues animées, ces maisons habitées, la ville se réveillait pour moi. Quels beaux souvenirs ! Je me sens heureux maintenant de connaître un peu l’antiquité. J’ai vu Pompéi par le clair de lune, ce qui est un spectacle magnifique. La ville ne paraît plus morte : les ruines ne se distinguent plus, tout se noie dans une douce pénombre : la ville paraît endormie, et l’on s’étonne de ne pas entendre le bruit des passants attardés. J’ai visité Pompéi, et je crois qu’il n’y a pas de maison où je ne sois entré. J’en rapporte une connaissance assez parfaite, ce qui me permettra de mieux comprendre la Rome antique.

    Je vis tout à fait à l’italienne : nous sommes deux à avoir pris pension chez un vieil Italien ; la nourriture est assez bonne somme toute, on est heureux dans ce pays. Tous les soirs après notre dîner, les habitants du pays viennent danser la tarentelle et jouer de la guitare ; ce qui ne manque pas de charme. C’est vraiment poétique de voir ces belles filles danser pieds nus, éclairées par la lune. Le temps est toujours beau, sauf un peu de pluie hier. Nous mangeons en plein air et, tous les jours, nous avons des oranges, des petits pois, des cerises, etc.

    (à suivre…)


    Pour mieux comprendre ce texte :

    L’auteur : Ernest Le Tourneau (1843-1917) était architecte. Il avait vingt-trois ans lors de son voyage en Italie, et en a rapporté de nombreux dessins et/ou aquarelles.

    Il a épousé en premières noces, au début de 1870, une jeune femme qui lui a donné un fils né au début de 1871. Il s’est remarié, probablement en 1873, avec Blanche-Laure Giraud (1850-1941). Ils eurent deux garçons, Marcel (1874-1912) et Fernand (1875-1959).

    Marcel Le Tourneau, architecte comme son père, a épousé Marie Grouvelle (1883-1969), ils ont eu un enfant, Jean-Jacques, né en 1908, ingénieur des mines, ayant fait carrière à Saint-Gobain, lequel a épousé Geneviève Barbe-Abeille. Ils ont eu sept enfants, six garçons puis une fille.

    Fernand Le Tourneau (1875-1959), chef d’entreprise (PMI), a épousé Madeleine Richard (1883-1952) ; ils ont eu trois garçons.

    Le contexte historique :

    En France, c’est le Second Empire (Napoléon III), avec un développement économique sans précédent.

    En Italie, c’est la construction de l’unité italienne, qui s’est faite par à-coups, souvent guerriers, de 1859 à 1924, à partir du Piémont. Napoléon III apporta, dans ses débuts, une aide décisive. Depuis 1860, le Piémont, la Sardaigne, la Lombardie, l’Émilie, la Toscane, les Marches, l’Ombrie, les Abruzzes, la Campanie, les Pouilles, le Basilicate, la Calabre et la Sicile sont unis. En mars 1861, le royaume d’Italie a été proclamé sous l’égide de la Maison de Savoie. Seuls le Latium (reste des États de l’Église), la Vénétie et l’Istrie (Autriche-Hongrie) sont encore en d‚autres mains. En 1866, la défaite autrichienne devant la Prusse à Sadowa permet à l’Italie d’annexer la Vénétie. Ce sont les préparatifs de cette guerre qui sont évoqués par Ernest Le Tourneau.

    Un opéra « Virginia » a été effectivement composé par Saverio Mercadante (et non Vercandanti, comme écrit dans le document transcrit ci-dessus) (1795-1870), lequel a écrit 70 opéras !

    Le Vésuve a enseveli Herculanum et Pompéi en 79 après Jésus-Christ. Il y eut 11 périodes éruptives entre 1712 et 1872, et il sommeille depuis 1944. Il a eu une éruption en 1861, puis une autre en 1872, plus importante (20 morts).