Comment n'avez-vous pas réfléchi à ce fait étrange que seuls les chrétiens sont les hommes qui possèdent la joie et à qui leurs croyances n'apportent jamais de déception, mais au contraire un attachement, un intérêt et un émerveillement toujours nouveau ? J'ai souvent entendu reprocher aux chrétiens d'un petit air supérieur que la raison de leur foi est la joie et la consolation qu'elle leur procure. Mais il me semble que nous ne pouvons trouver de meilleure justification, parce que c'est là un fait et non un raisonnement. La preuve du pain, c'est qu'il nourrit, la preuve du vin, c'est qu'il enivre, la preuve de la vérité, c'est la vie et la preuve de la vie c'est qu'elle fait vivre ! Ce sont là des réalités substantielles, contre lesquelles aucun argument n'a de prise.
Paul CLAUDEL, "Lettre à Arthur Fontaine", 30 mai 1920, <em>Toi, qui es-tu ? (Tu, qui es ?)</em>, Paris, 58ème éd., 1941, p. 103.