« Si c’est celui-ci que tu libères, tu n’es pas ami de César : quiconque se fait roi se déclare contre César » (Jean 19, 17). C’est le raisonnement qui fait définitivement fléchir Pilate. En fin de compte, toute cette histoire de Nazaréen n’est qu’une question de rivalité entre Juifs et il ne va pas prendre des risques pour cela. S’il peut obtenir le calme — alors que toute la ville est en ébullition — au prix de la mort d’un innocent, eh bien c’est leur affaire. Qu’ils se débrouillent entre eux. « Voyant qu’il ne gagnait rien, mais que le trouble allait augmentant » (Matthieu 27, 24), Pilate « le leur remit pour ce qu’ils voulaient » (Luc 23, 25), c’est-à-dire « pour qu’on le crucifiât » (Marc 15, 15).
Alors les soldats « l’emmenèrent de là pour le crucifier » (Marc 15, 20) et, « portant lui-même sa croix, il sortit pour aller au lieu dit du Crâne — ce qui se dit en hébreu Golgotha » (Jean 19, 17). Et « ils appréhendèrent un certain Simon, de Cyrène, qui revenait des champs, et ils le chargèrent de la croix pour la porter derrière Jésus » (Luc 23, 26) et en alléger ainsi un peu le poids, car Jésus était déjà exténué par tous les sévices dont il avait fait l’objet depuis la veille et par la lourdeur d’une croix faite, non de bois, mais de la masse des péchés de tous les hommes de tous les temps. Il en a de la chance Simon, de pouvoir ainsi coopérer de près au rachat de l’humanité et de rendre un service au Seigneur à un moment crucial… Il ignore que Jésus a affirmé : « Tout ce que vous avez fait pour le plus petit de mes frères que voici, c’est à moi que vous l’avez fait » (Matthieu 25, 40). Alors quand le service est rendu directement à Jésus…
Il n’est pas étonnant que, suivant la tradition, le Seigneur se soit affalé à trois reprises sur le chemin du Calvaire. Il n’en pouvait plus, mais il s’est quand même relevé à chaque fois, dans un effort surhumain, car il voulait ardemment nous sauver du péché : c’est pour cela qu’il était venu dans le monde : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour condamner le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jean 3, 17).
Des saintes femmes observent éplorées le spectacle désolant de Jésus qui suffoque et que la croix, la brutalité des bourreaux, les coups des badauds, enhardis par la lâcheté générale, blessent de plus en plus. Elles pleurent sur lui, en qui elles ont vu le Fils de Dieu, le Messie. Elles « se lamentaient et pleuraient sur lui. Jésus, se tournant vers elles, leur dit : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ; pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants, parce que vont venir des jours où l’on dira : Heureuses les femmes stériles, les entrailles qui n’ont pas enfanté et les seins qui n’ont pas allaité. […] Car si on traite ainsi le bois vert, qu’en sera-t-il du sec ? » (Luc 23, 27-29).
À un détour du chemin, appelé depuis lors la via dolorosa, « le chemin douloureux », la tradition rapporte que Marie retrouve son Fils, si défiguré, mais qu’ils ont le temps d’échanger un regard qui en dit plus long que bien des paroles et des caresses que les gardes l’empêchent de donner. Comme nous aimons rester en compagnie de Marie, avec saint Jean et sans doute des saintes femmes, Marie-Madeleine et d’autres… En ces jours où la cruauté humaine est à son comble et où l’auteur du mal semble arriver à ses fins, c’est auprès de Marie que nous allons nous réfugier, car « elle te visera à la tête » (Genèse 3, 15), toi le serpent infernal.
verité - Page 35
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4ème mystère douloureux : le portement de la Croix
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15 novembre : saint Albert le Grand
C’est aujourd’hui le dies natalis, le « jour de la naissance » au ciel de saint Albert le Grand, né en 1206 et décédé le 15 novembre 1280. De son vrai nom Albert de Bollstaedt, il entra dans l’ordre des frères prêcheurs (les Dominicains), malgré la vive opposition de sa famille. Il se consacra très vite à l’enseignement dans divers couvents, avant d’être nommé Régent du studium generale, le centre d’études supérieures de l’ordre qui venait d’ouvrir à Cologne, où il fut le professeur du futur saint Thomas d’Aquin (1225-1274), à qui il communiqua sa passion pour la documentation.
Béatifié en 1622, le pape Pie XI le déclara saint et docteur de l’Église, en 1931. Il est connu comme le Doctor universalis, le « Docteur universel » en raison de l’universalité de ses connaissances. Il écrit, en effet, des ouvrages de philosophie (logique et sciences naturelles, son apport dans ce domaine étant considérable ; mathématiques, métaphysique, sciences morales et politiques) ; des ouvrages de théologie (commentaires aux Saintes Écritures, commentaire du Pseudo-Denys, commentaire des Sentences de Pierre Lombard, somme théologique) ; des écrits parénétiques ou d’exhortation et d’instruction dans la foi. Il se distingue aussi par le fait qu’il a intégré dans la pensée chrétienne les éléments de la philosophie d’Aristote qui pouvaient lui être utiles.
Voici un extrait d’un texte de saint Albert sur l’Eucharistie où il montre que le prêtre est pasteur et docteur dans l’édification du corps du Christ qu’est l’Église : « Faites cela en mémoire de moi. Dans cette parole, deux choses sont à relever. La première, c’est que le Seigneur nous prescrit la pratique de ce sacrement, qu’il signale quand il dit : Faites cela. La seconde, c’est qu’il doit être le mémorial du Seigneur qui s’en allait pour nous à la mort. Il dit donc : Faites cela. Il ne pouvait nous prescrire rien de plus utile, rien de plus doux, rien de plus salubre, rien de plus aimable, rien de mieux accordé à la vie éternelle. […]
Ce sacrement est utile pour le pardon des péchés, et très utile pour que notre vie ait la plénitude de la grâce. Le Père des esprits nous forme à ce qui est utile, pour que nous recevions sa sainteté. Or sa sainteté se trouve dans le sacrifice de son Fils, c’est-à-dire lorsque dans le sacrement il s’est offert au Père pour nous, et à nous comme notre nourriture. […]
En outre, nous ne pouvons rien faire de plus doux : Tu as donné à ton peuple un pain venu du ciel tout préparé, sans aucun travail de leur part, ayant en lui toutes les délices et la saveur de tous les goûts. Et la substance que tu donnais manifestait bien ta douceur envers tes enfants, puisque, répondant au goût de chacun, elle se transformait selon ta volonté.
Rien non plus ne pouvait être prescrit de plus salubre. En effet, ce sacrement est celui de l’arbre qui porte les fruits de vie ; qui en mange avec la dévotion d’une foi sincère ne goûtera jamais la mort. […]
Rien ne pouvait être prescrit de plus aimable. En effet, ce sacrement réalise l’amour et l’union. Le plus grand signe d’amour est de se donner en nourriture : Les gens de ma tente le disaient bien : Qui nous donnera de sa chair pour que nous soyons rassasiés ? C’est comme s’il disait : Je les ai tant aimés, et réciproquement, que je désirais être dans leurs entrailles ; quant à eux, ils désiraient être incorporés à moi pour devenir mes membres. Ils ne pouvaient être unis à moi, et moi à eux, d’une manière plus intime et plus physique.
Enfin, rien ne pouvait être prescrit qui soit mieux accordé à la vie éternelle. Car la permanence de la vie éternelle vient de ce que, dans sa douceur, Dieu répand lui-même dans les bienheureux .» -
saint André (2)
Dans les Évangiles, enfin, une troisième initiative d'André est rapportée. Le cadre est encore Jérusalem, peu avant la Passion. Pour la fête de Pâques — raconte Jean — quelques Grecs étaient eux aussi venus dans la ville sainte, probablement des prosélytes ou des hommes craignant Dieu, venus pour adorer le Dieu d'Israël en la fête de la Pâque. André et Philippe, les deux apôtres aux noms grecs, servent d'interprètes et de médiateurs à ce petit groupe de Grecs auprès de Jésus. La réponse du Seigneur à leur question apparaît - comme souvent dans l'Evangile de Jean - énigmatique, mais précisément ainsi, elle se révèle riche de signification. Jésus dit aux deux disciples et, par leur intermédiaire, au monde grec : « L'heure est venue pour le Fils de l'homme d'être glorifié. Amen, amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit » (Jean 12, 23-24). Que signifient ces paroles dans ce contexte ? Jésus veut dire : Oui, ma rencontre avec les Grecs aura lieu, mais pas comme un simple et bref entretien entre moi et quelques personnes, poussées avant tout par la curiosité. Avec ma mort, comparable à la chute en terre d'un grain de blé, viendra l'heure de ma glorification. De ma mort sur la croix proviendra la grande fécondité : le « grain de blé mort » — symbole de ma crucifixion — deviendra dans la résurrection pain de vie pour le monde; elle sera lumière pour les peuples et les cultures. Oui, la rencontre avec l'âme grecque, avec le monde grec, se réalisera à ce niveau auquel fait allusion l'épisode du grain de blé qui attire à lui les forces de la terre et du ciel et qui devient pain. En d'autres termes, Jésus prophétise l'Église des Grecs, l'Église des païens, l'Église du monde comme fruit de sa Pâque.
Des traditions très antiques voient André, qui a transmis aux Grecs cette parole, non seulement comme l'interprète de plusieurs Grecs lors de la rencontre avec Jésus que nous venons de rappeler, mais elles le considèrent comme l'apôtre des Grecs dans les années qui suivirent la Pentecôte ; elles nous font savoir qu'au cours du reste de sa vie il fut l'annonciateur et l'interprète de Jésus dans le monde grec. Pierre, son frère, de Jérusalem en passant par Antioche, parvint à Rome pour y exercer sa mission universelle ; André fut en revanche l'Apôtre du monde grec : ils apparaissent ainsi de véritables frères dans la vie comme dans la mort — une fraternité qui s'exprime symboliquement dans la relation spéciale des Sièges de Rome et de Constantinople, des Églises véritablement sœurs.
Une tradition successive, comme nous l'avons mentionné, raconte la mort d'André à Patras, où il subit lui aussi le supplice de la crucifixion. Cependant, au moment suprême, de manière semblable à son frère Pierre, il demanda à être placé sur une croix différente de celle de Jésus. Dans son cas, il s'agit d'une croix décussée, c'est-à-dire dont le croisement transversal est incliné, qui fut donc appelée « croix de saint André ». Voilà ce que l'apôtre aurait dit à cette occasion, selon un antique récit (début du VIe siècle) intitulé Passion d'André : « Je te salue, ô Croix, inaugurée au moyen du Corps du Christ et qui as été ornée de ses membres, comme par des perles précieuses. Avant que le Seigneur ne monte sur toi, tu inspirais une crainte terrestre. À présent, en revanche, dotée d'un amour céleste, tu es reçue comme un don. Les croyants savent, à ton égard, combien de joie tu possèdes, combien de présents tu prépares. Avec assurance et rempli de joie, je viens donc à toi, pour que toi aussi, tu me reçoives exultant comme le disciple de celui qui fut suspendu à toi... Ô croix bienheureuse, qui reçus la majesté et la beauté des membres du Seigneur !... Prends-moi et porte-moi loin des hommes et rends-moi à mon Maître, afin que par ton intermédiaire me reçoive celui qui, par toi, m'a racheté. Je te salue, ô Croix ; oui, en vérité, je te salue ! » Comme on le voit, il y a là une très profonde spiritualité chrétienne, qui voit dans la croix non pas tant un instrument de torture, mais plutôt le moyen incomparable d'une pleine assimilation au Rédempteur, au grain de blé tombé en terre. Nous devons en tirer une leçon très importante : nos croix acquièrent de la valeur si elles sont considérées et accueillies comme une partie de la croix du Christ, si elles sont touchées par l'éclat de sa lumière. Ce n'est que par cette Croix que nos souffrances sont aussi ennoblies et acquièrent leur sens véritable.
Que l’apôtre André nous enseigne donc à suivre Jésus avec promptitude (cf. Matthieu 4, 20 ; Marc 1, 18), à parler avec enthousiasme de lui à ceux que nous rencontrons, et surtout à cultiver avec Lui une relation véritablement familière, bien conscients que ce n'est qu'en Lui que nous pouvons trouver le sens ultime de notre vie et de notre mort. -
11 novembre : saint Martin
L’anniversaire de l’armistice de la première Guerre mondiale coïncide avec la Saint-Martin, ce qui n’est sans doute pas fortuit, quand on sait l’importance que le saint a eue et a dans la chrétienté de notre pays, puisque l’on dénombrait en France, à la fin du XIXe siècle, pas moins de 3 675 lieux de culte placés sous son patronage, sans compter 485 villes, bourgs ou hameaux portant son nom.
On lira avec profit l’excellente biographie du Père Dominique-Marie Dauzet, Saint Martin de Tours, Paris, 1996, dont je tire le résumé que voici : « L’évêque Martin de Tours […] est une des hautes figures de l’histoire de la chrétienté. Comment expliquer ces centaines de milliers de pèlerins venus à son tombeau durant tout le Moyen Âge, les milliers d’églises, de communes et de familles qui, en France et en Europe, portent son nom ?
Chacun connaît l’admirable geste du jeune Martin, officier de l’armée romaine : un soir d’hiver, à Amiens, il partage son manteau avec un pauvre. Passé du service des armes au service du Christ, Martin décide de répondre à l’appel intérieur et fonde, vers 361, l’un des tout premiers monastères de Gaule, à Ligugé, près de Poitiers. Bientôt, contrarié dans sa vocation, le moine doit accepter l’évêché de Tours. Sa vie prend alors un cours nouveau : le voici chargé de prêcher l’Évangile dans une Gaule largement païenne où le christianisme n’est encore qu’un phénomène urbain. Saint Martin parcourt les campagnes et, au péril de sa vie, détruit les idoles et les temples des faux dieux. Surtout, l’apôtre fait preuve d’un exceptionnel charisme de guérison. Avec lui, la tendresse de Dieu se manifeste : les aveugles voient, les sourds entendent, les boiteux marchent ; on n’avait pas vu cela depuis le Christ… […] Ce livre retrace l’épopée évangélisatrice d’un évêque toujours en contact avec l’au-delà, conversant avec les anges et luttant contre les démons. Un homme libre aussi, qui, par amour de l’Évangile, tient tête aux empereurs et aux puissants de ce monde. »
L’auteur s’appuie bien évidemment sur la Vie de Martin écrite du vivant de notre saint par son ami Sulpice Sévère. -
4ème mystère lumineux : la Transfiguration
Jésus précise que celui qui veut le suivre doit renoncer à lui-même et porter sa croix chaque jour (voir Luc 9, 23), car, ajoute-t-il, « celui qui voudra sauver sa vie la perdra ; mais celui qui perdra sa vie à cause de moi la sauvera » (Luc 9, 24). Tout au long de la vie, les choix que nous faisons doivent donc être guidés par ce principe et conduire à Dieu, être conformes à l’Amour dont Dieu nous a témoigné en envoyant son Fils, Jésus-Christ, mourir sur la Croix pour notre salut.
« Il se passa environ huit jours après ces paroles et, prenant avec lui Pierre, Jean et Jacques, il monta sur la montagne pour prier. Or, alors qu’il priait, son visage prit un autre aspect et son vêtement devint d’un blanc éblouissant » (Luc 9, 28-29). Moïse et Élie, les deux grands personnages de l’Ancienne Alliance, apparaissent alors et s’entretiennent avec lui de sa mort prochaine à Jérusalem. « Au moment où ils se séparaient de Jésus, Pierre dit : « Maître, il est bon pour nous d’être ici. Nous allons dresser trois tentes : une pour toi, une pour Moïse et une pour Élie » (Luc 9, 33). Pierre est saisi de joie et de bonheur en éprouvant de façon plus sensible que jamais la présence de Dieu.
Qu’il est bon pour nous d’être ici… Notre Dieu est présent dans l’Eucharistie : réellement présent à la messe et dans les tabernacles où il est réservé. Comme il est bon pour le croyant de venir prendre part à la messe et de rejoindre, en offrant sa vie, le Christ qui présente la sienne au Père pour le salut du monde. Comme il est bon pour le croyant de venir se recueillir devant le saint-sacrement, pour tenir compagnie au Seigneur et s’entretenir avec lui in multis argumentis, « de bien des sujets » (Actes 1, 3), comme les apôtres ; de veiller et prier « pour ne pas être en butte à la tentation » (Matthieu 26, 41), de se laisser attirer par le tabernacle comme par un aimant.
Celui qui cherche la présence de Dieu partout où il se trouve, dans tout ce qu’il fait, n’est jamais seul : « Je ne suis pas seul, parce que le Père est avec moi » (Jean 16, 32).
En parlant comme il le fait, Pierre « ne savait pas ce qu’il disait » (Luc 9, 33). Il n’a pas le temps de passer à l’acte, si jamais il avait pu mettre son projet à exécution, qu’une nuée « les enveloppa de son ombre », et « de la nuée vint une voix qui disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me complais : écoutez-le » (Matthieu 17, 5).
Cette théophanie, cette « manifestation de Dieu », a pour objet de fortifier les apôtres dans la foi. Elle nous amène aussi à comprendre que le Christ est vraiment le Fils de Dieu fait homme et à l’écouter : « Celui qui observe mes commandements et les met en pratique, voilà celui qui m’aime. Et celui qui m’aime sera aimé de mon Père, et moi aussi je l’aimerai et je me manifesterai à lui. […] Celui qui m’aime mettra en pratique ce que je dis, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui, nous nous établirons chez lui à demeure. […] Et la parole que vous entendez n’est pas de moi, mais du Père qui m’a envoyé » (Jean 14, 21.23.24). -
saint Jean (2)
Jean, le théologien
[…] S'il est un thème caractéristique qui ressort des écrits de Jean, c'est l'amour. Ce n'est pas par hasard que j'ai voulu commencer ma première Lettre encyclique par les paroles de cet Apôtre : « Dieu est amour (Deus caritas est) ; celui qui demeure dans l'amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui » (1 Jean 4, 16). Il est très difficile de trouver des textes de ce genre dans d'autres religions. Et ces expressions nous placent donc face à un concept très particulier du christianisme. Assurément, Jean n'est pas l'unique auteur des origines chrétiennes à parler de l'amour. Étant donné qu'il s'agit d'un élément constitutif essentiel du christianisme, tous les écrivains du Nouveau Testament en parlent, bien qu'avec des accents divers. Si nous nous arrêtons à présent pour réfléchir sur ce thème chez Jean, c'est parce qu'il nous en a tracé avec insistance et de façon incisive les lignes principales. Nous nous en remettons donc à ses paroles. Une chose est certaine : il ne traite pas de façon abstraite, philosophique ou même théologique de ce qu'est l'amour. Non, ce n'est pas un théoricien. En effet, de par sa nature, le véritable amour n'est jamais purement spéculatif, mais exprime une référence directe, concrète et vérifiable à des personnes réelles. Et Jean, en tant qu'apôtre et ami de Jésus, nous fait voir quels sont les éléments, ou mieux, les étapes de l'amour chrétien, un mouvement caractérisé par trois moments.
Le premier concerne la Source même de l'amour, que l'apôtre situe en Dieu, en allant jusqu'à affirmer, comme nous l'avons entendu, que « Dieu est Amour » (1 Jean 4, 8.16). Jean est l'unique auteur de Nouveau Testament à nous donner une sorte de définition de Dieu. Il dit par exemple que « Dieu est esprit » (Jn 4, 24) ou que « Dieu est Lumière » (1 Jean 1, 5). Ici, il proclame avec une intuition fulgurante que « Dieu est amour ». Que l'on remarque bien : il n'est pas affirmé simplement que « Dieu aime » ou encore moins que « l'amour est Dieu » ! En d'autres termes : Jean ne se limite pas à décrire l'action divine, mais va jusqu'à ses racines. En outre, il ne veut pas attribuer une qualité divine à un amour générique ou même impersonnel ; il ne remonte pas de l'amour vers Dieu, mais se tourne directement vers Dieu pour définir sa nature à travers la dimension infinie de l'amour. Par cela, Jean veut dire que l'élément constitutif essentiel de Dieu est l'amour et donc toute l'activité de Dieu naît de l'amour et elle est marquée par l'amour : tout ce que Dieu fait, il le fait par amour et avec amour, même si nous ne pouvons pas immédiatement comprendre que cela est amour, le véritable amour.
Mais, à ce point, il est indispensable de faire un pas en avant et de préciser que Dieu a démontré de façon concrète son amour en entrant dans l'histoire humaine à travers la personne de Jésus-Christ incarné, mort et ressuscité pour nous. Cela est le second moment constitutif de l'amour de Dieu. Il ne s'est pas limité à des déclarations verbales, mais, pouvons-nous dire, il s'est véritablement engagé et il a « payé » en personne. Comme l'écrit précisément Jean, « Dieu a tant aimé le monde (c'est-à-dire nous tous), qu'il a donné son Fils unique » (Jean 3, 16). Désormais, l'amour de Dieu pour les hommes se concrétise et se manifeste dans l'amour de Jésus lui-même. Jean écrit encore : Jésus « ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu'à la fin » (Jean 13, 1). En vertu de cet amour oblatif et total, nous sommes radicalement rachetés du péché, comme l'écrit encore saint Jean : « Petits enfants [...] si quelqu'un vient à pécher, nous avons comme avocat auprès du Père Jésus Christ, le Juste. C'est lui qui est victime de propitiation pour nos péchés, non seulement pour les nôtres, mais aussi pour ceux du monde entier » (1 Jean 2, 1-2 ; cf. 1 Jean 1, 7). Voilà jusqu'où est arrivé l'amour de Jésus pour nous: jusqu'à l'effusion de son sang pour notre salut ! Le chrétien, en s'arrêtant en contemplation devant cet « excès » d'amour, ne peut pas ne pas se demander quelle est la réponse juste. Et je pense que chacun de nous doit toujours et à nouveau se le demander.
Cette question nous introduit au troisième moment du mouvement de l'amour : de destinataires qui recevons un amour qui nous précède et nous dépasse, nous sommes appelés à l'engagement d'une réponse active qui, pour être adéquate, ne peut être qu'une réponse d'amour. Jean parle d'un « commandement ». Il rapporte en effet ces paroles de Jésus : « Je vous donne un commandement nouveau : vous aimer les uns les autres; comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » (Jean 13, 34). Où se trouve la nouveauté dont parle Jésus? Elle réside dans le fait qu'il ne se contente pas de répéter ce qui était déjà exigé dans l'Ancien Testament, et que nous lisons également dans les autres Évangiles : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Lévitique 19, 18 ; cf. Matthieu 22, 37-39 ; Marc 12, 29-31 ; Luc 10 27). Dans l'ancien précepte, le critère normatif était tiré de l'homme ("comme toi-même"), tandis que dans le précepte rapporté par Jean, Jésus présente comme motif et norme de notre amour sa personne même : « Comme je vous ai aimés ». C'est ainsi que l'amour devient véritablement chrétien, en portant en lui la nouveauté du christianisme : à la fois dans le sens où il doit s'adresser à tous, sans distinction, et surtout dans le sens où il doit parvenir jusqu'aux conséquences extrêmes, n'ayant d'autre mesure que d'être sans mesure. Ces paroles de Jésus, « comme je vous ai aimés », nous interpellent et nous préoccupent à la fois ; elles représentent un objectif christologique qui peut apparaître impossible à atteindre, mais dans le même temps, elles représentent un encouragement qui ne nous permet pas de nous reposer sur ce que nous avons pu réaliser. Il ne nous permet pas d'être contents de ce que nous sommes, mais nous pousse à demeurer en chemin vers cet objectif.
Le précieux texte de spiritualité qu'est le petit livre datant de la fin du Moyen-Age intitulé Imitation du Christ, écrit à ce sujet : « Le noble amour de Jésus nous pousse à faire de grandes choses et nous incite à désirer des choses toujours plus parfaites. L'amour veut demeurer élevé et n'être retenu par aucune bassesse. L'amour veut être libre et détaché de tout sentiment terrestre... En effet, l'amour est né de Dieu et ne peut reposer qu'en Dieu, par-delà toutes les choses créées. Celui qui aime vole, court, et se réjouit, il est libre, rien ne le retient. Il donne tout à tous et a tout en toute chose, car il trouve son repos dans l'Unique puissant qui s'élève par-dessus toutes les choses, dont jaillit et découle tout bien » (Livre III, chap. 5). Quel meilleur commentaire du « commandement nouveau » énoncé par Jean ? Prions le Père de pouvoir le vivre, même de façon imparfaite, si intensément, au point de contaminer tous ceux que nous rencontrons sur notre chemin.
(la fin demain) -
21 novembre : Présentation de Marie
L’Église fête aujourd’hui la Présentation de la Vierge Marie au Temple de Jérusalem. Le théologien grec Grégoire de Palamas (1296-1359) défend la tradition selon laquelle Marie a été accueillie à l’âge de trois ans dans le Saint des Saints du Temple, où elle resta, « recevant sa nourriture de la main d’un ange » jusqu’au moment où elle fut en âge de se marier. Elle s’offrit elle-même spontanément à Dieu, sous l’action du Saint-Esprit, de la grâce duquel elle était remplie depuis sa conception immaculée, comme le souligne la brève explication donnée pour la fête dans la Liturgie des heures.
Le jésuite espagnol François de Torres (1509 ?-1584) montra au pape Pie V, qui voulait la supprimer, que cette fête était fort ancienne : elle fut célébrée pour la première fois en l’église Sainte-Marie la Neuve, ouverte au culte près du parvis du Temple en 543. L’empereur byzantin Michel Commène en fit une fête fériée en 1166. Torres mourut d’ailleurs le jour de la Présentation de Marie.
Le pape Grégoire XI autorise les frères mineurs (ou Franciscains) et le roi de France de célébrer cette fête importée d’Orient. La spiritualité de saint François de Sales et celle liée au courant du cardinal de Bérulle contribuèrent à son extension, Marie étant ainsi proposée comme modèle pour ceux qui se consacrent pleinement à Dieu en devenant prêtre ou religieux.
Le fait de la Présentation n’est raconté que par l’évangile apocryphe de Jacques, datant du IIe siècle.
Dans un de ses sermons, saint Augustin montre que Marie a cru par la foi et conçu également par la foi. Mais il précise aussi qu’en un sens, l’Église est plus que Marie : « Marie était bienheureuse, parce que, avant même d’enfanter le Maître, elle l’a porté dans son sein. […] Sainte Marie, heureuse Marie ! Et pourtant l’Église vaut mieux que la Vierge Marie. Pourquoi ? Parce que Marie est une partie de l’Église, un membre éminent, un membre supérieur aux autres, mais enfin un membre du corps entier. S’il s’agit du corps entier, le corps est certainement davantage qu’un seul membre. Le Seigneur est la tête, et le Christ total est à la fois la tête et le corps. Bref, nous avons un chef divin, nous avons Dieu pour tête.
Donc, mes très chers, regardez vous-mêmes : vous êtes les membres du Christ, et vous êtes le corps du Christ. Comment l’êtes-vous ? Faites attention à ce qu’il dit : Voici ma mère et mes frères. Comment serez-vous la mère du Christ ? Celui qui entend, celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère. En effet, je comprends bien : mes frères ; je comprends bien : mes sœurs. Car il n’y a qu’un héritage : c’est pourquoi, le Christ, alors qu’il était le Fils unique, n’a pas voulu être seul : dans sa miséricorde, il a voulu que nous soyons héritiers du Père, que nous soyons héritiers avec lui. » (Sermon 25). -
5ème mystère lumineux : l’institution de l’Eucharistie
« Avant la fête de la Pâque, Jésus, qui savait que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde auprès de son Père, après avoir aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jean 13, 1), alors que « les grands prêtres et les scribes cherchaient le moyen de le supprimer » (Luc 22, 2). Il montre son Amour en acceptant de mourir sur la Croix. Il le montre aussi en nous laissant un mémorial de son Sacrifice, en instituant l’Eucharistie.
« L’heure venue, il prit place à table avec les apôtres, et il leur dit : « J’ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant de souffrir » (Lc 22, 14-15). Puis, « prenant du pain, il le rompit après avoir rendu grâce et le leur donna, en disant : « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites ceci en mémoire de moi. » Et pareillement, après le souper, il prit la coupe en disant : « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, versé pour vous » (Luc 22, 19-20) « pour la multitude en rémission des péchés » (Matthieu 26, 28). « Faites cela chaque fois que vous la boirez, en souvenir de moi » (1 Corinthiens 11, 25).
« L’Eucharistie est donc un sacrifice parce qu’elle représente (rend présent) le sacrifice de la Croix, parce qu’elle en est le mémorial et parce qu’elle en applique le fruit » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1366) à ceux qui y participent et à ceux pour qui elle est offerte. Les événements d’il y a deux mille ans deviennent présents et actuels. « Toutes les fois que le sacrifice de la Croix par lequel le Christ notre Pâque a été immolé se célèbre sur l’autel, l’œuvre de notre rédemption s’opère » (concile Vatican II, constitution dogmatique Lumen gentium, n° 3).
Dieu seul pouvait imaginer une présence sacramentelle bien réelle : le pain et le vin changent de substance pour devenir vraiment le Corps et le Sang du Christ, auxquels sont unies son âme et sa divinité. Dieu seul pouvait réaliser un tel miracle par sa toute-puissance.
Il fallait la mort sur la Croix pour nous racheter du péché. Il fallait ce mémorial eucharistique de la Croix pour donner à notre âme la nourriture, les provisions de route dont elle a besoin sur son chemin vers la vie éternelle. « Voici vraiment le pain des anges qui se fait notre pain de route : en vérité, pain des enfants, à ne pas jeter aux chiens » (séquence Lauda Sion).
Jésus avait annoncé solennellement : « C’est moi qui suis le pain vivant descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ; et le pain que je donnerai, c’est ma chair, pour la vie du monde » (Jean 6, 51). Et face aux discussions qu’une telle affirmation suscitait dans son auditoire, il insiste : « En vérité, en vérité, je vous le dis : si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme et si vous ne buvez son sang, vous n’aurez pas la vie en vous. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour » (Jean 6, 53-54).
Seule la foi permet de comprendre cette affirmation du Seigneur. Il suffit de faire l’expérience de la communion et de l’adoration du Saint-sacrement pour comprendre qu’elle correspond à une réalité profonde : le Christ est là en personne et, avec lui, le Père et le Saint-Esprit. -
30 novembre : saint André (1)
André, le Protoclite, c’est-à-dire le « premier appelé », présenté par le pape Benoît XVI,au cours de l’audience générale du 14 juin 2006 :
[…]. A présent, nous voulons, dans la mesure où les sources nous le permettent, connaître d'un peu plus près également les onze autres Apôtres. C'est pourquoi nous parlons aujourd'hui du frère de Simon Pierre, saint André, qui était lui aussi l'un des Douze. La première caractéristique qui frappe chez André est son nom: il n'est pas juif, comme on pouvait s'y attendre, mais grec, signe non négligeable d'une certaine ouverture culturelle de sa famille. Nous sommes en Galilée, où la langue et la culture grecques sont assez présentes. Dans les listes des Douze, André occupe la deuxième place, comme dans Matthieu (10, 1-4) et dans Luc (6, 13-16), ou bien la quatrième place comme dans Marc (3, 13-18) et dans les Actes (1, 13-14). Quoi qu'il en soit, il jouissait certainement d'un grand prestige au sein des premières communautés chrétiennes.
Le lien de sang entre Pierre et André, ainsi que l'appel commun qui leur est adressé par Jésus, apparaissent explicitement dans les Évangiles. On y lit : « Comme il [Jésus] marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans le lac : c'était des pêcheurs. Jésus leur dit : « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes » (Matthieu 4, 18-19 ; Marc 1, 16-17). Dans le quatrième Évangile, nous trouvons un autre détail important : dans un premier temps, André était le disciple de Jean-Baptiste ; et cela nous montre que c'était un homme qui cherchait, qui partageait l'espérance d'Israël, qui voulait connaître de plus près la parole du Seigneur, la réalité du Seigneur présent. C'était vraiment un homme de foi et d'espérance ; et il entendit Jean-Baptiste un jour proclamer que Jésus était l'« agneau de Dieu » (Jean 1, 36); il se mit alors en marche et, avec un autre disciple qui n'est pas nommé, il suivit Jésus, Celui qui était appelé par Jean « Agneau de Dieu ». L'évangéliste rapporte : ils « virent où il demeurait, et ils restèrent auprès de lui ce jour-là » (Jean 1, 37-39). André put donc profiter de précieux moments d'intimité avec Jésus. Le récit se poursuit par une annotation significative : « André, le frère de Simon-Pierre, était l'un des deux disciples qui avaient entendu Jean-Baptiste et qui avaient suivi Jésus. Il trouve d'abord son frère Simon et lui dit : « Nous avons trouvé le Messie (autrement dit: le Christ) ». André amena son frère à Jésus » (Jean 1, 40-43), démontrant immédiatement un esprit apostolique peu commun. André fut donc le premier des apôtres à être appelé à suivre Jésus. C'est précisément sur cette base que la liturgie de l'Église byzantine l'honore par l'appellation de Protóklitos, qui signifie précisément « premier appelé ». Et il est certain que c'est également en raison du rapport fraternel entre Pierre et André que l'Église de Rome et l'Église de Constantinople se sentent de manière particulière des Églises-sœurs. Pour souligner cette relation, mon prédécesseur, le pape Paul VI, restitua en 1964 les nobles reliques de saint André, conservées jusqu'alors dans la Basilique vaticane, à l'évêque métropolite orthodoxe de la ville de Patras en Grèce, où selon la tradition, l'apôtre fut crucifié.
Les traditions évangéliques rappellent particulièrement le nom d'André en trois autres occasions, qui nous font connaître un peu plus cet homme. La première est celle de la multiplication des pains en Galilée. En cette circonstance, ce fut André qui signala à Jésus la présence d'un enfant avec cinq pains d'orge et deux poissons, « bien peu de chose » — remarqua-t-il — pour toutes les personnes réunies en ce lieu (cf. Jean 6, 8-9). Le réalisme d'André en cette occasion mérite d'être souligné : il remarqua l'enfant — il avait donc déjà posé la question : « Mais qu'est-ce que cela pour tant de monde ! » (ibid.) —, et il se rendit compte de l'insuffisance de ses maigres réserves. Jésus sut toutefois les faire suffire pour la multitude de personnes venues l'écouter. La deuxième occasion fut à Jérusalem. En sortant de la ville, un disciple fit remarquer à Jésus le spectacle des murs puissants qui soutenaient le Temple. La réponse du Maître fut surprenante : il lui dit que de ces murs, il ne serait pas resté pierre sur pierre. André l'interrogea alors, avec Pierre, Jacques et Jean : « Dis-nous quand cela arrivera, dis-nous quel sera le signe que tout cela va finir » (Marc 13, 1-4). Pour répondre à cette question, Jésus prononça un discours important sur la destruction de Jérusalem et sur la fin du monde, en invitant ses disciples à lire avec attention les signes des temps et à rester toujours vigilants. Nous pouvons déduire de l'épisode que nous ne devons pas craindre de poser des questions à Jésus, mais que dans le même temps, nous devons être prêts à accueillir les enseignements, même surprenants et difficiles, qu'Il nous offre.
(à suivre demain…) -
9 novembre : dédicace de la basilique du Latran
Du latin dedicare, « dédier », la dédicace est la « consécration d’une église, un autel, un cimetière ou un autre lieu, réalisée par l’évêque ou par le prêtre qui en reçoit le droit. Ces lieux deviennent alors sacrés. Le jour de la dédicace d’une église est une fête liturgique. L’Église universelle fête la dédicace de la basilique Saint-Jean-de-Latran, « mère et maîtresse de toutes les églises », en tant que cathédrale de l’évêque de Rome » (D. Le Tourneau, Les mots du christianisme. Catholicisme — Orthodoxie — Protestantisme, p. 202). Cette basilique a été construite par l’empereur Constantin, à la périphérie de la ville encore païenne. La dédicace est célébrée depuis le XIIe siècle.
Saint Césaire d’Arles montre que par le baptême, nous sommes devenus le temple de Dieu : « C’est nous qui devons être le temple de Dieu, son temple véritable et vivant. Les peules chrétiens ont bien raison de célébrer avec foi la solennité de la Mère Église, car ils savent qu’ils sont renés spirituellement par elle. Si, par notre première naissance, nous étions pour Dieu des objets de colère, par notre seconde naissance, nous sommes devenus les objets de sa miséricorde. […] Dieu a dédaigné faire de nous sa demeure. Par conséquent, mes très chers, si nous voulons célébrer dans la joie l’anniversaire d’une église, nous ne devons pas détruire en nous, par de mauvaises actions, les temples vivants de Dieu. Et je dis cela pour que tous puissent comprendre : chaque fois que nous venons à l’église, nous devons préparer nos âmes pour qu’elles soient telles que nous voulons trouver cette église.
Tu veux trouver une basilique brillante ? Ne souille pas ton âme par la saleté des péchés. Si tu veux que la basilique soit éclairée, et Dieu aussi le veut, que la lumière des bonnes œuvres brille en nous, et celui qui est aux cieux sera glorifié. De même que tu entres dans cette église, c’est ainsi que Dieu veut entrer dans ton âme, comme lui-même l’a dit : J’habiterai et je marcherai au milieu d’eux »(Sermon 229).