La concupiscence
Une des conséquences du péché originel est, avons-nous dit, la présence de la concupiscence dans la nature humaine. Le terme vient du latin concupiscere, « désirer ardemment ». Cette concupiscence se manifeste sur trois plans, comme saint Jean l’exprime : « convoitise de la chair, convoitise des yeux et orgueil des richesses » (1 Jean 2, 16). « En soi, la concupiscence n’est pas un péché ; elle ne peut causer de dommage à ceux qui n’y consentent pas et lui résistent avec la grâce de Jésus-Christ » (D. Le Tourneau, Les mots du christianisme, Paris, 2005).
« La concupiscence de la chair ne se limite pas exclusivement au désordre de la sensualité, mais qu’elle comprend aussi la commodité, le manque d’enthousiasme, qui nous font rechercher ce qu’il y a de plus facile, de plus agréable, le chemin apparemment le plus court, quitte à faire des concessions dans notre fidélité à Dieu. […]
Nous pouvons et nous devons lutter contre la concupiscence de la chair car, si nous sommes humbles, la grâce du Seigneur nous sera toujours accordée.
Notre autre ennemi, écrit saint Jean, c’est la convoitise des yeux, c’est une avarice radicale, qui nous pousse à n’attacher de prix qu’a ce qui peut se toucher. Nos yeux demeurent comme collés aux choses de la terre et, de ce fait, sont incapables de découvrir les réalités surnaturelles. C’est pourquoi nous pouvons employer les mots de la Sainte Écriture pour nous référer non seulement à l’avarice des biens matériels, mais aussi à cette déformation qui consiste à n’observer tout ce qui nous entoure — les autres, les événements de notre vie et de notre époque — qu’avec une vision humaine.
Les yeux de notre âme se troublent ; notre raison croit pouvoir tout comprendre par elle-même sans avoir besoin de Dieu. Tentation subtile, s’abritant derrière la dignité de cette intelligence que Dieu notre Père a donnée à l’homme pour Le connaître et L’aimer librement. Entraînée par une telle tentation, l’intelligence humaine finit par se considérer comme le centre de l’univers, par croire une nouvelle fois au « vous serez comme des dieux » (Genèse 3, 5) et, toute remplie d’amour pour elle-même, par tourner le dos à l’amour de Dieu.
C’est ainsi que notre existence peut se livrer totalement aux mains de son troisième ennemi : la superbia vitæ. Elle ne concerne pas seulement les pensées éphémères de vanité ou d’amour-propre : il s’agit plutôt ici d’une enflure générale. Ne nous y trompons pas, c’est bien là le pire des maux, la racine de tous nos égarements. Notre lutte contre l’orgueil doit être constante, car ce n’est pas pour rien que l’on dit, de façon imagée, que cette passion meurt un jour après notre mort. C’est la morgue du pharisien, que Dieu refuse de justifier, parce qu’Il se heurte en lui à une barrière de suffisance. C’est l’arrogance qui nous amène à mépriser les autres, à les dominer, à les maltraiter: car « là où il y a orgueil, il y a offense et déshonneur » (Proverbes 11, 2) » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, nos 5-6).
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Le péché originel (3)
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Ste Écriture (7)
Nous voulons donc non seulement connaître la Parole révélée mais en vivre, car le Maître et Seigneur (cf. Jean 13, 13-14) veut que nous portions « du fruit en abondance » (Jean 15, 8). Or, nous dit saint Jean Damascène, « comme un arbre planté au long d’un cours d’eau, ainsi l’âme, irriguée par les divines Écritures, se trouve ornée de feuillages verts, c’est-à-dire d’œuvres qui sont belles devant Dieu » (De fide orthodoxa 4, 17). « Tout ce qui a été écrit par avance a été écrit pour notre instruction », proclame saint Paul, qui ajoute que c’est « afin que par la patience et la consolation que donnent les Écritures nous possédions l’espérance » (Romains 14, 4). La connaissance des Écritures instruit dans la foi, renforce l’espérance des biens à venir, console dans les épreuves intérieures et extérieures. Comme l’écrit encore saint Paul, « toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour redresser, pour éduquer dans la justice, afin que l’homme de Dieu soit parfaitement équipé pour faire toute œuvre bonne » (2 Timothée 3, 16-17).
Telle est la suprême aspiration du chrétien, avec l’aide de la grâce de Dieu naturellement. Comme Jean-Paul II l’explique en se fondant indéniablement sur son expérience : « Apprendre à lire la Sainte Écriture est fondamental pour le croyant : c’est la première marche d’un escalier, qui se poursuit pas la méditation,puis par l’oraison proprement dite. Prier en partant de la lecture biblique est le chemin royal de la spiritualité chrétienne. Celui qui sait y consacrer le temps et les efforts nécessaires en recueille des fruits abondants » (Angélus, 20 juillet 1997).
Saint Josémaria, quant à lui, donnait un conseil pratique : « Pour approcher le Seigneur à travers les pages du saint Évangile, je vous recommande toujours de faire l’effort d’entrer dans la scène, d’y participer comme un personnage de plus. Je connais nombre d’âmes, normales et courantes qui le font. Ainsi, vous serez absorbés comme Marie, suspendue aux lèvres de Jésus ou, comme Marthe, vous oserez lui faire part sincèrement de vos soucis, mêmes les plus insignifiants (cf. Lc 10, 39-40) » (Amis de Dieu, n° 222). Et il précisait le « secret » de la vie chrétienne : « Suivre le Christ : voilà le secret. L’accompagner de si près que nous vivions avec lui, comme ses douze premiers apôtres ; de si près que nous nous identifiions à lui. Nous ne tarderons pas à affirmer, si nous ne mettons pas d’obstacle à l’action de la grâce, que nous nous sommes revêtus de notre Seigneur Jésus-Christ (cf. Romains 13, 14). Le Seigneur se reflète en notre conduite comme dans un miroir » (Ibid., n° 299).
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Ste Écriture (3)
« La Sainte Écriture doit être lue et interprétée à la lumière du même Esprit qui la fit rédiger » (concile Vatican II, const. dogm. Dei Verbum, n° 12 § 3). Car l’Esprit « a laissé des traces de sagesse dans toutes les Écritures, y compris les plus modestes » (Origène, Selecta in psalmos 4). C’est pourquoi celui qui lit l’Écriture en invoquant l’Esprit Saint voit se développer en lui le don de sagesse. Et la sagesse conduit le lecteur à s’identifier à l’esprit du Christ, à partager ses sentiments. C’est à cela que saint Paul exhortait les fidèles de l’Église de Philippe (2, 5) : « Ayez entre vous les sentiments mêmes qui étaient ceux du Christ Jésus ». Le Christ a fait don de l’Esprit à l’homme et, en retour, l’Esprit communique à l’homme l’esprit du Christ pour vivre en hommes spirituels et non en hommes charnels (cf. 1 Corinthiens 3, 1 et suivants). Dans la lecture méditée du Nouveau Testament, l’Esprit fait découvrir la personnalité du Christ, amène à aimer Celui qui, « après avoir aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout » (Jean 13, 1), à s’attacher à lui et à vivre avec le Christ.
La personne du Christ est comme le point oméga de toute l’Écriture. Lui-même aide comprendre les passages obscurs de l’Ancien Testament et montre comment les prophéties s’accomplissent en lui. Un cas emblématique est la conversation de Jésus avec les deux disciples d’Emmaüs, auxquels il explique tout ce qui dans le concernait dans l’Écriture : « Telles sont les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout celui-là est écrit de moi dans la Loi de Moïse, les prophètes et les psaumes » (Luc 24, 27).
Même si nous trouvons une grande diversité de genres littéraires dans la Bible — livres historiques, livres sapientiaux, livres prophétiques, épîtres, genre apocalyptique… — ils conservent une unité foncière : « L’Écriture est une en raison de l’unité du dessein de Dieu, dont le Christ Jésus est le cœur, ouvert depuis la Pâque » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 112). C’est le Père qui nous parle dans le Christ par la force de l’Esprit.
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Ste Écriture (2)
L’Écriture, disais-je, est vraiment la Parole de Dieu. En outre, « elle est vivante, la parole de Dieu, efficace, plus effilée qu’un glaive à deux tranchants, pénétrant jusqu’à séparer l’âme et l’esprit, les jointures et les moelles, dévoilant les sentiments et les pensées du cœur. Nulle créature ne peut se dérober à ses regards » (Hébreux 4, 12-13). C’est dire qu’elle est contemporaine de chaque lecteur : ce n’est pas une Parole qui passe et se démode. Cette parole est « le glaive de l’Esprit » (Éphésiens 6, 17), qui permet d’affronter la vie. Elle possède donc la force de l’Esprit qui éclaire l’intelligence et réchauffe le cœur, en même temps qu’il apporte une réponse aux inquiétudes et aux problèmes propres chaque époque.
C’est une parole consolante et qui engendre la vie, puisqu’elle fait naître les choses à partir du néant : « Il a dit et tout a été fait » (Psaume 33, 9). C’est bien ce qu’illustre le récit de la création que relate le Livre de la Genèse (1, 3 et suivants), où il est constamment indiqué que « Dieu dit » et « cela fut ainsi ». Mais cette parole inspire aussi le respect et la révérence envers son auteur, Dieu. Elle situe l’homme face au jugement final : « L’Apôtre de Dieu écrit cela non seulement pour ses lecteurs mais aussi pour nous tous. Il convient par conséquent que nous considérions constamment ce jugement divin, et que nous nous remplissions de crainte et de tremblement et que nous observions les préceptes de Dieu avec diligence en attendant le repos promis que nous obtiendrons dans le Christ » (Théodoret de Cyr ,Interpretatio Epistulæ ad Hæbreos) (nous verrons un autre jour ce qu’il faut entendre par « crainte de Dieu « ).
La Sainte Écriture ne nous transmet que ce que Dieu a voulu que nous connaissions, pour notre édification et notre sanctification, non pour satisfaire notre curiosité, même légitime. « Beaucoup de choses qui intéressent la curiosité humaine au sujet de Jésus ne figurent pas dans les Évangiles » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 514). Et, comme l’écrit saint Jean, « il est encore quantité de miracles que Jésus a fait en présence de ses disciples et qui n’ont pas été mis par écrit dans ce livre. Ceux-ci ont été mis par écrit pour que vous croyiez que jésus est le Messie, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie par son nom » (Jean 20, 30-31).
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Le rosaire
Le rosaire, du latin rosarium, « couronne », est une pratique de piété principalement diffusée par les dominicains de sorte qu’une tradition en attribue l’origine à leur fondateur, saint Dominique (v. 1170-1221), qui l’aurait reçue directement de la Vierge Marie. Elle consiste à réciter cent cinquante « Je vous salue Marie », répartis par groupes de cinquante, en méditant les « mystères » de la vie de notre Seigneur et de sa Mère, mystères « joyeux », « douloureux » et « glorieux ». C’est le « psautier de la Vierge », le « Bréviaire de l’Évangile », ou encore un « abrégé de tout l’Évangile » (Paul VI, encyclique Marialis cultus) et l’expression du culte et de la dévotion envers Marie. Le pape saint Pie V en a fixé la forme traditionnellement 1569. chaque groupe de cinq mystères est appelé « chapelet ». En 2002, le pape Jean-Paul II y a ajouté cinq mystères « lumineux », recouvrant la vie publique de Jésus.
Commençons par dire d’abord un mot de l’efficacité de la récitation du rosaire. « L’histoire de l’Église atteste l’efficacité de cette prière :elle nous rappelle la défaite des troupes turques dans un combat naval près des îles Échinades, et les victoires éclatantes remportées au siècle dernier sur le même peuple à Temesvar, en Hongrie, et à l’île de Corfou. Grégoire XIII voulut perpétuer le souvenir du premier de ces triomphes par l’institution d’une fête en l’honneur de Marie victorieuse. Plus tard, notre prédécesseur, Clément XI, appela cette solennité fête du Rosaire et décréta qu’elle serait célébrée chaque année dans l’Église universelle. Cette milice priante, étant « enrôlée sous l’étendard de Marie », en acquiert une nouvelle force et un nouvel honneur. C’est le but que vise spécialement, dans la prière du Rosaire, la répétition fréquente de la salutation angélique après la récitation de l’oraison dominicale » (Léon XIII, encyclique Augustissimæ, 12 septembre 1897).
Le pape Jean-Paul II a consacré une lettre apostolique au Rosaire de la Vierge Marie.
Le mois d’octobre étant donc consacré à la dévotion du rosaire, je me propose de donner un bref commentaire de chacun des vingt « mystères » et de parler aussi de la fête de Notre Dame du Rosaire, qui a lieu le 7 octobre. -
Le péché originel (1)
1. Son existence.
Il est pour le moins étrange que l’on parle si peu du péché originel, alors qu’il s’agit d’une réalité essentielle qui apporte une explication aux problèmes du monde.
Voyons les faits. Après avoir créé Adam et Ève, nos premiers parents, Dieu les plaça dans le jardin d’Éden, le paradis, en disant : « Tu peux manger les fruits de tous les arbres du jardin ; mais quant à l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n’en mangeras pas ; car, le jour où tu en mangeras, tu seras condamné à mourir » (Genèse 2, 16-17). Las, voilà que, dédaignant tout ce dont ils disposent, Adam et Ève se laissent séduire par cet arbre et par le diable qui présente à Ève Dieu comme un obstacle à sa liberté. Il commence par poser une question apparemment innocente, mais en réalité très pernicieuse : « Est-ce vrai que Dieu a dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? » (Genèse 3, 1). L’interdit ne porte que sur les fruits d’un seul arbre. Ève tombe dans le piège et commence à dialoguer avec le démon. C’est son erreur fatale. « Ne dialogue pas avec la tentation. Laisse-moi te le redire : aie le courage de fuir, aie la force de ne pas jouer avec ta faiblesse, en te demandant jusqu’où tu pourrais tenir. Tranche, sans concession ! (saint Josémaria, Sillon, n° 137).
Elle dit au serpent, forme sous laquelle le diable se présente à elle : « Des fruits des arbres du jardin, nous en mangeons. Mais les fruits de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez pas et vous n’y toucherez pas, sinon vous mourriez » (Genèse 3, 2-3). Elle rétabli la vérité, certes. Mais le « serpent était le plus avisé de tous les animaux des champs » (Genèse 3, 1). Il sait comment embobiner son interlocutrice :
« Non, vous ne mourrez pas, mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront et vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal » (Genèse 3, 4-5).
Alors, « la femme vit que beau à voir, l’arbre était bon à manger, et désirable pour acquérir l’intelligence ; elle prit de ses fruits et en mangea ; elle en donna aussi à son mari qui était avec elle, et il en mangea » lui aussi, sans se soucier davantage des instructions divines (Genèse 3, 6).
Les conséquences sont immédiates : « Leurs yeux à tous deux s’ouvrirent et ils connurent qu’ils étaient nus ; et, ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures » (Genèse3, 7). La nudité, qui ne leur posait aucun problème tant que les passions étaient soumises à la raison, devient quelque chose de honteux et réclame la pudeur, une vertu qui « désigne le refus de dévoiler ce qui doit rester caché » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2521).
L’homme se cache quand Dieu vient à sa recherche (voir Genèse 3, 9-10) : il a perdu confiance en la bonté paternelle de Dieu et, faisant un mauvais usage de sa liberté, a désobéi au commandement qu’il lui avait donné. C’est le premier péché, et c’est en cela que consiste aussi tout péché.
« Dans ce péché, l’homme s’est préféré lui-même à Dieu, et par là-même il a méprisé Dieu : il a fait le choix de soi-même contre Dieu, contre les exigences de son état de créature et dès lors contre son propre bien » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 398).
Ce péché n’est pas un défaut de croissance, une faiblesse psychologique, une simple erreur ou la conséquence d’une structure sociale inadéquate. Il faut le voir à la lumière de la Révélation divine : « C’est seulement dans la connaissance du dessein de Dieu sur l’homme que l’on comprend que le péché est un abus de la liberté que Dieu donne aux personnes créées pour qu’elles puissent L’aimer et s’aimer mutuellement » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 388).
« L’homme et la femme sont responsables de la faute. Mais derrière leur choix, il y a une voix séductrice, opposée à Dieu (voir Genèse 3, 5), un accusateur de l’homme (voir Job 1, 11 ; 2, 5-7) qui, par envie, le fait chuter dans la mort (voir Sagesse 2, 24). L’Écriture et la tradition de l’Église voient en cet être un ange déchu, appelé satan ou diable » (Catéchisme des évêques de France, n° 115).
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La prière (5 et fin)
Les obstacles à la prière
Prier n’est pas toujours une entreprise facile, car nous rencontrons divers obstacles qui peuvent nous en écarter, ou bien nous pouvons en détourner le sens. « Dans le combat de la prière, nous avons à faire face, en nous-mêmes et autour de nous, à des conceptions erronées de la prière. Certains y voient une simple opération psychologique, d’autres un effort de concentration pour arriver au vide mental. Telles la codifient dans des attitudes et des paroles rituelles. Dans l’inconscient de beaucoup de chrétiens, prier est une occupation incompatible avec tout ce qu’ils ont à faire : ils n’ont pas le temps. Ceux qui cherchent Dieu par la prière se découragent vite parce qu’ils ignorent que la prière vient aussi de l’Esprit Saint et non pas d’eux seuls » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2726).
Le danger est bien réel de ne prier que par envie ou par nécessité. Écoutons le témoignage d’une mère de famille, mêlée à la vie publique de son pays : « Les jours où je ne ressentais pas le besoin de Dieu, mes actions avaient une inspiration superficielle, matérialiste ; j’oubliais la prière, j’étais trop paresseuse et indifférente. C’est comme si j’avais dit à quelqu’un : « Je t’aime, mais seulement à mes conditions et quand j’en ai envie. Je te contacterai, mais toi, ne m’appelle pas » (J. H. Matlary, Quand raison et foi rencontrent, Paris, 2003, p. 257).
La distraction est un autre obstacle. Notre capacité de concentration est malheureusement très limitée. Mais « une distraction nous révèle ce à quoi nous sommes attachés et cette prise de conscience humble devant le Seigneur doit réveiller notre amour de préférence pour Lui, en Lui offrant résolument notre cœur pour qu’Il le purifie. Là se situe le combat, le choix du Maître à servir » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2729). « Jésus, que mes distractions soient des distractions à l'envers : au lieu de me souvenir du monde, lorsque je te parle, que je me souvienne de toi en m'occupant des affaires du monde » (saint Josémaria, Forge, n° 1014).
L’aridité ou la sécheresse peut également se faire sentir. Le cœur ne ressent ni envie de prier ni sentiments particuliers. « C’est le moment de la foi pure qui se tient fidèlement avec Jésus dans l’agonie et au tombeau » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2731). C’est l’heure de la persévérance et de la fidélité aux rendez-vous que nous nous sommes librement fixés avec Dieu. Nous savons qu’il existe. Nous croyons qu’il est présent, qu’il nous voit, qu’il nous entend, même si nous n’en faisons pas l’expérience sensible. « Le grain de blé, s’il meurt, porte beaucoup de fruit » (Jean 12, 24). Mais « si la sécheresse est due au manque de racine, parce que la Parole est tombée sur du roc, le combat relève de la conversion » (Ibid.), du retour filial et contrit vers Dieu, de la protestation de notre amour sincère.
« Dans ta vie de piété, persévère, volontairement et par amour — même si tu te sens sec. Et que t'importe si tu te surprends à compter les minutes ou les jours qui te restent pour achever cette norme de piété ou ce travail, et si tu éprouves le plaisir trouble du mauvais élève qui, dans des circonstances comparables, attend la fin des cours; ou de l'homme condamné à vingt ans de prison, qui attend que les portes de la geôle s'ouvrent devant lui pour retourner à ses erreurs.
Persévère, j'y insiste! Avec une volonté efficace et renouvelée, sans jamais cesser de vouloir effectuer ces exercices de piété et d'en tirer profit » (saint Josémaria, Forge, n° 447). -
La prière (2)
La prière est exaucée.
Quand Jésus affirme « demandez et on vous donnera » ou « qui demande reçoit », il ne se place pas dans notre cadre temporel. Il ne nous dit pas : « Demandez et vous recevrez ce que vous avez demandé », pas plus que « demandez et vous recevrez sur le champ ». Non. Ce qu’il affirme, c’est que nous recevrons. Quoi ? Ce qui nous convient le mieux. Pouvons-nous oublier que Dieu est notre Père, un Père qui aime ses enfants d’un Amour infini, bien plus que ne peuvent le faire tous les pères et toutes les mères du monde, un Père qui veut le bien de ses enfants, là aussi mieux que tous les pères et les mères du monde, un Père qui sait de science exacte ce qui convient à chacun de ses enfants, un Père qui choisit donc pour nous effectivement ce qui nous convient le mieux à chaque instant et qui ne se trompe jamais dans son choix, autrement il ne serait pas notre Dieu infiniment Bon et Parfait ? Autrement dit, la situation qui est la nôtre à un moment donné, qu’elle nous apparaisse simple ou problématique, qu’elle soit marquée par la bonne santé ou la maladie, qu’elle nous apporte des joies ou des souffrances, est la situation à laquelle Dieu pense pour nous de toute éternité dans son Amour illimité, et donc la situation appropriée, idéale même pour nous sanctifier. Il ne peut pas y en avoir de meilleure, sauf à douter de la bonté paternelle de Dieu. Y songer ne peut que nous remplir d’optimisme et de reconnaissance face à la vie que Dieu nous donne de vivre.
Nous avons vu ce que nous recevrons comme réponse à notre prière. Demandons-nous maintenant quand nous serons exaucés. Rarement dans l’immédiat. « Il leur dit une parabole pour montrer qu’il fallait prier toujours, sans jamais se lasser » (Luc 18, 1). C’est la parabole de la veuve et du juge inique. La veuve en question réclame justice jour après jour à la porte du cabinet du juge et ce dernier ne se résout à l’écouter que pour qu’elle cesse de le bassiner. La conclusion que Jésus en tire est la suivante : « Écoutez ce que dit ce juge inique ! Et Dieu ne ferait pas justice à ses élus qui crient vers lui nuit et jour, et avec eux il referait attendre ? » (Luc 18, 6-7). Cette parabole nous montre bien que notre prière s’inscrit naturellement dans la durée. Mais elle présuppose la foi. Elle n’est ni un automatisme, ni une simple bouée de sauvetage. La prière devrait être une habitude chez nous. « Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom : demandez et vous recevrez, si bien que votre joie sera complète » (Jean 16, 24). Jean-Paul II déclarait un jour : « Face aux tragédies des hommes, les prières peuvent sembler inefficaces et vaines ; bien au contraire, elles ouvrent toujours de nouveaux chemins d’espérance, surtout lorsqu’elles sont mises en valeur par la douleur qui se transforme en amour » (Jean-Paul II, Discours aux jeunes et aux éducateurs de l’Institut Séraphique, Assise, 9 janvier 1993), la souffrance, la mortification étant la prière du corps.
En tout cas, il est bon de nous arrêter à réfléchir sur la place que la prière occupe dans notre journée, et de voir si nous savons consacrer vraiment un temps précis à une heure donnée au Seigneur et, par la récitation du chapelet, aussi à notre Mère du ciel. Ce qui nous arrive peut-être, c’est que nous prions peu et mal, et que notre fréquentation de Dieu est réduite à sa plus simple expression alors que nous sommes heureux de nous retrouver avec nos semblables : conjoint, enfants, collègues de travail, amis, pour qui nous avons du temps et à qui nous avons des choses à dire…
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La prière (4)
Les formes de prière (suite)
La vie transformée en prière. D’où une autre forme de prière qui est l’offrande à Dieu de tout ce que nous faisons, transformant tout en prière, comme « le roi Midas, qui changeait en or tout ce qu’il touchait », ainsi que le fondateur de l’Opus Dei le faisait remarquer (Amis de Dieu, n° 221). « Vie intérieure, tout d’abord : bien peu comprennent encore ce mot. Quand on entend parler de vie intérieure, on pense à l’obscurité du temple, quand ce n’est pas à l’atmosphère raréfiée de certaines sacristies. Depuis plus d’un quart de siècle, je dis que ce n’est pas cela. Je parle de la vie intérieure des chrétiens courants, que l’on rencontre habituellement en pleine rue, à l’air libre, et qui, dans la rue, à leur travail, dans leur famille, dans leurs moments de loisir demeurent, tout au long du jour, attentifs à Jésus-Christ. Qu’est-ce que cela, sinon une continuelle vie de prière ? N’as-tu pas compris qu’il te fallait être une âme de prière, grâce à un dialogue avec Dieu qui finit par t’assimiler à Lui ? » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 8). « Travailler ainsi, c’est prier. Étudier ainsi, c’est prier. Faire ainsi de la recherche, c’est prier ; nous n’en sortons jamais ; tout est prière, tout peut et doit nous mener à Dieu, nourrir ce dialogue continuel avec Lui, du matin au soir. Tout travail digne peut être prière ; et tout travail qui est prière est apostolat. C’est ainsi que l’âme s’affermit, dans une unité de vie simple et solide » (Ibid., n° 10).
L’oraison jaculatoire. Il existe encore une autre façon de prier, qui est l’oraison jaculatoire, du latin jaculum, « javelot », « dard ». Invocation courte et fervente, telle une flèche d’amour à l’adresse de Dieu ou d’un de ses saints, qui peut être lancée, presque comme des pointes enflammées, par exemple contre les tentations, et qui manifeste aussi les sentiments du cœur : actes d’amour, de contrition, de réparation, actions de grâces, manifestation de notre filiation divine… Les textes de l’Écriture Sainte peuvent nous servir pour nous faire nos oraisons jaculatoires, adaptées aux besoins de notre âme, au temps liturgique,etc. Par exemple, « Seigneur, augmente en nous la foi » (Luc 17, 5), « Seigneur, si tu le veux, tu peux me guérir » (Luc 5, 12), « Seigneur, que je voie » (Luc 18, 41) ; « Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime » (Jean 21, 17) ; « Seigneur, apprend-nous à prier » (Luc 11, 1) ; « je crois Seigneur, mais viens en aide à mon peu de foi » (Marc 9, 23) ; « Maître, je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit » (Matthieu 8, 8) ; « mon Seigneur et mon Dieu » (Jean 20, 28) ; « Abba ! Père » (Marc 14, 36) ; « je puis tout en celui qui me fortifie » (Philippiens 4, 13) ; etc.
La mortification. L’homme ne peut pas se sanctifier de façon désarticulée. Étant composé d’une âme et d’un corps, ce dernier doit aussi y contribuer. C’est le propre de la mortification, qui est la prière du corps, le sel de notre vie, une privation, ou souffrance, que l’on s’impose librement pour un motif spirituel.
« La meilleure des mortifications est celle qui, s’appuyant sur des petits détails tout au long de la journée, s’attaque à la concupiscence de la chair, à la concupiscence des yeux et à l’orgueil. Mortifications qui ne mortifient pas les autres, mais qui nous rendent plus délicats, plus compréhensifs, plus ouverts à tous. Tu ne seras pas mortifié si tu es susceptible, si tu n’écoutes que ton égoïsme, si tu t’imposes aux autres, si tu ne sais pas te priver du superflu et parfois même du nécessaire, si tu t’attristes quand les choses ne vont pas comme tu l’avais prévu; en revanche, tu es mortifié si tu sais te faire tout à tous, pour les gagner tous (1 Corinthiens 9, 22) » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 9). La mortification « ne saurait consister en de grands renoncements, qui d’ailleurs se présentent rarement. Il doit s’agir plutôt de petites luttes : sourire à qui nous importune, refuser au corps les caprices de biens superflus, nous habituer à écouter autrui, faire fructifier le temps que Dieu met à notre disposition... Et tant d’autres détails, insignifiants en apparence, qui surgissent sans que nous les cherchions — contrariétés, difficultés, chagrins — au fil de chaque jour » (Ibid., n° 37).
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7 octobre : Notre-Dame du rosaire
Aujourd’hui, 7 octobre, l’Église célèbre la Sainte Vierge sous l’invocation de Notre-Dame du Rosaire.
Le pape Léon XIII écrivait que, parmi ses différents titres, « le rosaire a celui-ci de très remarquable qu’il a été institué surtout pour implorer le patronage de la Mère de Dieu contre les ennemis du nom chrétien. À ce point de vue, personne n’ignore qu’il souvent et beaucoup servi à soulager les maux de l’Église […] (voir la note du 1er octobre 2006). Nous donc, en l’honneur de Marie, la très auguste Mère de Dieu, en souvenir perpétuel du secours demandé par tous les peuples à son Cœur très pur en ce mois d’octobre, en témoignage perpétuel du très grand espoir que Nous mettons en cette Mère très aimante ; pour obtenir chaque jour davantage de sa bienfaisante protection, Nous voulons et décrétons que dans les litanies de Lorette, après l’invocation « Reine conçue sans le péché originel », soit ajoutée la formule : « Reine du très saint Rosaire, priez pour nous » (lettre apostolique Salutaris illa, 24 décembre 1883).
« Le début du chemin, dont le terme est d’être complètement fou de Jésus, est un amour confiant envers Marie.
— Veux-tu aimer la Sainte Vierge ? — Eh bien ! fréquente-la. Comment ? — En priant bien le Rosaire.
Mais, dans le Rosaire… nous répétons toujours les mêmes choses ! — Toujours les mêmes choses ? Et ceux qui s’aiment, ne se disent-ils pas toujours les mêmes choses l’un à l’autre ?… La monotonie de ton Rosaire ne viendrait-elle pas de ce que, au lieu de prononcer des mots comme un homme, tu émets des sons comme un animal, l’esprit très loin de Dieu ? Écoute encore ceci : le mystère que nous allons contempler est indiqué avant chaque dizaine. — Est-ce que toi… tu as jamais contemplé ces mystères ?
Fais-toi petit. Viens avec moi et — c’est là le point central de ma confidence — nous vivrons la vie de Jésus, de Marie et de Joseph.
Chaque jour nous leur rendrons un nouveau service. Nous écouterons leurs conversations familiales. Nous verrons grandir le Messie. Nous admirerons ses trente ans de vie cachée… Nous serons présents à sa Passion et à sa Mort… Nous serons éblouis par la gloire de sa Résurrection…
En un mot : fous d’Amour (il n’y a pas d’autre amour que l’Amour), nous contemplerons tous les instants de la vie de Jésus-Christ» (saint Josémaria, Saint Rosaire, au lecteur).