Par son exemple et ses paroles, Jésus nous a appris à nous adresser filialement à Dieu, notre père, en toutes circonstances. Le dialogue avec notre Père ne doit pas se limiter à quelques moments de notre vie ; il ne dépend pas non plus de sentiments passagers ni de la seule imagination. C’est l’attitude logique d’un enfant conscient que son Père est unique et le plus formidable de tous, qu’il peut tout.
Même si Jésus se retire à l’écart pour s’adresser à son Père, il le prie également souvent alors qu’il se trouve avec ses disciples ou même une foule bruyante et exubérante qui se presse pour l’entendre ou attend qu’il fasse des miracles. « Je te bénis, Père du ciel et de la terre pour avoir caché cela à ceux qui ont la science et l’entendement et pour l’avoir révélé aux tout petits » (Matthieu 11, 25).
Avant de ressusciter son ami Lazare, Jésus dit : « Père, je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé » (Jean 11, 41).
Au moment de multiplier les pains et les poissons pour donner à manger à une foule évaluée à cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants, Jésus « lève les yeux au ciel » (Luc 9, 16).
Le Jeudi saint, dans la solitude de Gethsémani et l’agonie dans laquelle il entre, le Seigneur prie ainsi : « Père, si tu veux bien, écarte de moi cette coupe ! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne » (Luc 22, 42)
Le lendemain — Vendredi saint — au Calvaire, Jésus s’adresse encore à son Père : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Luc 23, 46).
Cette relation filiale est constitutive de notre condition humaine élevée à l’ordre de la grâce. Elle doit donc commander le comportement entier du chrétien. Notre conversation devrait être la conversation d’un enfant de Dieu, notre travail, le travail d’un enfant de Dieu, notre vie de famille, la vie de famille d’un enfant de Dieu, notre amitié, l’amitié d’un enfant de Dieu, nos vertus, les vertus d’un enfant de Dieu, qui fait pleinement confiance à son Père pour le conduire jour après jour sur la voie de la sainteté, d’un progrès réel dans le bien. « Je vous veux rebelles, libres de tout lien, car je vous veux — le Christ nous veut — enfants de Dieu. Esclavage ou filiation divine : voilà le dilemme de notre vie. Ou enfants de Dieu ou esclaves de l’orgueil, de la sensualité, de cet égoïsme angoissé dans lequel tant d’âmes semblent se débattre » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 38).
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Agir en enfant de Dieu
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Le péché originel (6 & fin)
4. La restauration de l’ordre brisé. « L’homme sans Dieu ne peut pas se comprendre lui-même, et il ne peut pas non plus s’accomplir sans Dieu. Jésus-Christ est venu dans le monde avant tout pour rendre chacun de nous conscient de cela. Sans lui, cette dimension fondamentale de la vérité sur l’homme s’enfoncerait aisément dans l’obscurité » (Jean-Paul II, lettre Dilecti amici à tous les jeunes du monde, 31 mars 1985, n° 4). Dieu est de nouveau sorti à la rencontre de l’homme, en la personne de Jésus. Par sa mort sur la Croix et sa Résurrection, le Christ permet à l’homme de se réconcilier avec Dieu le Père, de retrouver sa condition d’enfant de Dieu et la possibilité d’accéder au ciel au terme de sa vie. Toutefois, cela dépend de la réponse libre de chacun à la grâce. Et cela demande de lutter contre le mal et de chercher à faire le bien, d’user de sa liberté, non contre Dieu, mais pour lui, car la vraie liberté consiste à choisir le bien et le Bien ultime qui est Dieu lui-même.
« Ignorer que l’homme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de l’éducation, de la politique, de l’action sociale et des mœurs » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 407). Cette affirmation devrait paraître une lapalissade, mais ne semble pas l’être cependant. Or, le monde « tout entier gît au pouvoir du mauvais » (1 Jean 5, 19), qui possède une certaine domination sur l’homme, sans toutefois détenir le pouvoir de le forcer à pécher : l’homme reste libre de ses actes. « Un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l’histoire des hommes ; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous l’a dit, jusqu’au dernier jour. Engagé dans cette bataille, l’homme doit sans cesse combattre pour s’attacher au bien ; et non sans grands efforts, avec la grâce de Dieu, il parvient à réaliser son unité intérieure » (concile Vatican II, constitution pastorale Gaudium et spes, n° 37).
Le Christ est le nouvel Adam, « l’aîné d’une multitude de frères » (Romains 8, 29). « De même que par la désobéissance d’un seul homme [Adam] tous les autres ont été constitués pécheurs, pareillement aussi par l’obéissance d’un seul [le Christ] tous les autres sont constitués justes » (Romains 5, 19).
Par sa mort, le Christ offre la possibilité du rachat des péchés. Il institue des sacrements, qui sont les sources de la grâce et permettent d’appliquer les fruits de la Rédemption à chaque âme, une par une. Le péché originel est effacé au moment où un être humain reçoit le sacrement du baptême. Par le baptême « nous sommes libérés du péché [originel] et régénérés comme fils de Dieu [par l’adoption surnaturelle], nous devenons membres du Christ et nous sommes incorporés à l'Église et faits participants à sa mission » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1213).
Dieu n’a pas choisi la voie de la facilité. En acceptant de souffrir et de passer par la mort pour le rachat des péchés des hommes de tous les temps, il nous montre la vraie valeur de la souffrance et de la mort inhérentes à la condition humaine : elles sont à replacer dans le cadre de son Sacrifice, que la messe rend présent. Unies à ce Sacrifice, elles entrent dans les plans de la Rédemption et font partie des « offrandes spirituelles » que les hommes sont invités à offrir conjointement au pain et au vin que les paroles du prêtre — les paroles consécratoires — vont vraiment transformer en Corps et Sang du Christ.
Le péché reste un mystère, et un « mystère d’iniquité » (2 Thessaloniciens 2, 7), dit saint Paul. À ce mystère d’iniquité s’oppose le « mystère de la piété » (1 Timothée 3, 16), c’est-à-dire le mystère du Christ lui-même, « capable de pénétrer jusqu’aux racines cachées de notre iniquité, pour susciter dans l’âme un mouvement de conversion, pour la racheter et déployer ses voiles vers la réconciliation » (Jean-Paul II, exhortation apostolique Réconciliation et pénitence, n° 20).
En présence de ce Dieu qui n’a pas hésité à envoyer son Fils pour nous tirer d’affaire, nous sommes émerveillés. Il faut que Dieu nous aime et tienne à nous pour qu’il ait voulu payer le prix fort. Semblable comportement de la part de Dieu devrait être une invitation à nous comporter envers lui de façon responsable, c’est-à-dire à écouter sa voix. « N’endurcissez pas vos cœurs comme au jour de l’exaspération, au jour de la tentation dans le désert, quand vos pères me tentèrent et me mirent à l’épreuve, eux qui avaient vu mes œuvres » (Hébreux 3, 8). « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs » (Hébreux 4, 7). -
Le péché originel (3)
La concupiscence
Une des conséquences du péché originel est, avons-nous dit, la présence de la concupiscence dans la nature humaine. Le terme vient du latin concupiscere, « désirer ardemment ». Cette concupiscence se manifeste sur trois plans, comme saint Jean l’exprime : « convoitise de la chair, convoitise des yeux et orgueil des richesses » (1 Jean 2, 16). « En soi, la concupiscence n’est pas un péché ; elle ne peut causer de dommage à ceux qui n’y consentent pas et lui résistent avec la grâce de Jésus-Christ » (D. Le Tourneau, Les mots du christianisme, Paris, 2005).
« La concupiscence de la chair ne se limite pas exclusivement au désordre de la sensualité, mais qu’elle comprend aussi la commodité, le manque d’enthousiasme, qui nous font rechercher ce qu’il y a de plus facile, de plus agréable, le chemin apparemment le plus court, quitte à faire des concessions dans notre fidélité à Dieu. […]
Nous pouvons et nous devons lutter contre la concupiscence de la chair car, si nous sommes humbles, la grâce du Seigneur nous sera toujours accordée.
Notre autre ennemi, écrit saint Jean, c’est la convoitise des yeux, c’est une avarice radicale, qui nous pousse à n’attacher de prix qu’a ce qui peut se toucher. Nos yeux demeurent comme collés aux choses de la terre et, de ce fait, sont incapables de découvrir les réalités surnaturelles. C’est pourquoi nous pouvons employer les mots de la Sainte Écriture pour nous référer non seulement à l’avarice des biens matériels, mais aussi à cette déformation qui consiste à n’observer tout ce qui nous entoure — les autres, les événements de notre vie et de notre époque — qu’avec une vision humaine.
Les yeux de notre âme se troublent ; notre raison croit pouvoir tout comprendre par elle-même sans avoir besoin de Dieu. Tentation subtile, s’abritant derrière la dignité de cette intelligence que Dieu notre Père a donnée à l’homme pour Le connaître et L’aimer librement. Entraînée par une telle tentation, l’intelligence humaine finit par se considérer comme le centre de l’univers, par croire une nouvelle fois au « vous serez comme des dieux » (Genèse 3, 5) et, toute remplie d’amour pour elle-même, par tourner le dos à l’amour de Dieu.
C’est ainsi que notre existence peut se livrer totalement aux mains de son troisième ennemi : la superbia vitæ. Elle ne concerne pas seulement les pensées éphémères de vanité ou d’amour-propre : il s’agit plutôt ici d’une enflure générale. Ne nous y trompons pas, c’est bien là le pire des maux, la racine de tous nos égarements. Notre lutte contre l’orgueil doit être constante, car ce n’est pas pour rien que l’on dit, de façon imagée, que cette passion meurt un jour après notre mort. C’est la morgue du pharisien, que Dieu refuse de justifier, parce qu’Il se heurte en lui à une barrière de suffisance. C’est l’arrogance qui nous amène à mépriser les autres, à les dominer, à les maltraiter: car « là où il y a orgueil, il y a offense et déshonneur » (Proverbes 11, 2) » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, nos 5-6).
(à suivre…) -
Ste Écriture (7)
Nous voulons donc non seulement connaître la Parole révélée mais en vivre, car le Maître et Seigneur (cf. Jean 13, 13-14) veut que nous portions « du fruit en abondance » (Jean 15, 8). Or, nous dit saint Jean Damascène, « comme un arbre planté au long d’un cours d’eau, ainsi l’âme, irriguée par les divines Écritures, se trouve ornée de feuillages verts, c’est-à-dire d’œuvres qui sont belles devant Dieu » (De fide orthodoxa 4, 17). « Tout ce qui a été écrit par avance a été écrit pour notre instruction », proclame saint Paul, qui ajoute que c’est « afin que par la patience et la consolation que donnent les Écritures nous possédions l’espérance » (Romains 14, 4). La connaissance des Écritures instruit dans la foi, renforce l’espérance des biens à venir, console dans les épreuves intérieures et extérieures. Comme l’écrit encore saint Paul, « toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour redresser, pour éduquer dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit parfaitement équipé pour faire toute œuvre bonne » (2 Timothée 3, 16-17).
Telle est la suprême aspiration du chrétien, avec l’aide de la grâce de Dieu naturellement. Comme Jean-Paul II l’explique en se fondant indéniablement sur son expérience : « Apprendre à lire la Sainte Écriture est fondamental pour le croyant : c’est la première marche d’un escalier, qui se poursuit pas la méditation,puis par l’oraison proprement dite. Prier en partant de la lecture biblique est le chemin royal de la spiritualité chrétienne. Celui qui sait y consacrer le temps et les efforts nécessaires en recueille des fruits abondants » (Angélus, 20 juillet 1997).
Saint Josémaria, quant à lui, donnait un conseil pratique : « Pour approcher le Seigneur à travers les pages du saint Évangile, je vous recommande toujours de faire l’effort d’entrer dans la scène, d’y participer comme un personnage de plus. Je connais nombre d’âmes, normales et courantes qui le font. Ainsi, vous serez absorbés comme Marie, suspendue aux lèvres de Jésus ou, comme Marthe, vous oserez lui faire part sincèrement de vos soucis, mêmes les plus insignifiants (cf. Lc 10, 39-40) » (Amis de Dieu, n° 222). Et il précisait le « secret » de la vie chrétienne : « Suivre le Christ : voilà le secret. L’accompagner de si près que nous vivions avec lui, comme ses douze premiers apôtres ; de si près que nous nous identifiions à lui. Nous ne tarderons pas à affirmer, si nous ne mettons pas d’obstacle à l’action de la grâce, que nous nous sommes revêtus de notre Seigneur Jésus-Christ (cf. Romains 13, 14). Le Seigneur se reflète en notre conduite comme dans un miroir » (Ibid., n° 299).
(à suivre…) -
Ste Écriture (3)
« La Sainte Écriture doit être lue et interprétée à la lumière du même Esprit qui la fit rédiger » (concile Vatican II, const. dogm. Dei Verbum, n° 12 § 3). Car l’Esprit « a laissé des traces de sagesse dans toutes les Écritures, y compris les plus modestes » (Origène, Selecta in psalmos 4). C’est pourquoi celui qui lit l’Écriture en invoquant l’Esprit Saint voit se développer en lui le don de sagesse. Et la sagesse conduit le lecteur à s’identifier à l’esprit du Christ, à partager ses sentiments. C’est à cela que saint Paul exhortait les fidèles de l’Église de Philippe (2, 5) : « Ayez entre vous les sentiments mêmes qui étaient ceux du Christ Jésus ». Le Christ a fait don de l’Esprit à l’homme et, en retour, l’Esprit communique à l’homme l’esprit du Christ pour vivre en hommes spirituels et non en hommes charnels (cf. 1 Corinthiens 3, 1 et suivants). Dans la lecture méditée du Nouveau Testament, l’Esprit fait découvrir la personnalité du Christ, amène à aimer Celui qui, « après avoir aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jean 13, 1), à s’attacher à lui et à vivre avec le Christ.
La personne du Christ est comme le point oméga de toute l’Écriture. Lui-même aide comprendre les passages obscurs de l’Ancien Testament et montre comment les prophéties s’accomplissent en lui. Un cas emblématique est la conversation de Jésus avec les deux disciples d’Emmaüs, auxquels il explique tout ce qui dans le concernait dans l’Écriture : « Telles sont les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout celui-là est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les prophètes et les psaumes » (Luc 24, 27).
Même si nous trouvons une grande diversité de genres littéraires dans la Bible — livres historiques, livres sapientiaux, livres prophétiques, épîtres, genre apocalyptique… — ils conservent une unité foncière : « L’Écriture est une en raison de l’unité du dessein de Dieu, dont le Christ Jésus est le cœur, ouvert depuis la Pâque » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 112). C’est le Père qui nous parle dans le Christ par la force de l’Esprit.
(à suivre…) -
Ste Écriture (2)
L’Écriture, disais-je, est vraiment la Parole de Dieu. En outre, « elle est vivante, la parole de Dieu, efficace, plus effilée qu’un glaive à deux tranchants, pénétrant jusqu’à séparer l’âme et l’esprit, les jointures et les moelles, dévoilant les sentiments et les pensées du cœur. Nulle créature ne peut se dérober à ses regards » (Hébreux 4, 12-13). C’est dire qu’elle est contemporaine de chaque lecteur : ce n’est pas une Parole qui passe et se démode. Cette parole est « le glaive de l’Esprit » (Éphésiens 6, 17), qui permet d’affronter la vie. Elle possède donc la force de l’Esprit qui éclaire l’intelligence et réchauffe le cœur, en même temps qu’il apporte une réponse aux inquiétudes et aux problèmes propres chaque époque.
C’est une parole consolante et qui engendre la vie, puisqu’elle fait naître les choses à partir du néant : « Il a dit et tout a été fait » (Psaume 33, 9). C’est bien ce qu’illustre le récit de la création que relate le Livre de la Genèse (1, 3 et suivants), où il est constamment indiqué que « Dieu dit » et « cela fut ainsi ». Mais cette parole inspire aussi le respect et la révérence envers son auteur, Dieu. Elle situe l’homme face au jugement final : « L’Apôtre de Dieu écrit cela non seulement pour ses lecteurs mais aussi pour nous tous. Il convient par conséquent que nous considérions constamment ce jugement divin, et que nous nous remplissions de crainte et de tremblement et que nous observions les préceptes de Dieu avec diligence en attendant le repos promis que nous obtiendrons dans le Christ » (Théodoret de Cyr ,Interpretatio Epistulæ ad Hæbreos) (nous verrons un autre jour ce qu’il faut entendre par « crainte de Dieu « ).
La Sainte Écriture ne nous transmet que ce que Dieu a voulu que nous connaissions, pour notre édification et notre sanctification, non pour satisfaire notre curiosité, même légitime. « Beaucoup de choses qui intéressent la curiosité humaine au sujet de Jésus ne figurent pas dans les Évangiles » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 514). Et, comme l’écrit saint Jean, « il est encore quantité de miracles que Jésus a fait en présence de ses disciples et qui n’ont pas été mis par écrit dans ce livre. Ceux-ci ont été mis par écrit pour que vous croyiez que jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie par son nom » (Jean 20, 30-31).
(à suivre…) -
Le rosaire
Le rosaire, du latin rosarium, « couronne », est une pratique de piété principalement diffusée par les dominicains de sorte qu’une tradition en attribue l’origine à leur fondateur, saint Dominique (v. 1170-1221), qui l’aurait reçue directement de la Vierge Marie. Elle consiste à réciter cent cinquante « Je vous salue Marie », répartis par groupes de cinquante, en méditant les « mystères » de la vie de notre Seigneur et de sa Mère, mystères « joyeux », « douloureux » et « glorieux ». C’est le « psautier de la Vierge », le « Bréviaire de l’Évangile », ou encore un « abrégé de tout l’Évangile » (Paul VI, encyclique Marialis cultus) et l’expression du culte et de la dévotion envers Marie. Le pape saint Pie V en a fixé la forme traditionnellement 1569. chaque groupe de cinq mystères est appelé « chapelet ». En 2002, le pape Jean-Paul II y a ajouté cinq mystères « lumineux », recouvrant la vie publique de Jésus.
Commençons par dire d’abord un mot de l’efficacité de la récitation du rosaire. « L’histoire de l’Église atteste l’efficacité de cette prière :elle nous rappelle la défaite des troupes turques dans un combat naval près des îles Échinades, et les victoires éclatantes remportées au siècle dernier sur le même peuple à Temesvar, en Hongrie, et à l’île de Corfou. Grégoire XIII voulut perpétuer le souvenir du premier de ces triomphes par l’institution d’une fête en l’honneur de Marie victorieuse. Plus tard, notre prédécesseur, Clément XI, appela cette solennité fête du Rosaire et décréta qu’elle serait célébrée chaque année dans l’Église universelle. Cette milice priante, étant « enrôlée sous l’étendard de Marie », en acquiert une nouvelle force et un nouvel honneur. C’est le but que vise spécialement, dans la prière du Rosaire, la répétition fréquente de la salutation angélique après la récitation de l’oraison dominicale » (Léon XIII, encyclique Augustissimæ, 12 septembre 1897).
Le pape Jean-Paul II a consacré une lettre apostolique au Rosaire de la Vierge Marie.
Le mois d’octobre étant donc consacré à la dévotion du rosaire, je me propose de donner un bref commentaire de chacun des vingt « mystères » et de parler aussi de la fête de Notre Dame du Rosaire, qui a lieu le 7 octobre. -
Le péché originel (1)
1. Son existence.
Il est pour le moins étrange que l’on parle si peu du péché originel, alors qu’il s’agit d’une réalité essentielle qui apporte une explication aux problèmes du monde.
Voyons les faits. Après avoir créé Adam et Ève, nos premiers parents, Dieu les plaça dans le jardin d’Éden, le paradis, en disant : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin ; mais quant à l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu seras condamné à mourir » (Genèse 2, 16-17). Las, voilà que, dédaignant tout ce dont ils disposent, Adam et Ève se laissent séduire par cet arbre et par le diable qui présente à Ève Dieu comme un obstacle à sa liberté. Il commence par poser une question apparemment innocente, mais en réalité très pernicieuse : « Est-ce vrai que Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? » (Genèse 3, 1). L’interdit ne porte que sur les fruits d’un seul arbre. Ève tombe dans le piège et commence à dialoguer avec le démon. C’est son erreur fatale. « Ne dialogue pas avec la tentation. Laisse-moi te le redire : aie le courage de fuir, aie la force de ne pas jouer avec ta faiblesse, en te demandant jusqu’où tu pourrais tenir. Tranche, sans concession ! (saint Josémaria, Sillon, n° 137).
Elle dit au serpent, forme sous laquelle le diable se présente à elle : « Des fruits des arbres du jardin, nous en mangeons. Mais les fruits de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez pas et vous n’y toucherez pas, sinon vous mourriez » (Genèse 3, 2-3). Elle rétabli la vérité, certes. Mais le « serpent était le plus avisé de tous les animaux des champs » (Genèse 3, 1). Il sait comment embobiner son interlocutrice :
« Non, vous ne mourrez pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal » (Genèse 3, 4-5).
Alors, « la femme vit que beau à voir, l’arbre était bon à manger, et désirable pour acquérir l’intelligence ; elle prit de ses fruits et en mangea ; elle en donna aussi à son mari qui était avec elle, et il en mangea » lui aussi, sans se soucier davantage des instructions divines (Genèse 3, 6).
Les conséquences sont immédiates : « Leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus ; et, ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures » (Genèse3, 7). La nudité, qui ne leur posait aucun problème tant que les passions étaient soumises à la raison, devient quelque chose de honteux et réclame la pudeur, une vertu qui « désigne le refus de dévoiler ce qui doit rester caché » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2521).
L’homme se cache quand Dieu vient à sa recherche (voir Genèse 3, 9-10) : il a perdu confiance en la bonté paternelle de Dieu et, faisant un mauvais usage de sa liberté, a désobéi au commandement qu’il lui avait donné. C’est le premier péché, et c’est en cela que consiste aussi tout péché.
« Dans ce péché, l’homme s’est préféré lui-même à Dieu, et par là-même il a méprisé Dieu : il a fait le choix de soi-même contre Dieu, contre les exigences de son état de créature et dès lors contre son propre bien » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 398).
Ce péché n’est pas un défaut de croissance, une faiblesse psychologique, une simple erreur ou la conséquence d’une structure sociale inadéquate. Il faut le voir à la lumière de la Révélation divine : « C’est seulement dans la connaissance du dessein de Dieu sur l’homme que l’on comprend que le péché est un abus de la liberté que Dieu donne aux personnes créées pour qu’elles puissent L’aimer et s’aimer mutuellement » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 388).
« L’homme et la femme sont responsables de la faute. Mais derrière leur choix, il y a une voix séductrice, opposée à Dieu (voir Genèse 3, 5), un accusateur de l’homme (voir Job 1, 11 ; 2, 5-7) qui, par envie, le fait chuter dans la mort (voir Sagesse 2, 24). L’Écriture et la tradition de l’Église voient en cet être un ange déchu, appelé satan ou diable » (Catéchisme des évêques de France, n° 115).
(à suivre…) -
La prière (5 et fin)
Les obstacles à la prière
Prier n’est pas toujours une entreprise facile, car nous rencontrons divers obstacles qui peuvent nous en écarter, ou bien nous pouvons en détourner le sens. « Dans le combat de la prière, nous avons à faire face, en nous-mêmes et autour de nous, à des conceptions erronées de la prière. Certains y voient une simple opération psychologique, d’autres un effort de concentration pour arriver au vide mental. Telles la codifient dans des attitudes et des paroles rituelles. Dans l’inconscient de beaucoup de chrétiens, prier est une occupation incompatible avec tout ce qu’ils ont à faire : ils n’ont pas le temps. Ceux qui cherchent Dieu par la prière se découragent vite parce qu’ils ignorent que la prière vient aussi de l’Esprit Saint et non pas d’eux seuls » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2726).
Le danger est bien réel de ne prier que par envie ou par nécessité. Écoutons le témoignage d’une mère de famille, mêlée à la vie publique de son pays : « Les jours où je ne ressentais pas le besoin de Dieu, mes actions avaient une inspiration superficielle, matérialiste ; j’oubliais la prière, j’étais trop paresseuse et indifférente. C’est comme si j’avais dit à quelqu’un : « Je t’aime, mais seulement à mes conditions et quand j’en ai envie. Je te contacterai, mais toi, ne m’appelle pas » (J. H. Matlary, Quand raison et foi rencontrent, Paris, 2003, p. 257).
La distraction est un autre obstacle. Notre capacité de concentration est malheureusement très limitée. Mais « une distraction nous révèle ce à quoi nous sommes attachés et cette prise de conscience humble devant le Seigneur doit réveiller notre amour de préférence pour Lui, en Lui offrant résolument notre cœur pour qu’Il le purifie. Là se situe le combat, le choix du Maître à servir » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2729). « Jésus, que mes distractions soient des distractions à l'envers : au lieu de me souvenir du monde, lorsque je te parle, que je me souvienne de toi en m'occupant des affaires du monde » (saint Josémaria, Forge, n° 1014).
L’aridité ou la sécheresse peut également se faire sentir. Le cœur ne ressent ni envie de prier ni sentiments particuliers. « C’est le moment de la foi pure qui se tient fidèlement avec Jésus dans l’agonie et au tombeau » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2731). C’est l’heure de la persévérance et de la fidélité aux rendez-vous que nous nous sommes librement fixés avec Dieu. Nous savons qu’il existe. Nous croyons qu’il est présent, qu’il nous voit, qu’il nous entend, même si nous n’en faisons pas l’expérience sensible. « Le grain de blé, s’il meurt, porte beaucoup de fruit » (Jean 12, 24). Mais « si la sécheresse est due au manque de racine, parce que la Parole est tombée sur du roc, le combat relève de la conversion » (Ibid.), du retour filial et contrit vers Dieu, de la protestation de notre amour sincère.
« Dans ta vie de piété, persévère, volontairement et par amour — même si tu te sens sec. Et que t'importe si tu te surprends à compter les minutes ou les jours qui te restent pour achever cette norme de piété ou ce travail, et si tu éprouves le plaisir trouble du mauvais élève qui, dans des circonstances comparables, attend la fin des cours; ou de l'homme condamné à vingt ans de prison, qui attend que les portes de la geôle s'ouvrent devant lui pour retourner à ses erreurs.
Persévère, j'y insiste! Avec une volonté efficace et renouvelée, sans jamais cesser de vouloir effectuer ces exercices de piété et d'en tirer profit » (saint Josémaria, Forge, n° 447). -
La prière (2)
La prière est exaucée.
Quand Jésus affirme « demandez et on vous donnera » ou « qui demande reçoit », il ne se place pas dans notre cadre temporel. Il ne nous dit pas : « Demandez et vous recevrez ce que vous avez demandé », pas plus que « demandez et vous recevrez sur le champ ». Non. Ce qu’il affirme, c’est que nous recevrons. Quoi ? Ce qui nous convient le mieux. Pouvons-nous oublier que Dieu est notre Père, un Père qui aime ses enfants d’un Amour infini, bien plus que ne peuvent le faire tous les pères et toutes les mères du monde, un Père qui veut le bien de ses enfants, là aussi mieux que tous les pères et les mères du monde, un Père qui sait de science exacte ce qui convient à chacun de ses enfants, un Père qui choisit donc pour nous effectivement ce qui nous convient le mieux à chaque instant et qui ne se trompe jamais dans son choix, autrement il ne serait pas notre Dieu infiniment Bon et Parfait ? Autrement dit, la situation qui est la nôtre à un moment donné, qu’elle nous apparaisse simple ou problématique, qu’elle soit marquée par la bonne santé ou la maladie, qu’elle nous apporte des joies ou des souffrances, est la situation à laquelle Dieu pense pour nous de toute éternité dans son Amour illimité, et donc la situation appropriée, idéale même pour nous sanctifier. Il ne peut pas y en avoir de meilleure, sauf à douter de la bonté paternelle de Dieu. Y songer ne peut que nous remplir d’optimisme et de reconnaissance face à la vie que Dieu nous donne de vivre.
Nous avons vu ce que nous recevrons comme réponse à notre prière. Demandons-nous maintenant quand nous serons exaucés. Rarement dans l’immédiat. « Il leur dit une parabole pour montrer qu’il fallait prier toujours, sans jamais se lasser » (Luc 18, 1). C’est la parabole de la veuve et du juge inique. La veuve en question réclame justice jour après jour à la porte du cabinet du juge et ce dernier ne se résout à l’écouter que pour qu’elle cesse de le bassiner. La conclusion que Jésus en tire est la suivante : « Écoutez ce que dit ce juge inique ! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui nuit et jour, et avec eux il referait attendre ? » (Luc 18, 6-7). Cette parabole nous montre bien que notre prière s’inscrit naturellement dans la durée. Mais elle présuppose la foi. Elle n’est ni un automatisme, ni une simple bouée de sauvetage. La prière devrait être une habitude chez nous. « Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom : demandez et vous recevrez, si bien que votre joie sera complète » (Jean 16, 24). Jean-Paul II déclarait un jour : « Face aux tragédies des hommes, les prières peuvent sembler inefficaces et vaines ; bien au contraire, elles ouvrent toujours de nouveaux chemins d’espérance, surtout lorsqu’elles sont mises en valeur par la douleur qui se transforme en amour » (Jean-Paul II, Discours aux jeunes et aux éducateurs de l’Institut Séraphique, Assise, 9 janvier 1993), la souffrance, la mortification étant la prière du corps.
En tout cas, il est bon de nous arrêter à réfléchir sur la place que la prière occupe dans notre journée, et de voir si nous savons consacrer vraiment un temps précis à une heure donnée au Seigneur et, par la récitation du chapelet, aussi à notre Mère du ciel. Ce qui nous arrive peut-être, c’est que nous prions peu et mal, et que notre fréquentation de Dieu est réduite à sa plus simple expression alors que nous sommes heureux de nous retrouver avec nos semblables : conjoint, enfants, collègues de travail, amis, pour qui nous avons du temps et à qui nous avons des choses à dire…
(à suivre…)