Dans les Évangiles, enfin, une troisième initiative d'André est rapportée. Le cadre est encore Jérusalem, peu avant la Passion. Pour la fête de Pâques — raconte Jean — quelques Grecs étaient eux aussi venus dans la ville sainte, probablement des prosélytes ou des hommes craignant Dieu, venus pour adorer le Dieu d'Israël en la fête de la Pâque. André et Philippe, les deux apôtres aux noms grecs, servent d'interprètes et de médiateurs à ce petit groupe de Grecs auprès de Jésus. La réponse du Seigneur à leur question apparaît - comme souvent dans l'Evangile de Jean - énigmatique, mais précisément ainsi, elle se révèle riche de signification. Jésus dit aux deux disciples et, par leur intermédiaire, au monde grec : « L'heure est venue pour le Fils de l'homme d'être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit » (Jean 12, 23-24). Que signifient ces paroles dans ce contexte ? Jésus veut dire : Oui, ma rencontre avec les Grecs aura lieu, mais pas comme un simple et bref entretien entre moi et quelques personnes, poussées avant tout par la curiosité. Avec ma mort, comparable à la chute en terre d'un grain de blé, viendra l'heure de ma glorification. De ma mort sur la croix proviendra la grande fécondité : le « grain de blé mort » — symbole de ma crucifixion — deviendra dans la résurrection pain de vie pour le monde; elle sera lumière pour les peuples et les cultures. Oui, la rencontre avec l'âme grecque, avec le monde grec, se réalisera à ce niveau auquel fait allusion l'épisode du grain de blé qui attire à lui les forces de la terre et du ciel et qui devient pain. En d'autres termes, Jésus prophétise l'Église des Grecs, l'Église des païens, l'Église du monde comme fruit de sa Pâque.
Des traditions très antiques voient André, qui a transmis aux Grecs cette parole, non seulement comme l'interprète de plusieurs Grecs lors de la rencontre avec Jésus que nous venons de rappeler, mais elles le considèrent comme l'apôtre des Grecs dans les années qui suivirent la Pentecôte ; elles nous font savoir qu'au cours du reste de sa vie il fut l'annonciateur et l'interprète de Jésus dans le monde grec. Pierre, son frère, de Jérusalem en passant par Antioche, parvint à Rome pour y exercer sa mission universelle ; André fut en revanche l'Apôtre du monde grec : ils apparaissent ainsi de véritables frères dans la vie comme dans la mort — une fraternité qui s'exprime symboliquement dans la relation spéciale des Sièges de Rome et de Constantinople, des Églises véritablement sœurs.
Une tradition successive, comme nous l'avons mentionné, raconte la mort d'André à Patras, où il subit lui aussi le supplice de la crucifixion. Cependant, au moment suprême, de manière semblable à son frère Pierre, il demanda à être placé sur une croix différente de celle de Jésus. Dans son cas, il s'agit d'une croix décussée, c'est-à-dire dont le croisement transversal est incliné, qui fut donc appelée « croix de saint André ». Voilà ce que l'apôtre aurait dit à cette occasion, selon un antique récit (début du VIe siècle) intitulé Passion d'André : « Je te salue, ô Croix, inaugurée au moyen du Corps du Christ et qui as été ornée de ses membres, comme par des perles précieuses. Avant que le Seigneur ne monte sur toi, tu inspirais une crainte terrestre. À présent, en revanche, dotée d'un amour céleste, tu es reçue comme un don. Les croyants savent, à ton égard, combien de joie tu possèdes, combien de présents tu prépares. Avec assurance et rempli de joie, je viens donc à toi, pour que toi aussi, tu me reçoives exultant comme le disciple de celui qui fut suspendu à toi... Ô croix bienheureuse, qui reçus la majesté et la beauté des membres du Seigneur !... Prends-moi et porte-moi loin des hommes et rends-moi à mon Maître, afin que par ton intermédiaire me reçoive celui qui, par toi, m'a racheté. Je te salue, ô Croix ; oui, en vérité, je te salue ! » Comme on le voit, il y a là une très profonde spiritualité chrétienne, qui voit dans la croix non pas tant un instrument de torture, mais plutôt le moyen incomparable d'une pleine assimilation au Rédempteur, au grain de blé tombé en terre. Nous devons en tirer une leçon très importante : nos croix acquièrent de la valeur si elles sont considérées et accueillies comme une partie de la croix du Christ, si elles sont touchées par l'éclat de sa lumière. Ce n'est que par cette Croix que nos souffrances sont aussi ennoblies et acquièrent leur sens véritable.
Que l’apôtre André nous enseigne donc à suivre Jésus avec promptitude (cf. Matthieu 4, 20 ; Marc 1, 18), à parler avec enthousiasme de lui à ceux que nous rencontrons, et surtout à cultiver avec Lui une relation véritablement familière, bien conscients que ce n'est qu'en Lui que nous pouvons trouver le sens ultime de notre vie et de notre mort.
Commentaires
Je suis très touchée par cette évocation de St André, car ce jour-là de cette année donc il y a peu, un évènement s'est produit pour moi, dont votre note me donnera sa perspective .
"Prends-moi et porte-moi loin des hommes et rends-moi à mon Maître, afin que par ton intermédiaire me reçoive celui qui, par toi, m'a racheté. Je te salue, ô Croix ; oui, en vérité, je te salue" .
Je relève surtout les mots suivants : "porte-moi loin des hommes" .
Si l'on reste au niveau de l'apparence, les hommes de foi qui vont jusqu'à la mort semblent bien fous et l'homme sans yeux peut penser que Dieu est cruel qui veut notre mort.
Car, ce qui est mort apparente est Vie, et ce qui est vie pour les faussaires est mort en Vérité. Il ne faut pas craindre de plonger dans cette contradiction .
Pour autant, ne pensons pas que tout sacrifice vaut preuve d' amour de Dieu .
J'ai modestement évoqué cette extraordinaire fécondité dans une note que je vous joins :
http://nikonibe22.hautetfort.com/archive/2006/10/23/de-la-magnificence-des-larmes-de-marie1.html
et qui fait suite à un pélerinage à Chateauneuf de Galaure.
Enfin,votre éclairage "nos croix acquièrent de la valeur si elles sont considérées et accueillies comme une partie de la croix du Christ, si elles sont touchées par l'éclat de sa lumière. Ce n'est que par cette Croix que nos souffrances sont aussi ennoblies et acquièrent leur sens véritable. " nous donne la mesure de ce portement et la dimension d'amour total que notre foi tait (parfois) .
Nos croix, ce sont nos épreuves .
Jésus s'est montré à Ste Faustine avec la plaie de côté irradiant de sang et d'eau : de la lance criminelle ont jailli les fleuves d'Eau Vive . Il lui a demandé de peindre cette vision et de l'enluminer de cette Parole " JEZU, UFAM TOBIE!" "JESUS J'AI CONFIANCE EN TOI"
Ce message nous est proche (22 Février 1931) et comme il nous porte !