Les chrétiens célèbrent aujourd’hui le mystère central de leur foi : l’existence d’un seul Dieu en trois Personnes. C’est un paradoxe, certes, mais en même temps la réalité la plus élevée. « Il n’y a qu’un seul Dieu et le monothéisme de l’Ancien Testament est fidèlement maintenu. Ce Dieu se manifeste comme le Père qui a un Fils, avec lequel il est en relation dans l’unité d’un même Esprit. Non pas trois dieux, mais un seul Dieu en trois Personnes, auxquelles l’Écriture [la Bible] donne trois noms divins, qui accomplissent, dans cette communion divine, un même salut pour les hommes » (Catéchisme des évêques de France, n° 235).
Dès le début de leur prédication, les apôtres enseigneront que « comme votre vocation vous a tous appelés à une seule espérance, de même il n’y a qu’un seul Corps et un seul Esprit. Il n’y a qu’un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême, un seul Dieu et Père de tous, qui règne au-dessus de tous, par tous et en tous » (Éphésiens 4, 4-6).
Je n’ai pas la prétention de faire ici un cours sur la Trinité, ce qui conduirait trop loin. Je me limiterai à dire qu’en partant de l’Écriture, qui est la Parole de Dieu, « les relations qui unissent le Père, le Fils et l’Esprit dans la réalisation de notre salut révèlent des relations qui les unissent dans leur vie éternelle. Le Père est Père depuis toujours et n’est que Père ; le Fils est éternellement engendré par le Père et de même nature que lui (« consubstantiel »), comme le définissent les conciles de Nicée en 325 et de Constantinople en 381, et comme le dit encore aujourd’hui le Credo. De même l’Esprit n’est pas une créature du Fils : « Il est Seigneur et il donne la vie : avec le Père et le Fils il reçoit même adoration et même gloire, il procède du Père ». […] Pour désigner pareillement le Père, le Fils et l’Esprit qui ne font pas trois dieux, la Tradition de l’Église a élaboré le terme de personneen le distinguant de celui de nature. Chacune des Personnes est constituée par la relation spécifique qui l’unit aux autres. Mais les Personnes s’inscrivent dans l’unité de la même nature divine et ne la multiplient pas. Simplement, chaque Personne a une place et un rôle originaux dans l’éternel mouvement d’échange, de don et de retour qui habite la même nature. Le dogme de la Trinité se résume donc dans la formule : trois Personnes égales et distinctes en une seule nature » (Catéchisme des évêques de France, n° 237).
Dans la préface de la messe, les croyants affirment que, « vraiment, il est juste et il est bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant. Avec ton Fils unique et le saint-Esprit, tu es un seul Dieu, tu es un seul Seigneur, dans la trinité des personnes et l’unité de leur nature. Ce que nous croyons de ta gloire, parce que tu l’as révélé, nous le croyons pareillement, et de ton Fils et du Saint-Esprit ; et quand nous proclamons notre foi au Dieu éternel et véritable, nous adorons en même temps chacune des Personnes, leur unique nature, leur égale majesté ».
Religion - Page 71
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11 juin : la Sainte Trinité
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Qui étaient les évangélistes ?
Ce qui est important dans les Évangiles, c’est qu’ils nous transmettent la prédication des apôtres et que les évangélistes ont été des apôtres ou des hommes apostoliques (voir concile Vatican II, constitution dogmatique Dei Verbum, « la Parole de Dieu », n° 19). Ceci est conforme à la tradition : les auteurs des Évangiles sont Matthieu, Jean, Luc et Marc. Les deux premiers figurent dans la liste des apôtres (Matthieu 10, 2-4 et passages parallèles) et les deux autres sont des disciples respectivement de saint Paul et de saint Pierre. Lorsqu’elle fait l’analyse critique de cette tradition, la recherche moderne ne voit pas de gros inconvénients attribuer à Marc et à Luc leur Évangile. En revanche, elle analyse avec un œil plus critique l’autorité de Matthieu et de Jean. Elle affirme d’ordinaire que cette attribution met en évidence la tradition apostolique d’où ces écrits proviennent, non que les auteurs en question aient eux-mêmes écrit ces textes.
Ce qui compte, ce n’est donc pas la personne concrète qui écrit l’Évangile, mais l’autorité apostolique qui se trouvait derrière chacune d’elles. Au milieu du IIème siècle, saint Justin parle des « mémoires des apôtres ou évangiles » (Apología, 1,66, 3) qu’on lisait pendant la réunion liturgique. Ce qui laisse entendre deux choses : l’origine apostolique de ces écrits et le fait qu’on les recueillait pour les lires en public. Un peu plus tard, toujours au IIème siècle, d’autres auteurs disent que les Évangiles apostoliques sont au nombre de quatre et de quatre seulement. Origène, par exemple, écrit : « L’Église a quatre Évangiles, les hérétiques un très grand nombre, parmi lesquels un qui a été écrit selon les Égyptiens, un autre selon les douze apôtres. Basilide a osé écrire un évangile et lui donner son nom (...). Je connais un évangile appelé selon Thomas et un autre selon Matthias ; et nous en lisons beaucoup d’autres » (Hom. I in Luc., PG 13,1802). Nous trouvons des expressions semblables chez saint Irénée, qui ajoute en outre : « Le Verbe artisan de l’univers, qui est assis au-dessus des chérubins et qui maintient tout, une fois manifesté aux hommes, nous a donné l’Évangile à quatre formes, Évangile qui est cependant maintenu par un seul Esprit » (Contre les hérésies, 3, 2, 8-9). Cette expression — Évangile à quatre formes — met en évidence quelque chose d’important, à savoir que l’Évangile est un, mais sa forme quadruple. La même idée est exprimée par le titre des Évangiles : leurs auteurs ne sont pas indiqués, comme d’autres auteurs de l’époque, par le génitif d’origine (« Évangile de… »), mais par le mot kata (« Évangile selon… »). On indique de cette façon que l’Évangile est unique, celui de Jésus-Christ, mais qu’il en est donné témoignage de quatre façons qui proviennent des apôtres et des disciples des apôtres. C’est la pluralité dans l’unité qui est ainsi soulignée.
Vicente Balaguer, professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
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Liberté, liberté chérie… (5)
Liberté et loi morale
La liberté ne devient effective que par la connaissance de la loi naturelle. Mais elle n'est pas adhésion aveugle, prédéterminée — ce qui serait la négation même de la liberté — ni simple consentement. « Dieu nous demande un effort, effort qui est la preuve de notre liberté » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 17). L'homme a la propriété, qui le spécifie en tant qu'homme, de pouvoir être véritablement et personnellement la cause de ses actes. Nous nous situons ici au plan de la voluntas ut ratio, car la volonté est « domina sui actus » (saint Thomas d’Aquin, Summa Theologiæ I-II, q. 9, a. 3).
Il n'en découle pas que l'homme puisse être l'auteur de la loi morale : cela équivaudrait à se prendre pour l'auteur de la nature. Il possède « le don très spécial de la liberté » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 99) qui le rend maître de ses actes et capable, toujours avec la grâce divine, de façonner son destin éternel.
Mais il est vraiment la cause de ses actes dont l'exécution concourt, parce qu'ils sont posés en conformité avec la loi, à conserver et développer « l'harmonie divine de la création » (Ibid., n° 183). Non pas cause aveugle, nécessaire, mais cause par le jeu combiné de son intelligence et de sa volonté, par un choix qui lui est personnel. « Voilà le degré suprême de dignité chez les hommes : qu'ils se dirigent par eux-mêmes et non par un autre vers le bien » (saint Thomas d’Aquin, Super Epistolas S. Pauli lectura. Ad Romanos, cap. II, lect. III, 217, éd. Marietti, Turin, 1953, p. 38-39 ; cf. Amis de Dieu, n° 27). C'est alors que l'homme « se sent entièrement libre parce qu'il travaille aux choses de son Père » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 138) et qu'il assume délibérément le « conditionnement » que comporte la vie chrétienne. D'où cette exclamation joyeuse et optimiste : "Mon joug est la liberté" (saint Josémaria, Chemin de Croix, Paris, 1982, 2e station, point de méditation n° 4). Comme Dante l'a bien subodoré, « Vous qui vivez, vous attribuez au ciel seul toutes les causes, comme s'il entraînait nécessairement tout avec lui. S'il en était ainsi, le libre-arbitre serait détruit en vous (...) Si le monde actuel s'égare, la cause en est en vous » (Dante Alighieri, La Divine comédie. Le Purgatoire, chant XVI, 67-71. 82, trad. Alexandre Masseron, Paris, 1954).
C'est pour cela que l'homme n'a pas seulement à suivre la nature, mais qu'il doit consentir entièrement à l'ordre établi par Dieu, jusque et y compris en ce point précis qu'agir librement, être pour de bon et personnellement cause, est inhérent à sa nature humaine et qu'il ne respecte pas excellemment cet ordre établi tant qu'il n'agit pas en toute liberté. « Dieu a jugé que ses serviteurs seraient meilleurs s'ils le servaient librement... Dieu ne veut pas d'esclaves. Il préfère avoir des enfants libres » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 33). Or le maximum de liberté se trouve dans la volonté (saint Thomas d’Aquin, In II Sent., d. 25, q. 1, a. 2 ad 4). D'autre part, il ne faut pas oublier que c'est le propre de Dieu Créateur d'agir au fond intime de sa créature, en sorte que celle-ci demeure parfaitement libre. Donc « plus Dieu est le Maître de la volonté de l'homme, plus celui-ci choisit ce qui est meilleur pour lui, c'est-à-dire conforme à sa destinée établie de toute éternité par le Père, grâce à l'Esprit du Christ qui anime son vouloir. Et plus aussi ce chrétien s'humanise vraiment en sa volonté d'homme » (H.-M. Manteau-Bonamy, La Vierge Marie et le Saint-Esprit, 2e éd. augmentée, Paris, 1975, p. 159).
La loi divine ne s'oppose nullement à la liberté. Bien au contraire, puisqu'elle a pour auteur la liberté même. « Le Seigneur nous a octroyé un grand don surnaturel, la grâce divine, et un merveilleux présent humain, la liberté personnelle qui, pour ne pas se corrompre ni se transformer en licence, exige de nous une intégrité et un ferme engagement de refléter dans notre conduite la loi divine, parce que là où est l'Esprit de Dieu, là se trouve la liberté » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 184). La loi divine est, bien évidemment, contraire aux tendances désordonnées de la nature humaine, commutata in deterius par le péché originel. Mais elle n'est pas l'adversaire de tout ce qui est authentiquement humain, de tout ce qui construit la société et le monde dans l'harmonie. Comment en irait-il autrement, alors qu'elle préside à ce développement ? Moyennant quoi il n'y a pas, et il ne peut pas y avoir, « d'opposition entre le service de Dieu et le service des hommes ; entre l'exercice des devoirs et des droits civiques et celui des devoirs et des droits religieux ; entre un effort pour construire et perfectionner la cité temporelle et la certitude que ce monde que nous traversons est un chemin qui nous conduit à la patrie céleste » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 165).
En dernière instance, c'est l'obéissance à la loi, et donc le respect de l'ordre naturel établi par la Sagesse éternelle, qui seuls maintiennent vives la liberté et la joie de la liberté ; et la conviction que rien de ce monde n'est perdu pour l'au-delà : « Où il n'y a pas de liberté, là point de mérite » (St Bernard, Serm. 81 in Cant. 6).
(à suivre…) -
9 juin: le Sacré Cœur
L’Église fête aujourd’hui le Cœur de Jésus-Christ qui a été transpercé sur la Croix par un soldat romain : « Arrivés à Jésus, comme ils virent qu’il était déjà mort, ils ne lui brisèrent pas les jambes, mais un des soldats lui perça le côté avec sa lance, et il en sortit aussitôt du sang et de l’eau. Et celui qui a vu en rend témoignage » (Jean 19, 33-35). Ce soldat est appelé Longin, du grec logchê, « lance », par les Actes de Pilate, un texte apocryphe, c’est-à-dire non reconnu par l’Église comme étant inspiré par Dieu. Il se serait converti le jour de la Pentecôte.
Dans la préface de la messe d’aujourd’hui, l’Église rappelle qu’en laissant jaillir l’eau et le sang, Jésus « fit naître les sacrements de l’Église, pour que tous les hommes, attirés vers son Cœur, viennent puiser la joie aux sources vives du salut ».
La dévotion au Sacré Cœur de Jésus s’est beaucoup répandue à la suite des apparitions du Christ à Marguerite-Marie Alacoque (1647-1690) pour lui demander qu’un culte spécial lui soit rendu pour compenser tous les outrages qu’il reçoit dans l’Eucharistie, le sacrement de sa présence réelle parmi les hommes. La visionnaire était religieuse au monastère de la Visitation (un ordre féminin contemplatif de religieuses, dites de la Visitation de Sainte-Marie, ou Visitandines, fondé par saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal en 1610), à Paray-le-Monial.
Lors de la troisième apparition, en juin 1675, Jésus découvrit son Cœur à Marguerite-Marie en lui disant : « Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes, qu’il n’a rien épargné jusqu’à s’épuiser et se consommer pour leur témoigner de son amour. Et, pour reconnaissance, je ne reçois de la plupart que des ingratitudes, par leurs irrévérences et leurs sacrilèges, par les froideurs et les mépris qu’ils ont pour moi dans ce sacrement d’amour. »
« La vraie dévotion au Cœur de Jésus consiste à connaître Dieu, à nous connaître nous-mêmes, à fixer notre regard sur Jésus, à recourir à Celui qui nous encourage, nous enseigne et nous guide. Cette dévotion n’est superficielle que pour l’homme qui, faute de n’être pas parvenu à être vraiment humain, n’arrive pas à pénétrer la réalité du Dieu incarné » (saint Josémaria, -
Qui étaient les apôtres de Jésus ?
Une des données les plus sûres de la vie de Jésus est qu’il a constitué un groupe de douze disciples qu’il a appelés les « Douze apôtres ». Ce groupe était formé d’hommes que Jésus a appelés personnellement, qui l’ont accompagné dans sa mission d’instaurer le royaume de Dieu, qui sont témoins de ses paroles, de ses actes et de sa résurrection.
Le groupe des Douze apparaît dans les écrits du Nouveau Testament comme un groupe stable ou fixe. Leurs noms sont : « Simon — à qui il imposa le nom de Pierre — ; Jacques, le file Zébédée, et Jean son frère — auxquels il imposa le nom de Boanergès, c’est-à-dire fils du tonnerre — ; André, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques, le fils d’Alphée, Thaddée, Simon le Zélote et Judas Iscariote, celui qui le livra » (Marc 3, 16-19). Il n’y a guère de variations dans les listes qui figurent dans les autres Évangiles et dans les Actes des apôtres. Thaddée est appelé Judas, mais cela n’est pas significatif, car, comme on le voit, plusieurs personnes portent le même prénom — Simon, Jacques — et se distinguent par le patronyme ou par un deuxième nom. Il s’agit donc de Judas Thaddée. Ce qui est significatif, c’est qu’il ne soit pas question dans le livre des Actes du travail d’évangélisation de nombre d’entre eux : c’est le signe qu’ils se sont dispersés très tôt et que, malgré cela, la tradition des noms de ceux qui étaient les apôtres était fermement établie.
Saint Marc (3, 13-15) dit que Jésus, « monta dans la montagne et il appela à lui ceux qu’il voulut. Ils allèrent vers lui. Il en établit douze qui seraient avec lui, qu’il enverrait prêcher et qui auraient le pouvoir de chasser les démons ». Il indique ainsi l’initiative prise par Jésus et la fonction du groupe des Douze : être avec lui et être envoyés pour prêcher avec le même pouvoir que Jésus détenait. Les autres évangélistes — saint Matthieu (10, 1) et saint Luc (6, 12-13) — s’expriment en des termes semblables. Tout au long de l’Évangile on voit comment ils accompagnent Jésus, participent à sa mission et reçoivent un enseignement particulier. Les évangélistes ne cachent pas que bien souvent ils ne comprennent pas les paroles du Seigneur et qu’ils l’ont abandonné au moment de l’épreuve. Mais ils indiquent aussi la confiance renouvelée que Jésus leur témoigne.
Il est très significatif que le nombre des élus soit de Douze. Ce nombre renvoie aux douze tribus d’Israël (voir Matthieu 19, 28 ; Luc 22, 30 ; etc.) et non à d’autres chiffres communs à l’époque — les membres du sanhédrin étaient au nombre de 71, les membres du conseil de Qumran de 15 ou16 et les membres adultes nécessaires pour le culte à la synagogue de 10 —, moyennant quoi il semble clair que Jésus a voulu indiquer qu’il ne voulait pas restaurer le royaume d’Israël (Actes 1, 6) — sur la base de la terre, du culte et du peuple — mais instaurer le royaume de Dieu sur la terre. C’est ce que montre aussi le fait que, avant la venue de l’Esprit Saint le jour de la Pentecôte, Matthias occupe la place de Judas Iscariote et complète le nombre de douze (Actes 1, 26).
Vicente Balaguer, professeur à la faculté de théologie de l’Université de Navarre
Disponible sur le site www.opusdei.es
Traduit par mes soins -
Évangiles canoniques et évangiles apocryphes
Les Évangiles canoniques sont ceux que l’Église a reconnus comme transmettant de façon authentique la tradition apostolique et comme étant inspirés par Dieu. Ils sont au nombre de quatre et de quatre seulement : Matthieu, Marc, Luc et Jean. C’est ce que propose expressément saint Irénée de Lyon, à la fin du IIème siècle (Adversus hæreses 3, 11, 8-9) et ce que l’Église a maintenu constamment, le proposant finalement comme dogme de foi quand elle a défini le canon des Saintes Écritures au concile de trente (1545-1563).
La composition de ces Évangiles s’enracine dans ce que les apôtres ont vu et entendu lorsqu’ils étaient avec Jésus et dans les apparitions qu’ils ont eues avec lui après sa Résurrection d’entre les morts. Les apôtres eux-mêmes, en accomplissement du commandement du Seigneur, prêchèrent aussitôt la bonne nouvelle (ou Évangile) à son sujet et au sujet du salut qu’il apporte à tous les hommes. Des communautés de chrétiens se constituèrent en Palestine et au-dehors (Antioche, villes d’Asie mineure, Rome, etc.). Dans ces communautés, les traditions prirent la forme de récits ou d’enseignements au sujet de Jésus, toujours sous la vigilance des apôtres qui en avaient été témoins. Dans un troisième temps, ces traditions furent mises par écrit et insérées dans un récit ayant la forme de biographie du Seigneur. C’est ainsi qu’apparurent les Évangiles à l’usage des communautés auxquelles ils étaient destinés. Le premier à paraître fut celui de Marc ou peut-être une édition de Matthieu en hébreu ou en araméen plus court que l’actuel ; les trois autres ont imité ce genre littéraire. Pour ce travail, chaque évangéliste a choisi un certain nombre des nombreux éléments qui se transmettaient, en a résumé d’autres et a présenté le tout compte tenu de la condition de ses lecteurs immédiats. Que les quatre aient joui de la garantie apostolique se reflète dans le fait qu’ils ont été reçus et transmis comme écrits par les apôtres eux-mêmes ou par leurs disciples directs : Marc disciple de Paul et Luc disciple de Pierre.
Les évangiles apocryphes sont ceux que l’Église n’a pas acceptés comme ayant une tradition apostolique authentique, même s’ils se présentaient d’ordinaire sous le nom d’un apôtre. Ils ont commencé à circuler très tôt, car ils sont cités dès la deuxième moitié du IIème siècle ; mais ils ne jouissaient pas de la garantie apostolique contrairement aux quatre Évangiles reconnus et, en outre, nombre d’entre eux contenaient des doctrines en désaccord avec l’enseignement apostolique. « Apocryphe » signifie d’abord « secret », en tant qu’il s’agit d’écrits adressés à un groupe spécial d’initiés et qui étaient conservés dans ce groupe. Le terme a signifié par la suite inauthentique et même hérétique. Le nombre de ces apocryphes a beaucoup augmenté au fil du temps, aussi bien pour décrire des détails la vie de Jésus que les Évangiles canoniques ne donnaient pas (par exemple les apocryphes de l’enfance de Jésus), que pour mettre sous le nom d’un apôtre des enseignements qui se séparaient de l’enseignement commun de l’Église (par exemple évangile de Thomas). Origène d’Alexandrie († 245) écrivait : « L’Église a quatre Évangiles, les hérétiques, beaucoup. »
Le nombre des évangiles apocryphes connus par les informations des saints Pères, conservés par la piété chrétienne ou attestés par des papyrus, dépasse la cinquantaine.
Gonzalo Aranda, professeur de la faculté de Théologie de l’Université de Navarre
Original sur le site opusdei.es
Traduit par mes soins -
4 juin : la Pentecôte
La Pentecôte est la fête de la venue de l’Esprit Saint, la troisième Personne de Dieu, sur les disciples du Christ. L’Église commence à exister ce jour-là. Chez le peuple hébreu, la Pentecôte commémorait l’établissement de l’Alliance du Sinaï. Dieu s’était manifesté dans le vent et le feu avant de remettre les dix Commandements à Moïse, menant à son plein accomplissement la libération commencée avec la sortie d’Égypte.
La Pentecôte est marquée elle aussi par un vent puissant et par le feu, qui se pose sous forme de langue sur les disciples (voir Actes 2, 2-3). Cet événement donne une nouvelle envergure à l’événement du Sinaï, comme Benoît XVI l’expliquait dans son homélie pour la Pentecôte 2005. Le fait que chacun entende les apôtres parler dans sa langue (voir Actes 2, 6) montre que « le peuple de Dieu qui avait trouvé au Sinaï sa première forme, est alors élargi au point de ne connaître plus aucune frontière ».
L’Église est ouverte à tous les peuples de tous les temps. « Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d'un seul Esprit (1 Co 12, 13) ». Par conséquent, l’Église « doit ouvrir les frontières entre les peuples et abattre les barrières entre les classes et les races. En son sein, il ne peut y avoir de personnes oubliées ou méprisées. Dans l’Église, il n’y a que des frères et des sœurs de Jésus-Christ libres ». Et Benoît XVI de nous inviter à « prier sans cesse pour que l’Esprit Saint nous ouvre, nous donne la grâce de la compréhension ».
Au soir de Pâques, le Christ ressuscité était apparu à ses disciples alors que les portes du Cénacle étaient fermées, leur disant : « Que la paix soit avec vous ! » (Luc 24, 36). « Quant à nous, nous fermons sans cesse nos portes ; nous voulons sans cesse nous mettre en sécurité et ne pas être dérangés par les autres et par Dieu. C'est pourquoi nous pouvons sans cesse supplier le Seigneur […] pour qu’il vienne à nous en franchissant nos fermetures et qu'il nous apporte son salut. […] En nous abaissant, en sortant de nous-mêmes, nous atteignons la hauteur de Jésus-Christ, la véritable hauteur de l’être humain ».
Enfin Jésus souffle ce soir-là sur ses apôtres et leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jn 20, 23). « À son souffle, au don de l’Esprit Saint, le Seigneur relie le pouvoir de pardonner. Nous avons précédemment entendu que l’Esprit Saint unit, franchit les frontières, conduit les uns vers les autres. La force, qui ouvre et permet de surmonter Babel, est la force du pardon. Jésus peut donner le pardon et le pouvoir de pardonner, car il a lui-même souffert des conséquences de la faute et il les a fait disparaître dans la flamme de son amour. Le pardon vient de la Croix ; il transforme le monde avec l’amour qui se donne. Son cœur ouvert sur la Croix est la porte à travers laquelle la grâce du pardon entre dans le monde. Seule cette grâce peut transformer le monde et édifier la paix. » -
Liberté, liberté chérie… (fin)
Liberté et unité de vie
L'homme libre ne se laisse pas détourner de la finalité essentielle de sa nature. Il intègre chacune des composantes de son être dans le plan divin et collabore ainsi de toutes ses forces à co-racheter avec le Christ. Parfaitement conscient de sa vocation à la plénitude de la vie chrétienne, il discerne à quel point sa vocation humaine et sa vocation surnaturelle constituent un tout qu'il est convié à couler dans une « unité de vie » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 165) compacte. Il faut « aimer le monde passionnément », comme l'indique le titre d'une homélie du fondateur de l’Opus Dei (cf. Entretiens avec Mgr Escriva, n° 111-123), parce que « votre vocation humaine est une partie, et une partie importante, de votre vocation divine » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 46). L'on infère de cette puissante assertion que « notre époque a besoin qu'on restitue à la matière et aux situations qui semblent les plus banales, leur sens noble et originel, qu'on les mette au service du Royaume de Dieu, qu'on les spiritualise, en en faisant le moyen et l'occasion de notre rencontre continuelle avec Jésus-Christ » (Ibid., n° 114).
La vie courante est donc le théâtre où l'homme conquiert sa liberté et où il la met en acte, c'est-à-dire où sa volonté acquiert un habitus, ou qualité stable par laquelle l'être se perfectionne. L'homme s'attache et se livre à Dieu dans un épanouissement sans cesse grandissant qui lui vient de l'adéquation à la loi morale par le truchement de la réponse à la grâce. « La liberté et le don de soi ne se contredisent pas ; ils se soutiennent mutuellement. On ne donne sa liberté que par amour ; je ne conçois pas d'autre type de détachement » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 31).
C'est ainsi que l'homme vit le plus intensément, s'auto-réalise au maximum, transforme avec vivacité sa vocation humaine — familiale, professionnelle, scientifique, politique, culturelle, etc. — en une authentique vocation divine. S'ouvrent alors devant lui « les chemins divins de la terre » (Ibid., n° 314). Il y déchiffre que Dieu s'intéresse à ce qui constitue « son monde », avec ses projets, avec son amour, avec son travail (cf. D. Le Tourneau, « Le travail comme caractéristique de la sécularité des laïcs. Pistes pour une réflexion », Studium Legionensis [1988]). Un rapport simple, filial et confiant se noue avec l'Absolu, empreint de cette liberté dont les enfants font preuve à l'égard de leurs parents. L'exécution fidèle de sa vocation dans les moindres incidences de son existence lui font savourer le gaudium cum pace (cf. saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 9), la paix et la joie qui l'acheminent à la volonté de ne pas dévier du chemin de Vie : « Nous nous savons libres; nous élevant comme dans un chant d'amour - épithalame d'une âme ardente - qui nous pousse à désirer ne pas nous écarter de Dieu » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 297). Cette ambition de la sainteté, de la « bonne divinisation » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 98) doit s'affirmer et s'affermir tout au long de la vie, dans un crescendo irrésistible d'amour de Dieu, en commençant et en recommençant sans cesse : « Afin de persévérer à la suite de Jésus, il faut une liberté continuelle, un vouloir continuel, un exercice continuel de sa propre liberté » (saint Josémaria, Forge, n° 819) ; elle fait brûler d'une impatience volcanique de contempler Dieu face à face. Vultum tuum, Domine, requiram ! (Psaume 27, 8), Seigneur, je cherche ton visage, répétait Mgr Escriva sur le tard de sa vie (cf. F. Gondrand, Au pas de Dieu. Josémaria Escriva de Balaguer fondateur de l'Opus Dei, Paris, 1982, p. 312).
« Je me plais à parler de l'aventure de la liberté, car c'est ainsi que se déroule votre vie et la mienne. Librement — comme des enfants et, pardonnez-moi si j'insiste, non comme des esclaves — nous suivons le sentier que le Seigneur a tracé pour chacun de nous. Nous savourons cette facilité de mouvement comme un don de Dieu. Librement, sans aucune contrainte, parce que telle est ma volonté, je me décide pour Dieu. Et je m'engage à servir, à transformer mon existence en un don aux autres, par amour de mon Seigneur Jésus » (saint Josémaria, Amis de Dieu, n° 35). Et en dernier ressort cette libre élection émane de « la liberté des enfants de Dieu, que Jésus-Christ nous a gagnée en mourant sur le bois de la croix » (Ibid., n° 297).
(fin)
Dominique LE TOURNEAU
(cet article est paru dans Theologica XXII-XXIII [1991], p. 3-14)
Amis de Dieu -
Que s'est-il passé à la dernière Cène ?
Les heures qui ont précédé la Passion et la mort de Jésus sont restées gravées avec une force singulière dans la mémoire et le cœur de ceux qui ont été avec lui. C’est pourquoi les écrits du Nouveau Testament conservent pas mal de détails au sujet de ce que Jésus a fait et dit au cours de son dernier repas. Selon Joachim Jeremias, c’est un des épisodes les mieux attestés de sa vie. Dans cette circonstance, Jésus retrouvait seul avec les douze apôtres (Matthieu 26, 20 ; Marc 14, 17 et 20 ; Luc 22, 14). Ni Marie, sa mère, ni les saintes femmes, ne l’accompagnaient.
Selon le récit de saint Jean, au commencement, dans un geste lourd de signification, Jésus lave les pieds de ses disciples, leur donnant ainsi un exemple humble de service (Jean 13, 1-20). Ensuite a lieu un des épisodes les plus dramatiques de cette réunion : Jésus annonce qu’un d’entre eux va le trahir, et ils se regardent les uns les autres avec stupéfaction tandis que Jésus désigne Judas avec une grande délicatesse (Matthieu 26, 20-25 ; Marc 14, 17-21 ; Luc 22, 21-23 et Jean 13, 21-22).
Au cours de la célébration proprement dite de la cène, le fait le plus surprenant a été l’institution de l’Eucharistie. Nous conservons quatre récits de ce qui s’est passé à ce moment-là : les trois récits des synoptiques (Matthieu 26, 26-29 ; Marc 14, 22-25 ; Luc 22, 14-20) et celui de saint Paul (1 Co 11 ? 23-26). Ils sont très semblables entre eux. Il s’agit dans tous les cas de narrations de quelques versets à peine, qui rappellent les gestes et les paroles de Jésus qui ont donné lieu au sacrement et qui constituent le noyau du rite nouveau : « Il prit ensuite du pain, le rompit après avoir rendu grâces et leur en donna en disant : — Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi » (Luc 22, 19 et parallèles).
À la fin du repas, quelque chose d’une importance particulière se produit : « Et pareillement, après le souper, il prit la coupe en disant : — Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang, versé pour vous » Luc 22, 20 et parallèles).
Les apôtres comprirent que s’ils avaient assisté auparavant à la remise de son corps sous les apparences du pain, il leur donnait maintenant son sang à boire dans le calice. De cette façon, la tradition chrétienne a perçu dans ce souvenir du don séparé du corps et du sang un signe efficace du sacrifice qui devait consommer quelques heures plus tard sur la Croix.
En outre, pendant tout ce temps, Jésus parlait avec affection, laissant ses derniers mots dans le cœur de ses apôtres. L’Évangile selon saint Jean conserve le souvenir de cette conversation longue et intime. C’est à ce moment-là que se situe le commandement nouveau, dont l’accomplissement sera le signe distinctif des chrétiens : « Je vous donne un commandement nouveau : que vous vous aimiez les uns les autres, et que vous vous aimiez comme je vous ai aimés. C’est à cela que tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres » (Jean 13, 34-35).
Francisco Varo, doyen de la faculté de théologie de l’Université de Navarre
Disponible sur le site www.opusdei.es
Traduit par mes soins -
Les gnostiques
Le nom « gnostique » vient du mot grec gnosis qui veut dire connaissance. Le gnostique est donc celui qui acquiert une connaissance spéciale et vit en accord avec elle. Le mot gnosis n’a donc pas un sens péjoratif. Certains Pères de l’Église, comme Clément d’Alexandrie et saint Irénée, parlent de la gnose au sens de la connaissance de Jésus-Christ obtenue par la foi : « La vraie gnose, écrit saint Irénée, est la doctrine des apôtres » (Adversus hæreses 4.33).
Le terme gnosis a pris un sens péjoratif quand il a été appliqué par les mêmes Pères à des hérétiques qui ont une certaine importance aux IIème et IVème siècles. Le premier à les qualifier ainsi est saint Irénée ,qui en voit l’origine dans l’hérésie de Simon le samaritain (Actes 8, 9-24) et dit que ses adeptes se sont répandus à Alexandrie, en Asie mineure et à Rome, donnant lieu à « une multitude de gnostiques qui sortent de terre comme des champignons » (Adversus hæreses 1.29.1). Saint Irénée poursuit en disant que les valentiniens, qu’il combat directement, descendent d’eux. Il explique une telle abondance et diversité de sectes en disant que « la plupart de leurs auteurs, en réalité tous, veulent être des maîtres ; ils s’en vont de la secte à laquelle ils ont adhéré et montent un enseignement à partir d’une autre doctrine, puis à partir de celle-là en naît une autre, mais tous insistent sur le fait qu’ils sont originaux et qu’ils ont trouvé par eux-mêmes les doctrines qu’ils se sont limités en réalité à compiler (Adversus hæreses 1.28.1).
De ces informations de saint Irénée et des autres Pères qui ont été amenés à combattre ces hérétiques (en particulier saint Hyppolite de Rome et saint Épiphane de Salamine), il découle que les groupuscules ont été si nombreux (simoniaques, nicolaïtes, ophites, naasséniens, séthéens, pérates, carpocratiens, valentiniens, marcosiens), ainsi que les maîtres (Simon, Cérinthe, Basilides, Carpocrate, Cerdon, Valentin, Ptolémée, Théodote, Héracléon, Bardesane…), qu’ils sont tombés sous la dénomination de « gnostiques », et qu’on ne peut les regrouper sous ce nom que de façon très générale. Des près de quarante œuvres « gnostiques » hérétiques découvertes en 1945 à Nag Hammadi (Haute-Égypte) on tire une impression semblable ; chaque ouvrage contient son orientation doctrinale hérétique propre.
Dans cette diversité, les gnostiques les mieux connus sont les valentiniens, qui sont également ceux qui ont exercé la plus forte influence. Ils agissaient dans l’Église comme « une bête sauvage cachée », dit saint Irénée. Ils avaient les mêmes Saintes Écritures que l’Église, mais ils les interprétaient en sens contraire. Selon eux, le Dieu vrai n’était pas le Créateur de l’Ancien Testament ; ils distinguaient plusieurs Christs parmi les êtres du monde céleste (des éons) ; ils estimaient que le salut s’obtenait par la connaissance de soi comme une étincelle divine enfermée dans la matière ; que la rédemption du Christ consiste à nous réveiller de cette connaissance, et que seuls les hommes spirituels (pneumatomaques) étaient destinés au salut. Le caractère élitiste de la secte et le mépris du monde créé déterminaient, parmi d’autres traits, la mentalité de ces hérétiques, qui sont les principaux représentants des « gnostiques ».
Gonzalo Aranda, professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
Disponible sur le site www.opusdei.es
Traduit par mes soins (pour les sectes mentionnées ci-dessus, on pourra consulter mon ouvrage Les mots du christianisme, Fayard)