Je commence par une citation de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur d’un gouvernement de gauche, pour que l’on ne pense pas que l’Église veut récupérer la devise de la République. Il déclarait en 1997, à Strasbourg, que « la liberté, inséparable de la responsabilité de la personne, et surtout l’égalité des hommes entre eux, par-delà les différences ethniques, sociales, physiques ou intellectuelles, sont largement des inventions chrétiennes. S’agissant de l’égalité […], on ne peut qu’admirer l’audace à proprement parler révolutionnaire des Évangiles […]. Quant à la fraternité, elle est une traduction […] de l’agapè du Nouveau Testament ».
Pour sa part, le pape Jean-Paul II s’était exprimé en des termes semblables dans l’homélie qu’il avait prononcé le 1er juin 1980, au Bourget, homélie au cours de laquelle il avait lancé à la France une apostrophe restée célèbre : « France, fille aînée de l’Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? » Sur le point qui nous occupe aujourd’hui, il affirme que, « au fond, ce sont là des idées chrétiennes. Je le dis tout en ayant bien conscience que ceux qui ont formulé ainsi, les premiers, cet idéal, ne se référaient pas à l’alliance de l’homme avec la sagesse éternelle. Mais ils voulaient agir pour l’homme ».
Est-ce une litote ? On a montré, en tout cas, que « l’histoire du triptyque républicain est celle d’un changement de camp, au sens strict du terme. Il ne s’agit pas d’un héritage tranquillement accepté ou d’une dépendance filialement reconnue, mais de la prise de possession d’une formule qui, par les échos, les connotations, les souvenirs qu’elle réveillait, par sa très forte charge émotionnelle, était une arme dans le combat idéologique du temps, un acte de langage » (Jean-Louis Quantin, « Aux origines religieuses de la devise républicaine. Quelques jalons de Fénelon à Condorcet », Communio 14 (1989), p. 33).
En tout cas, Léon XIII précisait le sens des termes employés : « Nous parlons donc ici de la liberté des enfants de Dieu au nom de laquelle nous refusons d’obéir à des maîtres iniques qui s’appellent Satan et les mauvaises passions. Nous parlons de la fraternité qui nous rattache à Dieu comme au Créateur et Père de tous les hommes. Nous parlons de l’égalité qui, établie sur les fondements de la justice et de la charité, ne rêve pas de supprimer toute distinction entre les hommes, mais excelle à faire de la variété des conditions et des devoirs de la vie une harmonie admirable et une sorte de merveilleux concert dont profitent les intérêts et la dignité de la vie civile » (lettre encyclique du 20 avril 1884).
Qui s’intéresse à ce sujet pourra lire le livre de Michel Borgetto, La devise « Liberté, Égalité, Fraternité », Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », n° 3196.
spiritualité - Page 50
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Liberté, égalité, fraternité
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3. La liberté humaine
La liberté de l’être humain « est le pouvoir, enraciné dans la raison et la volonté, d’agir ou de ne pas agir, de faire ceci ou cela, de poser ainsi par soi-même des actes délibérés. Par le libre-arbitre, chacun dispose de soi. La liberté est en l’homme une force de croissance et de maturation dans la vérité et la bonté. La liberté atteint sa perfection quand elle est ordonnée à Dieu, notre béatitude » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1731). « Tant qu’elle ne s’est pas fixée définitivement dans son bien ultime qu’est Dieu, la liberté implique la possibilité de choisir entre le bien et le mal, donc celle de grandir en perfection ou de défaillir et de pécher » (Ibid., n° 1732). « La liberté de l’homme est finie et faillible. De fait, l’homme a failli. Librement il a péché […], il s’est trompé lui-même ; il est devenu esclave du péché » (Ibid., n° 1739). La liberté est un « signe privilégié de l’image divine » dans l’homme (Concile Vatican II, constitution pastorale sur l’Église dans le monde Gaudium et spes, n° 17 ).
En utilisant bien sa liberté, la personne humaine trouve sa perfection dans la recherche et l’amour du vrai et du bien (cf. Catéchisme de l’Église catholique, n° 1704) et augmente sa ressemblance avec l’image de Dieu à laquelle elle a été créée (cf. Genèse 1, 27). En effet, comme l’Apôtre l’exprime, « nous tous, dont le visage découvert réfléchit la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, toujours plus glorieux, comme sous l’action du Seigneur qui est esprit » (2 Corinthiens 3, 18). L’homme atteint ainsi peu à peu la perfection, qui est la fin et la félicité de la personne humaine, et qui atteindra sa plénitude au ciel, dans la vision de Dieu « face à face » (1 Corinthiens 13, 12) : « Nous lui serons semblables, parce que nous Le verrons tel qu’il est » (1 Jean 3, 2). L’homme est appelé à connaître Dieu (cf. Ibid., n° 1721), à « la vie parfaite avec la Très Sainte Trinité », qui est la « réalisation des aspirations les plus profondes de l’homme, l’état de bonheur suprême et définitif » (Ibid., n° 1024). La gloire de Dieu, c’est que l’homme atteigne cette perfection et soit heureux ; et la félicité de l’homme, c’est de rendre gloire à Dieu (cf. Ibid., 294) : « La gloire de Dieu, c’est que l’homme vive, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu » (Saint Irénée, Adversus hæreses 4, 20, 7).
Pour y parvenir, l’homme a la loi éternelle à sa disposition, comme une carte qui indique la route à suivre. On appelle loi éternelle le plan de la Sagesse divine pour conduire toute la création jusqu’à sa fin (cf. Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, I-II, q. 93, a. 1, c). À travers la loi éternelle, « Dieu, dans son dessein de sagesse et d'amour, règle, dirige et gouverne le monde entier, ainsi que les voies de la communauté humaine » (concile Vatican II, déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ, n° 3). Par sa nature, l’homme participe à cette loi éternelle. Il faut parler maintenant de cette participation, appelée loi naturelle.
(à suivre…) -
2. La moralité des actes humains
Est humain un acte de l’homme ou de la femme qui est libre et volontaire. N’est donc pas humain en ce sens l’acte de l’enfant qui n’a pas encore atteint l’usage de la raison, pas plus que celui du fou, du moins dans les moments où il n’est pas lucide. « Les actes humains, c’est-à-dire librement choisis par suite d’un jugement de conscience, sont moralement qualifiables. Ils sont bons ou mauvais » (Catéchisme de l’Église catholique, n°1749). Ils peuvent aussi être indifférents du point de vue de leur qualification morale : il est indifférent, par exemple, que j’écrive ce texte sur la toile ou sur une feuille de papier, debout ou assis. « L’agir est moralement bon quand les choix libres sont conformes au vrai bien de l’homme et manifestent ainsi l’orientation volontaire de la personne vers sa fin ultime, à savoir Dieu lui-même » (Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, 6 août 1993, n° 72). « La question initiale du dialogue entre le jeune homme et Jésus : « Que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? » (Matthieu 19, 16) met immédiatement en évidence le lien essentiel entre la valeur morale d’un acte et la fin ultime de l’homme […]. La réponse de Jésus et la référence aux commandements manifestent aussi que la voie qui mène à cette fin est marquée par le respect des lois divines qui sauvegardent le bien humain. Seul l’acte conforme au bien peut être la voie qui conduit à la vie » (Ibid.).
Il s’ensuit une conséquence importante : la qualification morale d’un acte humain, le fait qu’il soit moralement bon ou moralement mauvais, n’est pas une notion acquise par un vote populaire ou démocratique ; elle n’est pas davantage le fruit de sondages ou l’adaptation à un consensus, à ce que l’on appelle de nos jours la pensée « politiquement correcte ». La qualification morale des actes humains échappe en partie à l’emprise de l’homme, en ce sens que la référence qui permet de juger de la moralité n’est pas l’impression du moment, la sensation ou le profit que j’en retire, mais l’adéquation de mon acte à la loi morale objective, c’est-à-dire à la loi divine inscrite par Dieu dans la nature humaine, présentée sous la forme d’un droit positif que sont les Dix commandements remis par Dieu à Moïse (cf. Exode 24, 12-18 ; Deutéronome 9, 9-10). Je disais que la qualification morale échappe « en partie » à la volonté de l’homme, parce qu’il est question ici des actes humains, donc des actes dans lesquels l’homme engage sa liberté. C’est bien lui, en définitive, qui agit et donc qui fait que le bien ou le mal soient présents sur terre, progressent ou régressent.
Intervient ici la notion de liberté, qui demande quelques précisions.
(à suivre…) -
3 décembre : L'Avent
« Dépouillez-vous du vieil homme… » (Éphésiens 4, 22-24). L’Avent qui commence aujourd’hui est que l’Église nous propose pour nous préparer à la venue de notre Seigneur, le jour de Noël. Je veux parler d’une préparation intérieure, bien entendu, non des mille lumières dont les villes se parent en bonne partie pour des raisons purement mercantiles.
Se renouveler est une tâche de tous les jours, en réalité, pour celui qui ne veut pas vivre dans la médiocrité, mais qui aspire sincèrement à la sainteté, à la perfection de la charité. L’esprit de pénitence et de componction fait partie de la vie d’un enfant de Dieu qui veut faire plaisir à son Père et qui est conscient de ne pas y arrive toujours, loin de là. « C’est dans le sacrement de la pénitence que nous nous revêtons, toi et moi, de Jésus-Christ et de ses mérites » (saint Josémaria, Chemin, n° 310).
L’avent fait naître dans notre cœur un nouveau désir de rapprocher Dieu de l’humanité et la disposition à rester éveillé pour accueillir le Sauveur. « Mais comment pourrions-nous nous réjouir dans le Seigneur, s’il est loin de nous ? demande saint Augustin. Loin ? Non, il n’est pas loin, à moins que tu ne l’aies contraint toi-même à s’éloigner de toi. Aimes, et tu le sentiras proche. Aime, et il viendra habiter en toi » (Sermons 21, 1-4).
C’est pourquoi il est bon de demander, avec le psalmiste : « Pasteur d’Israël, prête l’oreille […]. Réveille ta puissance et viens à notre secours. […] Dieu des armées, daigne venir, regarde du haut des cieux et vois, visite cette vigne. […] Que ta main se pose sur l’homme de ta droite, sur le fils de l’homme dont tu as fait ta force ! Nous ne nous écarterons plus de toi, tu nous feras revivre et nous invoquerons ton nom » (Ps 80 [79]).
« La nuit de Bethléem contient déjà la première annonce de la nuit pascale : Dieu révèle dans sa puissance salvifique à travers la faiblesse, par l’humiliation et le dénuement.
Il démontre qu’il est toujours « plus grand » par le fait qu’il « devient plus petit ».
L’Avent nous prépare à ce Paradoxe de l’Emmanuel. Emmanuel veut dire : « Dieu avec nous ».
Nous sommes habitués d’une certaine manière au fait qu’il « est avec nous ». Nous devons sans cesse redécouvrir ceci de nouveau. Nous devons encore nous émerveiller de cette stupeur de la nuit de Bethléem qui nous permet chaque année de retrouver « Dieu avec nous ». Nous devons nous pénétrer dans cet espace. Nous devons retrouver la saveur de Dieu.
De ce Dieu qui « vient »sans cesse, qui toujours « est avec nous ».
De ce Dieu qui toujours « est plus grand » précisément parce qu’il « est plus petit » : autant comme Enfant sans toit la nuit de Bethléem que comme Condamné dépouillé de tout sur la Croix au Golgotha.
Nous devons retrouver la saveur de ce Dieu :du Dieu vivant. Du Dieu de nos pères : Abraham, Isaac, Jacob. Du Dieu qui en Jésus-Christ se révéla jusqu’à la fin.
Nous devons retrouver la simple et merveilleuse saveur de ce Dieu. C’est surtout à cela que sert l’Avent » (Jean-Paul II, Homélie de la messe pour les universitaires, 17 décembre 1981).
« L’Avent est arrivé. Bonne époque pour renouveler ton désir, ta nostalgie, ton attente sincère de la venue du Christ ! De sa venue quotidienne dans ton âme grâce à l’Eucharistie ! — « Ecce veniet ! »— Il vient ! nous dit l’Église pour nous encourager » (saint Josémaria, Forge, n° 548). -
Les âmes du purgatoire
L’Église confesse que « ceux qui meurent dans la grâce et l’amitié de Dieu, mais imparfaitement purifiés, bien qu’assurés de leur salut éternel, souffrent après leur mort une purification, afin d’obtenir la sainteté nécessaire pour entrer dans la joie du ciel » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1030). Par le biais de la communion des saints, il s’établit une communication de biens spirituels entre elles et nous : nous pouvons prier pour qu’elles entrent rapidement au paradis, en offrant pour elles des suffrages (voir le texte d’hier), et elles intercèdent aussi pour nous. « Les âmes bénies du purgatoire. — Par charité, par justice et par un égoïsme bien pardonnable — elles peuvent tant auprès de Dieu — tiens-en bien compte dans tes sacrifices et dans ta prière.
Ah ! si tu pouvais dire, en parlant d’elles : « Mes bonnes amies, les âmes du purgatoire… » (saint Josémaria, Chemin, n° 571).
« Il est certain que ces pauvres âmes ne peuvent rien pour elles-mêmes, mais elles peuvent beaucoup pour nous. Cela est si vrai qu’il n’y a presque personne qui ait invoqué les âmes du purgatoire, sans avoir obtenu la grâce demandée. Cela n’est pas difficile à comprendre : si les saints qui sont dans le ciel et n’ont pas besoin de nous, s’intéressent à notre salut, combien plus encore les âmes du purgatoire, qui reçoivent nos bienfaits spirituels à proportion de notre sainteté. « Ne refusez pas cette grâce, Seigneur, disent-elles, à ces chrétiens qui donnent tous leurs soins à nous tirer des flammes ! » Une mère pourrait-elle refuser de demander au bon Dieu une grâce pour des enfants qu’elle aimés et qui prient pour sa délivrance ? Un pasteur, qui, pendant sa vie, n’aura eu que du zèle pour le salut de ses paroissiens, pourra-t-il ne pas demander pour eux, même en purgatoire, les grâces dont ils ont besoin pour se sauver ? Oui, toutes les fois que nous aurons quelque grâce à demander, adressons-nous avec confiance à ces saintes âmes, et nous sommes sûrs de l’obtenir. Quel bonheur pour nous d’avoir, dans la dévotion aux âmes du purgatoire, un moyen si excellent pour nous assurer le ciel ! » (Josse Alzin, Jean-Marie-Baptiste Vianney, saint curé d’Ars. Sermons, Namur, Éd. du Soleil Levant, 1956, p. 164-165).
Saint Thomas More a écrit un livre savoureux, sous forme de lettres à nous adressées par les âmes du purgatoire, pour prouver l’existence du purgatoire face à ceux qui la niaient et pour nous inviter à ne pas commettre les péchés qui les ont conduites à une telle situation, La Supplication des âmes. Il y dit, entre autres : « Si vous avez la bonté d’en parcourir les pages [de la Supplique], une à une, dans vos moments libres, pour l’amour de toutes nos âmes en peine, vous trouverez un antidote préventif contre le poison mortel de ces porteurs de peste qui veulent nous faire accroire que le purgatoire n’existe pas. Leur cruauté vise, non seulement à refroidir votre miséricorde à notre égard, mais à supprimer totalement l’aide et le réconfort que nous pouvions attendre de vous » (textes présentés et traduits par Germain Marc’hadour, Namur, Les Éditions du Soleil Levant, 1962, p. 140). -
Nuit de Noël
Entre les premières Vêpres de Noël et la célébration de la Messe de minuit, les nombreuses expressions de la piété populaire, diverses selon les pays, comprennent en particulier la tradition des chants de Noël, qui contribuent à transmettre le message de joie et de paix propre à cette solennité. Or, il est opportun de valoriser ces différentes expressions et, le cas échéant, de les harmoniser avec les célébrations de la Liturgie. Il convient de citer, par exemple :
— la représentation des « crèches vivantes » ; l’inauguration de la crèche familiale qui peut donner lieu à un moment de prière réunissant tous les membres de la famille. Cette prière peut comporter la lecture du récit de la naissance de Jésus dans l’Évangile selon Saint Luc, avec des chants typiques de Noël, auxquels se mêlent la supplication et la louange ; il convient que ce moment de prière soit surtout animé par les enfants, qui sont les principaux participants de cette rencontre familiale ;
— l’inauguration de l’arbre de Noël, qui se prête bien à l’organisation d’un moment de prière réunissant toute la famille. De fait, en faisant abstraction de ses origines historiques, l’arbre de Noël est devenu à notre époque un symbole dont la signification est très importante et cette coutume s’est répandue assez largement dans les milieux chrétiens ; il évoque soit l’arbre de vie planté au centre du jardin d’Éden (cf. Genèse 2, 9), soit l’arbre de la croix, et il a donc un sens christologique : le Christ, le vrai arbre de vie, est de notre lignée ; cet arbre toujours vert et portant de nombreux fruits a surgi de Marie, comme d’une terre à la fois vierge et féconde. Les évangélisateurs des pays nordiques ont introduit une ornementation chrétienne de l’arbre de Noël, où figurent surtout des symboles évoquant des pommes et des hosties, qui sont suspendues à ses branches. Il ne faut pas non plus oublier les « cadeaux » ; parmi ceux qui sont déposés aux pieds de l’arbre de Noël, certains sont destinés aux pauvres, qui doivent faire partie intégrante de toute famille chrétienne ;
— le repas du soir de Noël. La famille chrétienne qui, chaque jour, selon la tradition, demande au Seigneur de bénir la table et rend grâce à Dieu pour la nourriture qu’elle reçoit de lui, accomplira ce geste avec une intensité particulière et une grande attention au cours de ce repas du soir de Noël, au cours duquel se manifestent la solidité des liens familiaux ainsi que la joie qui en découle.
Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie, 17 décembre 2001, n°109. -
Préparation à Noël
La Neuvaine de préparation à Noël a pour origine le besoin de communiquer aux fidèles les richesses d’une Liturgie à laquelle ils n’avaient pas facilement accès. La Neuvaine de la Nativité s’est, de fait, révélée très utile, et elle peut encore continuer à remplir cette fonction salutaire. Toutefois, étant donné qu’à notre époque l’accès du peuple à la participation aux célébrations liturgiques a été facilité, il est souhaitable qu’entre le 17 et le 23 décembre, les fidèles soient invités à participer aux Vêpres, qui sont solennisées par la proclamation des « Grandes Antiennes Ô ». Une telle célébration pourrait être associée à certains éléments particulièrement chers à la piété populaire, qui pourraient être mis en valeur avant ou après les vêpres. Elle constituerait ainsi une excellente « Neuvaine de Noël » à la fois pleinement liturgique et attentive aux exigences de la piété populaire. Au cours de la célébration des Vêpres, il est possible de mettre en évidence certains éléments déjà prévus par la Liturgie (par exemple, l’homélie, l’usage de l’encens, l’adaptation des intercessions).
Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie, 17 décembre 2001, n°103.
Ces grandes antiennes qui commencent par « Ô » sont les suivantes :
17 décembre : « Ô Sagesse de la bouche du Très-Haut, toi qui régis l’univers avec force et douceur, enseigne-nous le chemin de vérité, viens, Seigneur, viens nous sauver ! »
18 décembre : « Ô Chef de ton peuple Israël, tu te révèles à Moïse dans le buisson ardent et tu lui donnes la Loi sur la montagne, délivre-nous par la vigueur de ton bras, viens, Seigneur, viens nous sauver ! »
19 décembre : « Ô Rameau de Jessé, étendard dressé à la face des nations, les rois sont muets devant toi, tandis que les peuples t’appellent : Délivre-nous, ne tarde plus, viens Seigneur, viens nous sauver ! »
20 décembre : Ô Clé de David, ô Sceptre d’Israël, tu ouvres, et nul ne fermera, tu fermes, et nul n’ouvrira : arrache les captifs aux ténèbres, viens, Seigneur, viens nous sauver ! »
21 décembre : « Ô Soleil levant, splendeur de justice et lumière éternelle, illumine ceux qui habitent dans les ténèbres et l’ombre de la mort, viens, Seigneur, viens nous sauver ! »
22 décembre : « Ô Roi de l’univers, ô Désiré des nations, pierre angulaire qui joint ensemble l’un et l’autre mur, force de l’homme pétri de limon, viens, Seigneur, biens nous sauver ! »
23 décembre : « Ô Emmanuel, notre Législateur et notre Roi, espérance et salut des nations,viens, Seigneur, viens nous sauver ! » -
2 novembre : prier pour les morts
Novembre 2 : Suffrages pour les défunts
Du latin suffragium, « recommandation », « appui », le mot « suffrage » désignait jadis les antiennes, oraisons et versets de l’office commémoratif d’un saint, au jour de sa célébration. De nos jours, le terme est employé à propos des prières et des actes de culte, qui ont une valeur satisfactoire en faveur des fidèles défunts, c’est-à-dire les âmes du purgatoire. pour l’Église catholique, les justes, dont l'âme n'est pas entièrement purifiée des péchés véniels ou de la peine temporelle due pour les péchés déjà pardonnés en confession, doivent achever de se purifier au purgatoire, afin d'être prêts à entrer au ciel. Leurs souffrances peuvent être abrégées par les suffrages que les fidèles offrent à leur intention.
Il peut s’agir de la célébration d’une ou plusieurs messes, ou de messes grégoriennes ou trentain. Dans ce dernier cas, c’est une série de trente messes dites pour le repos de l’âme d’un défunt : elles doivent être célébrées pendant trente jours consécutifs, sans interruption. On les qualifie de messes grégoriennes, car le pape saint Grégoire le Grand (590-604) aurait obtenu d’une révélation de Dieu la promesse que, grâce au trentain, l’âme serait aussitôt délivrée du purgatoire, et admise au paradis. Le demandeur verse une offrande dont le montant est déterminé par les évêques.
Les indulgences peuvent également être offertes pour les âmes du purgatoire. L’indulgence est la « rémission devant Dieu de la peine temporelle due pour les péchés dont la faute est déjà effacée [par la confession sacramentelle], rémission que le fidèle bien disposé obtient à certaines conditions déterminées, par l’action de l’Église, laquelle, en tant que dispensatrice de la rédemption, distribue et applique par son autorité le trésor des satisfactions du Christ et des saints » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1471). C’est ce qui s’appelle la « réversibilité des mérites ». L’indulgence est plénière si elle remet totalement la peine, partielle dans le cas contraire. Elle peut être obtenue pour soi ou pour les âmes du purgatoire, défunts qui ne sont pas encore parvenus au ciel. Beaucoup d’actes de culte, de prières, d’objets bénis permettent d’obtenir des indulgences. Les années saintes sont des moments privilégiés pour les indulgences.
Par le biais des suffrages s’opère la réversibilité des mérites, les mérites de l’un étant reportés sur un autre, qui participe à la « communion des saints ». L’Église étant le « Corps mystique du Christ », et en raison de la communion des saints, elle peut « reverser » les mérites « de convenance » de certains de ses fidèles à d’autres qui en ont besoin.
« L’Église offre le sacrifice eucharistique pour les défunts, non seulement au moment des funérailles, mais aussi le jour anniversaire de leur mort, spécialement le troisième, ou le septième ou encore le trentième jour après leur décès. La célébration de la Messe pour le repos de l’âme d’un défunt, que l’on a connu sur cette terre, est la manière chrétienne de se souvenir et de prolonger, dans le Seigneur, la communion avec ceux qui ont franchi le seuil de la mort. De plus, le 2 novembre, l’Église réitère l’offrande du saint sacrifice pour tous les fidèles défunts, pour lesquels elle célèbre aussi la Liturgie des Heures » (Congrégation pour la Culte divin et la Discipline des sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie, 17 décembre 2001, n° 255).
Sauf autre indication, les définitions sont prises dans D. Le Tourneau, Les mots du christianisme, Paris, Fayard). -
28 octobre : saint Simon et saint Jude
Au cours de l'audience générale du mercredi 11 octobre 2006, le pape Benoît XVI a présenté la figure des apôtres saint Simon le Cananéen et saint Jude Thaddée :
Nous prenons aujourd'hui en considération deux des douze Apôtres: Simon le Cananéen et Jude Thaddée (qu'il ne faut pas confondre avec Judas Iscariote). Nous les considérons ensemble, non seulement parce que dans les listes des Douze, ils sont toujours rappelés l'un à côté de l'autre (cf. Mt 10, 4; Mc 3, 18; Lc 6, 15; Ac 1, 13), mais également parce que les informations qui les concernent ne sont pas nombreuses, en dehors du fait que le Canon néo-testamentaire conserve une lettre attribuée à Jude Thaddée.
Simon reçoit un épithète qui varie dans les quatre listes: alors que Matthieu et Marc le qualifient de "cananéen", Luc le définit en revanche comme un "zélote". En réalité, les deux dénominations s'équivalent, car elles signifient la même chose: dans la langue juive, en effet, le verbe qana' signifie: "être jaloux, passionné" et peut être utilisé aussi bien à propos de Dieu, en tant que jaloux du peuple qu'il a choisi (cf. Ex 20, 5), qu'à propos des hommes qui brûlent de zèle en servant le Dieu unique avec un dévouement total, comme Elie (cf. 1 R 19, 10). Il est donc possible que ce Simon, s'il n'appartenait pas précisément au mouvement nationaliste des Zélotes, fût au moins caractérisé par un zèle ardent pour l'identité juive, donc pour Dieu, pour son peuple et pour la Loi divine. S'il en est ainsi, Simon se situe aux antipodes de Matthieu qui, au contraire, en tant que publicain, provenait d'une activité considérée comme totalement impure. C'est le signe évident que Jésus appelle ses disciples et ses collaborateurs des horizons sociaux et religieux les plus divers, sans aucun préjugé. Ce sont les personnes qui l'intéressent, pas les catégories sociales ou les étiquettes! Et il est beau de voir que dans le groupe de ses fidèles, tous, bien que différents, coexistaient ensemble, surmontant les difficultés imaginables: en effet, Jésus lui-même était le motif de cohésion, dans lequel tous se retrouvaient unis. Cela constitue clairement une leçon pour nous, souvent enclins à souligner les différences, voire les oppositions, oubliant qu'en Jésus Christ, nous a été donnée la force pour concilier nos différences. Rappelons-nous également que le groupe des Douze est la préfiguration de l'Eglise, dans laquelle doivent trouver place tous les charismes, les peuples, les races, toutes les qualités humaines, qui trouvent leur composition et leur unité dans la communion avec Jésus.
En ce qui concerne ensuite Jude Thaddée, il est ainsi appelé par la tradition qui réunit deux noms différents: en effet, alors que Matthieu et Marc l'appellent simplement "Thaddée" (Mt 10, 3; Mc 3, 18), Luc l'appelle "Jude fils de Jacques" (Lc 6, 16; Ac 1, 13). Le surnom de Thaddée est d'une origine incertaine et il est expliqué soit comme provenant de l'araméen taddà, qui veut dire "poitrine" et qui signifierait donc "magnanime", soit comme l'abréviation d'un nom grec comme "Théodore, Théodote". On ne connaît que peu de choses de lui. Seul Jean signale une question qu'il posa à Jésus au cours de la Dernière Cène. Thaddée dit au Seigneur: "Seigneur, pour quelle raison vas-tu te manifester à nous, et non pas au monde?". C'est une question de grande actualité, que nous posons nous aussi au Seigneur: pourquoi le Ressuscité ne s'est-il pas manifesté dans toute sa gloire à ses adversaires pour montrer que le vainqueur est Dieu? Pourquoi s'est-il manifesté seulement à ses Disciples? La réponse de Jésus est mystérieuse et profonde. Le Seigneur dit: "Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole; mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui" (Jn 14, 22-23). Cela signifie que le Ressuscité doit être vu et perçu également avec le coeur, de manière à ce que Dieu puisse demeurer en nous. Le Seigneur n'apparaît pas comme une chose. Il veut entrer dans notre vie et sa manifestation est donc une manifestation qui implique et présuppose un coeur ouvert. Ce n'est qu'ainsi que nous voyons le Ressuscité.
à Jude Thaddée a été attribuée la paternité de l'une des Lettres du Nouveau Testament, qui sont appelées "catholiques" car adressées non pas à une Eglise locale déterminée, mais à un cercle très vaste de destinataires. Celle-ci est en effet adressée "aux appelés, bien-aimés de Dieu le Père et réservés pour Jésus Christ" (v. 1). La préoccupation centrale de cet écrit est de mettre en garde les chrétiens contre tous ceux qui prennent le prétexte de la grâce de Dieu pour excuser leur débauche et pour égarer leurs autres frères avec des enseignements inacceptables, en introduisant des divisions au sein de l'Eglise "dans leurs chimères" (v. 8), c'est ainsi que Jude définit leurs doctrines et leurs idées particulières. Il les compare même aux anges déchus et, utilisant des termes forts, dit qu'"ils sont partis sur le chemin de Caïn" (v. 11). En outre, il les taxe sans hésitation de "nuages sans eau emportés par le vent; arbres de fin d'automne sans fruits, deux fois morts, déracinés; flots sauvages de la mer, crachant l'écume de leur propre honte; astres errants, pour lesquels est réservée à jamais l'obscurité des ténèbres" (vv. 12-13).
Aujourd'hui, nous ne sommes peut-être plus habitués à utiliser un langage aussi polémique qui, toutefois, nous dit quelque chose d'important. Au milieu de toutes les tentations qui existent, avec tous les courants de la vie moderne, nous devons conserver l'identité de notre foi. Certes, la voie de l'indulgence et du dialogue, que le Concile Vatican II a entreprise avec succès, doit assurément être poursuivie avec une ferme constance. Mais cette voie du dialogue, si nécessaire, ne doit pas faire oublier le devoir de repenser et de souligner toujours avec tout autant de force les lignes maîtresses et incontournables de notre identité chrétienne. D'autre part, il faut bien garder à l'esprit que notre identité demande la force, la clarté et le courage face aux contradictions du monde dans lequel nous vivons. C'est pourquoi le texte de la lettre se poursuit ainsi: "Mais vous, mes bien-aimés, - il s'adresse à nous tous - que votre foi très sainte soit le fondement de la construction que vous êtes vous-mêmes. Priez dans l'Esprit Saint, maintenez-vous dans l'amour de Dieu, attendant la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ en vue de la vie éternelle. Ceux qui sont hésitants, prenez-les en pitié..." (vv. 20-22). La Lettre se conclut sur ces très belles paroles: "Gloire à Dieu, qui a le pouvoir de vous préserver de la chute et de vous rendre irréprochables et pleins d'allégresse, pour comparaître devant sa gloire: au Dieu unique, notre Sauveur, par notre Seigneur Jésus Christ, gloire, majesté, force et puissance, avant tous les siècles, maintenant et pour tous les siècles. Amen" (vv. 24-25).
On voit bien que l'auteur de ces lignes vit en plénitude sa propre foi, à laquelle appartiennent de grandes réalités telles que l'intégrité morale et la joie, la confiance et, enfin, la louange; le tout n'étant motivé que par la bonté de notre unique Dieu et par la miséricorde de notre Seigneur Jésus Christ. C'est pourquoi Simon le Cananéen, ainsi que Jude Thaddée, doivent nous aider à redécouvrir toujours à nouveau et à vivre inlassablement la beauté de la foi chrétienne, en sachant en donner un témoignage à la fois fort et serein.
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L’obéissance de Jésus
« À faire ton bon plaisir, mon Dieu, je me complais » (Psaume 40 [39], 9). « Il dit : Voici que je viens pour faire ta volonté » (Hébreux 10, 9). Le Christ pour nous « s’est fait obéissant jusqu’à la mort, et à la mort sur la Croix » (Philippiens 2, 8).
Jésus-Christ « était soumis » (Luc 2, 51) à ses parents, comme n’importe quel enfant, plus que n’importe quel enfant, car il était « Dieu parfait et homme parfait » (Symbole d’Athanase). Il s’est soumis également à la Loi juive donnée au peuple élu par son Père : « Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sous la Loi,pour racheter ceux qui étaient sous la Loi, afin que nous recevions la qualité de fils » (Galates 4, 4). Et ils respectent les prescriptions liturgiquement rituelles, il se rend à la synagogue le jour du sabbat, et au Temple de Jérusalem à l’occasion des grandes fêtes.
Mais Jésus a compris vraiment ce qu’est l’obéissance dans les souffrances qu’il a endurées librement : « J’ai le pouvoir de la donner [ma vie] et j’ai le pouvoir de la recouvrer ensuite » (Jean 10, 18).
Il ne l’a pas apprise dans l’entrée triomphale à Jérusalem, quand, au comble de l’exaltation que soulevaient des considérations trop humaines, le peuple criait et chantait : « Hosanna ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (Jean 12, 13). Il ne l’a pas apprise non plus quand les foules émerveillées de la multiplication des pains et des poissons voulaient s’emparer de lui pour le proclamer roi à la place du monarque régnant (voir Jean 6, 15). Il ne l’a pas davantage apprise quand ses auditeurs constataient que « jamais homme n’a parlé comme cet homme » (Jean 7, 46), ni quand, admiratifs, ils s’exclamaient : « Il a tout fait à la perfection » (Marc 7, 37) et qu’ils rendaient grâces à Dieu parce qu’« un grand prophète a surgi parmi nous » (Luc 7, 16).
Non ! Mais c’est dans l’agonie, la Passion et sur la Croix que Jésus prend toute la mesure de l’obéissance. Son être résiste, éprouve de la répugnance pour ce Sacrifice, la peur et l’angoisse : « Mon âme est triste à en mourir » (Matthieu 26, 38). « Mon Père, si c’est possible que cette coupe passe loin de moi » (Matthieu 26, 39). Et Jésus transpire d’une sueur mêlée d’eau et de sang : « Sa sueur devint comme de grosses gouttes de sang qui tombaient à terre » (Luc 22, 44). Mais Jésus va jusqu’au bout. Il avait déjà demandé à son Père d’être « préservé de cette heure », ajoutant : « Mais c’est pour cela que je suis arrivé à cette heure » (Jean 12, 27). Aussi ajoute-t-il dans sa prière à Gethsémani : « Cependant que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne » (Luc 22, 42).
Donner sa vie pour les autres : tel est le sens de la vie du Christ. Elle ouvre le chemin du chrétien, chemin de renoncement à soi dans les petites choses de la vie ordinaire, pour que la présence de la Croix aide à accomplir en tout la sainte volonté de Dieu, qui se ramène à nous sanctifier et à être apôtre, témoin du Christ et de l’Évangile, pour aider les autres à se sanctifier eux aussi.
« Jésus, qui s’est fait enfant — méditez bien cela — a vaincu la mort. Par son anéantissement, par sa simplicité, par son obéissance, par la divinisation de la vie courante et vulgaire des créatures, le Fils de Dieu s’est rendu vainqueur.
Voilà quel a été le triomphe de Jésus-Christ. C’est ainsi qu’il nous a élevés à sa hauteur, celle des enfants de Dieu, en descendant à notre niveau, celui des enfants des hommes » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 21).