Saint Luc est l’auteur du troisième Évangile, comme l’attestent de nombreux témoignages des Pères de l’Église, sans compter les manuscrits eux-mêmes : le papyrus Bodmer XIV (P66), daté de 175-225 a pour titre Euangelion katá Loukan, « Évangile selon Luc », et contient Luc 1,1 à 14, 26. Saint Irénée écrit dans son Adversus hæreses, « Contre les hérétiques », que « Luc, le compagnon de Paul, a consigné en un livre l’évangile prêché par celui-ci ».
Le nom de Luc apparaît à trois reprises dans le Nouveau Testament, et il s’agit toujours d’un collaborateur de Paul. « Tu as les salutations […] de Marc, Aristarque, Démas et Luc, mes collaborateurs » (épître à Philémon 24). « Seul Luc est avec moi » (2 Timothée 4, 11). Le dernier texte précise que Luc est médecin : « Vous avez les salutations de Luc, le cher médecin » (Colossiens 4, 14).
Luc n’a pas été le témoin oculaire des faits qu’il rapporte, comme il ledit lui-même en introduction à son Évangile : « Puisque beaucoup ont entrepris décomposer un récit des événements quichenotte accomplis parmi nous, tels que nous les ont transmis ceux qui furent dès le début témoins oculaires et serviteurs de la parole, j’ai décidé, moi aussi, après m’être informé soigneusement de tout depuis les origines, d’en écrire pour toi l’exposé suivi, illustre Théophile, afin que tu te rendes compte de la solidité des enseignements que tu as reçus » (1, 1-4).
Il n’est pas d’origine palestinienne ; il est cultivé ; le langage qu’il utilise et la doctrine qu’il expose sont proches du corps doctrinal paulinien (de saint Paul) ; il connaît bien la communauté chrétienne d’Antioche. Il est probablement né dans cette ville et fait partie des chrétiens de la deuxième génération.
Il est également l’auteur des Actes des apôtres, qui reprennent la narration des faits là où son Évangile s’était arrêté, c’est-à-dire au moment de l’Ascension de Jésus au ciel. Il y raconte la naissance de l’Église,avec la venue du Saint-Esprit le jour de la pentecôte, son implantation et sa propagation. Il ne s’agit toutefois pas d’une simple chronique des événements : Luc montre que la mission du christ se poursuit avec les apôtres sous l’impulsion du Saint-Esprit. Celui-ci est tellement présent que les actes ont été qualifiés d’Évangile du Saint-Esprit. Le livre se compose de quatre grandes parties : la communauté primitive de Jérusalem (chap. 1-7), la dispersion des chrétiens à la suite des persécutions (chap. 8-12), l’entreprise missionnaire de saint Paul (chap. 13-20), la captivité de Paul à Jérusalem et à Rome (chap. 21-28).
On peut penser que saint Luc a achevé d’écrire son Évangile au début de l’année 63 et qu’il a terminé les Actes à la fin de cette même année63.
Histoire - Page 31
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18 octobre : saint Luc
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Le péché originel (5)
Le péché originel (suite)
Ses conséquences pour l’homme. Outre le châtiment que le péché originel entraîné, et que j’ai rappelé précédemment, désormais « l'homme n'a pas confiance en Dieu. Tenté par les paroles du serpent, il nourrit le soupçon que Dieu, en fin de compte, ôte quelque chose à sa vie, que Dieu est un concurrent qui limite notre liberté et que nous ne serons pleinement des êtres humains que lorsque nous l'aurons mis de côté ; en somme, que ce n'est que de cette façon que nous pouvons réaliser en plénitude notre liberté » (Benoît XVI, homélie pour le 40ème anniversaire de la clôture du concile Vatican II, 8 décembre 2005).
Par sa ruse, le démon, qui est un ange, déchu certes, mais un ange quand même, qui « se déguise en ange de lumière » (2 Corinthiens 11, 14), réussi le tour de force de dresser l’homme contre Dieu, à lui occulter sa Bonté pour le présenter comme un obstacle au libre accomplissement de sa volonté. L’homme, créé libre, se sent esclave. Et comme il n’est pas esclave de Dieu, de qui l’est-il, si ce n’est de lui-même et, par ricochet, du diable ? Telle est la condition dramatique dans laquelle le péché originel l’a plongé.
Le serpent infernal, sous la forme duquel le récit biblique représente le tentateur, a distillé le venin du doute dans le cœur de l’homme : le doute sur l’Amour de Dieu, le doute sur son vrai Bien. L’Ami avec lequel il conversait dans le jardin d’Éden (voir Genèse 2, 16 ; 3, 8-9) n’est plus… Désormais « le mal se présente comme bien et le bien est disqualifié » (Jean-Paul II, lettre Dilecti amici à tous les jeunes du monde, 31 mars 1985, n° 4). « Nous portons tous en nous une goutte du venin de cette façon de penser illustrée par les images du Livre de la Genèse. Cette goutte de venin, nous l'appelons péché originel » (Benoît XVI, homélie cit.).
« L'homme vit avec le soupçon que l'amour de Dieu crée une dépendance et qu'il lui est nécessaire de se débarrasser de cette dépendance pour être pleinement lui-même. L'homme ne veut pas recevoir de Dieu son existence et la plénitude de sa vie. Il veut puiser lui-même à l'arbre de la connaissance le pouvoir de façonner le monde, de se transformer en un dieu en s'élevant à Son niveau, et de vaincre avec ses propres forces la mort et les ténèbres. Il ne veut pas compter sur l'amour qui ne lui semble pas fiable ; il compte uniquement sur la connaissance, dans la mesure où celle-ci confère le pouvoir. Plutôt que sur l'amour, il mise sur le pouvoir, avec lequel il veut prendre en main de manière autonome sa propre vie. Et en agissant ainsi, il se fie au mensonge plutôt qu'à la vérité et cela fait sombrer sa vie dans le vide, dans la mort. L'amour n'est pas une dépendance, mais un don qui nous fait vivre. La liberté d'un être humain est la liberté d'un être limité et elle est donc elle-même limitée. Nous ne pouvons la posséder que comme liberté partagée, dans la communion des libertés : ce n'est que si nous vivons d'une juste manière, l'un avec l'autre et l'un pour l'autre, que la liberté peut se développer. Nous vivons d'une juste manière, si nous vivons selon la vérité de notre être, c'est-à-dire selon la volonté de Dieu. Car la volonté de Dieu ne constitue pas pour l'homme une loi imposée de l'extérieur qui le force, mais la mesure intrinsèque de sa nature, une mesure qui est inscrite en lui et fait de lui l'image de Dieu, et donc une créature libre. Si nous vivons contre l'amour et contre la vérité — contre Dieu —, alors nous nous détruisons réciproquement et nous détruisons le monde. Alors nous ne trouvons pas la vie, mais nous faisons le jeu de la mort » (Benoît XVI, Ibid.).
Mais le péché n’est pas le dernier mot sur l’homme. Dieu « a pris les choses en main », pour ainsi dire, et envoyé son Fils sur terre pour « tout rassembler dans le Christ » (Éphésiens 1, 10).
(à suivre…) -
Le péché originel (4)
3. La présence du mal dans le monde.
Tout le mal qui existe dans le monde provient de ce mal originel qu’est le péché d’Adam et Ève et par cette présence du mal en l’homme. Ce péché n’est pas un péché personnel de celui qui le contracte en naissant. Il n’en marque pas moins cruellement l’âme qui naît « fille de la colère », c’est-à-dire coupée de Dieu. La nature transmissible par génération est une nature irrémédiablement marquée par le péché originel, car « tout le genre humain est en Adam « comme l’unique corps d’un homme unique » (saint Thomas d’Aquin, De malo 4, 1) » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 404). « Depuis ce premier péché, une véritable « invasion » du péché inonde le monde » (Ibid., n° 401). Satan, ce « génie pervers du soupçon » (Jean-Paul II, encyclique Dominum et vivificantem, n° 37), cherche par tous les moyens, même s’il se répète beaucoup, à mettre Dieu « en état de doute, et même en état d’accusation, dans la conscience de la créature » (Ibid.).
C’est pourquoi, à la suite de saint Paul affirmant que « par la désobéissance d’un seul homme, la multitude [c’est-à-dire tous les hommes] a été constituée pécheresse » (Romains 5, 19), l’Église « a toujours enseigné que l’immense misère qui opprime les hommes et leur inclination au mal et à la mort ne sont pas compréhensibles sans leur lien avec le péché d’Adam et le fait qu’il nous a transmis un péché dont nous naissons tous affectés et qui est la « mort de l’âme » (concile de Trente) » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 403).
Cependant cette nature n’est pas pleinement corrompue, moins encore détruite. L’homme reste capable d’accueillir le salut, qui lui est déjà annoncé, bien que de façon voilée : « Je mets une inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; elle te visera la tête, et tu la viseras au talon » (Genèse 3, 15). L’Église voit dans ce texte l’annonce du Rédempteur et de Marie, associée au salut de l’humanité. C’est pourquoi ce verset est qualifié de protévangile, ou premier Évangile. Ainsi, Dieu n’a pas abandonné l’homme au pouvoir de la mort. Il décide d’envoyer son Fils, Jésus-Christ, pour réconcilier l’humanité avec Dieu, la création et elle-même.
Tant que le Fils de Dieu n’avait pas donné sa vie en rançon pour la multitude, la réconciliation avec Dieu était impossible. Les justes de l’Ancien Testament ne pouvaient pas accéder au ciel. Ils attendaient la délivrance dans le « sein d’Abraham ».
(à suivre…) -
27 décembre : saint Jean (1)
L’apôtre saint Jean présenté par le pape Benoît XVI, lors des audiences générales des 5 juillet, 9 et 23 août 2006
Jean, fils de Zébédée
Nous consacrons notre rencontre d'aujourd'hui au souvenir [de] Jean, fils de Zébédée et frère de Jacques. Son nom, typiquement juif, signifie « le Seigneur a fait grâce ». Il était en train de réparer les filets sur la rive du lac de Tibériade, quand Jésus l'appela avec son frère (cf. Matthieu 4, 21 ; Mc 1, 19). Jean appartient lui aussi au petit groupe que Jésus emmène avec lui en des occasions particulières. Il se trouve avec Pierre et Jacques quand Jésus, à Capharnaüm, entre dans la maison de Pierre pour guérir sa belle-mère (cf. Marc 1, 29) ; avec les deux autres, il suit le Maître dans la maison du chef de la synagogue Jaïre, dont la fille sera rendue à la vie (cf. Marc 5, 37) ; il le suit lorsqu'il gravit la montagne pour être transfiguré (cf. Marc 9, 2) ; il est à ses côtés sur le Mont des Oliviers lorsque, devant l'aspect imposant du Temple de Jérusalem, Jésus prononce le discours sur la fin de la ville et du monde (cf. Marc 13, 3); et, enfin, il est proche de lui quand, dans le jardin de Gethsémani, il s'isole pour prier le Père avant la Passion (cf. Marc 14, 33). Peu avant Pâques, lorsque Jésus choisit deux disciples pour les envoyer préparer la salle pour la Cène, c'est à lui et à Pierre qu'il confie cette tâche (cf. 22, 8).
Cette position importante dans le groupe des Douze rend d'une certaine façon compréhensible l'initiative prise un jour par sa mère : elle s'approcha de Jésus pour lui demander que ses deux fils, Jean précisément et Jacques, puissent s'asseoir l'un à sa droite et l'autre à sa gauche dans le Royaume (cf. Matthieu 20, 20-21). Comme nous le savons, Jésus répondit en posant à son tour une question : il demanda s'ils étaient disposés à boire la coupe qu'il allait lui-même boire (cf. Matthieu 20, 22). L'intention qui se trouvait derrière ces paroles était d'ouvrir les yeux des deux disciples, de les introduire à la connaissance du mystère de sa personne et de leur laisser entrevoir l'appel futur à être ses témoins jusqu'à l'épreuve suprême du sang. Peu après, en effet, Jésus précisa qu'il n'était pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa propre vie en rançon pour une multitude (cf. Matthieu 20, 28). Les jours qui suivent la résurrection, nous retrouvons « les fils de Zébédée » travaillant avec Pierre et plusieurs autres disciples au cours d'une nuit infructueuse, à laquelle suit, grâce à l'intervention du Ressuscité, la pêche miraculeuse : ce sera « le disciple que Jésus aimait » qui reconnaîtra en premier « le Seigneur » et l'indiquera à Pierre (cf. Jean 21, 1-13).
Au sein de l'Église de Jérusalem, Jean occupa une place importante dans la direction du premier regroupement de chrétiens. En effet, Paul le compte au nombre de ceux qu'il appelle les "colonnes" de cette communauté (cf. Galates 2, 9). En réalité, Luc le présente avec Pierre dans les Actes, alors qu'ils vont prier dans le Temple (cf. Actes 3, 1-4.11) ou bien apparaissent devant le Sanhédrin pour témoigner de leur foi en Jésus-Christ (cf. Actes 4, 13.19). Avec Pierre, il est envoyé par l'Église de Jérusalem pour confirmer ceux qui ont accueilli l'Évangile en Samarie, en priant pour eux afin qu'ils reçoivent l'Esprit Saint (cf. Actes 8, 14-15). Il faut en particulier rappeler ce qu'il affirme, avec Pierre, devant le Sanhédrin qui fait leur procès: « Quant à nous, il nous est impossible de ne pas dire ce que nous avons vu et entendu » (Actes 4, 20). Cette franchise à confesser sa propre foi est précisément un exemple et une invitation pour nous tous à être toujours prêts à déclarer de manière décidée notre adhésion inébranlable au Christ, en plaçant la foi avant tout calcul ou intérêt humain.
Selon la tradition, Jean est « le disciple bien-aimé » qui, dans le Quatrième Évangile, pose sa tête sur la poitrine du Maître au cours de la Dernière Cène (cf. Jean 13, 21), qui se trouve au pied de la Croix avec la Mère de Jésus (cf. Jean 19, 25) et, enfin, qui est le témoin de la Tombe vide, ainsi que de la présence même du Ressuscité (cf. Jean 20, 2 ; 21, 7). Nous savons que cette identification est aujourd'hui débattue par les chercheurs, certains d'entre eux voyant simplement en lui le prototype du disciple de Jésus. En laissant les exégètes résoudre la question, nous nous contentons ici de tirer une leçon importante pour notre vie : le Seigneur désire faire de chacun de nous un disciple qui vit une amitié personnelle avec Lui. Pour y parvenir, il ne suffit pas de le suivre et de l'écouter extérieurement ; il faut aussi vivre avec Lui et comme Lui. Cela n'est possible que dans le contexte d'une relation de grande familiarité, imprégnée par la chaleur d'une confiance totale. C'est ce qui se passe entre des amis ; c'est pourquoi Jésus dit un jour : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis... Je ne vous appelle plus serviteurs, car le serviteur ignore ce que veut faire son maître ; maintenant je vous appelle mes amis, car tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître » (Jean 15, 13, 15).
Dans les Actes de Jean apocryphes, l'apôtre est présenté non pas comme le fondateur d'Eglises, ni même à la tête de communautés déjà constituées, mais dans un pèlerinage permanent en tant que communicateur de la foi dans la rencontre avec des « âmes capables d'espérer et d'être sauvées » (18, 10; 23, 8). Tout cela est animé par l'intention paradoxale de faire voir l'invisible. Et, en effet, il est simplement appelé « le Théologien » par l'Église orientale, c'est-à-dire celui qui est capable de parler en termes accessibles des choses divines, en révélant un accès mystérieux à Dieu à travers l'adhésion à Jésus.
Le culte de Jean apôtre s'affirma à partir de la ville d'Éphèse, où, selon une antique tradition, il oeuvra long-temps, y mourant à la fin à un âge extraordinairement avancé, sous l'empereur Trajan. À Éphèse, l'empereur Justinien, au VIe siècle, fit construire en son honneur une grande basilique, dont il reste aujourd'hui encore des ruines imposantes. Précisément en Orient, il a joui et jouit encore d'une grande vénération. Dans l'iconographie byzantine, il est souvent représenté très âgé — selon la tradition, il mourut sous l'empereur Trajan — et dans l'acte d'une intense contemplation, presque dans l'attitude de quelqu'un qui invite au silence.
En effet, sans un recueillement approprié, il n'est pas possible de s'approcher du mystère suprême de Dieu et de sa révélation. Cela explique pourquoi, il y a des années, le Patriarche oecuménique de Constantinople, Athénagoras, celui que le Pape Paul VI embrassa lors d'une mémorable rencontre, affirma : « Jean est à l'origine de notre plus haute spiritualité. Comme lui, les "silencieux" connaissent ce mystérieux échange de cœurs, invoquent la présence de Jean et leur cœur s'enflamme » (O. Clément, Dialogues avec Athénagoras, Turin 1972, p. 159). Que le Seigneur nous aide à nous mettre à l'école de Jean pour apprendre la grande leçon de l'amour de manière à nous sentir aimés par le Christ « jusqu'au bout » (Jean 13, 1) et donner notre vie pour lui.
(à suivre demain) -
22 novembre : sainte Cécile
L’Église célèbre aujourd’hui la patronne des musiciens. Sainte Cécile, vierge romaine et martyre, dont la vie est connue par les Actes de sainte Cécile ou Passion de sainte Cécile. La nuit de ses noces, elle annonce à Valérien, son mari, qu’un ange veille sur sa virginité. Valérien se convertit sur les instances de Cécile et voit l’ange lui aussi ; puis son frère en fait autant. L’empereur les fait exécuter avec d’autres convertis par Cécile. Bien que ce récit apparaisse plutôt légendaire, et qu’il n’est pas question d’une vierge martyre dénommée Cécile jusqu’au Ve siècle, cependant la dévotion envers elle commence à répandre au cours de ce même siècle et une église lui est consacrée à Rome, au moins en 545. Cécile est vénérée au cimetière de Calliste. Les reliques de la sainte ont été découvertes sous Pascal Ier (817-824). Le pape fit placer la tête dans un reliquaire en argent ; elle était vénérée en l’église des Quatre-Couronnés.
Selon les Actes, le jour de ses noces, Cécile chantait à Dieu dans son cœur, tandis que les musiciens jouaient de leurs instruments. La précision « dans son cœur » ayant été omise du texte liturgique, on en a déduit que Cécile jouait aussi d’un instrument.
Saint Augustin fait allusion à l’importance du chant dans la liturgie : « Rendez grâce au Seigneur sur la cithare, jouez pour lui sur la harpe à dix cordes. Chantez-lui le cantique nouveau22 novembre : sainte Cécile
L’Église célèbre aujourd’hui la patronne des musiciens. Sainte Cécile, vierge romaine et martyre, dont la vie est connue par les Actes de sainte Cécile ou Passion de sainte Cécile. La nuit de ses noces, elle annonce à Valérien, son mari, qu’un ange veille sur sa virginité. Valérien se convertit sur les instances de Cécile et voit l’ange lui aussi ; puis son frère en fait autant. L’empereur les fait exécuter avec d’autres convertis par Cécile. Bien que ce récit apparaisse plutôt légendaire, et qu’il n’est pas question d’une vierge martyre dénommée Cécile jusqu’au Ve siècle, cependant la dévotion envers elle commence à répandre au cours de ce même siècle et une église lui est consacrée à Rome, au moins en 545. Cécile est vénérée au cimetière de Calliste. Les reliques de la sainte ont été découvertes sous Pascal Ier (817-824). Le pape fit placer la tête dans un reliquaire en argent ; elle était vénérée en l’église des Quatre-Couronnés.
Selon les Actes, le jour de ses noces, Cécile chantait à Dieu dans son cœur, tandis que les musiciens jouaient de leurs instruments. La précision « dans son cœur » ayant été omise du texte liturgique, on en a déduit que Cécile jouait aussi d’un instrument.
Saint Augustin fait allusion à l’importance du chant dans la liturgie : « Rendez grâce au Seigneur sur la cithare, jouez pour lui sur la harpe à dix cordes. Chantez-lui le cantique nouveau. Dépouillez ce qui est vieux, vous qui connaissez le cantique nouveau. Homme nouveau, testament nouveau, cantique nouveau. Le cantique nouveau ne concerne pas les hommes anciens. Les hommes nouveaux sont les seuls à l’apprendre, car ils sont renouvelés par la grâce loin de leur ancien état, et ils appartiennent désormais au testament nouveau, qui est le Royaume des Cieux. C’est pour lui que soupire tout notre amour, et qu’il chante le cantique nouveau. Chantons le cantique nouveau non par notre bouche, mais par notre vie.
Chantez-lui le cantique nouveau, chantez bien. Chacun se demande comment chanter pour Dieu. Chante pour lui, mais évite de chanter mal. Il ne faut pas blesser ses oreilles. Chantez bien, mes frères. Lorsque l’on te dit, devant un auditeur bon musicien : Chante pour lui plaire, si tu ignores la musique, tu redoutes de chanter et de déplaire à l’artiste. Car ce que l’auditeur incompétent ne remarque pas, l’artiste te le reproche. Qui se proposerait pour chanter à Dieu, lui qui juge le chanteur, lui à qui rien n’échappe, qui entend tout ? Quand peux-tu offrir une telle perfection dans ton chant que tu ne déplaises en rien à des oreilles si délicates ?
Eh bien, il te donne cette méthode de chant : ne cherche pas des paroles, comme si tu pouvais expliquer ce qui plaît à Dieu. Chante par des cris de jubilation. Bien chanter pour Dieu, c’est chanter par des cris de jubilation. En quoi cela consiste-t-il ? C’est comprendre qu’on ne peut pas expliquer par des paroles ce que l’on chante dans son cœur. En effet, ceux qui chantent, en faisant la moisson, ou les vendanges, ou n’importe quel travail enthousiasmant, lorsqu’ils se mettent à exulter de joie par les paroles de leurs chants, sont comme gonflés d’une telle joie qu’ils ne peuvent pas la détailler par des paroles, ils renoncent à articuler des mots, et ils éclatent en cris de jubilation.
Ce cri est un son manifestant que le cœur enfante des sentiments qu’il ne peut exprimer. Et à qui cela convient-il mieux qu’au Dieu inexprimable ? Il est inexprimable, en effet, celui que tu ne peux traduire dans le langage. Et si tu ne peux parler, mais que tu n’aies pas le droit de te taire, qu’est-ce qui te reste, sinon de chanter en cris de jubilation ? Que ton cœur se réjouisse sans prononcer de paroles et que l’infinité de tes joies ne soit pas limitée par des syllabes. Chantez bien, avec des cris de joie. » (Enarrationes in psalmos, Ps. 32, sermon 1).
. Dépouillez ce qui est vieux, vous qui connaissez le cantique nouveau. Homme nouveau, testament nouveau, cantique nouveau. Le cantique nouveau ne concerne pas les hommes anciens. Les hommes nouveaux sont les seuls à l’apprendre, car ils sont renouvelés par la grâce loin de leur ancien état, et ils appartiennent désormais au testament nouveau, qui est le Royaume des Cieux. C’est pour lui que soupire tout notre amour, et qu’il chante le cantique nouveau. Chantons le cantique nouveau non par notre bouche, mais par notre vie.
Chantez-lui le cantique nouveau, chantez bien. Chacun se demande comment chanter pour Dieu. Chante pour lui, mais évite de chanter mal. Il ne faut pas blesser ses oreilles. Chantez bien, mes frères. Lorsque l’on te dit, devant un auditeur bon musicien : Chante pour lui plaire, si tu ignores la musique, tu redoutes de chanter et de déplaire à l’artiste. Car ce que l’auditeur incompétent ne remarque pas, l’artiste te le reproche. Qui se proposerait pour chanter à Dieu, lui qui juge le chanteur, lui à qui rien n’échappe, qui entend tout ? Quand peux-tu offrir une telle perfection dans ton chant que tu ne déplaises en rien à des oreilles si délicates ?
Eh bien, il te donne cette méthode de chant : ne cherche pas des paroles, comme si tu pouvais expliquer ce qui plaît à Dieu. Chante par des cris de jubilation. Bien chanter pour Dieu, c’est chanter par des cris de jubilation. En quoi cela consiste-t-il ? C’est comprendre qu’on ne peut pas expliquer par des paroles ce que l’on chante dans son cœur. En effet, ceux qui chantent, en faisant la moisson, ou les vendanges, ou n’importe quel travail enthousiasmant, lorsqu’ils se mettent à exulter de joie par les paroles de leurs chants, sont comme gonflés d’une telle joie qu’ils ne peuvent pas la détailler par des paroles, ils renoncent à articuler des mots, et ils éclatent en cris de jubilation.
Ce cri est un son manifestant que le cœur enfante des sentiments qu’il ne peut exprimer. Et à qui cela convient-il mieux qu’au Dieu inexprimable ? Il est inexprimable, en effet, celui que tu ne peux traduire dans le langage. Et si tu ne peux parler, mais que tu n’aies pas le droit de te taire, qu’est-ce qui te reste, sinon de chanter en cris de jubilation ? Que ton cœur se réjouisse sans prononcer de paroles et que l’infinité de tes joies ne soit pas limitée par des syllabes. Chantez bien, avec des cris de joie. » (Enarrationes in psalmos, Ps. 32, sermon 1). -
15 novembre : saint Albert le Grand
C’est aujourd’hui le dies natalis, le « jour de la naissance » au ciel de saint Albert le Grand, né en 1206 et décédé le 15 novembre 1280. De son vrai nom Albert de Bollstaedt, il entra dans l’ordre des frères prêcheurs (les Dominicains), malgré la vive opposition de sa famille. Il se consacra très vite à l’enseignement dans divers couvents, avant d’être nommé Régent du studium generale, le centre d’études supérieures de l’ordre qui venait d’ouvrir à Cologne, où il fut le professeur du futur saint Thomas d’Aquin (1225-1274), à qui il communiqua sa passion pour la documentation.
Béatifié en 1622, le pape Pie XI le déclara saint et docteur de l’Église, en 1931. Il est connu comme le Doctor universalis, le « Docteur universel » en raison de l’universalité de ses connaissances. Il écrit, en effet, des ouvrages de philosophie (logique et sciences naturelles, son apport dans ce domaine étant considérable ; mathématiques, métaphysique, sciences morales et politiques) ; des ouvrages de théologie (commentaires aux Saintes Écritures, commentaire du Pseudo-Denys, commentaire des Sentences de Pierre Lombard, somme théologique) ; des écrits parénétiques ou d’exhortation et d’instruction dans la foi. Il se distingue aussi par le fait qu’il a intégré dans la pensée chrétienne les éléments de la philosophie d’Aristote qui pouvaient lui être utiles.
Voici un extrait d’un texte de saint Albert sur l’Eucharistie où il montre que le prêtre est pasteur et docteur dans l’édification du corps du Christ qu’est l’Église : « Faites cela en mémoire de moi. Dans cette parole, deux choses sont à relever. La première, c’est que le Seigneur nous prescrit la pratique de ce sacrement, qu’il signale quand il dit : Faites cela. La seconde, c’est qu’il doit être le mémorial du Seigneur qui s’en allait pour nous à la mort. Il dit donc : Faites cela. Il ne pouvait nous prescrire rien de plus utile, rien de plus doux, rien de plus salubre, rien de plus aimable, rien de mieux accordé à la vie éternelle. […]
Ce sacrement est utile pour le pardon des péchés, et très utile pour que notre vie ait la plénitude de la grâce. Le Père des esprits nous forme à ce qui est utile, pour que nous recevions sa sainteté. Or sa sainteté se trouve dans le sacrifice de son Fils, c’est-à-dire lorsque dans le sacrement il s’est offert au Père pour nous, et à nous comme notre nourriture. […]
En outre, nous ne pouvons rien faire de plus doux : Tu as donné à ton peuple un pain venu du ciel tout préparé, sans aucun travail de leur part, ayant en lui toutes les délices et la saveur de tous les goûts. Et la substance que tu donnais manifestait bien ta douceur envers tes enfants, puisque, répondant au goût de chacun, elle se transformait selon ta volonté.
Rien non plus ne pouvait être prescrit de plus salubre. En effet, ce sacrement est celui de l’arbre qui porte les fruits de vie ; qui en mange avec la dévotion d’une foi sincère ne goûtera jamais la mort. […]
Rien ne pouvait être prescrit de plus aimable. En effet, ce sacrement réalise l’amour et l’union. Le plus grand signe d’amour est de se donner en nourriture : Les gens de ma tente le disaient bien : Qui nous donnera de sa chair pour que nous soyons rassasiés ? C’est comme s’il disait : Je les ai tant aimés, et réciproquement, que je désirais être dans leurs entrailles ; quant à eux, ils désiraient être incorporés à moi pour devenir mes membres. Ils ne pouvaient être unis à moi, et moi à eux, d’une manière plus intime et plus physique.
Enfin, rien ne pouvait être prescrit qui soit mieux accordé à la vie éternelle. Car la permanence de la vie éternelle vient de ce que, dans sa douceur, Dieu répand lui-même dans les bienheureux .» -
saint André (2)
Dans les Évangiles, enfin, une troisième initiative d'André est rapportée. Le cadre est encore Jérusalem, peu avant la Passion. Pour la fête de Pâques — raconte Jean — quelques Grecs étaient eux aussi venus dans la ville sainte, probablement des prosélytes ou des hommes craignant Dieu, venus pour adorer le Dieu d'Israël en la fête de la Pâque. André et Philippe, les deux apôtres aux noms grecs, servent d'interprètes et de médiateurs à ce petit groupe de Grecs auprès de Jésus. La réponse du Seigneur à leur question apparaît - comme souvent dans l'Evangile de Jean - énigmatique, mais précisément ainsi, elle se révèle riche de signification. Jésus dit aux deux disciples et, par leur intermédiaire, au monde grec : « L'heure est venue pour le Fils de l'homme d'être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit » (Jean 12, 23-24). Que signifient ces paroles dans ce contexte ? Jésus veut dire : Oui, ma rencontre avec les Grecs aura lieu, mais pas comme un simple et bref entretien entre moi et quelques personnes, poussées avant tout par la curiosité. Avec ma mort, comparable à la chute en terre d'un grain de blé, viendra l'heure de ma glorification. De ma mort sur la croix proviendra la grande fécondité : le « grain de blé mort » — symbole de ma crucifixion — deviendra dans la résurrection pain de vie pour le monde; elle sera lumière pour les peuples et les cultures. Oui, la rencontre avec l'âme grecque, avec le monde grec, se réalisera à ce niveau auquel fait allusion l'épisode du grain de blé qui attire à lui les forces de la terre et du ciel et qui devient pain. En d'autres termes, Jésus prophétise l'Église des Grecs, l'Église des païens, l'Église du monde comme fruit de sa Pâque.
Des traditions très antiques voient André, qui a transmis aux Grecs cette parole, non seulement comme l'interprète de plusieurs Grecs lors de la rencontre avec Jésus que nous venons de rappeler, mais elles le considèrent comme l'apôtre des Grecs dans les années qui suivirent la Pentecôte ; elles nous font savoir qu'au cours du reste de sa vie il fut l'annonciateur et l'interprète de Jésus dans le monde grec. Pierre, son frère, de Jérusalem en passant par Antioche, parvint à Rome pour y exercer sa mission universelle ; André fut en revanche l'Apôtre du monde grec : ils apparaissent ainsi de véritables frères dans la vie comme dans la mort — une fraternité qui s'exprime symboliquement dans la relation spéciale des Sièges de Rome et de Constantinople, des Églises véritablement sœurs.
Une tradition successive, comme nous l'avons mentionné, raconte la mort d'André à Patras, où il subit lui aussi le supplice de la crucifixion. Cependant, au moment suprême, de manière semblable à son frère Pierre, il demanda à être placé sur une croix différente de celle de Jésus. Dans son cas, il s'agit d'une croix décussée, c'est-à-dire dont le croisement transversal est incliné, qui fut donc appelée « croix de saint André ». Voilà ce que l'apôtre aurait dit à cette occasion, selon un antique récit (début du VIe siècle) intitulé Passion d'André : « Je te salue, ô Croix, inaugurée au moyen du Corps du Christ et qui as été ornée de ses membres, comme par des perles précieuses. Avant que le Seigneur ne monte sur toi, tu inspirais une crainte terrestre. À présent, en revanche, dotée d'un amour céleste, tu es reçue comme un don. Les croyants savent, à ton égard, combien de joie tu possèdes, combien de présents tu prépares. Avec assurance et rempli de joie, je viens donc à toi, pour que toi aussi, tu me reçoives exultant comme le disciple de celui qui fut suspendu à toi... Ô croix bienheureuse, qui reçus la majesté et la beauté des membres du Seigneur !... Prends-moi et porte-moi loin des hommes et rends-moi à mon Maître, afin que par ton intermédiaire me reçoive celui qui, par toi, m'a racheté. Je te salue, ô Croix ; oui, en vérité, je te salue ! » Comme on le voit, il y a là une très profonde spiritualité chrétienne, qui voit dans la croix non pas tant un instrument de torture, mais plutôt le moyen incomparable d'une pleine assimilation au Rédempteur, au grain de blé tombé en terre. Nous devons en tirer une leçon très importante : nos croix acquièrent de la valeur si elles sont considérées et accueillies comme une partie de la croix du Christ, si elles sont touchées par l'éclat de sa lumière. Ce n'est que par cette Croix que nos souffrances sont aussi ennoblies et acquièrent leur sens véritable.
Que l’apôtre André nous enseigne donc à suivre Jésus avec promptitude (cf. Matthieu 4, 20 ; Marc 1, 18), à parler avec enthousiasme de lui à ceux que nous rencontrons, et surtout à cultiver avec Lui une relation véritablement familière, bien conscients que ce n'est qu'en Lui que nous pouvons trouver le sens ultime de notre vie et de notre mort. -
11 novembre : saint Martin
L’anniversaire de l’armistice de la première Guerre mondiale coïncide avec la Saint-Martin, ce qui n’est sans doute pas fortuit, quand on sait l’importance que le saint a eue et a dans la chrétienté de notre pays, puisque l’on dénombrait en France, à la fin du XIXe siècle, pas moins de 3 675 lieux de culte placés sous son patronage, sans compter 485 villes, bourgs ou hameaux portant son nom.
On lira avec profit l’excellente biographie du Père Dominique-Marie Dauzet, Saint Martin de Tours, Paris, 1996, dont je tire le résumé que voici : « L’évêque Martin de Tours […] est une des hautes figures de l’histoire de la chrétienté. Comment expliquer ces centaines de milliers de pèlerins venus à son tombeau durant tout le Moyen Âge, les milliers d’églises, de communes et de familles qui, en France et en Europe, portent son nom ?
Chacun connaît l’admirable geste du jeune Martin, officier de l’armée romaine : un soir d’hiver, à Amiens, il partage son manteau avec un pauvre. Passé du service des armes au service du Christ, Martin décide de répondre à l’appel intérieur et fonde, vers 361, l’un des tout premiers monastères de Gaule, à Ligugé, près de Poitiers. Bientôt, contrarié dans sa vocation, le moine doit accepter l’évêché de Tours. Sa vie prend alors un cours nouveau : le voici chargé de prêcher l’Évangile dans une Gaule largement païenne où le christianisme n’est encore qu’un phénomène urbain. Saint Martin parcourt les campagnes et, au péril de sa vie, détruit les idoles et les temples des faux dieux. Surtout, l’apôtre fait preuve d’un exceptionnel charisme de guérison. Avec lui, la tendresse de Dieu se manifeste : les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux marchent ; on n’avait pas vu cela depuis le Christ… […] Ce livre retrace l’épopée évangélisatrice d’un évêque toujours en contact avec l’au-delà, conversant avec les anges et luttant contre les démons. Un homme libre aussi, qui, par amour de l’Évangile, tient tête aux empereurs et aux puissants de ce monde. »
L’auteur s’appuie bien évidemment sur la Vie de Martin écrite du vivant de notre saint par son ami Sulpice Sévère. -
saint Jean (2)
Jean, le théologien
[…] S'il est un thème caractéristique qui ressort des écrits de Jean, c'est l'amour. Ce n'est pas par hasard que j'ai voulu commencer ma première Lettre encyclique par les paroles de cet Apôtre : « Dieu est amour (Deus caritas est) ; celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui » (1 Jean 4, 16). Il est très difficile de trouver des textes de ce genre dans d'autres religions. Et ces expressions nous placent donc face à un concept très particulier du christianisme. Assurément, Jean n'est pas l'unique auteur des origines chrétiennes à parler de l'amour. Étant donné qu'il s'agit d'un élément constitutif essentiel du christianisme, tous les écrivains du Nouveau Testament en parlent, bien qu'avec des accents divers. Si nous nous arrêtons à présent pour réfléchir sur ce thème chez Jean, c'est parce qu'il nous en a tracé avec insistance et de façon incisive les lignes principales. Nous nous en remettons donc à ses paroles. Une chose est certaine : il ne traite pas de façon abstraite, philosophique ou même théologique de ce qu'est l'amour. Non, ce n'est pas un théoricien. En effet, de par sa nature, le véritable amour n'est jamais purement spéculatif, mais exprime une référence directe, concrète et vérifiable à des personnes réelles. Et Jean, en tant qu'apôtre et ami de Jésus, nous fait voir quels sont les éléments, ou mieux, les étapes de l'amour chrétien, un mouvement caractérisé par trois moments.
Le premier concerne la Source même de l'amour, que l'apôtre situe en Dieu, en allant jusqu'à affirmer, comme nous l'avons entendu, que « Dieu est Amour » (1 Jean 4, 8.16). Jean est l'unique auteur de Nouveau Testament à nous donner une sorte de définition de Dieu. Il dit par exemple que « Dieu est esprit » (Jn 4, 24) ou que « Dieu est Lumière » (1 Jean 1, 5). Ici, il proclame avec une intuition fulgurante que « Dieu est amour ». Que l'on remarque bien : il n'est pas affirmé simplement que « Dieu aime » ou encore moins que « l'amour est Dieu » ! En d'autres termes : Jean ne se limite pas à décrire l'action divine, mais va jusqu'à ses racines. En outre, il ne veut pas attribuer une qualité divine à un amour générique ou même impersonnel ; il ne remonte pas de l'amour vers Dieu, mais se tourne directement vers Dieu pour définir sa nature à travers la dimension infinie de l'amour. Par cela, Jean veut dire que l'élément constitutif essentiel de Dieu est l'amour et donc toute l'activité de Dieu naît de l'amour et elle est marquée par l'amour : tout ce que Dieu fait, il le fait par amour et avec amour, même si nous ne pouvons pas immédiatement comprendre que cela est amour, le véritable amour.
Mais, à ce point, il est indispensable de faire un pas en avant et de préciser que Dieu a démontré de façon concrète son amour en entrant dans l'histoire humaine à travers la personne de Jésus-Christ incarné, mort et ressuscité pour nous. Cela est le second moment constitutif de l'amour de Dieu. Il ne s'est pas limité à des déclarations verbales, mais, pouvons-nous dire, il s'est véritablement engagé et il a « payé » en personne. Comme l'écrit précisément Jean, « Dieu a tant aimé le monde (c'est-à-dire nous tous), qu'il a donné son Fils unique » (Jean 3, 16). Désormais, l'amour de Dieu pour les hommes se concrétise et se manifeste dans l'amour de Jésus lui-même. Jean écrit encore : Jésus « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'à la fin » (Jean 13, 1). En vertu de cet amour oblatif et total, nous sommes radicalement rachetés du péché, comme l'écrit encore saint Jean : « Petits enfants [...] si quelqu'un vient à pécher, nous avons comme avocat auprès du Père Jésus Christ, le Juste. C'est lui qui est victime de propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier » (1 Jean 2, 1-2 ; cf. 1 Jean 1, 7). Voilà jusqu'où est arrivé l'amour de Jésus pour nous: jusqu'à l'effusion de son sang pour notre salut ! Le chrétien, en s'arrêtant en contemplation devant cet « excès » d'amour, ne peut pas ne pas se demander quelle est la réponse juste. Et je pense que chacun de nous doit toujours et à nouveau se le demander.
Cette question nous introduit au troisième moment du mouvement de l'amour : de destinataires qui recevons un amour qui nous précède et nous dépasse, nous sommes appelés à l'engagement d'une réponse active qui, pour être adéquate, ne peut être qu'une réponse d'amour. Jean parle d'un « commandement ». Il rapporte en effet ces paroles de Jésus : « Je vous donne un commandement nouveau : vous aimer les uns les autres; comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » (Jean 13, 34). Où se trouve la nouveauté dont parle Jésus? Elle réside dans le fait qu'il ne se contente pas de répéter ce qui était déjà exigé dans l'Ancien Testament, et que nous lisons également dans les autres Évangiles : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19, 18 ; cf. Matthieu 22, 37-39 ; Marc 12, 29-31 ; Luc 10 27). Dans l'ancien précepte, le critère normatif était tiré de l'homme ("comme toi-même"), tandis que dans le précepte rapporté par Jean, Jésus présente comme motif et norme de notre amour sa personne même : « Comme je vous ai aimés ». C'est ainsi que l'amour devient véritablement chrétien, en portant en lui la nouveauté du christianisme : à la fois dans le sens où il doit s'adresser à tous, sans distinction, et surtout dans le sens où il doit parvenir jusqu'aux conséquences extrêmes, n'ayant d'autre mesure que d'être sans mesure. Ces paroles de Jésus, « comme je vous ai aimés », nous interpellent et nous préoccupent à la fois ; elles représentent un objectif christologique qui peut apparaître impossible à atteindre, mais dans le même temps, elles représentent un encouragement qui ne nous permet pas de nous reposer sur ce que nous avons pu réaliser. Il ne nous permet pas d'être contents de ce que nous sommes, mais nous pousse à demeurer en chemin vers cet objectif.
Le précieux texte de spiritualité qu'est le petit livre datant de la fin du Moyen-Age intitulé Imitation du Christ, écrit à ce sujet : « Le noble amour de Jésus nous pousse à faire de grandes choses et nous incite à désirer des choses toujours plus parfaites. L'amour veut demeurer élevé et n'être retenu par aucune bassesse. L'amour veut être libre et détaché de tout sentiment terrestre... En effet, l'amour est né de Dieu et ne peut reposer qu'en Dieu, par-delà toutes les choses créées. Celui qui aime vole, court, et se réjouit, il est libre, rien ne le retient. Il donne tout à tous et a tout en toute chose, car il trouve son repos dans l'Unique puissant qui s'élève par-dessus toutes les choses, dont jaillit et découle tout bien » (Livre III, chap. 5). Quel meilleur commentaire du « commandement nouveau » énoncé par Jean ? Prions le Père de pouvoir le vivre, même de façon imparfaite, si intensément, au point de contaminer tous ceux que nous rencontrons sur notre chemin.
(la fin demain) -
30 novembre : saint André (1)
André, le Protoclite, c’est-à-dire le « premier appelé », présenté par le pape Benoît XVI,au cours de l’audience générale du 14 juin 2006 :
[…]. A présent, nous voulons, dans la mesure où les sources nous le permettent, connaître d'un peu plus près également les onze autres Apôtres. C'est pourquoi nous parlons aujourd'hui du frère de Simon Pierre, saint André, qui était lui aussi l'un des Douze. La première caractéristique qui frappe chez André est son nom: il n'est pas juif, comme on pouvait s'y attendre, mais grec, signe non négligeable d'une certaine ouverture culturelle de sa famille. Nous sommes en Galilée, où la langue et la culture grecques sont assez présentes. Dans les listes des Douze, André occupe la deuxième place, comme dans Matthieu (10, 1-4) et dans Luc (6, 13-16), ou bien la quatrième place comme dans Marc (3, 13-18) et dans les Actes (1, 13-14). Quoi qu'il en soit, il jouissait certainement d'un grand prestige au sein des premières communautés chrétiennes.
Le lien de sang entre Pierre et André, ainsi que l'appel commun qui leur est adressé par Jésus, apparaissent explicitement dans les Évangiles. On y lit : « Comme il [Jésus] marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans le lac : c'était des pêcheurs. Jésus leur dit : « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes » (Matthieu 4, 18-19 ; Marc 1, 16-17). Dans le quatrième Évangile, nous trouvons un autre détail important : dans un premier temps, André était le disciple de Jean-Baptiste ; et cela nous montre que c'était un homme qui cherchait, qui partageait l'espérance d'Israël, qui voulait connaître de plus près la parole du Seigneur, la réalité du Seigneur présent. C'était vraiment un homme de foi et d'espérance ; et il entendit Jean-Baptiste un jour proclamer que Jésus était l'« agneau de Dieu » (Jean 1, 36); il se mit alors en marche et, avec un autre disciple qui n'est pas nommé, il suivit Jésus, Celui qui était appelé par Jean « Agneau de Dieu ». L'évangéliste rapporte : ils « virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là » (Jean 1, 37-39). André put donc profiter de précieux moments d'intimité avec Jésus. Le récit se poursuit par une annotation significative : « André, le frère de Simon-Pierre, était l'un des deux disciples qui avaient entendu Jean-Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d'abord son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie (autrement dit: le Christ) ». André amena son frère à Jésus » (Jean 1, 40-43), démontrant immédiatement un esprit apostolique peu commun. André fut donc le premier des apôtres à être appelé à suivre Jésus. C'est précisément sur cette base que la liturgie de l'Église byzantine l'honore par l'appellation de Protóklitos, qui signifie précisément « premier appelé ». Et il est certain que c'est également en raison du rapport fraternel entre Pierre et André que l'Église de Rome et l'Église de Constantinople se sentent de manière particulière des Églises-sœurs. Pour souligner cette relation, mon prédécesseur, le pape Paul VI, restitua en 1964 les nobles reliques de saint André, conservées jusqu'alors dans la Basilique vaticane, à l'évêque métropolite orthodoxe de la ville de Patras en Grèce, où selon la tradition, l'apôtre fut crucifié.
Les traditions évangéliques rappellent particulièrement le nom d'André en trois autres occasions, qui nous font connaître un peu plus cet homme. La première est celle de la multiplication des pains en Galilée. En cette circonstance, ce fut André qui signala à Jésus la présence d'un enfant avec cinq pains d'orge et deux poissons, « bien peu de chose » — remarqua-t-il — pour toutes les personnes réunies en ce lieu (cf. Jean 6, 8-9). Le réalisme d'André en cette occasion mérite d'être souligné : il remarqua l'enfant — il avait donc déjà posé la question : « Mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ! » (ibid.) —, et il se rendit compte de l'insuffisance de ses maigres réserves. Jésus sut toutefois les faire suffire pour la multitude de personnes venues l'écouter. La deuxième occasion fut à Jérusalem. En sortant de la ville, un disciple fit remarquer à Jésus le spectacle des murs puissants qui soutenaient le Temple. La réponse du Maître fut surprenante : il lui dit que de ces murs, il ne serait pas resté pierre sur pierre. André l'interrogea alors, avec Pierre, Jacques et Jean : « Dis-nous quand cela arrivera, dis-nous quel sera le signe que tout cela va finir » (Marc 13, 1-4). Pour répondre à cette question, Jésus prononça un discours important sur la destruction de Jérusalem et sur la fin du monde, en invitant ses disciples à lire avec attention les signes des temps et à rester toujours vigilants. Nous pouvons déduire de l'épisode que nous ne devons pas craindre de poser des questions à Jésus, mais que dans le même temps, nous devons être prêts à accueillir les enseignements, même surprenants et difficiles, qu'Il nous offre.
(à suivre demain…)