Un jour, pendant un repas, le général Leclerc dit brusquement à sa femme : "Au fond, je n'ai eu de courage qu'une seule fois dans ma vie : le soir de mon entrée à Saint-Cyr." La mère du général lui avait fait promettre de ne jamais manquer à sa prière. Le soir de l'entrée à Saint-Cyr, ils étaient soixante dans la même chambrée. Que faire ? Philippe de Hautecloque appartenait à une race où l'on sait ce que c'est que la parole donnée. Il se mit à genoux auprès de son lit, fit posément un très beau signe de croix et fit tranquillement sa prière de A jusqu'à Z. Il reçut immédiatement une nuée d'invectives et de projectiles de toute nature : polochons, ceinturons, calots, objets hétéroclites. Crânement, il alla jusqu'au bout sans se hâter. Le lendemain, les camarades apprirent que celui sur lequel ils s'étaient acharnés s'appelait Philippe de Hautecloque et constatèrent qu'il n'avait pas l'air plus "sot" qu'un autre. Le second soir, il recommença. Il y avait déjà un autre camarade qui faisait sa prière avec lui. Tous les deux reçurent autant de projectiles que la veille. Mais, à la fin du trimestre, toute la chambrée faisait sa prière ensemble, en silence.
Rapporté par le P. Caillon, Familles vivantes, février 1980.