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Livre - Page 7

  • Mosaïques de Saint-Démétrius (Istanboul)

    Les mosaïques de Saint-Démétrius de Thessalonique sont connues grâce aux travaux entrepris par mon grand-père, Marcel Le Tourneau (1874-1912), à qui le ministère de l’Instruction publique avait confié la mission d’étudier les monuments byzantins de Salonique, au printemps 1907.


    « Les mosaïques de Saint-Démétrius de Salonique, explique Marcel Le Tourneau, forment deux séries distinctes […]. Les unes décorent le mur au-dessus des arcades de la colonnade qui sépare les deux collatéraux de gauche et on peut y joindre une image isolée qui a été retrouvée dans le collatéral de droite. Les autres occupent les faces des deux piliers placés à droite et à gauche de l’entrée de l’abside et elles y semblent accrochées comme de véritables icones. » De la première série, l’auteur relève qu’elle « diffère absolument dans sa conception générale des autres décorations de mosaïque actuellement connues et elle constitue par là un monument à peu près unique ». Les images de l’une et l’autre série semblent être des images votives.

    Comme remarque générale, « l’inventeur » de ces mosaïques note « l’art très savant qui a réglé l’ordonnance générale de la décoration et distribue les valeurs avec une science consommée de la polychromie ».

    Marcel Le Tourneau donne le résultat de ses découvertes dans une publication de la Fondation Eugène Piot, Les mosaïques de Saint-Démétrius de Salonique par Ch. DIEHL et M. LE TOURNEAU, Extrait des Monuments et Mémoires publiés par l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (Deuxième fascicule du Tome XVIII), Paris, Ernest Leroux, Éditeur, 1911, avec six planches.

  • Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge

    Le Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge

    La première édition de cet ouvrage date de 1843, alors qu’il a été rédigé par saint Louis-Marie Grignion de Montfort (1673-1716) décédé près de cent trente ans plus tôt. Le titre a été imaginé par l’éditeur et ne correspond en réalité qu’à la première partie du livre, sur la dévotion envers Marie. Mais l’auteur se propose de faire découvrir dans la deuxième partie une « grande et solide dévotion », non la dévotion envers Marie en général : « parmi toutes les vraies et véritables dévotions à la Sainte Vierge quelle est la plus parfaite, la plus agréable à la Sainte Vierge, la plus glorieuse à Dieu et la plus sanctifiante pour nous, afin de nous y attacher ». Grignion de Montfort présente par là un véritable itinéraire de vie spirituelle.
    Cette remarque est faite par un montfortain, le Père Bernard Guitteny, dans un article qu’il publié dans la Nouvelle Revue de Théologie 127 (2005), p. 403-426, sous le titre « Le texte authentique du Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge de saint Louis-Marie Grignion de Montfort ».
    Le P. Guitteny relève aussi que l’éditeur de 1843, suivi depuis lors, a porté des corrections et biffé des lignes du manuscrit original, le deuxième paragraphe du texte étant purement et simplement omis. Rétablir le texte original permet de rectifier ce que saint Louis-Marie Grignion de Montfort dit de Marie en rapport avec le second avènement de Jésus. Il ne se réfère pas à la fin des temps mais au fait que c’est par Marie que Jésus doit régner dans le monde. « Le règne de Jésus-Christ ne sera qu’une suite nécessaire de la connaissance et du règne de la très Sainte Vierge », écrit Grignion de Montfort qui entend contribuer au règne de Jésus-Christ par la pratique de la dévotion envers Marie qu’il propose.
    Enfin le Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge, tel que nous le connaissons, comporte un acte de consécration à Marie qui, selon le P. Guitteny, n’est pas de Grignion de Montfort. Cet acte est une « consécration de soi-même à Jésus-Christ, la Sagesse éternelle, par les mains de Marie », qui entraîne le renouvellement des promesses du baptême et la « petite offrande de mon esclavage » que Marie doit remettre à Jésus. Or, pour Grignion de Montfort, il s’agit d’une consécration » d’un niveau de perfection bien plus élevé qu’un simple renouvellement des promesses baptismales, celui d’une démarche consistant à se consacrer « tout ensemble à la très Sainte Vierge et à Jésus-Christ » (non à l’un par l’autre), ce que chacun est appelé à réaliser au niveau de vie spirituelle auquel il se trouve : « Dieu ne donne pas sa grâce également forte à tous quoiqu il la donne suffisante à tous ».

    Ces précisions sont utiles, car elles permettent de mieux saisir la spiritualité de saint Louis-Marie Grignion de Montfort expurgée des scories que le temps lui a attachées.

  • Séparation et paroisses de Paris

    Parmi les nombreux ouvrages parus à l’occasion du centenaire de la Loi du 9 décembre 1905 portant Séparation des Églises et de l’État, je voudrais signaler un livre un peu particulier qui a pour mérite de présenter la façon dont la séparation a été vécue sur le terrain, concrètement à Paris.

    L’ouvrage, dû à Jacques Sévenet, est intitulé Les paroisses parisiennes devant la séparation des Églises et de l’État 1901-1908. Il a été publié chez Letouzey & Ané en novembre 2005, avec une préface de Valentine Zuber.

    Cette reconstitution historique de la vie des paroisses catholiques à Paris au début du XXe siècle s’appuie sur une documentation riche et diversifiée : bulletins paroissiaux, revues ecclésiastiques, livres de fabrique, Journal officiel, minutes de conférences publiques, rapports de police, etc. L’auteur, curé en région parisienne, commence par un exposé sur la situation de l’Église catholique à Paris à la veillée la loi de Séparation. Puis il présente les acteurs catholiques de la période considérée, à commencer par le cardinal Richard, archevêque de Paris. Dans un troisième chapitre, il présente la typologie du conflit des deux Frances tel qu’il se présente dans les réunions publiques tenues à Paris tout au long de l’année 1905. Il montre ensuite comment ont lieu les inventaires des biens d’Église. La situation créée par la Séparation engendre le désarroi dans une Église qui se sent abandonnée et qui se demande quoi faire de sa liberté et où trouver de l’argent pour vivre. Plus angoissante semble être la question des associations cultuelles, refusées par le saint-siège. Des accommodements sont trouvés ici ou là. Le conseil curial que préside le curé, l’assemblée plénière des évêques de France sont aussi des réponses aux nouveaux besoins.

    En conclusion, la Séparation va permettre aux curés parisiens de se libérer de la tutelle administrative et de développer les organisations paroissiales, notamment dans les quartiers les plus défavorisés. En outre, l’auteur prouve que la liberté et la neutralité de l’État ne sont en aucun cas une proclamation d’indifférence de ce dernier à l’égard du phénomène religieux présent sur son territoire.

    Une première annexe présente les paroisses parisiennes de l’époque ; une deuxième annexe donne le texte de la loi du 9 décembre 1905.

    Une recension plus détaillée de cet ouvrage paraîtra dans un prochain numéro de la revue Zeitschrift für Kirchengeschichte, à Tübingen.

  • Un livre tonifiant


    Je conseille la lecture du livre de Janne Haaland MATLARY, Quand raison et foi se rencontrent, publié par les Presses de la Renaissance en 2003. L'auteur est norvégienne, issue d'un milieu luthérien, mais personnellement agnostique, c'est-à-dire étrangère à la connaissance de Dieu, dans un pays où le catholicisme était considéré avec mépris. Docteur en philosophie, elle se spécialise dans les relations internationales, qu'elle enseigne à l'université d'Oslo.

    Elle découvre peu à peu ce qu'est le catholicisme. Toute agnostique qu'elle soit, elle comprend que le catholicisme est "fondé sur une personne qui se proclamait aussi vivante aujourd'hui que deux mille ans auparavant", et qu'il "existe une réalité objective dans l'hostie après la consécration, malgré ce que j'en pense ; que j'y croie ou non".
    Après sa conversion au catholicisme en 1982, Matlary ne découvre que progressivement que la foi ne doit pas se cantonner à la prière, mais imprégner toute sa vie, d'épouse, de mère de quatre enfants, d'enseignante, de femme engagée dans la vie publique (elle sera secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères de Norvège), de catholique (elle dirigera la représentation du Saint-Siège au congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, à Yokohama en 2001). C'est ce combat pour unifier toutes les composantes de l'existence que l'auteur nous livre, un combat qui connaît des hauts et des bas. L'auteur avoue avoir mis des années à comprendre que "le Christ nous offre chaque jour ses sacrements, qui sont là pour nous aider à entretenir et à améliorer nos relations avec Lui. Sans leur recours, on ne pourrait pas y arriver. Sans viligance, nous risquons de nous laisser entraîner dans la paresse, la volupté, le matéralisme et l'égocentrisme".
    Bref, avec Mme Matlary, nous comprenons que "le Christ incarné n'est pas uniquement mon Dieu personnel, mon ami, mais que nous sommes tous inclusdans cette relation d'amour, le monde aussi. La sanctification de soi, celle des autres et celle du monde font partie d'un seul et même processus. Ma vocation porte le nom de chacun de mes enfants, de mon travail, de ma famille — bref, mon cheminement est fait de l'ordinaire de ma vie. Cet ordinaire est extraordinaire : c'est là que le Christ est présent".
    L'ouvrage est préfacé par Michel Camdessus.
    À lire.

  • Les différences entre les Évangiles canoniques et les évangiles apocryphes

    La première différence que nous pouvons constater, étant donné que le fait que les Évangiles canoniques sont inspirés par Dieu n’est pas vérifiable, est de type externe aux Évangiles eux-mêmes : les Évangiles canoniques appartiennent au canon biblique, pas les évangiles apocryphes. Cela veut dire que les Évangiles canoniques ont été reçus comme une tradition authentique des apôtres par les Églises d’Orient et d’Occident dès la génération qui a suivi immédiatement celle des apôtres, tandis que les évangiles apocryphes, même si certains d’entre eux ont été utilisés de façon sporadique dans l’une ou l’autre communauté, ne sont pas parvenus à s’imposer ni à être reconnus par l’Église universelle. Une des raisons importantes de cette sélection, vérifiable par la science historique, est que les Évangiles canoniques ont été écrits à l’époque apostolique, comprise au sens large, c’est-à-dire tant que les apôtres ou leurs disciples vivaient. C’est ce qui peut se déduire des citations que font les auteurs chrétiens de la génération suivante et du fait que vers l’année 140 ait été composée une harmonisation des Évangiles à partir de données des quatre Évangiles qui sont devenus canoniques (Tatien). Les références aux évangiles apocryphes, en revanche, sont postérieures, de la fin du IIème siècle. D’autre part, les papyrus que l’on a trouvés avec un texte similaire à celui des évangiles, certains du milieu du IIème siècle, sont très fragmentaire, ce qui montre que les ouvrages qu’ils représentent n’étaient pas estimés au point d’être transmis avec soin aux générations suivantes.
    Au sujet des évangiles apocryphes que l’on conserve ou qui ont été découverts récemment, il faut dire que leurs différences par rapport aux Évangiles canoniques sont très importantes aussi bien quant à la forme que quant au contenu. Ceux qui ont été conservés au long de l’époque patristique et de l’époque médiévale sont des récits à caractère légendaire et remplis de fantaisies. Ils viennent satisfaire la piété populaire en racontant en détail tous les moments que les Évangiles canoniques ne racontent pas ou exposent de manière succincte. Ils sont en général en accord avec la doctrine de l’Église et apportent des récits sur la naissance de la Vierge de saint Joachim et de sainte Anne (naissance de Marie), la façon dont une sage-femme a vérifié la virginité de Marie (protévangile de Jacques), des miracles que faisait Jésus enfant (évangile du pseudo-Thomas), etc. Très différents sont les évangiles apocryphes provenant de Nag Hammad (Égypte) qui présentent un caractère hérétique gnostique. Ils ont la forme de dires secrets de Jésus (évangile copte de Thomas) ou de révélations du Seigneur ressuscité expliquant les origines du monde matériel (apocryphe de Jean), ou l’ascension d’une âme (évangile de Marie [Madeleine]), ou sont un lourd recueil de pensées provenant peut-être d’homélies ou de catéchèses (évangile de Philippe). Même si certains d’entre eux peuvent être très anciens, peut-être du IIème siècle, la différence avec les Évangiles canoniques s’impose immédiatement.

    Gonzalo Aranda, professeur de la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site

  • La crédibilité historique de la Bible

    Les livres de la Sainte Écriture enseignent fermement, avec fidélité et sans erreur, la vérité dont Dieu a voulu qu’elle soit consignée par écrit pour notre salut. Elles parlent donc de faits réels.
    Mais les faits peuvent être exprimés en vérité en ayant recours à des genres littéraires différents, et chaque genre littéraire a son style propre pour raconter les choses. Par exemple, quand il est dit dans les psaumes que « les cieux racontent la gloire de Dieu et le firmament fait connaître l’œuvre de ses mains » (Psaume 19, 2), on ne prétend pas affirmer que les cieux prononcent des mots ni que Dieu ait des mains, mais l’on exprime le fait réel que la nature rend témoignage de Dieu, car il est son créateur.
    L’histoire est un gente littéraire qui a de nos jours des caractéristiques particulières qui différente celles qu’il avait dans les littératures du Proche-Orient, et même de l’Antiquité gréco-romaine, pour raconter les événements. Tous les livres de la Bible, aussi bien de l’Ancien que du Nouveau Testament, ont été écrits entre deux et trois mille ans, moyennant quoi les qualifier d’« historiques » au sens que nous donnons de nos jours à ce mot serait un anachronisme, étant donnés qu’ils n’ont pas été pensés ni écrits avec les schémas conceptuels actuellement en usage.
    Néanmoins, le fait que nous ne puissions pas les qualifier d’« historiques » au sens actuel du mot ne veut pas dire qu’ils transmettent des informations ou des notions fausses ou trompeuses et, par conséquent, qu’ils ne sont pas crédibles. Ils transmettent des vérités et font référence à des faits qui se sont réellement produits dans le temps et dans le monde dans lequel nous vivons, racontés selon des façons de parler et de s’exprimer distinctes, mais également valides.
    Ces livres n’ont pas été écrits pour satisfaire notre curiosité au sujet de détails sans importance pour le message qu’ils transmettent, comme ce que mangeaient les personnages dont il est question, comment ils s’habillaient ou quels étaient leurs goûts. Ce qu’ils offrent, c’est surtout une appréciation des faits du point de vue de la foi d’Israël et de la foi chrétienne.
    Les textes bibliques permettent de connaître ce qui s’est produit mieux que ce que les témoins directs des événements en ont perçu, étant donné qu’ils ne pouvaient pas disposer de toutes les données nécessaires pour apprécier ce dont ils étaient témoins dans toute sa portée. Par exemple, quelqu’un qui serait passé à côté du Golgotha le jour de la crucifixion de Jésus se serait rendu compte que les Romains étaient en train d’exécuter un condamné à mort, mais le lecteur des Évangiles, en plus de cette réalité, sait que ce crucifié est le Messie et qu’à ce moment précis la rédemption de tout le genre humain s’accomplit.

    Francisco Varo, doyen de la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • Qu'est-ce que la bibliothèque de Nag Hammadi ?

    Qu’est-ce que la bibliothèque de Nag Hammadi ?

    C’est la collection des dix codes de papyrus recouverte cuir qui a été découverte par hasard en 1945 en Haute-Égypte, près de l’ancienne ville de Khénoboskion, à dix kilomètres de la ville moderne de Nag Hammadi. Elle est conservée au Musée copte du Caire et est désignée par le signe NHC (Codes Nag Hammadi). On ajoute d’ordinaire à cette collection trois autres codes connus depuis le XVIIIème siècle qui se trouvent à Londres (Codex Askewianus, connu sous le nom de Pistis Sophia), Oxford (Codex Brucianus) et Berlin (Codex Berolinensis). Ces trois codes, bien que plus tardifs, proviennent de la même zone.
    Les NHC ont été réalisés vers 330 et enterrés à la fin du IVème siècle ou au début du Vème. Ces codes contiennent près de cinquante ouvrages écrits en copte, la langue parlée par les chrétiens d’Egypte, et rédigés en caractères grecs, qui sont des traductions du grec, parfois peu fiables. Presque tous ces ouvrages sont de nature hérétique et reflètent diverses tendances gnostiques qui, en général, étaient déjà connues parce que les Pères de l’Église les ont combattues, en particulier saint Irénée, saint Hyppolite de Rome et saint Épiphane. Le principal apport de ces codes est que nous avons maintenant directement accès aux ouvrages des gnostiques eux-mêmes et que nous pouvons vérifier que les Pères connaissaient bien ce à quoi ils s’opposaient.
    Du point de vue littéraire, les genres les plus divers sont présents dans NHC : traités théologiques et philosophiques, apocalypses, évangiles, prières, actes des apôtres, lettres, etc. Les titres manquent parfois dans l’original : ils ont été ajoutés par les éditeurs compte tenu du contenu. Pour ce qui est des ouvrages appelés évangiles, ils faut observer qu’ils ressemblent très peu aux Évangiles canoniques, étant donné qu’ils ne donnent pas un récit de la vie du Seigneur, mais les révélations secrètes que Jésus aurait faites à ses disciples. C’est le cas, par exemple, de l’évangile de Thomas, qui aligne cent quarante dits de Jésus, les uns après les autres, sans autre contexte narratif que quelques questions posées de temps à autre par les disciples ; ou de l’évangile de Marie (Madeleine) qui raconte la révélation que le Christ glorieux lui fait sur l’ascension de l’âme.
    Du point de vue des doctrines qu’ils renferment, les codes contiennent en général des œuvres gnostiques chrétiennes, même si dans certains cas, comme dans l’Apocryphe de Jean, un des plus importants étant donné qu’il se trouve dans quatorze codes, les traits chrétiens paraissent secondaires par rapport au mythe gnostique qui en constitue le noyau. Ce mythe interprète à l’envers les premiers chapitres de la Genèse en présentant le Dieu créateur ou Démiurge comme un dieu inférieur et pervers qui a créé la matière. Mais les codes contiennent aussi des ouvrages gnostiques non chrétiens qui recueillent une gnose gréco-païenne développé autour de la figure de Hermès Trismégiste, considéré comme le grand révélateur de la connaissance (Discours du huit et du neuf). Ce type de gnose était déjà connu en partie avant les découvertes. NHC VI contient même un fragment de La République de Platon.

    Gonzalo Aranda, professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • Qu’apportent les manuscrits de Qumran ?


    En 1947, dans le Wadi Qumran, près de la mer Morte, furent découvertes dans onze grottes des vases en argile qui contenaient un bon nombre de documents écrits en hébreu, en araméen et en grec. On sait qu’ils furent rédigés entre le IIème siècle avant Jésus-Christ et l’année 70 après Jésus-Christ, année de la destruction de Jérusalem.
    On a recomposé environ 800 écrits à partir des milliers de fragments, étant donné que très peu de documents nous sont parvenus complets. On y trouve des fragments de tous les livres de l’Ancien Testament, à l’exception d’Esther, de beaucoup de livres juifs non canoniques déjà connus et d’autres jusqu’alors méconnus, ainsi qu’un bon nombre d’écrits propres à la secte des Esséniens qui s’étaient retirés au désert.

    Les documents les plus importants sont sans aucun doute les textes de la Bible. Jusqu’à la découverte des « textes de Qumran », les manuscrits en hébreu les plus anciens que nous possédions dataient des IXème-Xème siècles après Jésus-Christ, ce qui laissait supposer qu’ils avaient subi des mutilations, ajouts et modifications de mots ou de phrases difficiles des originaux. Avec les nouvelles découvertes, on a pu constater que les textes trouvés coïncident avec les textes médiévaux, bien qu’ils leur soient antérieurs de près de mille ans et que les quelques variantes présentes coïncident en grande partie avec certaines de celles qui se trouvent déjà dans la version grecque des Septante ou dans le Pentateuque samaritain. Beaucoup d’autres documents ont contribué à démontrer qu’il existait une façon d’interpréter les Écritures différente de celle qui était habituelle parmi les saducéens et les pharisiens.
    Aucun texte du Nouveau Testament et aucun écrit chrétien ne figurent dans les textes de Qumran. À un moment donné, on a discuté pour savoir si quelques mots écrits en grec sur deux petits fragments de papyrus trouvés à Qumran appartenaient au Nouveau Testament, mais il ne semble pas que ce soit le cas. En dehors de cela, aucun autre document chrétien ne se trouvait dans ces grottes.
    Il ne semble pas davantage que l’on puisse trouver une influence des textes juifs de Qumran sur le Nouveau Testament. De nos jours, les spécialistes sont d’accord pour dire que dans le domaine doctrinal Qumran n’a nullement influencé les origines du christianisme, car le groupe de la mer Morte était une secte, minoritaire et vivant à l’écart de la société, alors que Jésus et les premiers chrétiens ont vécu immergés dans la société juive de leur temps et ont dialogué avec elle. Les documents ont servi uniquement à éclairer certains termes ou expressions habituels à cette époque et qui sont difficiles à comprendre de nos jours, et à mieux comprendre le milieu juif si pluraliste dans lequel le christianisme est né.
    Dans la première moitié des années quatre-vingt-dix, deux formidables mythes se sont propagés, qui sont très affaiblis de nos jours. Le premier est que les manuscrits comportaient des doctrines qui contredisaient ou le judaïsme ou le christianisme et que, par suite, le grand Rabbinat et le Vatican s’étaient mis d’accord pour en empêcher la publication. Or, tous les documents sont aujourd’hui publiés et il est évident que les difficultés de publication n’étaient pas d’ordre religieux, mais d’ordre scientifique. Le second mythe est plus sérieux, car il se présente avec une prétention scientifique : une professeur de Sydney, Barbara Thiering, et un professeur de la State University de Californie, Robert Eisenman,, ont publié plusieurs ouvrages dans lesquels ils comparent les documents de Qumran avec le Nouveau Testament et concluent que les deux sont écrits en langage codé, qu’ils ne disent pas ce qu’ils disent, mais qu’il faut en découvrir le sens secret. Ils suggèrent que le Maître de justice, fondateur du groupe de Qumran, aurait été Jean-Baptiste et son adversaire Jésus (selon B. Thiering) ou que le Maître de Justice aurait été Jacques et son adversaire Paul. Ils se fondent sur le fait que certains personnages sont mentionnés en des termes dont la signification nous échappe, tels que Maître de Justice, Prêtre impie, le Menteur, le Lion furieux, les chercheurs d’interprétations faciles, les fils de la lumière et les fils des ténèbres, la maison de l’abomination, etc. Actuellement, aucun spécialiste n’admet ces affirmations. Si nous méconnaissons la portée de cette terminologie, ce n’est pas parce qu’elle contient des doctrines ésotériques. Il est évident que les contemporains de la secte de Qumran étaient familiarisés avec ces expressions et que les documents de la mer Morte, s’ils contiennent des doctrines et des normes différentes de celles que le judaïsme officiel défendait, n’ont aucune clé secrète et ne cachent pas de théories inavouables.

    Santiago Ausín, professeur à la faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • L'Évangile de Judas

    Un lecteur m'a demandé ce que je pensais de l'Évangile de Judas. Bien que lui ayant répondu, il me semble intéressant de reprendre maintenant ce texte.
    Il s’agit d’un manuscrit découvert en 2001, dont nous connaissions l’existence par saint Irénée de Lyon (vers 130-202 ap. J.-C.) qui le combat, et que l’on croyait irrémédiablement perdu. Il est extrêmement rare de retrouver un manuscrit d'un traité aussi ancien. Et celui-ci est remarquablement complet : nous avons les trois-quarts du texte.medium_EvangileJudas.jpg
    Le récit développé dans « l’évangile de Judas », commence par montrer Jésus qui rejoint ses disciples en train de préparer la Pâque. Jésus se moque d’eux et explique que célébrer l’eucharistie est inutile ! Il essaie de les instruire des idées gnostiques, mais il voit très bien qu’ils sont trop stupides pour le comprendre. Sauf Judas, que les autres détestent, mais que Jésus affectionne particulièrement. Jésus, à l’issue d’un long dialogue où il l’initie et interprète ses rêves, demande lui-même à Judas de le livrer aux autorités afin qu’il soit délivré de son corps matériel et retourne vers la lumière. Et le récit se termine sobrement sur la rencontre de Judas avec les Juifs qui cherchent Jésus.
    L’auteur s’adresse donc à un public qui connaît les Évangiles et en même temps, il prétend révéler leur « vrai » sens. Les gnostiques ont toujours aimé « retourner » des personnages qui symbolisent le mal ou l’ambiguïté dans la Bible, comme Caïn, le premier criminel, le roi Hérode qui massacra les enfants innocents, ou encore Thomas, le disciple incrédule et ici Judas, le traître perfide. En ayant ce manuscrit sous les yeux, on comprend mieux la colère d’Irénée de Lyon pour qui cette interprétation de la relation entre Judas et Jésus est insultante et hérétique !

  • ROGER LE TOURNEAU (1907-1971)

    Roger Le Tourneau est né le 2 septembre 1907 à Paris où il fit ses études secondaires ; admis à l'Ecole Normale Supérieure en 1927, il devint agrégé des lettres en 1930. S'étant intéressé au Maroc à l'occasion d'un voyage effectué l'année précédente, il demanda et obtint un poste dans ce pays : c'est ainsi qu'il fut nommé professeur de Lettres au Collège Moulay Idris de Fès dont il devait être ensuite le directeur, de 1935 à 1941. Durant ce séjour au Maroc, il étudia l'arabe, mais surtout se passionna pour cette ville de Fès, où l'avait d'ailleurs rejoint un de ses camarades de l'Ecole Normale Supérieure, Lucien Paye, avec lequel il entreprit plusieurs études sur les corporations de la ville. Encouragé par Robert Montagne et E. Lévi-Provençal, il décida alors de préparer une thèse de doctorat sur Fès ; celle-ci, intitulée Fès avant le Protectorat, fut soutenue en 1948 : elle constitue un modèle du genre.
    Nommé en 1941 directeur de l'instruction Publique en Tunisie, Roger Le Tourneau estima qu'il ne pouvait se dérober à une tâche essentielle dans les circonstances d'alors, et la rectitude de sa position politique et intellectuelle lui valut, lorsque la Tunisie fut occupée par les Allemands, d'être arrêté par eux, déporté en Allemagne puis, ramené en France, d'être assigné à résidence. La contrainte politique et policière s'étant ensuite relâchée, il fut nommé professeur au lycée de Rouen ; il profita de cette liberté pour préparer son évasion ; en mai 1944, ayant réussi à franchir les Pyrénées, il se retrouva en prison à Lerida, puis interné dans le camp de Miranda avant de pouvoir, en août 1944, gagner le Maroc où il rejoignit sa famille. Cependant, une commission d'épuration lui reprocha, en dépit de son attitude patriotique, d'avoir servi le gouvernement de Vichy et le suspendit de tout emploi et de tout traitement. Durant un an, il utilisa ses loisirs forcés à rédiger sa thèse et surtout à reprendre des contacts avec ses amis nationalistes marocains (dont beaucoup étaient ses élèves parmi les Fassis) que les événements de 1944 avaient éloignés de la France.
    L'ostracisme ayant été levé en octobre 1945, Roger Le Tourneau devint l'adjoint de Robert Montagne à la direction du Centre des Hautes Études d'Administration Musulmane ; nommé en 1947 à la Faculté des Lettres d'Alger, dans la chaire d'histoire de la civilisation musulmane, il contribua, pendant dix ans, comme au Maroc, à la formation d'intellectuels dont beaucoup sont devenus d'éminentes personnalités après l'accession de leur pays à l'indépendance. En plus de son enseignement, il anima l'Institut d’Études Supérieures Islamiques et lorsque son ami Lucien Paye fut chargé des Affaires politiques en Algérie, il s'efforça de servir d'intermédiaire avec les nationalistes algériens en vue de l'établissement de rapports nouveaux. Entre-temps, il avait effectué une mission en Libye pour le compte de l'UNESCO (1951) et avait été chargé de conférences aux États-Unis en 1954 et 1957. En octobre 1957, Roger Le Tourneau fut nommé à la Faculté des Lettres d'Aix-en-Provence où venait d'être créée à son intention une chaire d'histoire et de civilisation musulmanes. Seul islamisant alors, il sut en peu d'années réunir autour de lui des spécialistes des disciplines islamiques : grammaire, littérature, histoire, art et archéologie, sociologie, et faire du Département d'Études Islamiques d'Aix le plus important de France après Paris. Apprécié unanimement par ses collègues comme par ses étudiants il fut constamment placé à la tête du Département même après les bouleversements de 1968.

    Roger Le Tourneau ne se cantonnait pas dans son métier d'enseignant : pour lui, la recherche allait de pair, et c'est afin de promouvoir les recherches et les études sur l'Afrique du Nord qu'il contribua, en 1958, à la création à Aix du Centre d'Études Nord-Africaines qui, devenu en 1964 laboratoire du C.N.R.S., prit le nom de Centre de Recherches sur l'Afrique Méditerranéenne (C.R.A.M.) dont il devint le Directeur effectif en 1965. Dès le premier volume de l'Annuaire de l'Afrique du Nord, publié en 1962 par le C.R.A.M., Roger Le Tourneau rédigea régulièrement, jusqu'à sa mort, la Chronique politique, et publia d'autres articles qui témoignaient de sa connaissance du monde maghrébin. Les événements de 1968 ayant entraîné une transformation des structures du C.R.A.M., celui-ci devint alors le Centre de Recherches sur les Sociétés Musulmanes Méditerranéennes (C.R.E.S.M.) dont Roger Le Tourneau assuma la direction, à titre de transition, jusqu'à la fin de l'année 1969 ; par la suite il fit partie du Comité de Direction du Laboratoire, apporta sa collaboration active aux programmes de recherche mis en œuvre par le C.R.E.S.M. et à la publication de l'Annuaire de l'Afrique du Nord.
    Parallèlement, il menait à la Faculté le combat pour la création d'un Institut de Langues et Civilisations Orientales et Slaves comme l'une des U.E.R. de l'Université d'Aix-Marseille et il a été l'un des principaux artisans de la naissance de l'I.L.G.E.O.S.
    Sa notoriété scientifique valut à Roger Le Tourneau d'être nommé à la Commission des Civilisations Orientales du C.N.R.S. et d'être élu, et réélu, au Comité Consultatif des Universités. Il fut en outre appelé à l'étranger pour des cours ou des conférences, en Italie, en Pologne, au Liban, en Angleterre ; surtout, à partir de 1958, le Département d'Études Orientales de l'Université de Princeton lui confia la responsabilité d'un enseignement sur l'Afrique du Nord — de 1958 à 1970, tous les deux ans, il y consacra plusieurs mois et contribua à former nombre de spécialistes américains du Maghreb ; il devint également membre du Comité de Rédaction de l'International journal of Middle East Studies.
    Lorsque Lionel Balout et ses collaborateurs de la Revue de la Méditerranée, disparue en 1962, envisagèrent la parution d'une revue scientifique française consacrée en priorité à l'Afrique du Nord, c'est à Roger Le Tourneau qu'ils s'adressèrent, et sous l'impulsion de celui-ci fut alors créée en 1966 la Revue de l'Occident Musulman et de la Méditerranée (R.O.M.M.) dont il fut le directeur du comité de rédaction. Il fut aussi la cheville ouvrière et l'animateur du 2e Congrès International d'Études Nord-Africaines, qui se tint à Aix-en-Provence en novembre 1969.
    L'activité scientifique de Roger Le Tourneau fut considérable : il écrivit de nombreux articles — dont on peut trouver la liste dans le tome 10 de la Revue de l'Occident Musulman et de la Méditerranée — et des livres suivants :
    Fès avant le Protectorat (Casablanca 1949).
    Damas de 1075 à 1154, traduction annotée d'un fragment de l'Histoire de Damas d'Ibn al-Qalânisî (Damas 1952). Ce livre, qui fut sa thèse complémentaire de doctorat ès lettres, est le seul ouvrage qui ne porte pas sur l'Afrique du Nord.
    L'Islam contemporain (Paris 1952).
    — Révision et remise à jour du tome II de l'Histoire de l'Afrique du Nord de Ch. A. Julien : De la conquête musulmane à 1830 (Paris 1952).
    Les débuts de la dynastie saadienne (Alger 1954).
    Les villes musulmanes d'Afrique du Nord (Alger 1957).
    Fez in the age of the Merinids (University of Oklahoma Press, 1961).
    Évolution politique de l'Afrique du Nord musulmane, 1920-1961 (Paris 1962).
    La vie quotidienne à Fès en 1900 (Paris 1965).
    The Almohad movement in North-Africa in the 12" and 13" centuries (Princeton 1969).
    Enfin Roger Le Tourneau avait achevé la rédaction d'une Histoire du Maroc moderne, destinée à un éditeur anglais.

    (Extrait des Cahiers de Linguistique, d’Orientalisme et de Slavistique, numéros 1 – 2, publication de l'Institut de Linguistique Générale et d’Études Orientales et Slaves de l'Université de Provence (I.L.G.É.O.S.)