Cantiques à la Vierge Marie (8)
Claudel en pensée a vu que la Vierge Sainte,
Poussée par un élan d’amour, de don de soi
Non démentis, ayant au Cœur la Croix étreinte,
Fut première au Calvaire, et son Roi y reçoit.
Se retournant vers son Fils qui n’en pouvait plus,
Qui par trois fois était tombé sur le chemin,
D’un geste majestueux, elle ouvrit bras et mains,
Dit aue retable de douleurs qu’est son Jésus :
« Maintenant ! Ici ! Nul besoin d’aller plus loin !
C’est maintenant ! Ici ! Ta mission s’achève.
À la face Du monde en ce lieu on t’élève.
Tu as sacrifié ta Vie plus que de besoin. »
Ce geste est le baiser dont la voici privée.
Elle assiste impuissante à ces préparatifs
De la mise à mort de ce singulier captif
Dont les derniers instants sont enfin arrivés.
À vrai dire, elle n’est pas du tout impuissante :
C’est la toute-puissance à jamais suppliante
Qui intercède avec son Fils à l’unisson
Pour que la Croix produise une riche moisson.
Aux fouets sans nom de la Flagellation
Et aux railleries du Couronnement d’épines
Succèdent les plaies de la Crucifixion
Et les moqueries des humains qui se mutinent.
Les bourreaux, eux, ne sont que des exécutants.
Ils ne sont pas là pour faire du sentiment,
Pour discuter si le fautif est innocent.
Quelqu’un dit : « Voyons si de la Croix il descend. »
C’est le jour de sa vie aigre-doux entre tous
Aux arrêts mêlés qu’elle accepte et ne repousse :
Les souffrances d’un Cœur qui est transverbéré
Et l’allégresse pour un peuple libéré.