Devant quel dieu faudra-t-il s’immoler un jour ?
Celui de Las Vegas qui habille de fièvre
Ces hommes qui, en automates, nuit et jour
Vivent en attendant un idéal aussi mièvre ?
L’attente d’un gain, dans l’espérance fiévreuse
Prolongée au-delà du simple supportable.
Attente qui de jour en jour un peu plus creuse
Des visages qui sont loin d’être charitables.
Il faut avoir vu ces regards pleins de détresse,
De cadavres vivants déjà dans leur linceul,
Pour saisir qu’en dépit de l’inconstante presse
Devant sa table de jeu chacun est bien seul.
Il faut avoir croisé tel ou tel de ces gars
Aiguillonné tantôt par un modique gain
Devant sa machine à sou, avide et hagard,
Haletant, à l’affût d’un éventuel regain.
Il faut avoir senti toute l’inanité
D’un comportement que seulement la passion
Commande et qu’accompagne un brin de vanité
Forçant, corps et biens, à la dilapidation.
Ils sont tristes à voir tous ces pauvres minets,
Qui rôdent incertains, et dont la pauvre allure
S’est flétrie au contact de vils estaminets
Et a perdu du même coup toute sa parure.
Tout à l’heure, il faudra bien imposer un terme
À l’envie tenace et pourtant insatisfaite
Qui oblige de jour en jour à parier ferme,
Enjeu funeste qui annonce la défaite.
Las Vegas, où le vice du gain facile est roi,
Las Vegas éclairée par des millions d’ampoules,
Tu ne livres pas la paix mais le désarroi,
Tu te découvres ogresse, et non pas mère poule.
Malheur, ô engendreuse de rude perdition
Qui colle sur l’âme une effroyable noirceur.
L’homme a vite oublié qu’il devra reddition
D’une vie de ripailles, lui le pauvre noceur.
Malheur, ô enjôleuse de rude perdition
Qui plonge l’âme dans une étrange laideur.
L’homme a vite oublié de faire sécession,
Sa vie de rimailleur, d’avoir été plaideur.
Malheur, ô envoûteuse de rude perdition
Qui endort l’âme d’une impayable torpeur.
L’homme a vite oublié de poser condition :
Sa vie de ricaneur, il n’en a point la peur.
Tu trimballes partout ta une richesse insolente.
On te sent satisfaite de cet indécent luxe.
L’homme que tu séduis garde l’âme dolente.
Ton emprise l’empêche d'amorcer un reflux.
Tu t’enorgueillis de ta richesse insolente.
On te sent minaudant de lumière et d’ors.
L’homme que tu séduis garde l’âme violente
Ton emprise l’empêche d’éprouver du remords.
Tu fais la fière de ta richesse insolente.
On te sent prétentieuse dans tes petits décors.
L’homme que tu séduis garde l’âme latente.
Ton emprise l’empêche de vivre dans son corps.
Que se déchaînent sur toi les foudres du ciel.
Qu’elles triturent tes biens à jamais en cendres.
Alors naîtra un grand signe, un arc-en-ciel.
De semblable spectacle, on ne peut que s’éprendre
Que s’abattent sur toi les foudres de mon ciel.
Qu’elles malaxent tes biens à jamais en cendres.
Alors naîtra un grand signe, un gratte-ciel.
Sur semblable spectacle, on ne peut que s’étendre
Que se déversent sur toi les foudres du ciel.
Qu’elles réduisent tes biens à jamais en cendres.
Alors naîtra un grand signe, si essentiel.
Et semblable spectacle, seul peut le comprendre
L’âme qui par le vice ne se laisse corrompre.
Lassée du tintamarre de toutes les nations,
De paix, de pureté, elle bat à tout rompre,
Et elle entreprend une céleste élévation
Fuyant à tout jamais les fastes inutiles
Qui contre elle ont ourdi tant de conspirations.
Dégagée de tous les lest et fardeaux futiles,
Elle suit du mérite final l’aspiration.
À quel Dieu s’immoler, cela elle le sait.
Ce n’est pas au veau que tout Las Vegas adore.
Son Amour, on peut dire qu’elle en a fait l’essai
Et il ne trompe pas, il vaut plus que tout l’or.
loisirs - Page 4
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vacances à Las Vegas
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Un voyage en Corse
Un de mes cousins, Louis Le Tourneau, a retrouvé de vieux papiers de famille et a pris la peine de transcrire un récit de voyage rédigé par mon arrière grand-oncle, Fernand Le Tourneau (1875-1959).
SÉJOUR à BASTIA et TOUR du CAP CORSE par M. et Mme Le Tourneau, Mai 1909
Dimanche après-midi, nous sommes allés nous promener dans la ville, et sur la côte, où le tramway nous a amenés à trois kilomètres pour 0.20 [francs]. Le tramway est un petit break de 6, où l’on a la prétention de faire tenir jusqu’à 10 personnes, du même modèle que les fiacres de la ville.
Vers 6 heures, sur la Place Saint-Nicolas, nous nous sommes assis pour regarder passer le beau monde de Bastia, toilettes très claires, toutes jeunes filles à la poitrine déjà opulente et sans corset, amours de petits enfants très bien habillés.
Après dîner, nous fûmes au Théâtre, qui est tout un poème : les premières coûtent 1.50 chaque, ce qui n’est pas cher, mais presque personne ; davantage aux places bon marché, pas mal de militaires. Ils estiment n’avoir pas besoin de sortir pour se soulager, et que les corridors sont faits tout exprès pour cela, de sorte que la salle empuante, et de telle façon que même en se bouchant le nez et respirant par la bouche, on ne peut y échapper.
Deux actes ainsi parfumés et mal joués — que peuvent manger les pauvres cabots ? — nous ont suffi, et à 10 heures, nous étions rentrés.
Départ lundi à 8 heures pour le tour du Cap Corse. Nous allons déjeuner à Macinaggio, à l’extrémité orientale du Cap. La route suit la mer ; la côte est presque droite ; il y a une succession de petits caps, derrière lesquels se dressent les montagnes du massif central. De temps en temps, un petit cours d’eau et quelques maisons : c’est la « marine » d’une commune, dont les villages sont éparpillés aux flancs des montagnes. Chaque vallée forme comme un éventail dont la tige aboutit à la mer, tandis que la partie dépliée est à l’intérieur, et les montagnes, par contre, étroites au départ à la chaîne centrale, s’élargissent en approchant de la mer.
Après déjeuner, nous partons par une chaleur assez forte pour passer du versant oriental au versant occidental, en contournant à grande hauteur le nord du Cap. Région presque inhabitée, maquis très maigre. Le temps s’est malheureusement couvert, et du col de la Lena (361 mètres) nous ne voyons que les profondes découpures de la côte occidentale. Les nuages nous cachent le Cinto et ses neiges. Nous descendons en contournant la côte jusqu’à Morsiglia, où nous devons dîner et coucher. Nous faisons un tour dans le village, qui domine la mer de très haut : très différent d‚aspect des villages de l’intérieur de l’île. On ne rencontre pas d’hommes à fainéanter, ni de cochons à vagabonder sur la route ; il ne dégage pas l’odeur de Corte, et les enfants, comme les champs, sont propres et bien tenus. La terre est cultivée tout autour, retenue par des terrasses, jusqu’à la mer.
Nous nous asseyons au bord de la route, dans l’espérance d’un beau coucher de soleil, mais il se couche dans les nuages, et nous rentrons faire dans cette auberge de peu d’apparence le meilleur dîner de notre voyage : potage, langouste, poissons frits, petits pois au lard, sanglier, raisiné [confiture que l’on fait avec du jus de raisin et d’autres fruits], brocchio aux œufs, sorte de crème renversée, le tout arrosé de vin blanc de l’année, et de vin fin, récolté et soigné par l’aubergiste depuis 17 ans et qui était délicieux.
L’aubergiste nous servit, la serviette sous le bras, et nous conta des détails sur le pays. La langouste s’y vend maintenant 22 ou 24 sous la livre, alors qu’il y a vingt ans, elle n’en valait que quatre [un sou équivaut à 5 centimes de franc]. Le vin fin qu’il nous sert est le produit des meilleures vignes du pays, avant le phylloxéra. Les grappes, cueillies et triées, étaient mises à sécher au soleil avant d’être pressées, et on avait ainsi du vin naturel ayant jusqu’à 14, 15 et même 18° d‚alcool. Le vin était soutiré tous les ans de grands fûts dans de petits, puis dans des dames-jeannes et n’était bon à mettre en bouteilles qu’à la sixième année.
On chasse le sanglier toute l’année, et on en tue une soixantaine chaque année. Si un étranger désire chasser, tout le pays s’en met, et il arrive parfois qu’on tue deux ou trois bêtes dans la même battue, comme il arrive que l‚on ne tue rien. Les bêtes ne sont pas vendues, on les partage entre tous les chasseurs.
La côte est très poissonneuse ; les pêcheurs sont rentrés la nuit dernière avec environ 3000 kilos de poisson, et sont partis avec les mulets chargés pour en vendre dans tous les villages avoisinants.
Les chèvres sont dans la montagne et ne reviennent pour pâturer dans les maquis communaux que du 23 décembre au 23 mars.
Chambre très propre, blanchie à la chaux, lits de fer, serviettes-éponges, et, sur la toilette, savon et brosse à dents !!!
En nous éveillant, nous entendons les oiseaux : ceci est une nouveauté, car il n’y en a presque pas à l’intérieur de la Corse.
(à suivre…) -
Voyage en Italie en 1906 (suite)
Palerme, 19 février. Hier, nous avons visité les cathédrales dont l’extérieur, en un style tout à fait étrange, produit un effet étonnant de forteresse rendue plus séduisante à l’œil. L’intérieur est celui d’une grande église comme Saint-Sulpice.
Le Palais Royal, avec son bijou de Chapelle Palatine, malheureusement un peu trop sombre ; mais quelle somptuosité et quelle impression on aurait si on pouvait restituer une cérémonie religieuse avec les costumes du XIIème siècle.
La chambre du Roi Roger nous a fait aussi une étrange impression. C’est un somptueux cachot plutôt qu’une chambre.
L’ancienne église Saint-Jean, avec son petit cloître et toute sa flore exotique, est d’une poésie toute prenante ; quel joli coin ! Mais on regrette qu’il n’y ait que des murs.
La promenade à l’Acqua Santa et au village d’Arremelia [Arenella sur les cartes modernes] est agréable et permet de jouir de la Baie de Palerme du côté de Palerme. C’est bien de formes, un peu plus accentuées que les montagnes de Sorrente. Mais il y avait un peu trop de nuages et de brume en fin de journée.
La population vit dehors et les enfants vous accompagnent en bande, vous offrant leurs services, et demandant de la « moneta ». Leur voix est douce et leur physionomie généralement agréable de traits ; les hommes ont la voix gutturale. Les femmes ont des yeux superbes et une démarche pleine de noblesse. Mais on voit qu’il y a diversité de races et grand mélange de sang.
La ville est bien changée et améliorée, mais perd son cachet spécial : on a créé de grandes voies et tout un quartier neuf au pied du Monte Pellegrino. On rencontre encore dans la vieille ville tous les vicolos avec balcons et linges pendants qui donnent un cachet tout particulier et inconnu de nos pays.
Nous venons de visiter le Musée, qui est intéressant et contient des œuvres assez remarquables en peinture et sculpture, mais, sauf certaines ˛œuvres de Renaissance, ce ne sont pas les sommités de l’art.
Les églises de San Cataldo et de la Martorana sont intéressantes par leur disposition intérieure que l’on a restitué autant que possible, et leurs mosaïques, en partie anciennes ; mais ce sont de petites églises n’ayant pas les dimensions de nos sanctuaires actuels.
Dans la journée, nous sommes allés à la Villa Julia, à la promenade le long de la mer, d’où la vue est très belle sur la baie de Palerme, avec un bon éclairage des montagnes environnantes.
Girgenti [rebaptisée Agrigente en 1927], 22 février 1906. Nous sommes arrivés hier par la pluie battante, après avoir eu mauvais temps pendant une partie de notre route de Palerme ici.
Le trajet a été rendu désagréable par le transbordement de 500 mètres à pied sous la pluie, par suite d’un affaissement de la voie.
La route n’offre pas toutes les beautés dont on nous avait parlé. Il y a de beaux points de vue avec la mer et de hautes montagnes couvertes de neige, mais le paysage finit par être le même, surtout dans la traversée de la Sicile. Cependant, il y a de la grandeur et de la noblesse dans les lignes de montagnes que l‚on contourne.
L’arrivée à Girgenti produit une grande impression, avec ses horizons de montagnes couvertes de neige et ses premiers plans fortement vallonnés, et presque partout cultivés. La ville est curieuse mais n’offre rien de particulier ; les églises sont sans intérêt, et les quelques édifices que l‚on trouve sont d’un style médiocre.
Mais quelle joie et quelle satisfaction à la vue des temples antiques ! Leurs belles proportions et leurs lignes si pures étant si sévères, produisent un si prodigieux effet avec tant de simplicité.
Quelle devrait être l‚impression si l’on pouvait restituer les édifices qui entouraient ces temples, les habitants, etc.
Le Temple de la Concorde permet d’imaginer ce que pouvaient être ces cérémonies. Mais quelle était la décoration intérieure ? Rien ne peut nous aider dans une restitution.
Le Musée offre de l’intérêt par de superbes vases grecs, un magnifique sarcophage orné de triglyphes en marbre blanc, un torse de jeune homme d’une beauté et d’une exécution parfaites.
La situation de cette ville antique était superbe et fait comprendre combien elle était enviée par les peuples qui se disputaient la Sicile.
Les amandiers sont tous en fleurs, les blés sont verts, et toutes les fleurs des champs s’épanouissent au milieu des roches et des débris antiques. Aussi la campagne est séduisante, surtout en songeant à nos arbres sans feuilles. Autour de Palerme, on voit une quantité de citronniers, remplacés ici par des amandiers.
(à suivre…) -
Voyage en Italie (suite 5)
13 mars. Nous avons passé la journée dans les ruines de la vieille Rome, le matin au Forum, l’après-midi au Palatin et au Colisée. Que de changements : le Forum, découvert de l’Arc de Septime Sévère à l’Arc de Titus, on suit la Voie sacrée, bordée de temples et de ruines de toute sorte, et personne ne passe plus là où nous avons vu voitures, bêtes et gens circuler sur une route poussiéreuse au milieu de l’herbe. On ne peut se figurer l’entassement de monuments, de ruines, de débris de toute sorte, et, malgré les souvenirs classiques, on a peine à se retrouver au milieu de toutes ces constructions ruinées.
Au Palatin, on a presque tout mis au jour : Palais de Caracalla, des Flaviens, de Septime Sévère, de Livie, où l’on voit des peintures plus belles que celles de Pompéi, dont le fini, le modelé étonnent.
Au milieu du Palais de Septime Sévère se trouve un cirque de plus de 150 mètres de long, entouré de portiques ; la loge impériale existe encore avec sa voûte ornée de caissons ; c’est fabuleux de proportions, et tout a été découvert depuis 1866.
Aussi suis-je bien heureux d’être revenu à Rome, qui, gâtée dans certaines parties, est encore plus intéressante dans ses parties anciennes.
Le Colisée a été débarrassé de son ridicule Chemin de Croix ; il produit toujours le même effet de construction colossale.
14 mars. Je suis allé à Saint-Paul-hors-les-murs et ai erré dans la Ville, pendant que Blanche était à Tivoli. Je lui passe la parole : « La visite de Tivoli est maintenant presque toujours précédée par celle de la Villa d’Hadrien que l’on a dégagée il y a trente ans, et qui est à quatre kilomètres avant Tivoli.
Hadrien avait réuni là théâtres, thermes, naumachies, stades, école de philosophes, habitation, temple égyptien, etc. Ce sont des restes très importants au milieu d’un parc d’oliviers et de grands cyprès. La visite en est extrêmement intéressante, bien que tous les marbres aient été enlevés et mis dans les musées.
À Tivoli, je suis allée sous la pluie aux Cascades et au Temple de Vesta. C’est un paysage charmant, et j’en suis revenue enchantée ».
15 mars. Nous avons, par un temps superbe, passé une journée charmante, le matin à la Villa Borghèse, devenue la Villa Umberto. Les ombrages, les perspectives, les pièces d’eau sont des plus heureux.
Rachetée par la Ville après la déconfiture des Borghèse, elle est devenue le Bois de Boulogne d’ici, en conservant tous ces beaux restes des demeures de neveux des Papes.
De là au Pincio, l’ancienne promenade romaine, où j’avais rêvé quand j‚avais 23 ans et attrapé les fièvres pour m’être attardé dans mes rêves.
Après avoir descendu l’escalier de la Trinité des Monts pour arriver à la Place d’Espagne, et avoir déjeuné dans un excellent restaurant italien, nous sommes allés à Sainte-Marie-Majeure et à San-Lorenzo-hors-les-murs, pour revenir au Quirinal et à la Fontaine Trevi. Quel ravissement en face de ces œuvres vraiment remarquables : Sainte-Marie-Majeure par ses belles proportions et ses mosaïques, San-Lorenzo par ses superbes mosaïques byzantines, les seules de Rome, ses ambons ornés de dessins en mosaïques, ses colonnes de marbre blanc, couronnées de chapiteaux corinthiens, intacts, et par deux chapiteaux tout à fait uniques, représentant une armure romaine avec bouclier, et des Victoires aux angles.
Cette basilique a été restaurée par Pie IX qui y a son tombeau, fort simple d’ailleurs, mais dans une chapelle décorée de mosaïques superbes.
En rentrant, nous avons admiré la superbe fontaine Trevi, que l’on ne peut se lasser de voir, un des plus beaux chefs d’œuvre de l’architecture.
16 mars. Notre journée s’est passée à visiter Saint-Pierre, les musées du Vatican, Saint-Paul-hors-les-murs et les ruines sur le chemin. Le tombeau du Pape Léon XIII à Saint-Pierre est des plus simples, sarcophage en marbre blanc dans une niche au-dessus d'une porte, avec dessus un coussin sur lequel est posée la tiare. Ni figure, ni symbole.
Les Chambres de Raphaël sont toujours aussi impressionnantes par leur puissante et magnifique décoration. On les a restaurées et elles sont en bon état ; il n’en est pas de même des Loges, dont les superbes décorations, genre Pompéi, ont presque partout disparu. On a restauré les scènes de l’Ancien Testament, qui sont dans les voûtes, mais d’une coloration trop vive.
La Chapelle Sixtine n‚a pas changé non plus, quoique les fresques m’aient paru un peu noircies. La Chapelle de Nicolas V avec les fresques de Fra Angelico est un bijou.
Les musées d’art antique sont les plus riches que je connaisse, il y a là réunis des chefs d’œuvre incomparables, et on ne peut se lasser d’admirer les quatre merveilles du Belvédère.
En avant de Saint-Paul-hors-les-murs, on achève un superbe portique formant atrium orné de magnifiques colonnes de granit, avec bases et chapitaux corinthiens en marbre blanc ; la façade au-dessus du portique est décorée de mosaïques représentant le Père éternel, les Quatre docteurs, l’Agneau Pascal faisant couler les sources où les brebis viennent puiser les bonheurs célestes et peut-être terrestres.
On pense restaurer le cloître : il m’a ravi, plus que celui de Monreale, qui est dans le même style.
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Voyage en Italie (suite 4)
7 mars, temps couvert. Nous sommes allés au Musée [de Naples], dont nous avons revu les chefs d’œuvre, et avons parcouru la vieille ville, où j’ai retrouvé quelques marchands de cuisine en plein air, à la Porte Capuana, mais bien moins qu’autrefois.
Ensuite, visite de la Cathédrale, que je ne me rappelais pas. La nouvelle façade sera bien, lorsque les deux flèches seront achevées.
Que ce pays est donc beau !
9 mars. Le temps couvert nous a fait rester à Naples. Nous sommes allés au Campo Santo, fort curieux par toutes ces chapelles de confréries où l’on dépose les corps momifiés dans des caves, comme aux catacombes à Rome. Quelques-unes sont comme de petites églises ; il y en a aussi comme les nôtres et des monuments plus ou moins baroques.
Le jour, nous sommes allés dans les parties neuves de la ville, avec rues à angles droits, et à San Martino pour redescendre à Chiaja par les nouvelles voies en corniche. Nous avons eu la chance de rencontrer un quatuor ambulant, violon, violoncelle, flûte et clarinette qui ne jouait vraiment pas mal. Il y a eu un air populaire, repris en chœur par les auditeurs.
Pompéi, 10 mars. J’ai eu la joie de retrouver tout seul la maison que j’avais relevée en 1866. Je l’ai parcourue avec amour, car je retrouvais mon enfant, et ai admiré tout ce que j’avais dessiné il y a quarante ans. Mais aussi, j’ai éprouvé une vraie peine en voyant dans quel état de vétusté et de délabrement étaient toutes les peintures que je trouvais si vives et si bien conservées, lorsqu’on les découvrait devant moi. Dans ce qui était le jardin, il y a encore de ces grandes jarres, dans lesquelles j’avais recueilli du lait solidifié. Cette maison doit avoir été reconnue comme ayant un intérêt spécial, car elle a une inscription spéciale et est mentionnée au guide.
Nous avons eu un grand bonheur en revoyant cette ville si intéressante et curieuse. Mais le temps a fait son œuvre et une grande partie des peintures est altérée au point de ne plus être reconnaissable. Telles celles de la Maison de Faune et du Poète tragique.
Quel changement aussi dans ce petit coin : on y arrive en train ou tram électrique ; l’Hôtel Dieu est éclairé à l’électricité, et nous y avons bu d’excellent Lacryma-Christi.
Pompéi, 11 mars. Pendant que votre Maman montait au Vésuve, je suis allé flâner dans les ruines, évoquant mes souvenirs et ceux de ma jeunesse. J’étais d’autant plus heureux que j’étais seul, et que j’ai pu aller et venir sans rencontrer de forestieri.
Dans la journée, après 3 heures, votre Mère étant revenue, nous avons visité la Villa Diomède, la Voie des Tombeaux, la Maison du Faune et le Musée, où sont les moulages palpitants encore des angoisses de la mort.
Votre Mère dit : « Le temps était clair le matin ; j’en ai profité pour monter au Vésuve, évitant ainsi la caravane Cook, et y allant d’ici seule, avec une voiture, un cheval et un guide. Quelle déception en haut : des nuages partout, et après m’être fait haler sur le cône de cendres, il m’a été dit : voilà le cratère, vous le voyez fumer ; il n’est pas prudent d’aller plus loin, et il n’y a qu’à redescendre. En bas du cône, nous avons obliqué pour nous approcher d’une coulée de lave incandescente.
Le temps s’est éclairci lorsque j’étais dans la plaine. Il semble que cette époque de l’année n’est pas favorable aux ascensions. La prudence n’était pas exagérée ; il y a eu deux jets de pierres incandescentes comme nous commencions à descendre, et l’un des voyageurs a été blessé à l’endroit où nous devions aller.
La descente en déambulant dans la cendre était amusante, et les guides ne comprenaient pas que je préfère gagner la voiture à pied plutôt qu’endurer les secousses du cheval ».
Rome, 12 mars. En face de la Poste, installée dans le couvent où étaient en 1866 le mess des officiers et le Génie, j’ai retrouvé la maison où j’avais habité chez le commandant Maurice, maintenant Maison de Banque. Puis nous sommes allés à la Place du Peuple, qui n’a pas changé, avec ses fontaines, ses églises, et l’entrée du Pincio, puis au Palais Borghèse où il y a maintenant un marchand d’antiquités.
Par la via Repetta, nous sommes allés au Tibre, qui est maintenant bordé de hauts quais avec des ponts en fer, ce qui le fait ressembler à un canal d’eau jaune et sale ; puis nous sommes revenus à la Place Navone, où il n’y a plus une seule boutique ambulante, ni un seul mendiant. Nous sommes passés devant le Panthéon, qui est complètement dégagé et entouré de grilles pour protéger les restes de murs que l’on a trouvés derrière.
(à suivre…) -
Voyage en Italie (fin)
16 mars. Nous avons vu Saint-Jean-de-Latran et son musée, où il y a tant de choses superbes, la Voie Appienne, et, après déjeuner dans une osteria ayant vue sur la campagne romaine, nous sommes revenus par les Thermes de Caracalla.
La campagne de Rome n’existe plus : partout la culture a remplacé les monticules stériles d’autrefois, et tout ce désert est maintenant habité. C’est certainement bien préférable au point de vue humain, mais l’artiste n’en déplore pas moins le charme qu’il avait éprouvé en voyant, de la Porte de Saint-Jean, la campagne au lever du soleil.
17 mars. Prenant une voie qui menait à la Via Appia, nous avons recherché le Tombeau de Cecilius Metelle ; mais après avoir visité les sépultures des Scipions, nous nous sommes attardés pour déjeuner en plein air dans une osteria, avec, dans le fond, les montagnes de la Sabine, dont les cimes sont encore couvertes de neige.
Puis nous sommes revenus admirer les ruines imposantes des Thermes de Caracalla, que l’on a bien changées par les consolidations qu‚on y a faites, mais dont on a aussi déblayé des parties que j’avais vues encombrées de débris de toute sorte.
[Nous sommes] rentrés par le Forum de Trajan et l’église du Gesù.
Rome, 19 mars. Notre journée du dimanche s’est passée à visiter quelques églises, après avoir assisté à la messe au Gesù, toujours aussi mondain et aussi fréquenté ; nous avons entendu des chants grégoriens.
À 11 heures un quart, nous étions au Palais Farnèse à admirer la belle galerie peinte par les Carrache, qui est restée superbe, fraîche de coloris, et si harmonieuse de composition. Ce beau palais appartient à la France, qui y loge son ambassadeur.
Puis nous sommes allés au Trastevere, qui est bien changé : sur les hauteurs à travers les jardins de Saint-Onofrio, de la Villa Corsini et de Saint-Pierre-in-Montorio, jusqu’à la fontaine de l’Aqua Paula, on a créé un superbe jardin, avec de beaux arbres, palmiers et conifères, d’où l’on a la plus belle vue sur Rome, le Vatican, Saint-Pierre et la campagne.
Aujourd’hui, j’ai passé la journée à errer dans la ville, à revoir bien des coins où j’étais passé étant jeune, pendant que Blanche était à Albano.
C’est la fête de Saint Joseph ; aussi beaucoup de monde dans les églises, presque toutes les boutiques fermées, et toutes les trattoria populaires ornées de branches vertes, avec tentures aux couleurs pontificales et italiennes, et un tableau représentant Saint Joseph tenant l’Enfant dans ses bras. Et l’on fabrique des montagnes de beignets, que le peuple mange sur place ou emporte chez lui pour festoyer. C’est tout à fait local : c’est un vrai jour de fête : on se promène et on festoie.
Rome est transformée et beaucoup de monuments sont mis en valeur, et bien des quartiers sont assainis ; il n’y a plus que des coins où l’on retrouve les vicolos d’autrefois. L’artiste n’y trouve plus ce pittoresque qui le charmait : ainsi, la Place Navone a maintenant des trottoirs en bitume, des grilles autour des fontaines, des bancs en marbre et l’éclairage électrique.
Où sont les étalages de marchands de fruits, légumes, fleurs, les gens mangeant leur romaine, assis sur les vasques des fontaines, les femmes vendant leurs vieilles épingles en cuivre ; c’est maintenant une place qui n’a plus d’attrait que ses magnifiques fontaines. Ces beautés artistiques feront toujours de Rome une ville sans rivale.
Blanche prend la parole : Je suis enchantée de ma promenade à Albano et Nemi, pour laquelle le temps m’a favorisée. Je suis allée à pied d’Albano à Nemi par une route superbe, avec de très beaux points de vue sur la campagne et au milieu d’oliviers magnifiques ; j’ai trouvé le lac Nemi délicieux avec ses eaux bleu clair et les deux petites villes de Genzano et Nemi perchées sur les deux rives opposées.
J’ai poussé à pied jusqu’à Castelgandolfo, où j’ai repris le chemin de fer : la route domine le lac d’Albano et a des points de vue charmants.
Gênes, 21 mars. Nous sommes arrivés hier soir après onze heures de chemin de fer peu intéressant sur une grande partie. Le paysage autour de Pise et Massa est assez beau, avec des montagnes aux silhouettes découpées, en partie encore couvertes de neige ; on voit en certains endroits les carrières de marbre.
Nous sommes allés au Campo Santo, qui a étonné votre Mère par sa grandeur. Les monuments sont pour la plupart bien médiocres et d’une modernité bien déplorable. On souhaiterait plus de sobriété et dans la forme et dans l’exécution.
Ernest Le Tourneau -
Voyage en Italie en 1906
Un de mes cousins, Louis Le Tourneau, a retrouvé de vieux papiers de famille et a pris la peine de transcrire le récit de voyages de mon arrière grand-père, Ernest Le Tourneau (1843-1917). Après le récit d’un voyage à Pompéi et au Vésuve, en 1866, on trouvera ci-dessous un nouveau récit, rédigé sous la forme d’un journal. Il est intéressant de remarquer les différences quarante ans plus tard, d’autant que cette année en marque le centenaire.
VOYAGE de M. et de Mme Ernest LE TOURNEAU en Sicile, à Naples, à Pompéi, au Vésuve et à Rome, du 15 février au 21 mars 1906
15 février, à bord, de Gênes à Naples. Wagon bon et bien chauffé. Dehors, de la neige depuis Dijon, jusqu’à Gênes, avec un beau soleil la faisant briller pour la montée du Cenis ; puis, à la descente, un brouillard froid et gris venant voiler les plaines blanches et rendre le trajet ennuyeux jusqu’à Gênes.
Mercredi [14 février], visite de la ville et du port, par un temps froid et des ondées. Les palais ont un air de noblesse admirable. Nous en avons visité un, le Palais Palavicine, et nous avons été émerveillés du mouvement du port. Quelle différence avec Le Havre !
Les vieilles rues de Gênes, étroites et montantes, sont bien amusantes, surtout à la sortie des fabriques ou autres endroits de réunion, quand le peuple encombre les vicolos.
À 8 heures et demie, embarquement sur le Petoro, qui devait partir à 9 heures. Mais le chargement [ne s’est] terminé qu’à 4 heures du matin. Le bruit des grues, des gens et des caisses ou ballots ne favorisait pas le sommeil. Notre cabine est bonne, le déjeuner a été bon, vite servi, la mer est d’huile, et le soleil, peu à peu, est devenu brillant. Nous sommes assez près de la côte pour ne jamais la perdre de vue ; parfois même, on distingue toutes les maisons.
Il ne fait pas froid au soleil, et votre Père respire le bonheur, bonheur complet, car nous ne rattraperons pas notre retard, et n’arriverons à Naples que vers 3 heures au lieu du lever du jour.
M. Ernest Le Tourneau ajoute : Gênes a bien changé depuis mon premier séjour : larges voies, grandissimes maisons, comme à Paris, mais avec les beaux matériaux du pays et une diversité de styles amusante : romain, byzantin, gothique, moderne et grec. Tout se côtoie et se nuit un peu. Décidément, j’aime mon vieux Gênes.
Notre arrivée à Naples, vendredi 11 heures par un temps superbe, nous a permis de bien jouir de la vue de la baie, en rasant toute la côte depuis Misène.
Dans la journée, par un soleil superbe, nous sommes allés à San Miniato et revenus par le Corso Vittorio Emanuele. Nous sommes allés à Chiaja et avons visité l’aquarium, très intéressant. Mais que Naples a changé, et comme je suis loin de retrouver tout ce que j’avais vu. Ce n’est plus cette ville qui était si curieuse par ses vicolos, ses places populaires, et Santa Lucia avec ses osterias. Tout a disparu, mais c’est encore le pays de la lumière, et de la vie si vivante du midi, qui m’a toujours ravi.
Notre arrivée à Palerme à 7 heures nous a permis de voir l’entrée du port avec un demi soleil, car il y avait quelques nuages ; mais peu à peu le ciel s’est dégagé et nous venons de faire une agréable promenade, à voir des églises on ne peut plus tape-à-l’œil. Un marché en plein vent avec marchands de plats tout prêts à être mangés ; mais cette ville ne me paraît pas avoir le cachet de Naples. Les palais, maisons ou autres sont moins importants, et bien moins décoratifs : cela ne vaut pas les beaux palais de Gênes.
Les montagnes autour de Palerme sont couvertes de neige, et il est probable qu’il n’y a pas longtemps qu’elle est tombée. Les rues sont boueuses, et les habitants tout emmitouflés. Mais que de cris, et que les voix sont gutturales !
(à suivre…) -
Voyage en Italie (suite 3)
Taormine, 27 février.
En arrivant hier, nous sommes allés au Théâtre, où nous avons eu un beau coucher de soleil. Quelle merveille situation, et qu’une représentation devait être superbe, avec une telle toile de fond. Mais le théâtre est bien plus romain que grec, et a perdu cette simplicité que j’ai admirée à Syracuse, où l’effet était laissé au cadre extérieur.
Le matin et l’après-midi, nous sommes retournés au théâtre, pour voir les effets de lumière que donnaient un soleil radieux et un ciel sans nuages.
Entre temps, nous avons visité la Cathédrale, divers palais, et la Naumachie, en réalité des thermes, dont il reste des murs en briques ornés de niches profondes et d’autres plus petites, les grandes pour s’y asseoir, les petites pour recevoir des statues ; enfin, une très belle piscine, rappelant en moins grand la piscine de Baïes.
Cette petite ville est la plus admirablement située du monde, et l’on ne peut rêver de plus belles teintes au coucher du soleil.
Le Carnaval est peu animé : des enfants déguisés et un joueur d‚accordéon.
Nous sommes à l’Hôtel Victoria, très bien situé, et, de notre chambre, nous voyons la baie de Naxos et l’Etna. Mais que d’Allemands ! Il n’y a presque que cela. Un ménage anglais, à côté de nous à table, s’en plaint et a été heureux de nous trouver pour parler anglais. Partout, on rencontre des aquarellistes femmes ; les enfants ne demandent pas la « moneta » comme à Syracuse.
28 février. Votre Mère a fait ce matin l’ascension du Monte Venerre, 836 mètres par un chemin des plus rocailleux, avec, pour finir, une montée d’un grand quart d’heure dans les pierres. Malheureusement, le ciel était brumeux, et elle n’a pas vu tout ce qu’elle espérait. Les côtes de Calabre étaient cachées, ainsi que le bas des montagnes de Taormine, mais l’Etna et les montagnes de l’intérieur se voyaient parfaitement. Partie à 7 heures, elle est rentrée à midi et demie.
Naples, 4 mars. Après avoir vu Messine pendant une demie-journée, qui est une très belle et grande ville, avec une cathédrale dont la façade est ornée de marbres faisant mosaïque comme à Florence, nous sommes allés coucher à San Giovanni, en face, de l’autre côté du détroit, et nous en sommes repartis le matin pour jouir des côtes de Sicile éclairées par le soleil levant, avec des montagnes couvertes de neige dans le fond. Nous sommes repartis pour Cefalù, où nous avons couché, et dont la façade de l’église est curieuse ; à l’intérieur, dans l’abside, sont des mosaïques plus belles que celles de Monreale ; celles des nefs ont été détruites.
Le sergent de ville [= policier] de l’endroit nous a accompagnés pour nous délivrer des mendiants et des soi-disant guides.
Arrivés à Palerme pour déjeuner, nous en sommes repartis à 7 heures et demie par le « Christophe Colomb », après une jolie promenade au Couvent de Santa Maria del Jesu, d’où la vue est superbe sur Palerme et son port, puis au Jardin Anglais, planté de palmiers, aloès et autres plantes tropicales.
Aujourd’hui, dimanche, Naples est animé comme Paris, et on a peine à circuler dans la rue de Tolède, qui s'appelle
maintenant Via Roma, et dans Chiaja qui mène au Jardin Public bien augmenté et agrandi. Toujours les mêmes cris et le même mouvement : le peuple ne peut pas être calme.
5 mars. Notre journée a été occupée à aller, par un temps superbe, à Torre del Greco et Portici, où nous sommes allés en tram[way] pour 0.40 par personne. Tout est construit tout le long de la route. Quel changement ! On ne reconnaît plus les routes que j’ai faites il y a quarante ans. Déjeuner dans une trattoria au-dessus du port ; en face, le Vésuve, qui fume beaucoup et a une traînée rouge sur le côté gauche.
Naples est toujours aussi grouillante et animée ; on peut à peine circuler dans les vias Chiaja et Roma. Mais du côté de Pouzzoles et du Pausilippe, des quartiers absolument neufs avec de grandes maisons.
Nous sommes au deuxième étage d’une pension via Partenope I, notre chambre a vue sur le Pausilippe, à l’angle du jardin public qui longe la mer.
6 mars. Nous avons fait, par un temps superbe, la tournée de Pouzzoles, Baïes et le cap Misène. Partis à 9 heures, nous ne sommes rentrés qu’à 6 heures et avons vu le soleil se coucher pendant que nous descendions le Pausilippe.
La Solfatare a de nouvelles fumerolles depuis que le Vésuve est en activité. Elles sont assez puissantes pour faire bouillonner les cendres.
De là, nous sommes allés à l’amphithéâtre, si curieux par ses chambres sous l’arène, où l’on devait enfermer bêtes et hommes. Nous sommes passés ensuite le long du lac d’Agnano, d’Averna et de Fusaro. On ne visite plus la grotte du chien où j’étais allé.
Après déjeuner, nous sommes allés en voiture à la Piscine Mirabile, de dimensions colossales, et au Cap Misène, d’où l’on gagne à pied un petit kiosque à mi-hauteur, d’où la vue est superbe sur la Baie et les Iles.
(à suivre…)
Voyage en Italie (suite 2)
23 février. La route de Girgenti à Syracuse est longue et monotone, avec quelquefois de beaux points de vue sur les montagnes couvertes de neige. L’Etna, tout blanc et brillant au soleil, fait bel effet et est bien majestueux. Nous en avons bien joui, et on ne peut le voir mieux.
La campagne commence à s’animer. Les paysans labourent et préparent leurs vignes ; mais on laboure comme au temps des Romains avec la houe de bois.
La route côtoie des carrières de soufre, dont on voit seulement les fours de distillation, car elles sont souterraines. Dans la plaine de l’Etna, il y a de belles cultures d’orangers, et des arbres fruitiers en grand nombre, qui donnent à la campagne un aspect de printemps.
Syracuse, 24 février.
La ville est petite et n’a d’intéressant que son église cathédrale avec de superbes colonnes du temple de Minerve, une fort belle chapelle en marbre blanc, et de magnifiques grilles de clôture en fer forgé, assemblées par des ornements rapportés.
Le théâtre grec, l’amphithéâtre romain et les latomies sont d’intérêt tout à fait unique :
- le théâtre par sa construction, puisqu’il est entièrement creusé dans le rocher, sa situation puisque la mer lui sert de fond de scène, position qui n’est surpassée que par celle du théâtre de Taormine.
- l’amphithéâtre par sa position, également creusé en partie dans le rocher ; malheureusement, il ne reste aucune décoration et l’on est dans l’impossibilité de tenter une reconstitution vraisemblable.
- les latomies, anciennes carrières, dont le ciel s’est effondré en maints endroits, sont devenues de véritables oasis de verdure, avec toutes sortes d’arbres et de plantes, où le mandarinier voisine avec le citronnier, l’olivier, le palmier et les plantes des Tropiques.
Les catacombes sont fort curieuses par la longueur de leurs voies et les dimensions de leurs carrefours ou salles rondes, bien plus grandes que celles de Rome. Les tombes sont parfois réunies dans une chambre faisant comme une chapelle particulière ouvrant par une baie sur la voie, que fermait probablement une porte.
Toutes les sépultures ont été violées, et il ne reste que quelques ossements et quelques débris de poteries grossières.
25 février. Partis le matin en voitures, nous sommes allés visiter un ancien château fort à l’extrémité ouest de l’ancienne ville, curieux par ses souterrains et ses magasins, creusés dans le roc.
Du haut des tours, la vue est superbe sur la baie de Syracuse et l’ancienne ville, qui était immense. Il n’en reste rien.
Après déjeuner dans une maison décorée à la Pompéienne, nous avons repris la voiture et gagné une barque qui nous attendait à l’entrée de la Pima, petite rivière que nous avons remontée jusqu’à sa source, au milieu des papyrus qui la bordent sur ses deux rives, et font presque un berceau de verdure d’un effet très pittoresque, tout à fait inconnu des habitants du nord.
En rentrant, nous avons visité les restes du gymnase romain. On y voit une piscine, une palestre, et on y trouvera sans doute autre chose, tout n’étant pas déblayé.
Comme c’est aujourd’hui dimanche, on promène le Bonhomme Carnaval, gros Anglais remuant têtes [sic] et bras, avec une nuée de pierrots et d’arlequins sous sa chaise. La musique de la ville la précède et joue un air endiablé. Dans la ville, on se jette des confetti. Partout, des enfants costumés et les gens sur leurs portes regardent passer la foule.
26 février. La route pour gagner Taormine côtoie la mer. Le temps est splendide et le soleil éclaire l’Etna tout blanc, se dessinent sur une mer bleue. [Il doit manquer quelques mots, au moins le sujet pluriel de « se dessinent »]
(à suivre…)