2. Les conséquences.
Quand Dieu l’avait créé, il avait comblé l’homme de bienfaits : des dons surnaturels — la grâce de la sainteté originelle était « une participation à la vie divine », que nous appelons grâce sanctifiante — et le dons préternaturels, qui ne sont pas dus par la nature, mais vont au-delà : intégrité ou soumission parfaite des sens à la raison ; immortalité ; immunité de toute douleur ; science proportionnée à leur état.
Par conséquent, « tant qu'il demeurait dans l'intimité divine, l'homme ne devait ni mourir, ni souffrir. L’harmonie intérieure de la personne humaine, l’harmonie entre l’homme et la femme, enfin l’harmonie entre le premier couple et toute la création constituait l’état appelé « justice originelle » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 376).
L’homme était maître de soi, parce que la triple concupiscence dont parle saint Jean (voir 1 Jean 2, 16) n'existait pas en lui (l'attrait désordonné des plaisirs des sens ; la convoitise désordonnée des biens terrestres ; l'affirmation désordonnée de soi qui traduit l'orgueil).
Par suite du péché, nos premiers parents commencent à regarder Dieu avec crainte et méfiance ; ils perdent les dons surnaturels et préternaturels ; la nature elle-même — bien qu’elle reste bonne — est blessée : l’intelligence est affaiblie pour connaître la vérité, et tombe facilement dans l’ignorance et dans l’erreur ; la volonté, affaiblie pour faire le bien, incline facilement au mal ; les sens n’obéissent pas à la raison ; surtout, la conséquence explicitement annoncée en cas de désobéissance se réalise : « Tu es glaise, et tu retourneras à la glaise » (Genèse 3, 19). Ainsi, « par un seul homme, Adam, le péché est entré dans le monde, et par le péché est venue la mort », dira saint Paul (Romains 5, 12). Par sa transgression, l’homme a « perdu la sainteté et la justice dans lesquelles il avait été établi » (concile de Trente). Il est chassé du paradis terrestre. Désormais, la femme enfante dans la douleur et le travail devient pénible : « Tu mangeras du pain à la sueur de ton front » (Genèse 3, 19).
La nature humaine est gravement blessée par le péché originel. « L’harmonie dans laquelle ils [nos premiers parents] étaient, établie grâce à la justice originelle, est détruite ; la maîtrise des facultés spirituelles de l’âme sur le corps est brisée ; l’union de l’homme et de la femme est soumise à des tensions ; leurs rapports sont marqués par la convoitise et la domination. L’harmonie avec la création est rompue : la création visible est devenue pour l’homme étrangère et hostile » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 400). Dieu n’a pas créé des pécheurs, mais des hommes libres qui, usant mal de cette liberté, sont devenus pécheurs.
L’homme porte désormais en lui le foyer du péché ou fomes peccati, « inclination au péché que la Tradition appelle la concupiscence » (Ibid., n° 1264). Elle est laissée en l’homme pour qu’il puisse « lutter et résister avec courage par la grâce du Christ » (concile de Trente), par l’ascèse.
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théologie - Page 13
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Le péché originel (2)
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La Sainte Écriture (1)
Lire la Sainte Écriture, c’est-à-dire la Parole de Dieu contenue dans la Bible
Jésus a promis que sa présence ne ferait jamais défaut aux hommes : « Et moi, je suis toujours avec vous jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28, 20). Cette promesse se réalise, entre autres, par la Sainte Écriture, en particulier dans les Évangiles, par lesquels le Seigneur continue de parler aux hommes et aux femmes de tous les temps, aux hommes et aux femmes de notre époque, à chacun d’entre nous.
Cette parole est une « bonne nouvelle ». C’est ce que signifie le mot « évangile ». C’est pourquoi le croyant en aborde la lecture en disant, avec le prophète Jérémie (15, 16) : « Que ta parole devienne mon délice et la joie de mon cœur. » Il ne fait pas de doute qu’il lui sera très vite donné de pouvoir dire : « Ta parole est douce à mon palais, plus que le miel à ma bouche » (Psaume 119, 103).
« La Sainte Écriture est la parole de Dieu en tant que, sous l’inspiration de l’Esprit divin, elle est consignée par écrit » (concile Vatican II, constitution dogmatique Dei verbum, n° 9). Mais, comme le Verbe est Dieu le Fils en personne, « à travers toutes les paroles de l’Écriture Sainte, Dieu ne dit qu’une seule Parole, son Verbe unique en qui Il se dit tout entier » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 102). C’est ce que saint Augustin exprimait en ces termes : « Rappelez-vous que c’est une même Parole de Dieu qui s’étend dans toutes les Écritures, que c’est un même Verbe qui résonne dans la bouche de tous les écrivains sacrés, lui qui, étant au commencement Dieu auprès de Dieu, n’y a pas besoin de syllabes parce qu’il n’y est pas soumis au temps » (Enarratio in psalmos 103, 4, 1).
Par conséquent, la parole contenue dans la Bible, aussi bien l’Ancien que le Nouveau Testament, bien que rédigée par des auteurs humains, n’est pas une parole humaine, mais la Parole de Dieu. « Dans les Saints Livres, en effet, le Père, qui est aux cieux, vient avec tendresse au-devant de ses fils et entre en conversation avec eux » (concile Vatican II, const. dogm. Dei Verbum, n° 21). C’est une Parole qui interpelle, qui veut engager un dialogue et à laquelle l’homme est donc invité à répondre. « Dieu nous parle par ses lectures, parlons-lui par nos prières. Si nous écoutons avec obéissance ses paroles, il habitera en nous, celui que nous implorons » (saint Augustin, Sermon 219).
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Les trois voies de la vie spirituelle
Les trois voies par lesquelles l'âme passe progressivement, selon les auteurs spirituels, sont :
La « voie purgative » est le chemin des commençants, ou débutants dans la vie de prière, qui purifient progressivement leur âme par la pénitence et la mortification (privation volontaire par amour de Dieu), la lutte contre les passions désordonnées, l’aversion du péché. La « voie illuminative » est le chemin des progressants, conduits à imiter le Christ, lumière du monde, en pratiquant la charité et les autres vertus – dispositions stables à bien agir – en s’adonnant à la prière, spécialement l’oraison – prière de l’esprit –, en fuyant toute tiédeur dans la vie de foi. Enfin la « voie unitive » est l’étape ultime dans le progrès de la vie spirituelle : une fois entièrement purifiée et pratiquant habituellement les vertus, l’âme est prête pour l’union intime avec Dieu, objectif de la voie unitive.
[ces définitions sont tirées de mon ouvrage Les mots du christianisme. Catholicisme — Orthodoxie — Protestantisme, Fayard, 2005]
L’effort de l’homme pour observer les commandements de Dieu (voir Exode 10, 1-17 ; Dt 5, 6-18) ou les béatitudes (voir Matthieu 5, 3-12 ; Luc 6, 20-23) suppose de vaincre le péché et le mal moral tel qu’il existe dans notre vie. L’âme purifie donc peu à peu. C’est la première étape, purgative.
« En même temps, cela permet de découvrir des valeurs. On peut donc conclure que la voie purgative débouche tout naturellement sur la voie illuminative », déclarait le pape Jean-Paul II (1978-2005). Il donnait quelques exemples de ce processus transformateur dans son ouvrage Mémoire et identité, Flammarion, 2005, p. 41 et s. J’en cite deux : « En observant le commandement : « Tu ne tueras pas ! » l’homme découvre la valeur de la vie sous divers aspects et apprend à avoir un respect toujours plus profond pour elle. En observant le commandement : « Tu ne commettras pas d’adultère ! » l’homme fait sienne la vertu de pureté, et cela signifie qu’il découvre toujours mieux la beauté gratuite du corps humain, de la masculinité et de la féminité. C’est précisément cette beauté gratuite qui devient la lumière de ses actes. »
L’homme acquiert de la sorte une liberté intérieure de plus en plus grande. « La lumière intérieure éclaire ses actes et lui montre tout le bien du monde créé comme provenant de la main de Dieu. De cette façon, la voie purgative et, à son tour, la voie illuminative constituent l’entrée naturelle dans la voie appelée unitive », dans laquelle l’âme fait une expérience personnelle d’une union particulière avec Dieu qui, en elle-même, est une anticipation de l’union qui aura lieu au ciel, pour l’éternité. -
Ste Écriture (5)
Pour ce qui concerne le Pain de la parole, l’exhortation du pape Benoît XVI dans son « Message aux jeunes à l’occasion de la XXIe Journée mondiale de la Jeunesse, 2006 », peut être utile à tout un chacun. Il invitait les jeunes « à devenir des familiers de la Bible, à la garder à portée de la main, pour qu’elle soit pour vous comme une boussole qui indique la route à suivre. En la lisant, vous apprendrez à connaître le Christ. Saint Jérôme observe à ce propos : « L’ignorance des Écritures est l’ignorance du Christ » (PL 24, 17 ; cf. Dei Verbum, n° 25). Un moyen assuré pour approfondir et goûter la parole de Dieu est la lectio divina, qui constitue un véritable itinéraire spirituel par étapes. De la lectio, qui consiste à lire et relire un passage de l’Écriture Sainte en en recueillant les principaux éléments, on passe à la meditatio, qui est comme un temps d’arrêt intérieur, où l’âme se tourne vers Dieu en cherchant à comprendre ce que sa parole dit aujourd’hui pour la vie concrète. Vient ensuite l'oratio, qui nous permet de nous entretenir avec Dieu dans un dialogue direct, et qui nous conduit enfin à la contemplatio ; celle-ci nous aide à maintenir notre cœur attentif à la présence du Christ, dont la parole est une « lampe brillant dans l’obscurité, jusqu'à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans nos cœurs » (2 P 1, 19). La lecture, l’étude et la méditation de la Parole doivent ensuite déboucher sur l’adhésion d’une vie conforme au Christ et à ses enseignements ». La lecture méditée et la contemplation, individuelle ou communautaire, de l’Écriture, la lectio divina, est une lecture qui s’effectue sous la motion et l’impulsion de l’Esprit Saint, ainsi que l’explique un document de la Commission pontificale biblique (L’interprétation de la Bible dans l’Église).
Cette lectio divina est un exercice par lequel le lecteur « apprend une science éminente de Jésus-Christ » (Dei Verbum, n° 25). Cette lecture est qualifiée de « divine », non seulement parce qu’elle porte sur la Parole écrite de Dieu, mais aussi parce que l’intelligence et le cœur du lecteur sont mis en rapport avec Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu l’Esprit Saint. elle le situe donc dans une perspective trinitaire dans laquelle, sous l’impulsion de l’Esprit, l’homme cherche le Christ pour arriver à contempler le Père. « Applique-toi à la lectio divina, disait Origène. Cherche en Dieu avec une confiance et une loyauté fermes le sens des divines Écritures qui s’y cache amplement. Mais ne te contente pas d’appeler et de chercher ; la prière est nécessaire pour comprendre les choses de Dieu. C’est pourquoi non seulement le Sauveur a dit : « Cherchez et vous trouverez », « frappez et on vous ouvrira », mais il ajoute : « Demandez et on vous donnera » (Matthieu 7, 7 ; Luc 11, 9) » (Lettre d’Origène à Grégoire le Thaumaturge 4). C’est ce que nous pouvons déduire aussi de la conclusion que Jésus donne à certaines de ses paraboles : « Que celui qui a des oreilles entende ! » (Matthieu 13, 9). Il faut un effort d’application de nos sens et une réflexion, une méditation de la Parole de Dieu pour, avec l’aide de l’Esprit Saint, en comprendre le sens. Telle est l’attitude que nous voyons chez la Sainte Vierge, dont saint Luc nous dit qu’elle « conservait toutes ces choses dans son cœur » (2, 51), ou encore qu’elle « conservait avec soin toutes ces choses, les méditant dans son cœur » (2, 19).
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La tentation
« Veillez et prier pour ne pas entrer en tentation » (Marc 14, 38), dit Jésus à ses disciples au Jardin des Oliviers.
La recommandation est claire. Ne pas entrer en tentation ne veut pas dire ne pas être en butte à la tentation, mais ne pas lui donner prise, de pas y succomber.
La tentation en elle-même n’est pas une mauvaise chose. C’est, comme l’étymologie le suggère, une mise à l’épreuve. Autrement, le Christ n’aurait pas laissé le diable le tenter au terme des quarante jours qu’il a passé à jeûner dans le désert pour se préparer à sa vie publique, à prêcher la Bonne Nouvelle. Le Christ vaincu le tentateur pour nous : « Nous n’avons pas un grand-prêtre impuissant à compatir à nos faiblesses, Lui qui a été éprouvé en tout, d’une manière semblable, à l’exception du péché » (Hébreux 4, 15).
Quand, dans le « Notre Père », nous adressons à Dieu la demande suivante : « Ne nous soumets pas à la tentation », ce que nous lui demandons en fait, c’est « de ne pas nous laisser seuls au pouvoir de la tentation. Nous demandons à l’Esprit de savoir discerner d’une part entre l’épreuvequi nous fait grandir dans le bien et la tentation qui mène au péché et à la mort, et, d’autre part, entre être tenté et consentir à la tentation » (, n° 596).
Ne pas entrer dans la tentation implique une décision du cœur, s’appuyant sur l’aide de la grâce divine : « Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur […] Nul ne peut servir deux maîtres » (Matthieu 6, 21.24). De plus, « aucune tentation ne vous est survenue, qui passât la mesure humaine. Dieu est fidèle ; Il ne permettra pas que voussoyez tenté au-delà de vos forces. Avec la tentation, Il vous donnera le moyen d’en sortir et la force de la supporter » (1 Corinthiens 10, 13). Cette affirmation de l’Apôtre est particulièrement importante. Elle apporte la sérénité et la confiance dans la lutte pour la sainteté. Ces moyens que Dieu donne pour surmonter les épreuves de la vie spirituelle, nous les recevons dans la prière — avec sa composante de mortification volontaire de nos sens — et dans la fréquentation des sacrements. Car, « sans moi, vous ne pouvez rien faire » (Jean 15, 5), mais « tout est possible à celui qui croit » (Marc 2, 23).
Le péché n’est donc pas inéluctable. Dire : « c’est plus fort que moi », « c’est dans ma nature », « je suis comme cela », n’est qu’une excuse au manque d’effort pour prendre les moyens d’affronter la tentation avec un moral de vainqueur et le désir sincère de ne pas offenser Dieu. -
7 octobre : Notre-Dame du Rosaire
Aujourd’hui, 7 octobre, l’Église célèbre la Sainte Vierge sous l’invocation de Notre-Dame du Rosaire.
Le pape Léon XIII écrivait que, parmi ses différents titres, « le rosaire a celui-ci de très remarquable qu’il a été institué surtout pour implorer le patronage de la Mère de Dieu contre les ennemis du nom chrétien. À ce point de vue, personne n’ignore qu’il a souvent et beaucoup servi à soulager les maux de l’Église […] (voir la note du 1er octobre 2006). Nous donc, en l’honneur de Marie, la très auguste Mère de Dieu, en souvenir perpétuel du secours demandé par tous les peuples à son Cœur très pur en ce mois d’octobre, en témoignage perpétuel du très grand espoir que Nous mettons en cette Mère très aimante ; pour obtenir chaque jour davantage de sa bienfaisante protection, Nous voulons et décrétons que dans les litanies de Lorette, après l’invocation « Reine conçue sans le péché originel », soit ajoutée la formule : « Reine du très saint Rosaire, priez pour nous » (lettre apostolique Salutaris illa, 24 décembre 1883).
« Le début du chemin, dont le terme est d’être complètement fou de Jésus, est un amour confiant envers Marie.
— Veux-tu aimer la Sainte Vierge ? — Eh bien ! fréquente-la. Comment ? — En priant bien le Rosaire.
Mais, dans le Rosaire… nous répétons toujours les mêmes choses ! — Toujours les mêmes choses ? Et ceux qui s’aiment, ne se disent-ils pas toujours les mêmes choses l’un à l’autre ?… La monotonie de ton Rosaire ne viendrait-elle pas de ce que, au lieu de prononcer des mots comme un homme, tu émets des sons comme un animal, l’esprit très loin de Dieu ? Écoute encore ceci : le mystère que nous allons contempler est indiqué avant chaque dizaine. — Est-ce que toi… tu as jamais contemplé ces mystères ?
Fais-toi petit. Viens avec moi et — c’est là le point central de ma confidence — nous vivrons la vie de Jésus, de Marie et de Joseph.
Chaque jour nous leur rendrons un nouveau service. Nous écouterons leurs conversations familiales. Nous verrons grandir le Messie. Nous admirerons ses trente ans de vie cachée… Nous serons présents à sa Passion et à sa Mort… Nous serons éblouis par la gloire de sa Résurrection…
En un mot : fous d’Amour (il n’y a pas d’autre amour que l’Amour), nous contemplerons tous les instants de la vie de Jésus-Christ» (saint Josémaria, Saint Rosaire, au lecteur). -
Agir en enfant de Dieu
Par son exemple et ses paroles, Jésus nous a appris à nous adresser filialement à Dieu, notre père, en toutes circonstances. Le dialogue avec notre Père ne doit pas se limiter à quelques moments de notre vie ; il ne dépend pas non plus de sentiments passagers ni de la seule imagination. C’est l’attitude logique d’un enfant conscient que son Père est unique et le plus formidable de tous, qu’il peut tout.
Même si Jésus se retire à l’écart pour s’adresser à son Père, il le prie également souvent alors qu’il se trouve avec ses disciples ou même une foule bruyante et exubérante qui se presse pour l’entendre ou attend qu’il fasse des miracles. « Je te bénis, Père du ciel et de la terre pour avoir caché cela à ceux qui ont la science et l’entendement et pour l’avoir révélé aux tout petits » (Matthieu 11, 25).
Avant de ressusciter son ami Lazare, Jésus dit : « Père, je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé » (Jean 11, 41).
Au moment de multiplier les pains et les poissons pour donner à manger à une foule évaluée à cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants, Jésus « lève les yeux au ciel » (Luc 9, 16).
Le Jeudi saint, dans la solitude de Gethsémani et l’agonie dans laquelle il entre, le Seigneur prie ainsi : « Père, si tu veux bien, écarte de moi cette coupe ! Cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne » (Luc 22, 42)
Le lendemain — Vendredi saint — au Calvaire, Jésus s’adresse encore à son Père : « Père, je remets mon esprit entre tes mains » (Luc 23, 46).
Cette relation filiale est constitutive de notre condition humaine élevée à l’ordre de la grâce. Elle doit donc commander le comportement entier du chrétien. Notre conversation devrait être la conversation d’un enfant de Dieu, notre travail, le travail d’un enfant de Dieu, notre vie de famille, la vie de famille d’un enfant de Dieu, notre amitié, l’amitié d’un enfant de Dieu, nos vertus, les vertus d’un enfant de Dieu, qui fait pleinement confiance à son Père pour le conduire jour après jour sur la voie de la sainteté, d’un progrès réel dans le bien. « Je vous veux rebelles, libres de tout lien, car je vous veux — le Christ nous veut — enfants de Dieu. Esclavage ou filiation divine : voilà le dilemme de notre vie. Ou enfants de Dieu ou esclaves de l’orgueil, de la sensualité, de cet égoïsme angoissé dans lequel tant d’âmes semblent se débattre » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 38). -
Le péché originel (6 & fin)
4. La restauration de l’ordre brisé. « L’homme sans Dieu ne peut pas se comprendre lui-même, et il ne peut pas non plus s’accomplir sans Dieu. Jésus-Christ est venu dans le monde avant tout pour rendre chacun de nous conscient de cela. Sans lui, cette dimension fondamentale de la vérité sur l’homme s’enfoncerait aisément dans l’obscurité » (Jean-Paul II, lettre Dilecti amici à tous les jeunes du monde, 31 mars 1985, n° 4). Dieu est de nouveau sorti à la rencontre de l’homme, en la personne de Jésus. Par sa mort sur la Croix et sa Résurrection, le Christ permet à l’homme de se réconcilier avec Dieu le Père, de retrouver sa condition d’enfant de Dieu et la possibilité d’accéder au ciel au terme de sa vie. Toutefois, cela dépend de la réponse libre de chacun à la grâce. Et cela demande de lutter contre le mal et de chercher à faire le bien, d’user de sa liberté, non contre Dieu, mais pour lui, car la vraie liberté consiste à choisir le bien et le Bien ultime qui est Dieu lui-même.
« Ignorer que l’homme a une nature blessée, inclinée au mal, donne lieu à de graves erreurs dans le domaine de l’éducation, de la politique, de l’action sociale et des mœurs » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 407). Cette affirmation devrait paraître une lapalissade, mais ne semble pas l’être cependant. Or, le monde « tout entier gît au pouvoir du mauvais » (1 Jean 5, 19), qui possède une certaine domination sur l’homme, sans toutefois détenir le pouvoir de le forcer à pécher : l’homme reste libre de ses actes. « Un dur combat contre les puissances des ténèbres passe à travers toute l’histoire des hommes ; commencé dès les origines, il durera, le Seigneur nous l’a dit, jusqu’au dernier jour. Engagé dans cette bataille, l’homme doit sans cesse combattre pour s’attacher au bien ; et non sans grands efforts, avec la grâce de Dieu, il parvient à réaliser son unité intérieure » (concile Vatican II, constitution pastorale Gaudium et spes, n° 37).
Le Christ est le nouvel Adam, « l’aîné d’une multitude de frères » (Romains 8, 29). « De même que par la désobéissance d’un seul homme [Adam] tous les autres ont été constitués pécheurs, pareillement aussi par l’obéissance d’un seul [le Christ] tous les autres sont constitués justes » (Romains 5, 19).
Par sa mort, le Christ offre la possibilité du rachat des péchés. Il institue des sacrements, qui sont les sources de la grâce et permettent d’appliquer les fruits de la Rédemption à chaque âme, une par une. Le péché originel est effacé au moment où un être humain reçoit le sacrement du baptême. Par le baptême « nous sommes libérés du péché [originel] et régénérés comme fils de Dieu [par l’adoption surnaturelle], nous devenons membres du Christ et nous sommes incorporés à l'Église et faits participants à sa mission » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1213).
Dieu n’a pas choisi la voie de la facilité. En acceptant de souffrir et de passer par la mort pour le rachat des péchés des hommes de tous les temps, il nous montre la vraie valeur de la souffrance et de la mort inhérentes à la condition humaine : elles sont à replacer dans le cadre de son Sacrifice, que la messe rend présent. Unies à ce Sacrifice, elles entrent dans les plans de la Rédemption et font partie des « offrandes spirituelles » que les hommes sont invités à offrir conjointement au pain et au vin que les paroles du prêtre — les paroles consécratoires — vont vraiment transformer en Corps et Sang du Christ.
Le péché reste un mystère, et un « mystère d’iniquité » (2 Thessaloniciens 2, 7), dit saint Paul. À ce mystère d’iniquité s’oppose le « mystère de la piété » (1 Timothée 3, 16), c’est-à-dire le mystère du Christ lui-même, « capable de pénétrer jusqu’aux racines cachées de notre iniquité, pour susciter dans l’âme un mouvement de conversion, pour la racheter et déployer ses voiles vers la réconciliation » (Jean-Paul II, exhortation apostolique Réconciliation et pénitence, n° 20).
En présence de ce Dieu qui n’a pas hésité à envoyer son Fils pour nous tirer d’affaire, nous sommes émerveillés. Il faut que Dieu nous aime et tienne à nous pour qu’il ait voulu payer le prix fort. Semblable comportement de la part de Dieu devrait être une invitation à nous comporter envers lui de façon responsable, c’est-à-dire à écouter sa voix. « N’endurcissez pas vos cœurs comme au jour de l’exaspération, au jour de la tentation dans le désert, quand vos pères me tentèrent et me mirent à l’épreuve, eux qui avaient vu mes œuvres » (Hébreux 3, 8). « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs » (Hébreux 4, 7). -
Le péché originel (3)
La concupiscence
Une des conséquences du péché originel est, avons-nous dit, la présence de la concupiscence dans la nature humaine. Le terme vient du latin concupiscere, « désirer ardemment ». Cette concupiscence se manifeste sur trois plans, comme saint Jean l’exprime : « convoitise de la chair, convoitise des yeux et orgueil des richesses » (1 Jean 2, 16). « En soi, la concupiscence n’est pas un péché ; elle ne peut causer de dommage à ceux qui n’y consentent pas et lui résistent avec la grâce de Jésus-Christ » (D. Le Tourneau, Les mots du christianisme, Paris, 2005).
« La concupiscence de la chair ne se limite pas exclusivement au désordre de la sensualité, mais qu’elle comprend aussi la commodité, le manque d’enthousiasme, qui nous font rechercher ce qu’il y a de plus facile, de plus agréable, le chemin apparemment le plus court, quitte à faire des concessions dans notre fidélité à Dieu. […]
Nous pouvons et nous devons lutter contre la concupiscence de la chair car, si nous sommes humbles, la grâce du Seigneur nous sera toujours accordée.
Notre autre ennemi, écrit saint Jean, c’est la convoitise des yeux, c’est une avarice radicale, qui nous pousse à n’attacher de prix qu’a ce qui peut se toucher. Nos yeux demeurent comme collés aux choses de la terre et, de ce fait, sont incapables de découvrir les réalités surnaturelles. C’est pourquoi nous pouvons employer les mots de la Sainte Écriture pour nous référer non seulement à l’avarice des biens matériels, mais aussi à cette déformation qui consiste à n’observer tout ce qui nous entoure — les autres, les événements de notre vie et de notre époque — qu’avec une vision humaine.
Les yeux de notre âme se troublent ; notre raison croit pouvoir tout comprendre par elle-même sans avoir besoin de Dieu. Tentation subtile, s’abritant derrière la dignité de cette intelligence que Dieu notre Père a donnée à l’homme pour Le connaître et L’aimer librement. Entraînée par une telle tentation, l’intelligence humaine finit par se considérer comme le centre de l’univers, par croire une nouvelle fois au « vous serez comme des dieux » (Genèse 3, 5) et, toute remplie d’amour pour elle-même, par tourner le dos à l’amour de Dieu.
C’est ainsi que notre existence peut se livrer totalement aux mains de son troisième ennemi : la superbia vitæ. Elle ne concerne pas seulement les pensées éphémères de vanité ou d’amour-propre : il s’agit plutôt ici d’une enflure générale. Ne nous y trompons pas, c’est bien là le pire des maux, la racine de tous nos égarements. Notre lutte contre l’orgueil doit être constante, car ce n’est pas pour rien que l’on dit, de façon imagée, que cette passion meurt un jour après notre mort. C’est la morgue du pharisien, que Dieu refuse de justifier, parce qu’Il se heurte en lui à une barrière de suffisance. C’est l’arrogance qui nous amène à mépriser les autres, à les dominer, à les maltraiter: car « là où il y a orgueil, il y a offense et déshonneur » (Proverbes 11, 2) » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, nos 5-6).
(à suivre…) -
Ste Écriture (7)
Nous voulons donc non seulement connaître la Parole révélée mais en vivre, car le Maître et Seigneur (cf. Jean 13, 13-14) veut que nous portions « du fruit en abondance » (Jean 15, 8). Or, nous dit saint Jean Damascène, « comme un arbre planté au long d’un cours d’eau, ainsi l’âme, irriguée par les divines Écritures, se trouve ornée de feuillages verts, c’est-à-dire d’œuvres qui sont belles devant Dieu » (De fide orthodoxa 4, 17). « Tout ce qui a été écrit par avance a été écrit pour notre instruction », proclame saint Paul, qui ajoute que c’est « afin que par la patience et la consolation que donnent les Écritures nous possédions l’espérance » (Romains 14, 4). La connaissance des Écritures instruit dans la foi, renforce l’espérance des biens à venir, console dans les épreuves intérieures et extérieures. Comme l’écrit encore saint Paul, « toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour redresser, pour éduquer dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit parfaitement équipé pour faire toute œuvre bonne » (2 Timothée 3, 16-17).
Telle est la suprême aspiration du chrétien, avec l’aide de la grâce de Dieu naturellement. Comme Jean-Paul II l’explique en se fondant indéniablement sur son expérience : « Apprendre à lire la Sainte Écriture est fondamental pour le croyant : c’est la première marche d’un escalier, qui se poursuit pas la méditation,puis par l’oraison proprement dite. Prier en partant de la lecture biblique est le chemin royal de la spiritualité chrétienne. Celui qui sait y consacrer le temps et les efforts nécessaires en recueille des fruits abondants » (Angélus, 20 juillet 1997).
Saint Josémaria, quant à lui, donnait un conseil pratique : « Pour approcher le Seigneur à travers les pages du saint Évangile, je vous recommande toujours de faire l’effort d’entrer dans la scène, d’y participer comme un personnage de plus. Je connais nombre d’âmes, normales et courantes qui le font. Ainsi, vous serez absorbés comme Marie, suspendue aux lèvres de Jésus ou, comme Marthe, vous oserez lui faire part sincèrement de vos soucis, mêmes les plus insignifiants (cf. Lc 10, 39-40) » (Amis de Dieu, n° 222). Et il précisait le « secret » de la vie chrétienne : « Suivre le Christ : voilà le secret. L’accompagner de si près que nous vivions avec lui, comme ses douze premiers apôtres ; de si près que nous nous identifiions à lui. Nous ne tarderons pas à affirmer, si nous ne mettons pas d’obstacle à l’action de la grâce, que nous nous sommes revêtus de notre Seigneur Jésus-Christ (cf. Romains 13, 14). Le Seigneur se reflète en notre conduite comme dans un miroir » (Ibid., n° 299).
(à suivre…)