Il est bien connu que nous ne possédons aucun manuscrit des Évangiles, tout comme il n’en existe aucun des livres de l’Antiquité. Les écrits se transmettaient par des copies manuscrites sur papyrus et plus tard sur parchemin. Les Évangiles et les premiers écrits chrétiens suivent ce type de transmission. Le nouveau Testament laisse déjà entendre que certaines lettres de saint Paul avaient été copiées et transmises dans un corps d’écrits (2 Pierre 3, 15-16), et il en va de même avec les Évangiles : les expressions de saint Justin, saint Irénée, Origène, etc. citées dans « Qui furent les évangélistes ? » (note mise sur ce blog le 3 juillet) laissent entendre que les Évangiles canoniques ont été aussitôt copiés et transmis ensemble.
Le matériau utilisé dans les premiers siècles de l’ère chrétienne a été le papyrus. On commence à partir du IIIème siècle à utiliser le parchemin, plus résistant et plus durable, puis le papier à compter du XIVème siècle. Les manuscrits des Évangiles que nous conservons, après une étude attentive de ce que l’on appelle la critique textuelle, montrent que, comparé à la plupart des ouvrages de l’Antiquité, la fiabilité que nous pouvons accorder au texte dont nous disposons est très grande. En premier lieu du fait de la quantité de manuscrits. Nous possédons, par exemple, moins de 700 manuscrits de L’Illiade, mais d’autres ouvrages, comme Les Annales de Tacite, nous n’avons que quelques manuscrits et un seul de ses six premiers livres. En revanche, du Nouveau Testament, nous avons près de 5 4000 manuscrits grecs, sans compter les versions anciennes dans d’autres langues et les citations du texte dans les ouvrages des auteurs anciens. En outre, il faut tenir compte du temps qui sépare la date de composition du livre de celle du manuscrit le plus ancien. Alors que pour de très nombreuses œuvres classiques de l’Antiquité il s’agit de près de dix siècles, le manuscrit le plus ancien du Nouveau Testament (le papyrus de Rylands) est de trente ou quarante ans postérieur au moment de la composition de l'Évangile de saint Jean ; nous avons des papyrus du IIIème siècle (papyrus de Bodmer et de Chester Beatly) qui montrent que les Évangiles canoniques déjà collectionnés se transmettaient en codex ; à partir du IVème siècle, les témoignages sont presque interminables.
Si nous comparons les manuscrits, nous trouvons bien évidemment des erreurs, de mauvaises lectures, etc. La critique textuelle des Évangiles et des manuscrits anciens examine les variantes qui sont significatives, cherchant à découvrir leur origine, parfois un copiste qui essaye d’harmoniser le texte d’un Évangile avec celui d’un autre Évangile, ou un autre qui cherche à expliquer une expression qui lui semble incohérente, etc., pour établir de cette façon le texte original. Les spécialistes sont d’accord pour affirmer que les Évangiles sont les textes de l’Antiquité que nous connaissons le mieux. Ils se fondent pour cela sur l’évidence de ce qui a été dit au paragraphe précédent ainsi que sur le fait que la communauté qui transmet les textes est une communauté critique, des personnes qui impliquent leur vie dans ce qui est affirmé dans les textes et qui, manifestement, ne l’engageraient pas pour des idées créées pour l’occasion.
Vicente Balaguer, professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
Disponible sur le site www.opusdei.es
Traduit par mes soins
Religion - Page 72
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La transmission des Évangiles
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Liberté, liberté chérie… (7)
Liberté, vérité et charité
Toute la conduite de Monseigneur Escriva témoigne avec éloquence de sa liberté d'esprit, qui l'amène à se soucier du jugement que Dieu portera sur ses actes sans se chagriner le moins du monde de l'appréciation des hommes. « Prenons la décision de ne jamais nous attrister si certains mettent en doute la droiture de notre conduite, s'ils interprètent de façon erronée le bien qu'avec l'aide continuelle du Seigneur nous nous efforçons de réaliser et si, jugeant mal nos intentions, ils nous prêtent de mauvais desseins et une conduite malhonnête et hypocrite. Pardonnons toujours, le sourire aux lèvres » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 11).
Car le fait de transiger envers les personnes est indissociable d'une « sainte intransigeance » (saint Josémaria, Sillon, n° 384).
La liberté véritable amène inévitablement à adopter une conduite qui n'est pas celle de tout le monde, sans qu'il soit nécessaire de quémander ce droit à la liberté chrétienne, « parce que le Christ nous l'a désormais gagnée à tout jamais ». Cependant l'enfant de Dieu doit « la défendre et la manifester dans n'importe quel milieu. C'est seulement ainsi qu'ils comprendront que notre liberté n'est pas liée à l'environnement » (Ibid., n° 423), qu'elle n'est pas une attitude de circonstance, mais qu'elle est un choix délibéré et opératif.
La fidélité exigeante à la vérité et le respect des consciences vont donc de pair. Le respect de l'ordre naturel requiert que l'homme cherche assidûment la vérité. « La liberté acquiert son sens authentique lorsqu'on l'exerce au service de la vérité qui rachète, lorsqu'on en use pour rechercher l'Amour infini d'un Dieu qui nous libère de toutes les servitudes » (saint Josémaria, Entretiens avec Mgr Escriva, Paris, 1987, n° 84), notamment sa liberté intérieure, le sanctuaire de sa conscience. « Face à ces soupçonneurs professionnels, qui semblent vouloir organiser une traite de l'intimité, il faut défendre la dignité de chaque personne, ainsi que son droit au silence » (saint Josémaria, Chemin, n° 665). Parce que la « vraie vertu n'est pas triste ou antipathique, mais aimablement joyeuse » (Ibid., n° 657). Alors dans toutes les éventualités de la vie faisons monter notre action de grâce vers le Très-Haut : « Si les choses marchent bien, réjouissons-nous et bénissons Dieu qui les a fait prospérer. — Vont-elles mal ? — Réjouissons-nous et bénissons Dieu, qui nous fait participer de sa douce Croix » (Ibid., n° 658).
(à suivre…) -
Liberté, égalité, fraternité
Je commence par une citation de Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Intérieur d’un gouvernement de gauche, pour que l’on ne pense pas que l’Église veut récupérer la devise de la République. Il déclarait en 1997, à Strasbourg, que « la liberté, inséparable de la responsabilité de la personne, et surtout l’égalité des hommes entre eux, par-delà les différences ethniques, sociales, physiques ou intellectuelles, sont largement des inventions chrétiennes. S’agissant de l’égalité […], on ne peut qu’admirer l’audace à proprement parler révolutionnaire des Évangiles […]. Quant à la fraternité, elle est une traduction […] de l’agapè du Nouveau Testament ».
Pour sa part, le pape Jean-Paul II s’était exprimé en des termes semblables dans l’homélie qu’il avait prononcé le 1er juin 1980, au Bourget, homélie au cours de laquelle il avait lancé à la France une apostrophe restée célèbre : « France, fille aînée de l’Église, es-tu fidèle aux promesses de ton baptême ? » Sur le point qui nous occupe aujourd’hui, il affirme que, « au fond, ce sont là des idées chrétiennes. Je le dis tout en ayant bien conscience que ceux qui ont formulé ainsi, les premiers, cet idéal, ne se référaient pas à l’alliance de l’homme avec la sagesse éternelle. Mais ils voulaient agir pour l’homme ».
Est-ce une litote ? On a montré, en tout cas, que « l’histoire du triptyque républicain est celle d’un changement de camp, au sens strict du terme. Il ne s’agit pas d’un héritage tranquillement accepté ou d’une dépendance filialement reconnue, mais de la prise de possession d’une formule qui, par les échos, les connotations, les souvenirs qu’elle réveillait, par sa très forte charge émotionnelle, était une arme dans le combat idéologique du temps, un acte de langage » (Jean-Louis Quantin, « Aux origines religieuses de la devise républicaine. Quelques jalons de Fénelon à Condorcet », Communio 14 (1989), p. 33).
En tout cas, Léon XIII précisait le sens des termes employés : « Nous parlons donc ici de la liberté des enfants de Dieu au nom de laquelle nous refusons d’obéir à des maîtres iniques qui s’appellent Satan et les mauvaises passions. Nous parlons de la fraternité qui nous rattache à Dieu comme au Créateur et Père de tous les hommes. Nous parlons de l’égalité qui, établie sur les fondements de la justice et de la charité, ne rêve pas de supprimer toute distinction entre les hommes, mais excelle à faire de la variété des conditions et des devoirs de la vie une harmonie admirable et une sorte de merveilleux concert dont profitent les intérêts et la dignité de la vie civile » (lettre encyclique du 20 avril 1884).
Qui s’intéresse à ce sujet pourra lire le livre de Michel Borgetto, La devise « Liberté, Égalité, Fraternité », Presses Universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », n° 3196. -
10. La moralité des actes humains – L’objet moral
« La moralité des actes humains dépend :
— de l’objet choisi ;
— de la fin visée ou de l’intention ;
— des circonstances de l’action.
L’objet, l’intention et les circonstances forment les « sources », ou éléments constitutifs, de la moralité des actes humains » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1750).
L’objet moral
« La moralité de l’acte humain dépend avant tout et fondamentalement de l’objet raisonnablement choisi par la volonté délibérée ». L’objet moral « est la fin prochaine d’un choix délibéré qui détermine l’acte du vouloir de la personne qui agit » (Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, n° 78). Pour savoir quel est l’objet qui spécifie moralement un acte, « il convient donc de se situer dans la perspective de la personne qui agit. En effet, l’objet de l’acte du vouloir est un comportement librement choisi. En tant que conforme à l’ordre de la raison, il est cause de la bonté de la volonté […]. Par objet d’un acte moral déterminé, on ne peut donc entendre un processus ou un événement d’ordre seulement physique, à évaluer selon qu’il provoque un état de choses déterminé dans le monde extérieur » (Ibid.). On ne doit pas confondre l’« objet physique » avec l’« objet moral » de l’action (une même action physique peut être l’objet d’actes moraux divers ; par exemple, utiliser un bistouri peut réaliser une opération chirurgicale ou un homicide).
La valeur morale des actes humains (le fait qu’ils soient bons ou mauvais) dépend avant tout de la conformité de l’objet ou de l’acte voulu avec le bien de la personne, selon le jugement de la droite raison. L’acte humain ne peut être ordonné à la fin ultime que s’il est bon par son objet. « La raison pour laquelle la bonne intention ne suffit pas mais pour laquelle il convient de faire le choix juste des œuvres réside dans le fait que l’acte humain dépend de son objet, c’est-à-dire de la possibilité ou non d’ordonner celui-ci à Dieu, à Celui qui « seul est Bon », et ainsi réalise la perfection de la personne » (Jean-Paul II, Ibid.). Autrement dit, « l’élément primordial et décisif pour le jugement moral est l’objet de l’acte de l’homme, lequel décide si son acte peut être orienté au bien et à la fin ultime qui est Dieu » (Ibid., n° 79).
(à suivre…) -
9. Les formes de conscience
Si nous revenons à l’existence du péché originel — c’est un passage obligé (voir mes textes du mois de novembre) — nous comprendrons d’emblée que la conscience humaine peut se tromper, que ce jugement moral peut être erroné. Elle « n’est pas un juge infaillible » (Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, n° 62).
On distingue la conscience vraie ou droite qui, à partir de principes vrais (la loi morale), émet un jugement véridique sur la licéité ou la non licéité d’un acte particulier ; et la conscience erronée ou fausse, qui émet un jugement faux, en disant qu’est bon ce qui est mauvais et inversement. Cette erreur « peut être le fruit d’une ignorance invincible, c’est-à-dire d’une ignorance dont le sujet n’est pas conscient et dont il ne peut sortir par lui-même » (Ibid.). Il n’y a pas de faute morale. Mais l’erreur peut aussi être due au fait que la personne « se soucie peu de rechercher le vrai et le bien et lorsque l’habitude du péché rend peu à peu sa conscience presque aveugle » (Ibid.). La conscience erronée de manière coupable n’est pas une excuse au péché et peut même l’aggraver.
On distingue également la conscience certaine, qui émet son jugement avec la certitude morale de ne pas se tromper ; la conscience probable, lorsqu’elle juge en étant convaincue qu’il existe une certaine probabilité d’erreur, moindre cependant que la probabilité d’être dans le vrai ; la conscience douteuseperplexe quand elle n’ose pas juger, parce qu’elle pense qu’il y a péché aussi bien à réaliser un acte qu’à l’omettre.
Dans la pratique il ne faut agir qu’avec une conscience vraie et certaine. On ne doit pas agir avec une conscience douteuse, mais il est nécessaire de sortir du doute en étudiant, en demandant, etc. (par exemple, si l’on doute que quelque chose soit un péché ou non, on ne doit pas le réaliser avant d’avoir dissipé le doute). Il va de soi que l’on ne peut jamais agir avec une conscience mauvaise.
Le jugement de la conscience est donc essentiel. Il porte sur une pensée, une action ou une omission, c’est-à-dire sur un objet, recherché avec une intention donnée par celui qui agit, et dans des circonstances déterminées. Ce sont les trois éléments dont dépend la moralité des actes humains.
(à suivre…) -
8. La conscience
Ce qui nous intéresse ici, c’est la conscience morale, qui n’est autre qu’« un jugement de la raison par lequel la personne humaine reconnaît la qualité morale d’un acte concret qu’elle va poser, est en train d’exécuter ou a accompli » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1778), « approuvant ceux (les choix concrets) qui sont bons, dénonçant ceux qui sont mauvais » (Ibid., n° 1777).
Or, « au fond de sa conscience, l’homme découvre la présence d’une loi qu’il ne s’est pas donnée lui-même, mais à laquelle il est tenu d’obéir. Cette voix, qui ne cesse de le presser d’aimer et d’accomplir le bien et d’éviter le mal, au moment opportun résonne dans l’intimité de son cœur : « Fais ceci, évite cela. » Car c’est une loi inscrite par Dieu au cœur de l’homme ; sa dignité est de lui obéir, et c’est elle qui le jugera. La conscience est le centre le plus secret de l’homme, le sanctuaire où il est seul avec Dieu et où sa voix se fait entendre » (concile Vatican II, constitution pastorale sur l’Église dans le monde Gaudium et spes, n° 16). Ainsi « c’est par le jugement de sa conscience que l’homme perçoit et reconnaît les prescriptions de la loi divine » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1778).
La conscience est une « voix » qui prévient de ce qui est bon et de ce qui est mal en appliquant la loi morale aux actes concrets, et qui pousse à suivre le bien et fait des reproches (donne des « remords ») si on suit le mal. Elle « est un jugement qui applique à une situation concrète la conviction rationnelle que l’on doit aimer, faire le bien et éviter le mal. Ce premier principe de la raison pratique appartient à la loi naturelle, et il en constitue même le fondement. […] Tandis que la loi naturelle met en lumière les exigences objectives et universelles du bien moral, la conscience applique la loi au cas particulier » (Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, n° 59).
Tout homme est tenu de suivre sa conscience, quand bien même il se trouverait dans l’erreur. Cette obligation naît du caractère obligatoire de la loi morale. « C’est l’obligation de faire ce que l’homme, par un acte de sa conscience, connaît comme un bien qui lui est désigné ici et maintenant » (Ibid.). Par conséquent : a) il ne peut y avoir d’opposition objective entre l’obligation de suivre le jugement de la conscience et celle de suivre la loi morale, car « le jugement de la conscience ne définit pas la loi, mais il atteste l’autorité de la loi naturelle » (Ibid., n° 60) ; b) l’homme « ne doit donc pas être contraint d’agir contre sa conscience. Mais il ne doit pas être empêché non plus d’agir selon sa conscience, surtout en matière religieuse » (concile Vatican II, déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ, n° 3), pourvu qu’il respecte l’ordre et la moralité publiques (Ibid., n° 7). L’autorité, quelle qu’elle soit a le devoir de respecter la liberté des consciences de ses sujets ; c) chacun est responsable des actes qu’il réalise ; cette responsabilité constitue un appel à chercher la vérité morale et à se laisser guider par elle dans l’action : « Le degré de maturité et de responsabilité de ces jugements [de la conscience] — et, en définitive de l’homme, qui en est le sujet — se mesure non par la libération de la conscience par rapport à la vérité objective, en vue d’une prétendue autonomie des décisions personnelles, mais, au contraire, par une pressante recherche de la vérité et, dans l’action, par la remise de soi à la conduite de cette conscience » (Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, n° 61).
(à suivre…) -
7. L’homme face à la loi (suite)
« La vérité vous rendra libres » (Jn 8, 32). Il existe une « dépendance fondamentale de la liberté par rapport à la vérité » (Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, n° 34). L’amour de la liberté, caractéristique de l’esprit chrétien, est inséparable de l’amour de la vérité. « Vous avez été appelés à la liberté ; seulement que cette liberté ne se tourne pas en prétexte pour la chair ; mais par la charité mettez-vous au service les uns des autres » (Galates 5, 13).
« Pour se développer en conformité avec sa nature, la personne humaine a besoin de la vie sociale » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1891). Les lois humaines sont un élément nécessaire de cet ordre. « La loi est une règle de conduite édictée par l’autorité compétente en vue du bien commun » (Ibid., n° 1951). Il faut poser ici un principe essentiel : « La loi humaine a valeur de loi dans la mesure où elle est conforme à la raison droite : sous cet aspect, il est manifeste qu’elle dérive de la loi éternelle. Par ailleurs, dans la mesure où elle est contraire à la raison, elle est déclarée inique, et dès lors, n’a plus de valeur de loi, elle est plutôt une violence » (saint Thomas d’Aquin, Somme théologique I-II, q. 93, a. 3, ad 2). De plus, « toute loi portée par les hommes n’a de valeur de loi que dans la mesure où elle dérive de la loi de nature. Si elle dévie, en quelque point, de la loi naturelle, ce n’est déjà plus une loi, mais une corruption de la loi » (Ibid., q. 95, a. 2, c). Par conséquent ce qui est permis par la loi civile — ce qui est « légal » — n’est pas pour autant forcément permis par la loi morale. L’homme peut être tenu de s’y opposer, ce qu’illustrent les innombrables martyrs de la foi au long des siècles. La loi naturelle « procure la base nécessaire à la loi civile qui se rattache à elle, soit par une réflexion qui tire les conclusions de ses principes, soit par des additions de nature positive et juridique » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1959).
Au nombre des lois humaines figurent les commandements de l’Église qui ont pour objet de concrétiser la façon d’accomplir quelques-unes des obligations du chrétien : sanctifier les fêtes, recevoir les sacrements, faire pénitence et contribuer à ce que l’Église dispose des moyens matériels nécessaires pour accomplir sa mission sur cette terre.
Comment l’homme décide-t-il d’agir ? À partir du jugement de sa conscience.
(à suivre.) -
4. La loi naturelle
La Loi naturelle est « l’expression humaine de la Loi éternelle » (Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, n° 43). C’est « la Loi éternelle elle-même, inscrite dans les êtres doués de raison et les inclinant à l’acte et à la fin qui leur sont propres ; et elle n’est que la raison éternelle du Dieu créateur et modérateur du monde » (Ibid.,n° 44). C’est par conséquent la lumière même de la raison « qui permet à l’homme de discerner par la raison ce que sont le bien et le mal » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1954) et qui nous commande de faire le bien et d’éviter le mal, pour tendre vers Dieu, notre fin ultime.
La loi morale naturelle est distincte des lois de la nature matérielle (les lois biologiques ne sont pas des lois morales). On l’appelle « naturelle », non qu'elle soit une loi physique, mais parce qu’elle consiste dans la lumière de la raison, qui est quelque chose de propre à la nature humaine. Cependant il ne faut pas oublier que la nature humaine est composée d’esprit et de matière ; c’est pourquoi la loi morale naturelle comprend aussi ce qui se réfère à l’usage du corps (cf. Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, n° 44 et 50).
Gravée dans la nature humaine, cette loi ne vient pas s’ajouter à l’homme, tout comme la loi de la gravitation ne s’ajoute pas à la pierre. Elle a pour propriétés d’être universelle, car elle s’étend à toute personne humaine, de toutes les époques (cf. Catéchisme de l’Église catholique, n° 1956), ce qui exclue ce que l’on appelle la « morale de situation » selon laquelle les normes morales s’adaptent en fonction des situations dans lesquelles l’individu se trouve ; immuable, car la nature humaine ne change pas dans ce qu’elle a d’essentiel (cf. Ibid., n° 1957-1958) ; obligatoire puisque pour tendre vers Dieu « l’homme doit accomplir le bien et éviter le mal librement. Mais, pour cela, l’homme doit pouvoir distinguer le bien du mal. Et cela s’effectue surtout grâce à la lumière de la raison naturelle » (Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, n° 42). Observer la loi morale peut être parfois difficile, mais jamais impossible.
Les préceptes de la loi naturelle peuvent être connus par tous grâce à la raison. Cependant, ils « ne sont pas perçus par tous d’une manière claire et immédiate » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1960). Leur connaissance dépend des bonnes dispositions de l’homme, et celui-ci, blessé par le péché originel, aveuglé et affaibli par ses péchés personnels, peut se tromper. C’est pourquoi, dans la situation actuelle, la Révélation est nécessaire à l’homme pour que les vérités morales puissent être connues « de tous et sans difficulté, avec une ferme certitude et sans mélange d’erreur » (Pie XII, encyclique Humani generis, 12 août 1950). « Dieu a écrit sur les tables de la Loi ce que les hommes ne lisaient pas dans leurs cœurs » (Saint Augustin, Enarrationes in Psalmos, 57, 1). C’est la loi divino-positive, que nous devons voir maintenant.
(à suivre…) -
5. La loi divino-positive
Le premier état de la Loi révélée est la Loi ancienne, communiquée par Dieu à Moïse. « Ses prescriptions morales sont résumées dans les dix commandements » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1962). Chacun des commandements exprime des conclusions immédiates de la loi naturelle.
La Loi nouvelle ou Loi évangélique, dite encore Loi du Christ, « mène à sa perfection la Loi ancienne » (Ibid., 1967). Elle a été révélée par Jésus-Christ. Elle se trouve spécialement dans le Sermon sur la Montagne : « Vous avez appris qu’il a été dit aux ancêtres : « Tu ne tueras point »… Eh bien ! moi je vous dis : Quiconque se fâche contre son frère en répondra au tribunal… » (Matthieu 5, 21-48).
« Le sermon du Seigneur, loin d’abolir ou de dévaluer les prescriptions morales de la Loi ancienne, en dégage les virtualités cachées et en fait surgir de nouvelles exigences : il en révèle toute la vérité divine et humaine. Il n’ajoute pas de préceptes extérieurs nouveaux, mais il va jusqu’à réformer la racine des actes, le cœur, là où l’homme choisit entre le pur et l’impur, où se forment la foi, l’espérance et la charité et, avec elles, les autres vertus » (Ibid., n° 1968). « Toute la Loi évangélique tient dans le « commandement nouveau » de Jésus de nous aimer les uns les autres comme il nous a aimés (Jn 13, 34 ; 15, 12) » (Ibid., n° 1970).
La Loi du Christ n’est pas comme la Loi ancienne qui ne faisait que montrer le chemin ; elle donne aussi la force pour le suivre. C’est pourquoi on l’appelle Loi de grâce, étant donné qu’elle communique la force intérieure de la grâce nécessaire pour bien agir dans la condition présente de nature marquée par le péché originel. On l’appelle aussi loi d’amour, parce qu’elle « fait agir par l’amour qu’infuse l’Esprit Saint » (Ibid., n° 1972). C’est en outre la loi de liberté parfaite (cf. Jacques 1, 25) parce qu’elle « nous incline à agir spontanément sous l’impulsion de la charité » (Ibid., n° 1972), et non comme des esclaves mus par la crainte.
L’Église est l’interprète authentique de la loi naturelle dans son Magistère (cf. Ibid., 2036), sa fonction d’enseignement. « L’Église a gardé fidèlement ce qu’enseigne la Parole de Dieu, non seulement sur les vérités à croire mais encore sur l’agir moral » (Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, n° 28). « L’infaillibilité du Magistère des pasteurs s’étend à tous les éléments de doctrine y compris morale sans lesquels les vérités salutaires de la foi ne peuvent être gardées, exposées ou observées » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 2051). Cette mission ne se limite pas aux seuls fidèles, mais concerne tous les hommes selon l’ordre du Christ : « Allez ! De toutes les nations faites des disciples » (Matthieu 28, 29). Les chrétiens ont donc la responsabilité de défendre et enseigner la loi naturelle, puisque par la foi et avec l’autorité du Magistère, ils la connaissent facilement et sans erreur, et qu’avec la grâce ils ont la force de l’accomplir entièrement.
(à suivre…) -
3. La liberté humaine
La liberté de l’être humain « est le pouvoir, enraciné dans la raison et la volonté, d’agir ou de ne pas agir, de faire ceci ou cela, de poser ainsi par soi-même des actes délibérés. Par le libre-arbitre, chacun dispose de soi. La liberté est en l’homme une force de croissance et de maturation dans la vérité et la bonté. La liberté atteint sa perfection quand elle est ordonnée à Dieu, notre béatitude » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1731). « Tant qu’elle ne s’est pas fixée définitivement dans son bien ultime qu’est Dieu, la liberté implique la possibilité de choisir entre le bien et le mal, donc celle de grandir en perfection ou de défaillir et de pécher » (Ibid., n° 1732). « La liberté de l’homme est finie et faillible. De fait, l’homme a failli. Librement il a péché […], il s’est trompé lui-même ; il est devenu esclave du péché » (Ibid., n° 1739). La liberté est un « signe privilégié de l’image divine » dans l’homme (Concile Vatican II, constitution pastorale sur l’Église dans le monde Gaudium et spes, n° 17 ).
En utilisant bien sa liberté, la personne humaine trouve sa perfection dans la recherche et l’amour du vrai et du bien (cf. Catéchisme de l’Église catholique, n° 1704) et augmente sa ressemblance avec l’image de Dieu à laquelle elle a été créée (cf. Genèse 1, 27). En effet, comme l’Apôtre l’exprime, « nous tous, dont le visage découvert réfléchit la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, toujours plus glorieux, comme sous l’action du Seigneur qui est esprit » (2 Corinthiens 3, 18). L’homme atteint ainsi peu à peu la perfection, qui est la fin et la félicité de la personne humaine, et qui atteindra sa plénitude au ciel, dans la vision de Dieu « face à face » (1 Corinthiens 13, 12) : « Nous lui serons semblables, parce que nous Le verrons tel qu’il est » (1 Jean 3, 2). L’homme est appelé à connaître Dieu (cf. Ibid., n° 1721), à « la vie parfaite avec la Très Sainte Trinité », qui est la « réalisation des aspirations les plus profondes de l’homme, l’état de bonheur suprême et définitif » (Ibid., n° 1024). La gloire de Dieu, c’est que l’homme atteigne cette perfection et soit heureux ; et la félicité de l’homme, c’est de rendre gloire à Dieu (cf. Ibid., 294) : « La gloire de Dieu, c’est que l’homme vive, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu » (Saint Irénée, Adversus hæreses 4, 20, 7).
Pour y parvenir, l’homme a la loi éternelle à sa disposition, comme une carte qui indique la route à suivre. On appelle loi éternelle le plan de la Sagesse divine pour conduire toute la création jusqu’à sa fin (cf. Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, I-II, q. 93, a. 1, c). À travers la loi éternelle, « Dieu, dans son dessein de sagesse et d'amour, règle, dirige et gouverne le monde entier, ainsi que les voies de la communauté humaine » (concile Vatican II, déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ, n° 3). Par sa nature, l’homme participe à cette loi éternelle. Il faut parler maintenant de cette participation, appelée loi naturelle.
(à suivre…)