A deux reprises, pour me rendre compte, je lui posai une colle (Johannet à Péguy), assez innocente : « Qu'est-ce que vous pensez du diable ? lui demandais-je. Y croyez-vous ? - Si j'y crois ? J'y crois si bien, me répondit-il, que dans mon Eve (il travaillait alors à ce poème), je ne parle pas une seule fois de lui. Vous entendez ? Pas une seule fois. C'est une gageure. Vous voyez ça d'ici, hein ? (il comptait sur ses doigts) : la Chute, l'Incarnation, la Rédemption - dans une Eve, qui plus est -, sans parler une seule fois du diable. (son accent plaisant jusque-là, devint subitement sérieux pour conclure :) - C'est le plus grand tour qu'on puisse lui jouer. Ne pas parler de lui, il n'y a rien qui le vexe comme ça, parce que Satan, c'est l'orgueil. »
R. Johannet, Vie et mort de Péguy, Paris, Flammarion, 1950, p. 455-456.
Ce sera une des confusions des damnés, de voir qu'ils seront condamnés par leur propre raison, par laquelle ils ont prétendu condamner la religion chrétienne.
portant entre nos atomes, et constitué par deux grains d'énergie qui voufraient bien se séparer. Ce sont des énergies contradictoires, mais indivisibles. La nature les a jointes pour toujours, quoique furieusement ennemies. L'un est l'éternel mouvement d'un gros électron positif, et ce mouvement engendre une suite de sons graves où l'oreille intérieure distingue sans nulle peine une profonde phrase monotone : Il n'y a que moi. Il n'y a que moi. Il n'y a que moi, moi, moi... Quant au petit électron radicalement négatif, il crie à l'extrême de l'aigu, et perce de la sorte plus cruellement le théme égotiste de l'autre : Oui, mais il y a un tel... Oui, mais il y a un tel... Tel, tel, tel. Et tel autre ! Car le nom change assez souvent...
(En face de l'Évangile) la réaction immédiate, profonde, chez Nietzsche, fut, il faut bien le dire, la jalousie. Il ne me paraît pas que l'on puisse bien comprendre l'œuvre de Nietzsche sans tenir compte de ce sentiment. Nietzsche a été jaloux du Christ, jaloux jusqu'à la folie. En écrivant son