Nous possédons sur Jésus de Nazareth des informations plus abondantes et meilleurs que sur la plupart des personnages de son temps. Nous disposons de tout ce que les témoins de sa vie et de sa mort nous ont transmis : traditions orales et écrites sur sa personne, parmi lesquelles se détachent les quatre Évangiles, qui ont été transmises dans la réalité de la communauté de foi vivante qu’il a établie et qui continue jusqu’à nos jours. Cette communauté est l’Église, composée de millions de personnes qui suivent Jésus au long de l’histoire, qui l’ont connu par les données que les premiers disciples lui ont transmis de façon ininterrompue. Les données qui figurent dans les évangiles apocryphes et d’autres références extra-bibliques n’apportent rien de substantiel à l’information fournie par les Évangiles canoniques, tels qu’ils ont été transmis par l’Église.
Jusqu’aux Lumières, croyants et non croyants étaient persuadés que ce que nous pouvions connaître de Jésus était contenu dans les Évangiles. Néanmoins, s’agissant de récits écrits à partir de la foi, des historiens du XIXème siècle ont mis en doute l’objectivité de leur contenu. Pour ces savants, les récits évangéliques étaient peu crédibles parce qu’ils ne contenaient pas ce que Jésus a fait et dit, mais ce que croyaient ceux qui ont suivi Jésus quelques années après sa mort. La conséquence a été que jusqu’au milieu du XXème siècle on a mis en doute la véracité des Évangiles et on en est venu à affirmer que « nous ne pouvons savoir presque rien » (Bultmann) de Jésus.
Aujourd’hui, avec le développement de la science historique, les progrès de l’archéologie et notre meilleure connaissance des sources anciennes, nous pouvons affirmer avec un spécialiste connu du monde juif du Ier siècle après Jésus-Christ, qui ne peut pas être accusé de conservatisme, que « nous pouvons savoir beaucoup de Jésus » (Sanders). Par exemple, cet auteur indique « huit faits indiscutables » du point de vue historique sur la vie de Jésus et les origines du christianisme : 1) Jésus a été baptisé par Jean-Baptiste ; 2) c’était un Galiléen qui a prêché et réalisé des miracles ; 3) il a appelé des disciples et a dit qu’ils étaient au nombre de douze ; 4) il a limité son activité à Israël ; 5) il a maintenu une controverse sur le rôle du Temple ; 6) il a été crucifié en dehors de Jérusalem par les autorités romaines ; 7) après la mort de Jésus, ses disciples ont continué de former un mouvement identifiable ; 8) certains Juifs au moins ont persécutés certains groupes du nouveau mouvement (Galates 1, 13.22 ; Philippiens 3, 6) et, à ce qu’il semble, cette persécution a duré au minimum jusqu’à la fin du ministère de Paul (2 Corinthiens 11, 24 ; Galates 5, 11 ; 6, 12 ; voir Matthieu 23, 34 ; 10, 17).
À partir de cette base minimale sur laquelle les historiens sont d’accord, on peut déterminer que les autres données contenues dans les Évangiles sont dignes de foi du point de vue historique. L’application des critères d’historicité à ces données permet d’établir le degré de cohérence et de probabilité des affirmations évangéliques, et que ce que ces récits contiennent est substantiellement certain.
Enfin, il convient de rappeler que ce que nous savons de Jésus est fiable et crédible parce que les témoins sont dignes de foi et parce que la tradition est critique envers elle-même. En outre, ce que la tradition nous transmet résiste à l’analyse de la critique historique. Il est certain que seule une partie de tout ce qui nous a été transmis peut être démontrée par les méthodes utilisées par les historiens. Cependant, cela ne veut pas dire que ce qui n’est pas démontrable par ces méthodes ne s’est pas produit,mais seulement que nous pouvons apporter des données sur sa moindre ou plus grande probabilité. N’oublions pas en outre que la probabilité n’est pas déterminante. Il existe des faits très peu probables qui se sont historiquement produits. Ce qui est certainement vrai, c’est que les données évangéliques sont raisonnables et cohérentes avec les données démontrables. En tout état de cause, c’est la tradition de l’Église, au sein de laquelle ces écrits sont nés, qui nous donne des garanties de sa fiabilité et nous dit comment les interpréter.
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Histoire - Page 29
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Que savons-nous réellement de Jésus ?
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Pourquoi Jésus a-t-il été condamné à mort ?
Le personnage de Jésus de Nazareth était de plus en plus controversé au fur et à mesure que sa prédication avançait. Les autorités religieuses de Jérusalem s’inquiétaient des troubles que l’arrivée du maître de Galilée pouvait susciter dans le peuple à la Pâque. Les élites impériales aussi, car à une époque où des soulèvements contre l’occupation romaine se produisaient de temps à autre sous la conduite de chefs locaux qui en appelaient au caractère propre des Juifs, les nouvelles qu’elles recevaient de ce maître qui parlait de se préparer pour l’arrivée d’un « royaume de Dieu » n’avaient rien de rassurant. Les unes et les autres étaient donc prévenues contre lui, bien que pour des motifs différents.
Jésus a été arrêté et son cas étudié par le sanhédrin. Il ne s’agissait pas d’un procès formel, selon les procédures qui seront recueillies plus tard dans la Misna (Sanhédrin 4, 1) et qui exigeaient, entre autres, qu’il y ait lieu de jour, mais d’un interrogatoire chez des particuliers pour vérifier les accusations reçues ou les doutes au sujet de son enseignement, plus précisément sur son attitude critique envers le Temple, le halo messianique autour de sa personne que provoquaient ses paroles et son comportement, et, surtout, la prétention qui lui était attribuée de posséder une dignité divine. Plus que les questions doctrinales en soi, ce qui préoccupait vraiment les autorités religieuses était peut-être la révolte qu’elles craignaient contre les modèles établis. Cela pouvait donner lieu à une agitation populaire que les Romains ne tolèreraient pas, et dont il pouvait dériver une situation politique pire que celle qui existait alors.
Dans ce contexte, la cause fut déférée à Pilate, et le contentieux juridique contre Jésus fut présenté devant l’autorité romaine. Face à Pilate, les autorités religieuses exposèrent leurs craintes que celui qui parlait de « royaume » puisse être un danger pour Rome. Le procureur pouvait affronter la situation de deux façons. Une d’elles, la coercitio (« châtiment, mesure forcée ») lui donnait la capacité d’appliquer les moyens opportuns pour maintenir l’ordre. Faisant appel à elle, il aurait pu infliger à Jésus un châtiment exemplaire ou même le condamner à mort pour qu’il serve d’exemple. Il pouvait aussi établir une cognitio (« connaissance »), un procès formel avec formulation d’une accusation, interrogatoire et sentence prononcée conformément à la loi.
Il semble que Pilate ait hésité un instant sur la procédure, tout en optant finalement pour le procès selon la forme la plus habituelle dans les provinces romaines, appelée cognitio extra ordinem, c’est-à-dire un procès dans lequel le préteur déterminait lui-même la procédure et dictait la sentence. C’est ce qui découle de quelques détails apparemment accidentels figurant dans les récits : Pilate reçoit les accusations, interroge, s’assied au tribunal pour dicter la sentence (Jean 19, 13 ; Matthieu 27, 19), et condamne Jésus à la mort en croix pour un délit formel : il est condamné en tant que « roi des Juifs », comme cela fut indiqué sur le titulus crucis, l’écriteau apposé sur la Croix.
Les appréciations historiques sur la condamnation de Jésus doivent être très prudentes, pour ne pas tomber dans des généralisations hâtives qui conduiraient à des appréciations injustes. En particulier, il est important de faire noter — bien que ce soit évident — que les Juifs ne sont pas responsables collectivement de la mort de Jésus. « Tenant compte du fait que nos péchés atteignent le Christ Lui-même, l’Église n’hésite pas à imputer aux chrétiens la responsabilité la plus grave dans le supplice de Jésus, responsabilité dont ils ont trop souvent accablé uniquement les Juifs » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 598).
Francisco Varo, doyen de la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
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Jésus a-t-il voulu réellement fonder une Église ?
La prédication de Jésus s’adresse en premier lieu à Israël, comme il la dit lui-même à ceux qui le suivaient : « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël » (Matthieu 15, 24). Dès le début de son activité, il invite tout le monde à la conversion : « Le temps est révolu, et le royaume de Dieu est proche. Repentez-vous et croyez à l’Évangile » (Marc 1, 15). Cependant cet appel à la conversion personnelle n’est pas conçu dans un contexte individualiste, mais vise continuellement à réunir l’humanité dispersée pour constituer le Peuple de Dieu qu’il est venu sauver.
Un signe évident comme quoi Jésus avait l’intention de réunir le peuple de l’Alliance, ouvert à l’humanité tout entière, dans l’accomplissement des promesses faites à son peuple, est l’institution des douze apôtres, à la tête desquels Pierre est placé : « Voici les noms des douze apôtres : Simon dit Pierre, et André son frère ; Jacques, file Zébédée, et Jean son frère ; Philippe et Barthélemy ; Thomas et Matthieu le publicain ; Jacques, fils d’Alphée, et Thaddée ; Simon le Zélote et Judas Iscariote, qui fut celui qui le livra » (Matthieu 10, 2-4 ; voir Marc 3, 13-16 ; Luc 6, 12-16) (voir « Qui furent les douze apôtres ? »). Le chiffre douze renvoie aux douze tribus d’Israël et manifeste le sens de cette initiative de rassembler le peuple saint de Dieu, la ekklesia Theou (l’Église de Dieu) : ils sont les fondations de la nouvelle Jérusalem (voir Apocalypse 21, 12-14).
Un nouveau signe de cette intention de Jésus est donné par le fait qu’au cours de la dernière Cène il confie le pouvoir de célébrer l’Eucharistie qu’il a instituée à ce moment-là (voir « Que s’est-il passé lors de la dernière Cène ? »). De cette façon, il a transmis à toute l’Église, en la personne des douze qui en étaient la tête, la responsabilité d’être le signe et l’instrument de la réunion commencée par lui et qui devait se réaliser aux derniers temps. En effet, son don sur la Croix, anticipé de façon sacramentelle dans ce repas, et actualisé chaque fois que l’Église célèbre l’Eucharistie, crée une communauté unie dans la communion avec lui-même, appelée à être signe et instrument de la tâche qu’il a commencée. L’Église naît donc du don total du Christ pour notre salut, anticipé dans l’institution de l’Eucharistie et consommé sur la Croix.
Les douze apôtres sont le signe le plus évident de la volonté de Jésus quant à l’existence et la mission de son Église, la garantie qu’il n’y a pas d’opposition entre le Christ et l’Église : ils sont inséparables, malgré les péchés des hommes qui composent l’Église.
Les apôtres étaient conscients de ce que leur mission, parce qu’ils l’avaient reçue de Jésus, devait se perpétuer. C’est pourquoi ils ont pris soin de se trouver des successeurs afin que la mission a eux confiée se prolonge après leur mort, comme en témoigne le livre des Actes des apôtres. Ils ont laissé une communauté structurée par le ministère apostolique, sous la direction de pasteurs légitimes, qui l’édifient et la soutiennent dans la communion avec le Christ et avec l’Esprit Saint dans laquelle tous les hommes sont appelés à faire l’expérience du salut offert par le Père.
Dans les lettres de saint Paul, les membres de l’Église sont donc conçus comme des « concitoyens des saints et membres de la famille de Dieu. L’édifice que vous êtes a pour fondement les apôtres et les prophètes, le Christ Jésus étant lui-même la pierre d’angle » (Éphésiens 2, 19-20).
Il n’est pas possible de rencontrer Jésus si l’on fait abstraction de la réalité qu’il a créée et dans laquelle il se communique. Entre Jésus et son Église, il y a une continuité profonde, inséparable et mystérieuse, en vertu de laquelle le Christ se rend présent parmi son peuple.
Francisco Varo, doyen de la faculté de théologie de l’Université de Navarre
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Comment s'expliquent les miracles de Jésus ?
Au nombre des accusations les plus anciennes portées par des Juifs et des païens contre Jésus se trouve celle d’être un magicien. Au IIème siècle, Origène réfute les accusations de magie que Celse faisait du Maître de Nazareth et auxquelles font allusion saint Justin, Arnobe et Lactance. Des traditions juives qui peuvent remonter au IIème siècle contiennent elles aussi des accusations de sorcellerie. En tout cas, on n’affirme pas qu’il n’aurait pas existé ni qu’il n’aurait pas réalisé des prodiges, mais que les motifs qui le poussaient à les faire étaient l’intérêt et la renommée personnels. De ces affirmations découlent l’existence historique de Jésus et sa renommée de thaumaturge, comme les Évangiles le montrent. C’est pourquoi aujourd’hui, la réalisation par Jésus d’exorcismes et de guérisons figure parmi les faits qui sont considérés comme prouvés au sujet de la vie de Jésus.
Néanmoins, par rapport à d’autres personnes de l’époque connues comme réalisant des prodiges, Jésus est unique. Il se distingue par le nombre beaucoup plus élevé de miracles qu’il a réalisé et par le sens qu’il leur a donnés, absolument distinct des prodiges que certains de ces personnages sont pu réaliser (s’il est avéré qu’ils les ont réalisés). Le nombre de miracles attribués à d’autres thaumaturges est très réduit, alors que nous avons dans les Évangiles 19 récits de miracles chez Matthieu, 18 chez Marc, 20 chez Luc et 8 chez Jean. En outre, les synoptiques et Jean évoquent beaucoup d’autres miracles que Jésus a fait (voir Marc 1, 32-34 et parallèles ; 3, 7-12 et parallèles ; 6, 53-56 ; Jean 20, 30). Le sens est également différent de celui de tout autre thaumaturge : Jésus opère des miracles qui impliquaient chez les bénéficiaires la reconnaissance de la bonté de Dieu et un changement de vie. Sa résistance à les faire montre qu’il ne cherchait pas son exaltation personnelle ou sa propre gloire. Il s’ensuit qu’ils ont une signification propre.
Les miracles de Jésus comprennent dans le contexte du royaume de Dieu : « Si c’est par l’Esprit de Dieu que, moi, je chasse les démons, c’est donc que le royaume de Dieu est arrivé » (Matthieu 12, 28). Jésus inaugure le royaume de Dieu et les miracles sont un appel à une réponse de la part du croyant. Cela est fondamental et caractéristique des miracles réalisés par Jésus. Royaume et miracles sont inséparables.
Les miracles de Jésus n’étaient pas le résultat de techniques (comme pour un médecin) ou de l’action de démons ou d’anges (comme pour un magicien), mais du pouvoir surnaturel de l’Esprit de Dieu.
Par conséquent, Jésus a réalisé des miracles pour confirmer que le royaume de Dieu était présent en lui, pour annoncer la défaite définitive de satan et augmenter la foi en sa Personne. Ils ne peuvent pas s’expliquer comme des prodiges étonnants mais comme des actions de Dieu lui-même ayant une signification plus profonde que le fait prodigieux. Les miracles sur la nature sont le signe que le pouvoir divin qui agit en Jésus s’étend au-delà du monde humain et se manifeste en tant que pouvoir de domination, y compris sur les forces de la nature. Les miracles de guérison et les exorcismes sont le signe que Jésus a manifesté son pouvoir de sauver les hommes du mal qui menace l’âme. Les uns et les autres sont le signe d’autres réalités spirituelles : les guérisons du corps et de la libération de l’esclavage de la maladie signifie la guérison de l’âme de l’esclavage du péché ; le pouvoir d’expulser les démons indique la victoire du Christ sur le mal ; la multiplication des pains fait allusion au don de l’Eucharistie ; la tempête apaisée est une invitation à avoir confiance dans le Christ aux moments de bourrasque et de difficultés ; la résurrection de Lazare annonce que le Christ est lui-même la résurrection et est une figure de la résurrection finale, etc.
Juan Chapa, professeur à la faculté de théologie de l’Université de Navarre
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24 juin : Saint-Jean-Baptiste
L’influence de Jean-Baptiste sur Jésus
La figure de saint Jean-Baptiste occupe une place importante dans le Nouveau Testament et, concrètement, dans les Évangiles. Elle a été commentée par la tradition chrétienne la plus ancienne et a pénétré profondément dans la piété populaire, qui célèbre depuis les temps les plus reculés la fête de sa naissance avec une solennité particulière. Ces dernières années, elle est au centre de l’attention de ceux qui étudient le Nouveau Testament et les origines du christianisme et qui se posent la question de savoir ce que nous pouvons connaître des rapports entre Jean-Baptiste et Jésus de Nazareth du point de vue de la critique historique.
Deux types de sources parlent de Jean-Baptiste, les unes chrétiennes, les autres profanes. Les sources chrétiennes sont les quatre Évangiles canoniques et l’évangile gnostique de Thomas. La source profane la plus importante est Flavius Josèphe, qui consacre un long paragraphe de ses Antiquitates Judaicæ 18, 116-119, à gloser le martyre de Jean-Baptiste du fait d’Hérode dans la forteresse de Machéronte (en Pérée). Pour apprécier les influences éventuelles, il peut être utile de considérer ce que nous savons de la vie, de la conduite et du message des deux hommes.
1. Naissance et mort. Jean-Baptiste est contemporain de Jésus, est né certainement un peu avant lui et a commencé sa vie publique aussi avant. Il était d’origine sacerdotale (Luc 1), même s’il n’a pas exercé ses fonctions et si l’on suppose que, par sa conduite et du fait qu’il est resté éloigné du Temple, il s’est montré contraire au comportement du sacerdoce officiel. Il a passé un certain temps au désert de Judée (Luc 1, 80), mais il ne semble pas qu’il ait été en relation avec le groupe de Qumran, étant donné qu’il ne se montre pas aussi radical que lui dans l’accomplissement des préceptes légaux (halakhot). Il est mort condamné par Hérode Antipas (Flavius Josèphe, Ant. 18, 118). Jésus, pour sa part, a passé sa première enfance en Galilée et a été baptisé par Jean dans le Jourdain. Il a appris la mort de Jean-Baptiste et en a toujours loué la figure et la mission prophétique.
2. Comportement. De sa vie et sa conduite, Josèphe dit que c’était « une bonne personne » et que beaucoup « allaient à lui et s’enflammaient en l’écoutant ». Les évangélistes sont plus explicites et mentionnent le lieu où sa vie publique s’est déroulée, la Judée et les rives du Jourdain, sa conduite austère dans l’habillement et la nourriture, son attitude de chef à l’égard de ses disciples et sa fonction de précurseur, quand il découvre en Jésus de Nazareth le vrai Messie. Jésus, en revanche, ne s’est pas distingué extérieurement de ses concitoyens : il ne s’est pas limité à prêcher en un endroit déterminé, il a pris part aux repas de famille, s’est habillé avec naturel et, tout en condamnant l’interprétation littérale de la Loi que faisaient les pharisiens, il a accompli tous les préceptes légaux et s’est rendu au Temple de façon assidue.
3. Message et baptême. Selon Josèphe, Jean-Baptiste « exhortait les Juifs à pratiquer la vertu, la justice les uns envers les autres et la piété envers Dieu, puis à recevoir le baptême ». Les Évangiles ajoutent que son message était un message de pénitence, eschatologique et messianique ; il exhortait à la conversion et enseignait que le jugement de Dieu était imminent : un qui est « plus fort que moi » viendra, qui baptisera dans l’Esprit Saint et le feu. Pour Josèphe, son baptême était « un bain du corps » et signe de propreté de l’âme par la justice. Pour les évangélistes, c’était « un baptême de conversion pour le pardon des péchés » (Marc 1, 15). Jésus ne rejette pas le message de Jean-Baptiste, mais part de lui (Marc 1, 15) pour annoncer le royaume et le salut universel, et il s’identifie au Messie que Jean annonçait, ouvrant ainsi l’horizon eschatologique. Et, surtout, il fait du baptême la source du salut (Marc 16, 16) et la porte pour participer aux dons octroyés aux disciples.
En résumé, il y a eu beaucoup de point de contact entre Jean et Jésus, mais toutes les données connues jusqu’ici mettent en évidence le fait que Jésus de Nazareth a dépassé le schéma vétérotestamentaire de Jean-Baptiste (conversion, attitude éthique, espérance messianique) et présenté l’horizon infini du salut (règne de Dieu, rédemption universelle, révélation définitive).
Santiago Ausín, professeur de la faculté de Théologie de l’Université de Navarre
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Comment les Évangiles ont-ils été écrits ?
L’Église affirme sans hésiter que les quatre Évangiles canoniques « transmettent fidèlement ce que Jésus, le Fils de Dieu, vivant parmi les hommes, a fait et enseigné » (concile Vatican II, constitution dogmatique Dei Verbum, « la parole de Dieu », n° 19). Ces quatre Évangiles « ont une origine apostolique. Ce que les apôtres, en effet, sur l’ordre du Christ, ont prêché, par la suite eux-mêmes et des hommes de leur entourage nous l’ont, sous l’inspiration divine de l’Esprit, transmis dans des écrits » (Ibid.). Les écrivains chrétiens de l’Antiquité ont expliqué comment les évangélistes ont réalisé ce travail. Saint Irénée, par exemple, dit que « Matthieu a publié parmi les Hébreux dans leur propre langue une forme écrite d’Évangile, tandis que Pierre et Paul à Rome annonçaient l’Évangile et fondaient l’Église. C’est après leur départ que Marc, le disciple et l’interprète de Pierre, nous a transmis aussi par écrit ce que Pierre avait prêché. Luc, compagnon de Paul, a consigné aussi dans un livre ce que ce dernier avait prêché. Ensuite Jean, le disciple du Seigneur, celui qui avait reposé sur sa poitrine (Jean 13, 23), a publié aussi l’Évangile tandis qu’il habitait Éphèse » (Contre les hérétiques III, 1, 1). Des commentaires très semblables se trouvent chez Papias de Hiérapolis ou Clément d’Alexandrie (voir Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique 3, 39, 15 ; 6, 14, 5-7) : les Évangiles ont été écrits par les apôtres (Matthieu et Jean) ou par des disciples des apôtres (Marc et Luc), mais toujours en recueillant la prédication de l’Évangile par les apôtres.
L’exégèse moderne, après une étude très attentive des textes évangéliques, a expliqué en détail ce processus de composition. Le Seigneur Jésus n’a pas envoyé ses disciples écrire mais prêcher l’Évangile. C’est ce que les apôtres et la communauté apostolique ont fait et, pour faciliter la tâche d’évangélisation, ils ont mis par écrit une partie de cet enseignement. Enfin, au moment où les apôtres et ceux de leur génération étaient en train de disparaître, « les auteurs sacrés composèrent les quatre Évangiles, choisissant certains des nombreux éléments transmis soit oralement soit déjà par écrit, rédigeant un résumé des autres, ou les expliquant en fonction de la situation des Églises » (Dei Verbum, n° 19).
Par conséquent, on peut en conclure que les quatre Évangiles sont fidèles à la prédication des apôtres sur Jésus et que la prédication des apôtres sur Jésus est fidèle à ce que Jésus a fait et dit. Par là nous pouvons dire que les Évangiles sont fidèles à Jésus. De fait, les noms que les auteurs anciens donnent à ces textes — « Souvenirs des apôtres », « Commentaires, Paroles sur (du) le Seigneur » (voir saint Justin, Apologie 1, 66) ; Dialogue avec Triphon 100) — vont dans ce sens. Avec les écrits évangéliques, nous avons accès à ce que les apôtres prêchaient au sujet de Jésus.
Vicente Balaguer, professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
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Qui étaient les évangélistes ?
Ce qui est important dans les Évangiles, c’est qu’ils nous transmettent la prédication des apôtres et que les évangélistes ont été des apôtres ou des hommes apostoliques (voir concile Vatican II, constitution dogmatique Dei Verbum, « la Parole de Dieu », n° 19). Ceci est conforme à la tradition : les auteurs des Évangiles sont Matthieu, Jean, Luc et Marc. Les deux premiers figurent dans la liste des apôtres (Matthieu 10, 2-4 et passages parallèles) et les deux autres sont des disciples respectivement de saint Paul et de saint Pierre. Lorsqu’elle fait l’analyse critique de cette tradition, la recherche moderne ne voit pas de gros inconvénients attribuer à Marc et à Luc leur Évangile. En revanche, elle analyse avec un œil plus critique l’autorité de Matthieu et de Jean. Elle affirme d’ordinaire que cette attribution met en évidence la tradition apostolique d’où ces écrits proviennent, non que les auteurs en question aient eux-mêmes écrit ces textes.
Ce qui compte, ce n’est donc pas la personne concrète qui écrit l’Évangile, mais l’autorité apostolique qui se trouvait derrière chacune d’elles. Au milieu du IIème siècle, saint Justin parle des « mémoires des apôtres ou évangiles » (Apología, 1,66, 3) qu’on lisait pendant la réunion liturgique. Ce qui laisse entendre deux choses : l’origine apostolique de ces écrits et le fait qu’on les recueillait pour les lires en public. Un peu plus tard, toujours au IIème siècle, d’autres auteurs disent que les Évangiles apostoliques sont au nombre de quatre et de quatre seulement. Origène, par exemple, écrit : « L’Église a quatre Évangiles, les hérétiques un très grand nombre, parmi lesquels un qui a été écrit selon les Égyptiens, un autre selon les douze apôtres. Basilide a osé écrire un évangile et lui donner son nom (...). Je connais un évangile appelé selon Thomas et un autre selon Matthias ; et nous en lisons beaucoup d’autres » (Hom. I in Luc., PG 13,1802). Nous trouvons des expressions semblables chez saint Irénée, qui ajoute en outre : « Le Verbe artisan de l’univers, qui est assis au-dessus des chérubins et qui maintient tout, une fois manifesté aux hommes, nous a donné l’Évangile à quatre formes, Évangile qui est cependant maintenu par un seul Esprit » (Contre les hérésies, 3, 2, 8-9). Cette expression — Évangile à quatre formes — met en évidence quelque chose d’important, à savoir que l’Évangile est un, mais sa forme quadruple. La même idée est exprimée par le titre des Évangiles : leurs auteurs ne sont pas indiqués, comme d’autres auteurs de l’époque, par le génitif d’origine (« Évangile de… »), mais par le mot kata (« Évangile selon… »). On indique de cette façon que l’Évangile est unique, celui de Jésus-Christ, mais qu’il en est donné témoignage de quatre façons qui proviennent des apôtres et des disciples des apôtres. C’est la pluralité dans l’unité qui est ainsi soulignée.
Vicente Balaguer, professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
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Liberté, liberté chérie… (5)
Liberté et loi morale
La liberté ne devient effective que par la connaissance de la loi naturelle. Mais elle n'est pas adhésion aveugle, prédéterminée — ce qui serait la négation même de la liberté — ni simple consentement. « Dieu nous demande un effort, effort qui est la preuve de notre liberté » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 17). L'homme a la propriété, qui le spécifie en tant qu'homme, de pouvoir être véritablement et personnellement la cause de ses actes. Nous nous situons ici au plan de la voluntas ut ratio, car la volonté est « domina sui actus » (saint Thomas d’Aquin, Summa Theologiæ I-II, q. 9, a. 3).
Il n'en découle pas que l'homme puisse être l'auteur de la loi morale : cela équivaudrait à se prendre pour l'auteur de la nature. Il possède « le don très spécial de la liberté » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 99) qui le rend maître de ses actes et capable, toujours avec la grâce divine, de façonner son destin éternel.
Mais il est vraiment la cause de ses actes dont l'exécution concourt, parce qu'ils sont posés en conformité avec la loi, à conserver et développer « l'harmonie divine de la création » (Ibid., n° 183). Non pas cause aveugle, nécessaire, mais cause par le jeu combiné de son intelligence et de sa volonté, par un choix qui lui est personnel. « Voilà le degré suprême de dignité chez les hommes : qu'ils se dirigent par eux-mêmes et non par un autre vers le bien » (saint Thomas d’Aquin, Super Epistolas S. Pauli lectura. Ad Romanos, cap. II, lect. III, 217, éd. Marietti, Turin, 1953, p. 38-39 ; cf. Amis de Dieu, n° 27). C'est alors que l'homme « se sent entièrement libre parce qu'il travaille aux choses de son Père » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 138) et qu'il assume délibérément le « conditionnement » que comporte la vie chrétienne. D'où cette exclamation joyeuse et optimiste : "Mon joug est la liberté" (saint Josémaria, Chemin de Croix, Paris, 1982, 2e station, point de méditation n° 4). Comme Dante l'a bien subodoré, « Vous qui vivez, vous attribuez au ciel seul toutes les causes, comme s'il entraînait nécessairement tout avec lui. S'il en était ainsi, le libre-arbitre serait détruit en vous (...) Si le monde actuel s'égare, la cause en est en vous » (Dante Alighieri, La Divine comédie. Le Purgatoire, chant XVI, 67-71. 82, trad. Alexandre Masseron, Paris, 1954).
C'est pour cela que l'homme n'a pas seulement à suivre la nature, mais qu'il doit consentir entièrement à l'ordre établi par Dieu, jusque et y compris en ce point précis qu'agir librement, être pour de bon et personnellement cause, est inhérent à sa nature humaine et qu'il ne respecte pas excellemment cet ordre établi tant qu'il n'agit pas en toute liberté. « Dieu a jugé que ses serviteurs seraient meilleurs s'ils le servaient librement... Dieu ne veut pas d'esclaves. Il préfère avoir des enfants libres » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 33). Or le maximum de liberté se trouve dans la volonté (saint Thomas d’Aquin, In II Sent., d. 25, q. 1, a. 2 ad 4). D'autre part, il ne faut pas oublier que c'est le propre de Dieu Créateur d'agir au fond intime de sa créature, en sorte que celle-ci demeure parfaitement libre. Donc « plus Dieu est le Maître de la volonté de l'homme, plus celui-ci choisit ce qui est meilleur pour lui, c'est-à-dire conforme à sa destinée établie de toute éternité par le Père, grâce à l'Esprit du Christ qui anime son vouloir. Et plus aussi ce chrétien s'humanise vraiment en sa volonté d'homme » (H.-M. Manteau-Bonamy, La Vierge Marie et le Saint-Esprit, 2e éd. augmentée, Paris, 1975, p. 159).
La loi divine ne s'oppose nullement à la liberté. Bien au contraire, puisqu'elle a pour auteur la liberté même. « Le Seigneur nous a octroyé un grand don surnaturel, la grâce divine, et un merveilleux présent humain, la liberté personnelle qui, pour ne pas se corrompre ni se transformer en licence, exige de nous une intégrité et un ferme engagement de refléter dans notre conduite la loi divine, parce que là où est l'Esprit de Dieu, là se trouve la liberté » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 184). La loi divine est, bien évidemment, contraire aux tendances désordonnées de la nature humaine, commutata in deterius par le péché originel. Mais elle n'est pas l'adversaire de tout ce qui est authentiquement humain, de tout ce qui construit la société et le monde dans l'harmonie. Comment en irait-il autrement, alors qu'elle préside à ce développement ? Moyennant quoi il n'y a pas, et il ne peut pas y avoir, « d'opposition entre le service de Dieu et le service des hommes ; entre l'exercice des devoirs et des droits civiques et celui des devoirs et des droits religieux ; entre un effort pour construire et perfectionner la cité temporelle et la certitude que ce monde que nous traversons est un chemin qui nous conduit à la patrie céleste » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 165).
En dernière instance, c'est l'obéissance à la loi, et donc le respect de l'ordre naturel établi par la Sagesse éternelle, qui seuls maintiennent vives la liberté et la joie de la liberté ; et la conviction que rien de ce monde n'est perdu pour l'au-delà : « Où il n'y a pas de liberté, là point de mérite » (St Bernard, Serm. 81 in Cant. 6).
(à suivre…) -
Qui étaient les apôtres de Jésus ?
Une des données les plus sûres de la vie de Jésus est qu’il a constitué un groupe de douze disciples qu’il a appelés les « Douze apôtres ». Ce groupe était formé d’hommes que Jésus a appelés personnellement, qui l’ont accompagné dans sa mission d’instaurer le royaume de Dieu, qui sont témoins de ses paroles, de ses actes et de sa résurrection.
Le groupe des Douze apparaît dans les écrits du Nouveau Testament comme un groupe stable ou fixe. Leurs noms sont : « Simon — à qui il imposa le nom de Pierre — ; Jacques, le file Zébédée, et Jean son frère — auxquels il imposa le nom de Boanergès, c’est-à-dire fils du tonnerre — ; André, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques, le fils d’Alphée, Thaddée, Simon le Zélote et Judas Iscariote, celui qui le livra » (Marc 3, 16-19). Il n’y a guère de variations dans les listes qui figurent dans les autres Évangiles et dans les Actes des apôtres. Thaddée est appelé Judas, mais cela n’est pas significatif, car, comme on le voit, plusieurs personnes portent le même prénom — Simon, Jacques — et se distinguent par le patronyme ou par un deuxième nom. Il s’agit donc de Judas Thaddée. Ce qui est significatif, c’est qu’il ne soit pas question dans le livre des Actes du travail d’évangélisation de nombre d’entre eux : c’est le signe qu’ils se sont dispersés très tôt et que, malgré cela, la tradition des noms de ceux qui étaient les apôtres était fermement établie.
Saint Marc (3, 13-15) dit que Jésus, « monta dans la montagne et il appela à lui ceux qu’il voulut. Ils allèrent vers lui. Il en établit douze qui seraient avec lui, qu’il enverrait prêcher et qui auraient le pouvoir de chasser les démons ». Il indique ainsi l’initiative prise par Jésus et la fonction du groupe des Douze : être avec lui et être envoyés pour prêcher avec le même pouvoir que Jésus détenait. Les autres évangélistes — saint Matthieu (10, 1) et saint Luc (6, 12-13) — s’expriment en des termes semblables. Tout au long de l’Évangile on voit comment ils accompagnent Jésus, participent à sa mission et reçoivent un enseignement particulier. Les évangélistes ne cachent pas que bien souvent ils ne comprennent pas les paroles du Seigneur et qu’ils l’ont abandonné au moment de l’épreuve. Mais ils indiquent aussi la confiance renouvelée que Jésus leur témoigne.
Il est très significatif que le nombre des élus soit de Douze. Ce nombre renvoie aux douze tribus d’Israël (voir Matthieu 19, 28 ; Luc 22, 30 ; etc.) et non à d’autres chiffres communs à l’époque — les membres du sanhédrin étaient au nombre de 71, les membres du conseil de Qumran de 15 ou16 et les membres adultes nécessaires pour le culte à la synagogue de 10 —, moyennant quoi il semble clair que Jésus a voulu indiquer qu’il ne voulait pas restaurer le royaume d’Israël (Actes 1, 6) — sur la base de la terre, du culte et du peuple — mais instaurer le royaume de Dieu sur la terre. C’est ce que montre aussi le fait que, avant la venue de l’Esprit Saint le jour de la Pentecôte, Matthias occupe la place de Judas Iscariote et complète le nombre de douze (Actes 1, 26).
Vicente Balaguer, professeur à la faculté de théologie de l’Université de Navarre
Disponible sur le site www.opusdei.es
Traduit par mes soins -
Évangiles canoniques et évangiles apocryphes
Les Évangiles canoniques sont ceux que l’Église a reconnus comme transmettant de façon authentique la tradition apostolique et comme étant inspirés par Dieu. Ils sont au nombre de quatre et de quatre seulement : Matthieu, Marc, Luc et Jean. C’est ce que propose expressément saint Irénée de Lyon, à la fin du IIème siècle (Adversus hæreses 3, 11, 8-9) et ce que l’Église a maintenu constamment, le proposant finalement comme dogme de foi quand elle a défini le canon des Saintes Écritures au concile de trente (1545-1563).
La composition de ces Évangiles s’enracine dans ce que les apôtres ont vu et entendu lorsqu’ils étaient avec Jésus et dans les apparitions qu’ils ont eues avec lui après sa Résurrection d’entre les morts. Les apôtres eux-mêmes, en accomplissement du commandement du Seigneur, prêchèrent aussitôt la bonne nouvelle (ou Évangile) à son sujet et au sujet du salut qu’il apporte à tous les hommes. Des communautés de chrétiens se constituèrent en Palestine et au-dehors (Antioche, villes d’Asie mineure, Rome, etc.). Dans ces communautés, les traditions prirent la forme de récits ou d’enseignements au sujet de Jésus, toujours sous la vigilance des apôtres qui en avaient été témoins. Dans un troisième temps, ces traditions furent mises par écrit et insérées dans un récit ayant la forme de biographie du Seigneur. C’est ainsi qu’apparurent les Évangiles à l’usage des communautés auxquelles ils étaient destinés. Le premier à paraître fut celui de Marc ou peut-être une édition de Matthieu en hébreu ou en araméen plus court que l’actuel ; les trois autres ont imité ce genre littéraire. Pour ce travail, chaque évangéliste a choisi un certain nombre des nombreux éléments qui se transmettaient, en a résumé d’autres et a présenté le tout compte tenu de la condition de ses lecteurs immédiats. Que les quatre aient joui de la garantie apostolique se reflète dans le fait qu’ils ont été reçus et transmis comme écrits par les apôtres eux-mêmes ou par leurs disciples directs : Marc disciple de Paul et Luc disciple de Pierre.
Les évangiles apocryphes sont ceux que l’Église n’a pas acceptés comme ayant une tradition apostolique authentique, même s’ils se présentaient d’ordinaire sous le nom d’un apôtre. Ils ont commencé à circuler très tôt, car ils sont cités dès la deuxième moitié du IIème siècle ; mais ils ne jouissaient pas de la garantie apostolique contrairement aux quatre Évangiles reconnus et, en outre, nombre d’entre eux contenaient des doctrines en désaccord avec l’enseignement apostolique. « Apocryphe » signifie d’abord « secret », en tant qu’il s’agit d’écrits adressés à un groupe spécial d’initiés et qui étaient conservés dans ce groupe. Le terme a signifié par la suite inauthentique et même hérétique. Le nombre de ces apocryphes a beaucoup augmenté au fil du temps, aussi bien pour décrire des détails la vie de Jésus que les Évangiles canoniques ne donnaient pas (par exemple les apocryphes de l’enfance de Jésus), que pour mettre sous le nom d’un apôtre des enseignements qui se séparaient de l’enseignement commun de l’Église (par exemple évangile de Thomas). Origène d’Alexandrie († 245) écrivait : « L’Église a quatre Évangiles, les hérétiques, beaucoup. »
Le nombre des évangiles apocryphes connus par les informations des saints Pères, conservés par la piété chrétienne ou attestés par des papyrus, dépasse la cinquantaine.
Gonzalo Aranda, professeur de la faculté de Théologie de l’Université de Navarre
Original sur le site opusdei.es
Traduit par mes soins