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loisirs - Page 3

  • vacances à Las Vegas

    Devant quel dieu faudra-t-il s’immoler un jour ?
    Celui de Las Vegas qui habille de fièvre
    Ces hommes qui, en automates, nuit et jour
    Vivent en attendant un idéal aussi mièvre ?
    medium_LasVegas.jpg
    L’attente d’un gain, dans l’espérance fiévreuse
    Prolongée au-delà du simple supportable.
    Attente qui de jour en jour un peu plus creuse
    Des visages qui sont loin d’être charitables. (lire la suite)

  • Mon oncle Marcel Brion (1895-1984)

    Marcel BRION est né le 21 novembre 1895, à Marseille, d’un père avocat, d’origine irlandaise (O’Brien) et d’une mère provençale (Berrin).
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    De 1908 à 1912, il fait ses études au collège Champittet à Lausanne. C’est dans cette ville que Lilianne Brion-Guerry, son épouse, a obtenu la création de la Fondation-Bibliothèque Marcel Brion). C’est de cette époque que date la devise de sa vie : Ardendo cresco.

    Il est ensuite en philosophie au lycée Thiers à Marseille, puis commence des études de droit à Aix-en-Provence, études que la guerre interrompt. Engagé volontaires pour les Dardanelles, il est rapatrié sanitaire, ce qui lui permet d’achever ses études de droit.

    C’est de 1924 que datent ses premières publications dans différentes revues : Le Feu, L’Art vivant, Fortunio. Il fait partie de l’équipe fondatrice de la revue Les Cahiers du Sud, auxquels il collaborera trente ans durant.

    En 1929 paraissent son premier roman d’histoire, Bartolomé de Las Casas et son premier roman, Le Caprice espagnol. Il voyage beaucoup : Berlin (1928), pays scandinaves (1929, Munich (1930). Toutefois, à partir de 1933, il renonce à tout voyage en Allemagne du fait de la montée du nazisme. Il est au Proche-Orient en 1933-34, où il prépare La Résurrection des villes mortes, et au Caire, où il commence L’Histoire de l’Égypte et écrit un roman, La Folie Céladon. Il séjourne à Londres, Cork, Dublin, Rome et Florence en 1934-1935. Ses Laurent le Magnifique, Michel-ange, Léonard de Vinci s’y préparent. Il se rend aussi chaque automne à Vienne et à Venise et se retrouve fréquemment au bord du lac Léman qui a bercé son enfance.

    Ses critiques littéraires en font un passeur de nombreux auteurs étrangers, dont il gagne l’amitié : Thoman Mann, Hemann Hesse, Hofmannsthal, Italo Selvo, Moretti, Unamuno, Eugenio d’Ors, Miguel Angel Asturias, Joyce, Walter Benjamin. S’il a rencontré Guillaume Apollinaire lors de la mobilisation, en août 1914, il a noué aussi des liens d’amitié avec Charles Du Bos, Blaise Briod, Giovanni Papini, Jacques Maritain. En Suisse, il fréquente Ramuz, Guy de Pourtalès, Marcel Pobé, Maurice Zermatten, Jaloux, Montherlant, André Germain, Marguerite Yourcenar.

    Démobilisé au printemps 1940 pour raison de santé, il en profite pour se marier. Sa femme était élève de Maritain et de Focillon. Le couple voit souvent Darius Milhaud, Marcel Ray,Jouvet et Madeleine Ozeray, Blaise Cendrars. Marcel Brion monte Le Soulier de satin à la radio, à Marseille. Comme il refuse de collaborer avec le régime qui le sollicitait au nom de ses amitiés allemandes, il est interdit de publication.

    Sa passion pour la montagne, où il retourne régulièrement jusqu’en 1982, nous vaut plusieurs romans : Les Miroirs et les Gouffres, Les Vaines Montagnes et surtout le roman initiatique Nous avons traversé la montagne.

    Il noue de nouvelles amitiés,avec le P. Teilhard de Chardin rencontré chez les Margerie, Dino Buzzati, Lardera, Schneider, Domela, auxquels il consacre des études. Il défend les tenants du « nouveau roman ». Il publie l’Art abstrait (1956) et, sur un autre registre, L’Allemagne romantique (1962-1978), en quatre volumes, en même temps qu’il fait revivre la peinture de la même époque dans La Peinture romantique (1967), qui réhabilite C.D. Friedrich et P.O. Runge.

    En 1964, Marcel Brion est élu à l’Académie française, où il succède à son ami Jean-Louis Vaudoyer. Parrainé par Daniel-Rops et Marcel Pagnol, il y est accueilli par René Huyghe.

    Il reçoit le Grand Prix national des Lettres en 1979.

    Il décède le 23 octobre 1984 dans son appartement parisien.

    Bien d’autres ouvrages seraient à mentionner, car l’œuvre de Marcel Brion est particulièrement abondante. Elle se distribue en plusieurs champs. La littérature d’abord, avec des romans et des nouvelles, Marcel Brion excellant dans le domaine particulier du roman fantastique dont il est un des maîtres incontestés, puis les études sur le romantisme, enfin les essais de critique littéraire.
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    Un second secteur d’activité est celui de l’histoire, que ce soit l’Antiquité et le Moyen Âge, avec en ouverture une Vie d’Attila, publiée en 1928 et La Résurrection des villes mortes (1937), ou la Renaissance, qu’inaugure un Bartolomé de Las Casas, père des Indiens, déjà mentionné (1928), ou encore des récits historiques. L’histoire de l’art constitue un troisième secteur, avec en plus de titres déjà indiqués, Rembrandt, La Peinture allemande, L’Âge d’or de la peinture hollandaise, La Peinture religieuse : le sacré et sa représentation, ainsi que de nombreux essais.

    Madame Brion-Guerry a poursuivi l’œuvre de son mari en publiant des œuvres posthumes et en assurant des rééditions de plusieurs ouvrages de Marcel Brion. Je souligne encore que les traductions en langues étrangères sont innombrables, non seulement en allemand ou en espagnol, mais aussi en italien, en japonais, en suédois, en hongrois, en anglais, en portugais, en grec, en roumain… C’est dire l’écho que son œuvre a rencontré et l’influence qu’il a exercée dans les domaines où il a excellé.

    Le centenaire de la naissance de Marcel Brion a été marqué par un colloque international qui a eu lieu à la Bibliothèque nationale de France. Les Actes de ce colloque ont été publiés par Albin Michel sous le titre Marcel Brion, Humaniste et « passeur » (1996). On y trouvera évidemment une biographie de mon oncle, dont je me suis inspiré ici, et des études regroupées autour de « Marcel Brion et l’Europe », « Marcel Brion, un humaniste », « Les « passages », « Marcel Brion et la peinture ».
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  • Un voyage en Corse (suite et fin)

    (suite du récit de voyage de Fernand Le Tourneau en Corse, en 1909)

    Le lendemain au départ, temps couvert : nous voyons la côte et la mer, mais les montagnes du Cap sont dans les nuages, et aussi l’Ile [Rousse] que nous ne devrions pas perdre de vue.
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    La route suit la côte, qui est très découpée, contournant chaque golfe et chaque ravin, tantôt montant, tantôt descendant ; elle est parfois taillée dans le roc, qui descend à pic jusqu‚à la mer. Les roches sont blanches, vertes, noires, mais surtout vert clair, creusées par le vent et la pluie en forme de coupe, les maquis vont souvent jusqu‚à la mer, et les chênes verts sont nombreux, bien plus avancés ici qu’auprès d‚Ajaccio ; le feuillage nouveau a presque remplacé celui de l’an dernier. Des cultures en terrasses autour de chaque village.

    Nous nous arrêtons pour déjeuner à la Marine d’Albo : quelques maisons de pierre, la Douane et l’auberge, dominées par la Tour génoise. Le téléphone annonçant notre venue n’est pas encore arrivé, et nous déjeunons de saucisson, œufs et poisson.

    Après déjeuner, nous regardons les drôleries d’un perroquet, donné à l’aubergiste par son fils, marin au service de l’État. Il épuce un vieux qui doit être de ses amis, et lui becquette les yeux et la bouche. Il becquette aussi la bouche de la jeune servante, jolie fille aux beaux yeux et au joli teint, qui lui tend amoureusement les lèvres, les yeux mi-clos. À qui songe-t-elle ?

    Nous allons voir emballer dans des sacs le poisson pêché la veille sur la côte de l’Ile Rousse, et séché au soleil pendant vingt-quatre heures : espèces d’anguilles de mer à peau tigrée, qu’ils appellent morenas [murènes ?]. Cela permet de les conserver et de les transporter plus loin.

    Le temps s’était levé, et, soudain, en face de nous, au-dessus de la côte et des nuages qui la couvraient, très hautes, les montagnes toutes blanches, vite cachées à nouveau par les nuages. Quand le temps est tout à fait clair, ce doit être magnifique.

    Nous passons à Nonza, perché sur un haut rocher à pic sur la mer, et, continuant à longer la côte, arrivons à Saint-Florent en même temps que la fraîcheur du soir. Promenade dans la ville, où la jetée sert de latrines, où les enfants chantent faux les cantiques à l’église, et où les petites filles chantent en français des rondes sur la promenade ombragée de platanes.

    19 mai. Départ de bonne heure pour Bastia. La route monte le long d’une vallée bien arrosée, et même marécageuse par endroits. Beaux pâturages, beaux chênes verts, beaux oliviers. On passe en vue d’un village pittoresquement étagé au flanc du coteau, Oletta, puis on monte dans les châtaigneraies et les pâturages au col de San Stefano, d’où la vue est étendue sur les deux vallées et les deux mers. La route traverse en descendant le défilé du Lancone, très abrupt du côté de la route, le torrent dans le fond du ravin, très profond, le maquis couvrant les pentes du haut en bas, la vallée plus large, et la mer au fond du défilé. Descente sur la mer et sur Bastia par une route très cahoteuse, et un soleil très chaud.

    Il fait très chaud ici ; nous avons repris notre chambre, relativement fraîche, et d’où l’on entend les hirondelles, et les sonneries trop fréquentes de l’église voisine.

    Nous avons été satisfaits de notre séjour à Bastia, qui est pittoresque et animée. Nous avons seulement un peu souffert de la chaleur, et faisions la sieste après déjeuner jusqu’à 3 heures. Après, nous prenions une voiture ou un des trams qui sillonnent la ville, pour faire une promenade aux environs.

    Jeudi, nous sommes allés aux grottes de Brando et à Erbalunga, à huit kilomètres de Bastia, sur la route du Cap. Les grottes sont à mi-hauteur, à flanc de coteau, d’accès très facile, avec escaliers bien aménagés. Elles se composent de deux salles, pas très grandes, dont les parois et les voûtes sont entièrement garnies de stalactites et de concrétions calcaires. L’éclairage est assez curieux : ce sont des bougies et des lampes à huile comme celles de Pompéi. Le gardien va en avant les allumer avant de commencer la visite.

    Erbalunga, qui est à côté, est un petit village bâti sur un promontoire : du côté de la terre, où il y a peu de largeur, il y a la place et les cafés où l’on prenait l’apéritif, car c’était fête. Le lavoir couvert avec eau courante, et la Marine, où l’on était en train de mettre à l’eau les barques, tirées sur le sable avec des poulies. Après, il n‚y a plus qu’une ruelle centrale, et des maisons baignant de chaque côté dans la mer. De temps à autre, entre deux maisons, une descente à l’eau sur le roc. À l’extrémité, adossée à une maison, une tour génoise en ruine. Le village est aussi pittoresque de l’extérieur que de l’intérieur, et c’est un des plus jolis coins de Bastia. Près de l’église, il embaumait un mélange de roses et de citronniers.

    Hier matin, promenade à pied de 5 heures un quart à 8 heures sur les collines qui avoisinent Bastia : soleil déjà chaud, et un peu de brume. Mais on passe par des sentiers à travers champs, montant, descendant, traversant un ruisseau à gué, longeant un vieux fort ruiné. Les haies sont couvertes de fleurs : roses, chèvrefeuilles, orangers, citronniers, fleurs du maquis. De la vue presque tout le temps.

    L’après-midi, promenade en voiture du même genre, passant plus au nord, et montant plus haut. Nous sommes passés devant quelques bouchons [cabaret], où, l’été, les Bastiais viennent chercher un peu de fraîcheur, et avons fait le tour de Cardo, petit village pittoresquement juché sur un éperon de montagne, et en sommes descendus par une route défoncée par les charrois des carriers et des ardoises de mauvaise qualité, exploitées à flanc de coteau en bordure de la route. Quel chaos, et que de tournants brusques !

    La vue est beaucoup plus nette que le matin, très étendue et très variée d’aspect. Nous voyons Bastia de très haut et sous toutes ses faces, et, peu à peu, les ombres s’allongent et gagnent Bastia, tandis que la mer et les bateaux sont encore tout éclairés.

    La campagne est très bien cultivée : légumes, vignes, beaux oliviers. Dans le fond des vallées, bois ombreux et de l’eau qui sourd de tous côtés. Nombreuses chapelles funéraires, toujours situées à un endroit d’où la vue est belle.

    Le cocher, qui est du pays mais a voyagé, y est rentré pour ne pas rester éloigné de sa mère. Les chevaux et la voiture sont à lui, et il se fait de bonnes journées, ayant gagné la veille 45 francs ; il est vrai que c’était fête, et qu’il a marché toute la journée. L’été, il va aux eaux d’Orezza, et gagne de 45 à 50 francs par jour à mener les baigneurs des hôtels aux eaux à 1 franc par tête et autant au retour. La vallée où sont les eaux est malsaine, et l’on habite dans les villages sur les hauteurs à une certaine distance. Il y a dans la région un bandit qui, il y a deux mois, a tué un brigadier et deux gendarmes et est activement recherché. Il y en a donc encore !!!

    Les ouvriers agricoles gagnent de 2.25 à 2.50 par jour ; il est vrai que la vie est très bon marché : les petits pois se vendaient la veille au marché 0.05 le kilo, et, à la suite d’une pêche abondante, le poisson 0.20 la livre, les langoustes 0.75 la livre ; les fraises en saison valent 0.05 la livre, et les figues fraîches 0.05 les quarante, le vin naturel 0.30 le litre, et, quand la récolte est abondante, comme l’an dernier, certains propriétaires, faute de futailles pour le loger, le donnent pour rien à qui veut l’emporter. Une maison de sept pièces coûte 10 francs par mois de loyer.


    * * *

    Nota : une voiture, à l’époque, n’est pas une voiture automobile (celles-ci sont encore très rares), mais une voiture tirée par un ou deux chevaux et dirigée par un cocher ; c’est un taxi hippomobile.

  • Un voyage en Corse

    Un de mes cousins, Louis Le Tourneau, a retrouvé de vieux papiers de famille et a pris la peine de transcrire un récit de voyage rédigé par mon arrière grand-oncle, Fernand Le Tourneau (1875-1959).

    SÉJOUR à BASTIA et TOUR du CAP CORSE par M. et Mme Le Tourneau, Mai 1909
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    Dimanche après-midi, nous sommes allés nous promener dans la ville, et sur la côte, où le tramway nous a amenés à trois kilomètres pour 0.20 [francs]. Le tramway est un petit break de 6, où l’on a la prétention de faire tenir jusqu’à 10 personnes, du même modèle que les fiacres de la ville. (lire la suite)

  • Voyage à Persépolis

    Il est en Orient une ville très légendaire
    Dont l’évocation frappe toujours l’imaginaire.
    Elle est vieille de deux mille six cents ans
    Et fut détruite par Alexandre le Grand.

    Quant au motif de ce geste dévastateur,
    Nul ne le sut jamais, un instinct prédateur
    Devant néanmoins être exclu. Mais revenons
    À Persépolis, car tel est son si beau nom.
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    Ville mythique que fonda Darius Ier
    Qui n'hésita pas à puiser dans le grenier
    Parmi les arts de son siècle les plus toniques :
    Colonnes cannelées relevant de l'ordre ionique,

    Et de la riche Égypte les salles hypostyles,
    De Mésopotamie des frises dont le style
    Grandiose et guerrier est présent à notre esprit
    Pour l'avoir souvent vu reproduit ou décrit.
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    Ledit Darius fit percer un canal du Nil
    À la Mer Rouge, pour recevoir du fournil
    Le pain doré, des fruits divers et les barriques
    Qu'il réglait avec sa monnaie, les dariques.

    N'oublions pas qu'il fut battu à Marathon
    Défaite que voulut venger son rejeton
    Xerxès après Platées puis hélas Salamine,
    Mycale enfin, dut faire une bien grise mine.

    À Persépolis, il rehausse la splendeur
    Des temples et remet plus encore à l'honneur
    Les cohortes sans fin de ses vaillants soldats
    Dont les faits d'arme sont pourtant sans grand éclat.

    Quant à Artaxerxès, son fils, qui lui succède,
    C'est par un bain de sang qu'à son trône il accède.
    Il sait se montrer à l'occasion magnanime
    Et même accueille le vainqueur de Salamine,

    Thémistocle, sur le tard frappé d'ostracisme
    À Athènes même, et, ignorant tout racisme,
    Il accepte que ce qui reste d'Israël
    Rentre à Jérusalem, s’y trouvant comme au ciel.

    Persépolis connaît, sous son gouvernement,
    Une floraison de parures, d'ornements.
    Chez les Achéménides, elle apparaît vraiment
    Comme étant la cité au meilleur agrément.


    (Poème inédit)

  • Voyage à Lisbonne

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    Une conque ouverte en grand, tournée vers le large
    Montre une perle au grand jour, vraie, étincelante,
    La splendide parure de l'estuaire du Tage
    Qu'Hélios à son zénith fait reluire éclatante.

    L'antique Olisipo, municipe romain,
    Servait d'escale vers les îles mythiques,
    Oui les Cassérides, productrices d'étain,
    Même pour les Ibères venus de la Bétique.

    La civilisation arabe y imprima
    Son caractère, gloire des califats jadis,
    Encore visible dans le quartier d'Alama
    Et Lisbonne devint un coin de paradis.

    Aujourd’hui elle l’est encore,, assurément.
    Ce n'est pas l'apport de l'époque médiévale,
    Si présent dans les hauteurs, qui le dément.
    Et sa splendeur par vagues vers l’océan dévale.

    À cet endroit, le fleuve s'appelle mer de Paille
    Il prit part aux combats des maures et des croisés
    Et en accueillit une abondante tripaille
    Qu'on pouvait oui-da la mesurer au toisé.
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    L'histoire à chaque époque remodèle les arts.
    Voici le monastère dit des Jeronimos
    Et la tour de Belém, manuéline, à l'écart
    Puis l’infinie richesse de ses azulejos.

    Au siècle des Lumières ici on aménage
    La place du Commerce dedans la ville basse.
    Elle sert de socle à ses différents étages
    Dont la beauté bauté d’un lieu à l’autre se surpasse.

    Ses habitants, aimables autant que travailleurs,
    Ont su accommoder l’ancien et le moderne.
    Fiers marins, ayant le regard tourné ailleurs,
    Ils ont édifié une audacieuse poterne.

    C'est le pont Vasco de Gama qui d'une rive
    À l'autre enjambe, altier, le cours des eaux sereines.
    L'imagination trop sollicitée dérive
    Et couronne Lisbonne, faisant d’elle sa reine.

  • bonnes vacances

    À ceux qui partent à la montage… et aux autres, je dédie ce poème :

    GLACIER

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    Dans cette masse blanche démesurée
    Aux dimensions qui frisent le fantastique
    Une vie souterraine reste emmurée
    Dans nos régions tout comme dans l'Antarctique.

    Le peuple de l'eau habitait ses cavernes
    Et ses crevasses lançaient de sourds messages.
    Des êtres cachés fréquentaient des tavernes
    Se frayant dans la glace d'obscurs passages.

    Les parois bleuies exsudaient des ruisseaux.
    Ils sourdaient par millions, ouvrage inattendu
    De la nature, scintillants vermisseaux
    Reflétant le soleil d'un air entendu.

    Des torrents s'étouffaient au fond des abîmes
    Des cascades sabraient d’étonnantes failles
    Les murs rigides mais vivants, et des cimes
    Chutant en grondant y creusaient des entailles.

    Les eaux profondes venaient à la surface
    Tantôt timide sueur coulant des pores
    De la glace, tantôt dans un volte-face
    Vastes cataractes surgissant d'un port.

    Derrière les jeux d'eau il y a la vie
    Cachée du glacier. Des explosions lointaines
    Indiquaient qu'on avait atteint le parvis
    D'une cathédrale grave et souterraine.

    De voûte en voûte l'écho marquait les chocs
    D'une masse qui ignore le repos.
    Des craquements prouvaient la tension des blocs
    Leur dommage, soulèvement et dépôt.

    De temps à autre un pan du glacier bougeait
    Comme un homme qui remue dans son sommeil
    L’irruption d'un songe l'ayant dérangé
    Et suggéré on ne sait quelle merveille.

    Le fracas des eaux, les jeux de la lumière
    Créant une féerie toujours nouvelle
    Sont l’invitation au for de ma chaumière
    À tourner pas et regards vers l'Éternel.

  • Mondial de football

    Le 31 mai 1990, le pape Jean-Paul II a béni le stade olympique de Rome où devait dérouler le Mondial de football. Il a prononcé un discours sur le sens du sport, dont voici un extrait.
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    […] Les diverses équipes seront appelées ces jours-ci à relever un défi d’autant plus exigeant : faire en sorte que chaque partie constitue un rendez-vous de loyauté, de détente et d’amitié. C’est là un engagement qui regarde non seulement les joueurs en compétition, mais tous les sportifs. En effet, la valeur de cette Coupe de football consiste fondamentalement dans le fait qu’elle offre l’occasion à beaucoup de gens, de cultures et de nationalités diverses, de rencontrer, de se connaître, de s’apprécier réciproquement et de se divertir ensemble, en rivalisant loyalement et dans un esprit de correcte émulation, sans céder à la tentation de l’individualisme et de la violence.
    Le sport est certainement une des activités humaines les plus populaires ; il peut avoir une grande influence sur le comportement des gens, surtout des jeunes ; cependant, lui aussi est sujet à des risques et des ambiguïtés. Il doit donc être orienté, soutenu et guidé pour qu’il exprime ses potentialités de manière positive.
    « Le sport est au service de l’homme, et non pas l’homme au service du sport », lit-on dans le Manifeste souscrit par de nombreux athlètes, précisément en ce stade, le 12 avril 1984, à l’occasion de leur jubilé international. « Le sport, poursuit le document, est joie de vivre, désir de s’exprimer en toute liberté, tension pour se réaliser soi-même complètement. Il est une confrontation loyale et généreuse, un lieu de rencontre, un lien de solidarité et d’amitié ».
    Oui, outre la fête du sport, le « Mondial » de football peut devenir la fête de la solidarité entre les peuples. Mais cela présuppose que les compétitions soient envisagées pour ce qu’elles sont au fond : un jeu dans lequel le meilleur gagne et, en même temps, une occasion de dialogue, de compréhension, d’enrichissement humain réciproque.
    Il faut donc identifier et éliminer les dangers qui menacent le sport moderne : de la recherche obsessionnelle du gain à la commercialisation de presque tous ses aspects, de la mise en scène excessive à l’exaspération combative et technicienne, du recours au dopage et autres formes de fraude à la violence.
    Ce n’est qu’en retrouvant de manière efficace son but et ses potentialités d’éducation et de socialisation que le sport peut jouer un rôle important et concourir, pour sa part, à soutenir les espoirs qui font battre le cœur des hommes, spécialement des jeunes […].
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    Maintenant, je ne puis pas ne pas vous adresser un salut particulier, à vous, athlètes de si nombreux pays, qui êtes les véritables protagonistes de ce prochain Mondial. De tous les coins de la planète, c’est vous que regardent les sportifs. Soyez conscients de votre responsabilité. Ce n’est pas seulement le champion dans le stade mais l’homme avec tout le caractère exhaustif de sa personne qui doit devenir un modèle pour des millions de jeunes qui ont besoin de « leaders » et non « d’idoles ». Ils ont besoin d’hommes qui sachent leur communiquer le goût de ce qui est difficile, le sens de la discipline, le courage de l’honnêteté et la joie de l’altruisme. Votre témoignage, cohérent et généreux, peut les inciter à affronter les problèmes de la vie avec d’autant plus d’engagement et d’enthousiasme.
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    Il est significatif que certaines expressions typiques du langage sportif — comme, par exemple, choisir, s’entraîner, discipliner sa vie, résister à la fatigue avec persévérance, se confier à un guide exigeant, accepter les règles du jeu avec honnêteté — ne sont pas inconnues des disciples du Christ. En effet, la vie chrétienne, elle aussi, requiert un entraînement spirituel systématique, puisque le chrétien « comme tous les athlètes, s’impose une discipline rigoureuse » (1 Corinthiens 9, 25).

  • vacances à la mer

    À ceux qui peuvent prendre des vacances au bord de la mer, je dédie ce poème… et aux autres aussi.

    YACHT
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    Une odeur de girofle ainsi que de cannelle
    Baignait sur le yacht mon bien modeste logis
    Sur les murs dansait une drôle de ritournelle
    Des ombres frémissantes venant d’une bougie.

    Des tentures vieillies affichaient les stigmates
    Du grand Hélios, témoins d'aventures lointaines
    L'éclat des ors avait disparu, et le mat
    Avait arraché une réussite incertaine.

    Nous avions, à l'escale, pris une cargaison
    De coriandre. Ailleurs un obscur potentat
    S'y intéressa, mais hors de toute raison
    L'imagination fit que ce fait me hanta.

    Sagement alignées sur la longueur du quai
    Des maisons colorées comme des entremets
    Chevauchaient hardiment de sordides troquets
    Où le matelot, las mais heureux, se remet.

    Le carillon jette à pleine main sa monnaie
    D'or et d'argent et de cristal sur le village
    Un gars s'éloigne la tête dans son bonnet
    Peut-être pressent-il l’approche de l’orage.

    Plus près le tintement aigre du virginal
    Déchiquette au petit matin le brouillard blême
    L'âme est saisie par son sanglot original
    Et salue le soleil qui pointe, fier emblème.

    Un lit baroque qui me fut donné en gage
    S'avançait qui voulait m'écraser par l’entrave
    Semblable à un galion prêt à faire naufrage
    J'en perdais le repos, même au fond de mon havre.

    Les furtives odeurs des chalands dans la nuit
    Refoulaient vers mon alcôve l'arôme des épices
    Sons et fragances dans le yacht chassaient l'ennui
    Inquiet pourtant, l'esprit craignait des maléfices.

    Le sablier du temps coulait sur notre monde
    Du sable recouvrait partout les moindres formes
    Il n'y aurait bientôt plus rien à bord d'immonde…
    Et le yacht s'évanouit devenu ombre informe.medium_Yacht1.jpg

  • Voyage à Khinsasa

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    Le mal d'Afrique est un mal dont on ne meurt pas
    Mais il est rare que ceux qui portent leurs pas
    Sur ce grand continent piriforme y échappent :
    C'est fièvre d'amour qui fermement vous attrape.

    C’est irrationnel, et un peu incontrôlé,
    L'étranger ne se laisse certes pas enjôler,
    Non, il est plutôt embobeliné, séduit
    Par des sortes d'effluves dont il est comme enduit.

    Au Congo, Kinshasa, la grande métropole,
    Elle aussi de colline en colline cajole
    Le nouveau venu, quel qu'il soit, et le mignote,
    Fait pression sur son cœur, puis après le grignote.

    L'explorateur Stanley John fonda cette ville
    Pensant au roi, il la nomma Léopoldville,
    Hommage à qui créa pour une coloniale
    L'Association africaine internationale.

    Le majestueux Congo s'étale et prend ses aises
    Puis chute d’un seul coup, rappelant le Zambèze.
    Il forme à Kinshasa le seul Malebo Pool
    Large de bien trente kilomètres et s'écoule

    Vers Matadi, où il est agité soudain.
    Par ses rapides il file non sans dédain,
    Tandis que dans les rues des foules de kinois
    Déambulent toujours avec leur gai minois.

    Ils vont, ils viennent sur des artères de sable
    Entre des palissades d'où n'émerge aucun gable.
    Ils gravissent les pentes, et puis en redescendent
    En colonnes sans fin qui de partout serpentent.
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    Qu'importe s'il n'y a plus aucun lampadaire,
    Si les lampes à huile donnent un drôle d'air
    À la ville, où la nuit est tombée de bonne heure,
    Sa latitude étant à peu près l'équateur ?

    Qu'importe tout ce qui manque à l'occidental ?
    Il est pris, quoi qu'il veuille, c'est tout sentimental,
    Par l'atmosphère ambiante et puis par l'air du temps,
    Par l'humus africain et par ses habitants.