Devant quel dieu faudra-t-il s’immoler un jour ?
Celui de Las Vegas qui habille de fièvre
Ces hommes qui, en automates, nuit et jour
Vivent en attendant un idéal aussi mièvre ?
L’attente d’un gain, dans l’espérance fiévreuse
Prolongée au-delà du simple supportable.
Attente qui de jour en jour un peu plus creuse
Des visages qui sont loin d’être charitables. (lire la suite)
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vacances à Las Vegas
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Voyage en Italie (suite 4)
7 mars, temps couvert. Nous sommes allés au Musée [de Naples], dont nous avons revu les chefs d’œuvre, et avons parcouru la vieille ville, où j’ai retrouvé quelques marchands de cuisine en plein air, à la Porte Capuana, mais bien moins qu’autrefois.
Ensuite, visite de la Cathédrale, que je ne me rappelais pas. La nouvelle façade sera bien, lorsque les deux flèches seront achevées.
Que ce pays est donc beau !
9 mars. Le temps couvert nous a fait rester à Naples. Nous sommes allés au Campo Santo, fort curieux par toutes ces chapelles de confréries où l’on dépose les corps momifiés dans des caves, comme aux catacombes à Rome. Quelques-unes sont comme de petites églises ; il y en a aussi comme les nôtres et des monuments plus ou moins baroques.
Le jour, nous sommes allés dans les parties neuves de la ville, avec rues à angles droits, et à San Martino pour redescendre à Chiaja par les nouvelles voies en corniche. Nous avons eu la chance de rencontrer un quatuor ambulant, violon, violoncelle, flûte et clarinette qui ne jouait vraiment pas mal. Il y a eu un air populaire, repris en chœur par les auditeurs.
Pompéi, 10 mars. J’ai eu la joie de retrouver tout seul la maison que j’avais relevée en 1866. Je l’ai parcourue avec amour, car je retrouvais mon enfant, et ai admiré tout ce que j’avais dessiné il y a quarante ans. Mais aussi, j’ai éprouvé une vraie peine en voyant dans quel état de vétusté et de délabrement étaient toutes les peintures que je trouvais si vives et si bien conservées, lorsqu’on les découvrait devant moi. Dans ce qui était le jardin, il y a encore de ces grandes jarres, dans lesquelles j’avais recueilli du lait solidifié. Cette maison doit avoir été reconnue comme ayant un intérêt spécial, car elle a une inscription spéciale et est mentionnée au guide.
Nous avons eu un grand bonheur en revoyant cette ville si intéressante et curieuse. Mais le temps a fait son œuvre et une grande partie des peintures est altérée au point de ne plus être reconnaissable. Telles celles de la Maison de Faune et du Poète tragique.
Quel changement aussi dans ce petit coin : on y arrive en train ou tram électrique ; l’Hôtel Dieu est éclairé à l’électricité, et nous y avons bu d’excellent Lacryma-Christi.
Pompéi, 11 mars. Pendant que votre Maman montait au Vésuve, je suis allé flâner dans les ruines, évoquant mes souvenirs et ceux de ma jeunesse. J’étais d’autant plus heureux que j’étais seul, et que j’ai pu aller et venir sans rencontrer de forestieri.
Dans la journée, après 3 heures, votre Mère étant revenue, nous avons visité la Villa Diomède, la Voie des Tombeaux, la Maison du Faune et le Musée, où sont les moulages palpitants encore des angoisses de la mort.
Votre Mère dit : « Le temps était clair le matin ; j’en ai profité pour monter au Vésuve, évitant ainsi la caravane Cook, et y allant d’ici seule, avec une voiture, un cheval et un guide. Quelle déception en haut : des nuages partout, et après m’être fait haler sur le cône de cendres, il m’a été dit : voilà le cratère, vous le voyez fumer ; il n’est pas prudent d’aller plus loin, et il n’y a qu’à redescendre. En bas du cône, nous avons obliqué pour nous approcher d’une coulée de lave incandescente.
Le temps s’est éclairci lorsque j’étais dans la plaine. Il semble que cette époque de l’année n’est pas favorable aux ascensions. La prudence n’était pas exagérée ; il y a eu deux jets de pierres incandescentes comme nous commencions à descendre, et l’un des voyageurs a été blessé à l’endroit où nous devions aller.
La descente en déambulant dans la cendre était amusante, et les guides ne comprenaient pas que je préfère gagner la voiture à pied plutôt qu’endurer les secousses du cheval ».
Rome, 12 mars. En face de la Poste, installée dans le couvent où étaient en 1866 le mess des officiers et le Génie, j’ai retrouvé la maison où j’avais habité chez le commandant Maurice, maintenant Maison de Banque. Puis nous sommes allés à la Place du Peuple, qui n’a pas changé, avec ses fontaines, ses églises, et l’entrée du Pincio, puis au Palais Borghèse où il y a maintenant un marchand d’antiquités.
Par la via Repetta, nous sommes allés au Tibre, qui est maintenant bordé de hauts quais avec des ponts en fer, ce qui le fait ressembler à un canal d’eau jaune et sale ; puis nous sommes revenus à la Place Navone, où il n’y a plus une seule boutique ambulante, ni un seul mendiant. Nous sommes passés devant le Panthéon, qui est complètement dégagé et entouré de grilles pour protéger les restes de murs que l’on a trouvés derrière.
(à suivre…)