À ceux qui peuvent prendre des vacances au bord de la mer, je dédie ce poème… et aux autres aussi.
YACHT
Une odeur de girofle ainsi que de cannelle
Baignait sur le yacht mon bien modeste logis
Sur les murs dansait une drôle de ritournelle
Des ombres frémissantes venant d’une bougie.
Des tentures vieillies affichaient les stigmates
Du grand Hélios, témoins d'aventures lointaines
L'éclat des ors avait disparu, et le mat
Avait arraché une réussite incertaine.
Nous avions, à l'escale, pris une cargaison
De coriandre. Ailleurs un obscur potentat
S'y intéressa, mais hors de toute raison
L'imagination fit que ce fait me hanta.
Sagement alignées sur la longueur du quai
Des maisons colorées comme des entremets
Chevauchaient hardiment de sordides troquets
Où le matelot, las mais heureux, se remet.
Le carillon jette à pleine main sa monnaie
D'or et d'argent et de cristal sur le village
Un gars s'éloigne la tête dans son bonnet
Peut-être pressent-il l’approche de l’orage.
Plus près le tintement aigre du virginal
Déchiquette au petit matin le brouillard blême
L'âme est saisie par son sanglot original
Et salue le soleil qui pointe, fier emblème.
Un lit baroque qui me fut donné en gage
S'avançait qui voulait m'écraser par l’entrave
Semblable à un galion prêt à faire naufrage
J'en perdais le repos, même au fond de mon havre.
Les furtives odeurs des chalands dans la nuit
Refoulaient vers mon alcôve l'arôme des épices
Sons et fragances dans le yacht chassaient l'ennui
Inquiet pourtant, l'esprit craignait des maléfices.
Le sablier du temps coulait sur notre monde
Du sable recouvrait partout les moindres formes
Il n'y aurait bientôt plus rien à bord d'immonde…
Et le yacht s'évanouit devenu ombre informe.
Commentaires
C'est wagnérien, on dirait die fliegensfürer (je suis nul en allemand !)
en français, ça se traduit par : le vaisseau fantôme