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Dominique Le Tourneau - Page 180

  • L'Opus Dei et le travail

    L’Église fête aujourd’hui saint Joseph en tant que patron des travailleurs en tout genre, lui qui était connu comme charpentier (voir Marc 6, 3). « La Sainte Écriture nous dit que Joseph était artisan ; plusieurs Pères de l'Église ajoutent qu’il était charpentier, et saint Justin, en parlant de la vie de travail de Jésus, affirme qu’il faisait des charrues et des jougs (Dialogue avec Tryphon 88, 2, 8). C’est peut-être en se fondant sur ces dires que saint Isidore de Séville en conclut qu’il était forgeron. De toute façon, c’était un artisan qui travaillait au service de ses concitoyens et dont l’habileté était le fruit d’années de durs efforts » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 40).

    Le fondateur de l’Opus Dei a toujours compris que Dieu a créé l’homme ut operaretur, « pour qu’il travaille » (Genèse 2, 15). « Le travail est l’inévitable compagnon de la vie de l’homme sur terre. Il s’accompagne d’effort, de lassitude, de fatigue, manifestations de la douleur et de la lutte, qui font partie de notre vie présente et qui sont les signes de la réalité du péché et de la nécessité de la Rédemption. Mais le travail en soi n’est ni peine, ni malédiction, ni châtiment » (ibid., n° 47). Ce qui est la conséquence du péché originel d’Adam et Ève, c’est le côté pénible, laborieux à proprement parler, du travail.

    Le travail est donc un véritable don de Dieu, qui nous fait ressembler celui qui est Acte pur : « Mon Père travaille toujours, et moi aussi je travaille » (Jean 5, 17). « Il n’est pas sensé de diviser les hommes en diverses catégories selon le travail qu’ils réalisent, en considérant certaines tâches plus nobles que d’autres. Le travail — tout travail — est témoignage de la dignité de l’homme et de son emprise sur la création. C’est une occasion de perfectionner sa personnalité. C’est un lien qui nous unit aux autres êtres, une source de revenus pour assurer la subsistance de sa famille, un moyen de contribuer à l’amélioration de la société et au progrès de l’humanité tout entière.

    Pour un chrétien, ces perspectives s’élargissent et s’amplifient, car le travail lui apparaît comme une participation à l’œuvre créatrice de Dieu, qui, en créant l’homme, le bénit en lui disant : Soyez féconds, multipliez-vous, emplissez la terre et soumettez-la; dominez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, et tous les animaux qui rampent sur la terre (Genèse 1, 28). Car, pour avoir été assumé par le Christ, le travail nous apparaît comme une réalité qui a été rachetée à son tour. Ce n’est pas seulement le cadre de la vie de l’homme, mais un moyen et un chemin de sainteté, une réalité qui sanctifie et que l’on peut sanctifier » (saint Josémaria, Quand le Christ passe, n° 47).

    Ainsi compris, « le travail naît de l’amour, manifeste l’amour et s’ordonne à l’amour » (Ibid., n° 48). Et nous comprenons qu’il soit source de sainteté dans toutes les directions. D’où l’invitation de saint Josémaria à « sanctifier le travail, se sanctifier dans le travail, sanctifier par le travail ».

  • 31 mai : la Visitation


    C’est le nom donné à la visite que Marie, la Mère de Jésus, rend à sa cousine Élisabeth dès que l’archange Gabriel lui a révélé qu’elle « a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse, et elle, qu’on appelait stérile, en est à son sixième mois » (Luc 1, 36). Marie se rend « en hâte au pays des montagnes, dans une ville de Juda » (Luc 1, 39), probablement Aïn Karim. « En hâte » ne veut pas dire précipitamment ni à la légère. Marie s’est jointe sans doute à la première caravane qui allait de Nazareth vers Jérusalem. Il est possible que Joseph, son époux, l’ait accompagnée. L’on comprendrait difficilement qu’il ait laissé sa si jeune femme entreprendre toute seule un déplacement qui, à l’époque, durait plusieurs jours.
    Arrivée chez Zacharie et Élisabeth, Marie est saluée par sa cousine qui, parlant sous l’inspiration du Saint-Esprit, lui dit : « Tu es bénie entre les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni » (Luc 1, 42), phrase qui est répétée dans le « Je vous salue Marie ». Elle ajoute : « Et d’où me vient qu’il m’est donné que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? » (Luc 1, 43).
    Marie, qui est « la pleine de grâces » (Luc 1, 28), comme Gabriel l’avait saluée, Marie que l’Esprit Saint à fécondée, qui porte en elle le Fils de Dieu, est toute pénétrée de ces grandes réalités surnaturelles. Reprenant des textes de la Sainte Écriture qu’elle ne cesse de méditer, elle entonne en réponse un chant d’action de grâces, le Magnificat : « Mon âme glorifie le seigneur, et mon esprit tressaille de joie en Dieu mon Sauveur. Parce qu’il a jeté les yeux sur la bassesse de sa servante. Voici, en effet, que désormais toutes les nations m’appelleront bienheureuse » (Luc 1, 47-48).
    Commentant le Magnificat, saint Bède dit, entre autres, « car le Puissant fit pour moi des merveilles. Saint est son nom (Luc 1, 49). Pas une allusion à ses mérites à elle. Toute sa grandeur, elle la rapporte au don de Dieu qui, subsistant par essence dans toute sa puissance et sa grandeur, ne manque pas de communiquer grandeur et courage à ses fidèles, si faibles et petits qu’ils soient eux-mêmes. Et c’est à propos qu’elle ajoute : Saint est son nom (Luc 1, 49), pour exhorter ses auditeurs et tous ceux à qui parviendraient ses paroles, pour les presser de recourir à l’invocation confiante de son nom. Car c’est de cette manière qu’ils peuvent avoir part à l’éternelle sainteté et au salut véritable, selon le texte prophétique : Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé (Joël 2, 32). C’est le nom dont elle vient de dire : Exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur » (saint Bède, Homélies 1, 4).

  • Marie-Madeleine et saint Pierre


    L'Évangile de saint Jean rapporte que le lendemain du sabbat Marie-Madeleine se rend au tombeau de Jésus et, voyant que la pierre qui le fermait a été roulée, va en courant le dire à Simon-Pierre et au disciple aimé. Recevant cette nouvelle, tous deux courent au tombeau, auquel Marie revient plus tard et où elle rencontre Jésus ressuscité (Jean 20, 1-18). C’est tout ce que les Évangiles nous disent des rapports entre Pierre et Marie-Madeleine. Du point de vue historique, on ne peut rien ajouter. L’Évangile de Pierre, un évangile apocryphe du IIème siècle, qui raconte les dernières scènes de la Passion, de la résurrection et les apparitions de Jésus ressuscité, parlent d’elle comme d’une disciple du Seigneur.
    Dans la littérature marginale qui prend naissance dans les cercles gnostiques, on trouve des écrits dans lesquels se produit une confrontation entre Pierre et Marie. Il faut rappeler, comme prémisse, qu’il s’agit de textes dépourvus de caractère historique et qui ont recours à des dialogues fictifs entre différents personnages comme moyen de transmission de doctrines gnostiques. L’Évangile de Marie est un des textes qui font état d’une incompréhension de la part de Pierre de la révélation secrète que Marie a reçue (voir « Ce que l’Évangile dit de Marie-Madeleine »). Un autre écrit, qui semble plus ancien, est l’Évangile de Thomas. Il se termine par ces mots de Pierre : « Que Mariham s’éloigne de nous, car les femmes ne sont pas dignes de vivre. Ce à quoi Jésus répondit : Écoute, je me chargerai d’en faire un homme, afin qu’elle devienne elle aussi un esprit vivant, identique à vous les hommes : car toute femme qui devient homme entrera dans le royaume des cieux. » Dans la Pistis Sophia aussi Pierre s’impatiente et proteste parce que Marie comprend mieux que les autres les mystères dans le sens gnostique et est félicitée par Jésus : « Seigneur, ne permets pas que cette femme parle toujours, car elle prend notre place et elle ne nous laisse jamais parler » (54b) (Ici toutefois la présence de Marie peut suggérer que cette Marie n’est pas Marie-Madeleine mais la sœur de Marthe et de Lazare, même s’il est possible que les deux s’identifient). On remarque dans ces textes des traits hérités de la mentalité rabbinique d’après laquelle les femmes étaient incapables d’apprécier la doctrine religieuse (voir Jean 4, 27), et des éléments propres à l’anthropologie gnostique, où le féminin occupait une place importante en tant que véhicule de transmission de révélations ésotériques.
    Les relations entre Pierre et Marie-Madeleine ont dû être similaires à celles qui existaient entre Pierre et Jean, entre Pierre et Salomé, etc. C’est-à-dire les relations propres à celui qui retrouvait à la tête de l’Église avec ceux qui avaient été les disciples du Seigneur et qui, après sa résurrection, rendaient témoignage du ressuscité et proclamaient l’Évangile. Toute autre relation relève de la fantaisie.

    Juan Chapa, professeur de la faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • Marie-Madeleine : ses relations avec Jésus


    Il découle des Évangiles que Marie-Madeleine éprouvait un grand amour pour Jésus. Il l’avait délivrée de sept démons, elle le suivait en tant que disciple, l’assistait de ses biens (Luc 8, 2-3) et s’est trouvée avec Marie, la Mère de Jésus, et d’autres femmes quand Jésus a été crucifié (Marc 15, 40-41 et parallèles). Selon les Évangiles, c’est à elle que Jésus apparaît en premier après sa résurrection, alors qu’elle le cherchait éplorée (Jean 20, 11-18). D’où la vénération dont elle a été l’objet dans l’Église en tant que témoin du ressuscité (voir la note « Qui était Marie-Madeleine ? »). De ces passages, on ne peut déduire ni qu’elle a été pécheresse, moins encore qu’elle ait été la femme de Jésus.
    Ceux qui soutiennent cette dernière affirmation utilisent le témoignage de certains évangiles apocryphes. Or, ces derniers, à l’exception peut-être d’un noyau de l’Évangile de Thomas, sont postérieurs aux Évangiles canoniques, sont dépourvus de caractère historique et ne servent qu’à transmettre des enseignements gnostiques. Selon ces ouvrages, qui, même s’ils portent le nom d’évangile n’en sont pas à proprement parler, mais sont des écrits contenant des révélations secrètes de Jésus à ses disciples après sa résurrection, Marie (ou Myriam ou Mariham : le nom de Madeleine n’apparaît pas sauf dans quelques livres) est celle qui comprend le mieux ces révélations. L’opposition que d’après certains de ces textes (Évangile de Thomas, Dialogues du Sauveur, Pistis Sophia, Évangile de Marie) les apôtres manifestent envers elle du fait qu’elle est une femme traduit la considération négative de certains gnostiques envers le monde féminin et la condition de Marie en tant que disciple importante. Néanmoins, certains veulent voir dans cette opposition un reflet de l’attitude de l’Église officielle de l’époque, qui aurait été opposée à ce qu’une femme occupe la situation de chef spirituel que ces groupes proposaient. Rien de cela ne peut être démontré. Cette opposition peut plutôt être comprise comme un conflit de doctrines : celles de Pierre et des autres apôtres face à celles que ces groupes gnostiques exposaient au nom de Marie. En tout état de cause, le fait qu’ils aient recours à Marie est une façon de justifier leurs positions gnostiques.
    Dans d’autres évangiles apocryphes, en particulier l’Évangile de Philippe, Marie (cette fois-ci citée avec son nom d’origine, Madeleine) est un modèle de gnostique, précisément en raison de sa féminité. Elle est le symbole spirituel de la suite du Christ et d’union parfaite avec lui. Dans ce contexte, il est question d’un baiser de Jésus à Marie (s’il faut réellement comprendre le texte en ce sens), qui symbolise cette union, étant donné que par ce baiser, une espèce de sacrement supérieur au baptême et à l’Eucharistie, le gnostique s’engendrait lui-même en tant que gnostique. Le ton de ces écrits est complètement étranger à des implications sexuelles. C’est pourquoi aucun savant sérieux ne comprend ces textes comme un témoignage historique d’une relation sexuelle entre Jésus et Marie-Madeleine. Il est triste que cette accusation, qui n’a aucun fondement historique, étant donné que les chrétiens de l’époque n’ont même pas eu besoin de polémiquer pour s’en défendre, resurgisse de temps à autre comme s’il s’agissait d’une nouveauté.
    Juan Chapa, professeur de la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • Marie-Madeleine : ce que les Évangiles en disent

    Ce que nous connaissons sous le nom d’Évangile de Marie est un écrit gnostique rédigé à l’origine en grec et que nous avons reçu par deux fragments d’un papyrus du IIIème siècle, trouvés à Oxirrinco (Égypte) et une traduction en copte du Vème siècle. Ces textes ont été publiés entre 1938 et 1983. Il est possible que l’ouvrage ait été composé au IIème siècle. Il présente Marie, probablement Marie-Madeleine (même s’il l’appelle Marie), comme la source d’une révélation secrète du fait qu’elle était en relation étroite avec Jésus.
    Le texte fragmentaire qui nous est parvenu raconte que les disciples posent des questions à Jésus ressuscité et qu’il leur répond. Puis il les envoie prêcher l’Évangile du royaume aux gentils et s’en va. Les disciples restent tristes, se sentant incapables d’accomplir cet ordre. Marie les encourage alors à le mener à bien. Pierre lui demande de leur dire les mots du Seigneur qu’ils n’ont pas entendus, car ils savent qu’il l’aimait plus que toutes les autres femmes. Marie rapporte sa vision, remplie de contenu gnostique. Dans le contexte d’un monde qui va vers sa dissolution, elle explique les difficultés de l’âme pour découvrir sa vraie nature spirituelle dans son ascension vers le lieu de son repos éternel. Quand elle a terminé son récit, il se trouve qu’André et Pierre ne la croient pas. Pierre met en doute que le Seigneur l’ait préférée aux apôtres et Marie se met à pleurer. Lévi la défend (« Toi, Pierre, toujours si impétueux ») et accuse Pierre de s’opposer à la femme (probablement à Marie, plus qu’à la femme en général) comme les adversaires le faisaient. Il les encourage à accepter que le Sauveur l’ait préférée, à se revêtir de l’homme parfait et à s’en aller prêcher l'Évangile, ce qu’ils finissent par faire.
    Tel est le témoignage des fragments qui, comme on peut s’en rendre compte, ne représente pas grand chose. Certains auteurs ont voulu voir dans l’opposition des apôtres à l’égard de Marie (présente d’une certaine façon aussi dans l’Évangile de Thomas, la Pistis Sophia et l’Évangile grec des Égyptiens) un reflet de conflits existant dans l’Église au IIème siècle. Ce serait le signe que l’Église officielle était opposée aux révélations ésotériques et au fait que la femme puisse avoir un rôle de chef. Mais si l’on tient compte du caractère gnostique de ces textes, il semble beaucoup plus plausible que ces évangiles ne reflètent pas la situation de l’Église, mais leur position particulière envers elle. Ce qu’un groupe sectaire affirme ne peut pas être compris comme la norme générale d’une situation, et on ne peut pas non plus faire de l’exception un règle.

    Juan Chapa, professeur de la faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • Qui était Marie-Madeleine ?

    Les données que les Évangiles nous fournissent sont peu nombreuses.
    Luc 8, 2 nous informe que parmi les femmes qui suivaient Jésus et l’assistaient de leurs biens se trouvait Marie-Madeleine, c’est-à-dire une femme appelée Marie, qui était originaire de Midal Nunayah, Tarichée en grec, un petit village proche de la mer de Galilée, à 5,5 kms au nord de Tibériade. Jésus avait expulsé d’elle sept démons (voir Luc 8, 2 ; Marc 16, 9), ce qui revient à dire tous les démons. L’expression peut se comprendre d’une possession diabolique mais aussi comme d’une maladie du corps ou de l’esprit.
    Les Évangiles synoptiques la mentionnent en premier dans un groupe de femmes qui ont assisté de loin à la crucifixion de Jésus (Marc 15, 40-41 et parallèles) et qui sont restées assises face au tombeau (Matthieu 27, 61) tandis qu’on ensevelissait Jésus (Marc 15, 47). Ils indiquent que tôt le lendemain du sabbat Marie-Madeleine et d’autres femmes revinrent au tombeau pour oindre le corps avec des aromates qu’elle savaient achetés (Marc16, 1-7 et parallèles) ; un ange leur fait alors savoir que Jésus est ressuscité et les charge d’aller l’annoncer aux disciples (voir Marc 16, 1-7 et parallèles).
    Saint Jean présente les mêmes données avec quelques variantes. Marie-Madeleine est aux côtés de la Vierge Marie au pied de la Croix (Jean 19, 25). Après le sabbat, alors qu’il fait encore nuit, elle s’approche du tombeau, voit que la pierre a été enlevée et prévient Pierre en pensant que quelqu’un a volé le corps de Jésus (Jean 20, 1-2). De retour au tombeau, elle se met à pleurer et se trouve face à Jésus ressuscité, qui la charge d’annoncer aux disciples qu’il retourne à son Père (Jean 20, 11-18). C’est sa gloire. C’est pourquoi la tradition de l’Église l’a appelée en Orient isapostolos (égale à un apôtre) et en Occident apostola apostolorum (apôtre d’apôtres). En Orient, une tradition veut qu’elle ait été enterrée à Éphèse et que ses reliques aient été transportées à Constantinople au IXème siècle..
    Marie-Madeleine a souvent été identifiée à d’autres femmes présentes dans les Évangiles. À partir des VI et VIIème siècles, on a tendu dans l’Église latine à identifier Marie-Madeleine à la femme pécheresse qui, en Galilée, chez Simon le pharisien, a arrosé les pieds de Jésus de ses larmes (Luc 7, 36-50). D’autre part, en harmonisant les Évangiles, certains Pères et écrivains ecclésiastiques avaient déjà identifié cette femme pécheresse avec Marie, la sœur de Lazare, qui, à Béthanie, oint de parfum la tête de Jésus (Jean 12, 1-11 ; Matthieu et Marc dans les passages parallèles ne lui donnent pas le nom de Marie, mais disent qu’il s’agit d’une femme et que l’onction a eu lieu chez Simon le lépreux : Matthieu 26, 6-13 et parallèle). À la suite de quoi, en bonne partie sous l’influence de saint Grégoire le Grand, l’idée s’est répandue en Occident que les trois femmes étaient une seule et même personne. Néanmoins, les données évangéliques ne suggèrent pas qu’il faille identifier Marie-Madeleine avec Marie, celle qui oint Jésus à Béthanie, car il semble que celle-ci soit la sœur de Lazare (Jean 12, 2-3). Elles ne permettent pas non plus de déduire qu’elle soit la pécheresse qui, selon Luc 7, 36-49, oint Jésus, même si l’identification se comprend du fait que saint Luc, immédiatement après le récit dans lequel Jésus pardonne à cette femme, indique que des femmes l’assistaient, parmi lesquelles Marie-Madeleine dont il avait expulsé sept démons (Luc 8, 2). En outre, Jésus loue l’amour de la femme pécheresse : ses nombreux péchés lui sont pardonnés parce qu’elle a beaucoup aime (Luc 7, 47), et nous découvrons aussi un grand amour de Marie pour Jésus après la résurrection (Jean 20, 14-18). En tout cas, même s’il s’agissait de la même femme, son passé de pécheresse n’a rien d’infamant. Pierre a été infidèle à Jésus et Paul a persécuté les chrétiens. Leur grandeur ne vient pas de leur impeccabilité mais de leur amour.
    Vu son rôle important dans l’Évangile, sa figure a attiré de façon spéciale l’attention de groupes marginaux de l’Église primitive. Il s’agit fondamentalement de sectes gnostiques dont les écrits recueillent des révélations secrètes de Jésus après sa résurrection et ont recours à la personne de Marie pour transmettre ses idées. Il s’agit de récits sans fondements historiques. Des Pères de l’Église, les écrivains ecclésiastiques et d’autres ouvrages mettent en évidence le rôle de Marie en tant que disciple du Seigneur et annonciatrice de l'Évangile. À partir du IXème siècle, apparaissent des récits fictifs qui magnifient sa personne et se sont répandus surtout en France. C’est là que naît la légende, sans fondement historique, selon laquelle Marie-Madeleine, Lazaret quelques autres personnes, se sont rendus de Jérusalem à Marseille quand la persécution contre les chrétiens commença, et ont évangélisé la Provence. Selon cette légende, Marie est morte à Aix-en-Provence ou à saint Maximin et ses reliques ont été transférées à Vézelay.

    Juan Chapa, professeur de la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • Les différences entre les Évangiles canoniques et les évangiles apocryphes

    La première différence que nous pouvons constater, étant donné que le fait que les Évangiles canoniques sont inspirés par Dieu n’est pas vérifiable, est de type externe aux Évangiles eux-mêmes : les Évangiles canoniques appartiennent au canon biblique, pas les évangiles apocryphes. Cela veut dire que les Évangiles canoniques ont été reçus comme une tradition authentique des apôtres par les Églises d’Orient et d’Occident dès la génération qui a suivi immédiatement celle des apôtres, tandis que les évangiles apocryphes, même si certains d’entre eux ont été utilisés de façon sporadique dans l’une ou l’autre communauté, ne sont pas parvenus à s’imposer ni à être reconnus par l’Église universelle. Une des raisons importantes de cette sélection, vérifiable par la science historique, est que les Évangiles canoniques ont été écrits à l’époque apostolique, comprise au sens large, c’est-à-dire tant que les apôtres ou leurs disciples vivaient. C’est ce qui peut se déduire des citations que font les auteurs chrétiens de la génération suivante et du fait que vers l’année 140 ait été composée une harmonisation des Évangiles à partir de données des quatre Évangiles qui sont devenus canoniques (Tatien). Les références aux évangiles apocryphes, en revanche, sont postérieures, de la fin du IIème siècle. D’autre part, les papyrus que l’on a trouvés avec un texte similaire à celui des évangiles, certains du milieu du IIème siècle, sont très fragmentaire, ce qui montre que les ouvrages qu’ils représentent n’étaient pas estimés au point d’être transmis avec soin aux générations suivantes.
    Au sujet des évangiles apocryphes que l’on conserve ou qui ont été découverts récemment, il faut dire que leurs différences par rapport aux Évangiles canoniques sont très importantes aussi bien quant à la forme que quant au contenu. Ceux qui ont été conservés au long de l’époque patristique et de l’époque médiévale sont des récits à caractère légendaire et remplis de fantaisies. Ils viennent satisfaire la piété populaire en racontant en détail tous les moments que les Évangiles canoniques ne racontent pas ou exposent de manière succincte. Ils sont en général en accord avec la doctrine de l’Église et apportent des récits sur la naissance de la Vierge de saint Joachim et de sainte Anne (naissance de Marie), la façon dont une sage-femme a vérifié la virginité de Marie (protévangile de Jacques), des miracles que faisait Jésus enfant (évangile du pseudo-Thomas), etc. Très différents sont les évangiles apocryphes provenant de Nag Hammad (Égypte) qui présentent un caractère hérétique gnostique. Ils ont la forme de dires secrets de Jésus (évangile copte de Thomas) ou de révélations du Seigneur ressuscité expliquant les origines du monde matériel (apocryphe de Jean), ou l’ascension d’une âme (évangile de Marie [Madeleine]), ou sont un lourd recueil de pensées provenant peut-être d’homélies ou de catéchèses (évangile de Philippe). Même si certains d’entre eux peuvent être très anciens, peut-être du IIème siècle, la différence avec les Évangiles canoniques s’impose immédiatement.

    Gonzalo Aranda, professeur de la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site

  • La crédibilité historique de la Bible

    Les livres de la Sainte Écriture enseignent fermement, avec fidélité et sans erreur, la vérité dont Dieu a voulu qu’elle soit consignée par écrit pour notre salut. Elles parlent donc de faits réels.
    Mais les faits peuvent être exprimés en vérité en ayant recours à des genres littéraires différents, et chaque genre littéraire a son style propre pour raconter les choses. Par exemple, quand il est dit dans les psaumes que « les cieux racontent la gloire de Dieu et le firmament fait connaître l’œuvre de ses mains » (Psaume 19, 2), on ne prétend pas affirmer que les cieux prononcent des mots ni que Dieu ait des mains, mais l’on exprime le fait réel que la nature rend témoignage de Dieu, car il est son créateur.
    L’histoire est un gente littéraire qui a de nos jours des caractéristiques particulières qui différente celles qu’il avait dans les littératures du Proche-Orient, et même de l’Antiquité gréco-romaine, pour raconter les événements. Tous les livres de la Bible, aussi bien de l’Ancien que du Nouveau Testament, ont été écrits entre deux et trois mille ans, moyennant quoi les qualifier d’« historiques » au sens que nous donnons de nos jours à ce mot serait un anachronisme, étant donnés qu’ils n’ont pas été pensés ni écrits avec les schémas conceptuels actuellement en usage.
    Néanmoins, le fait que nous ne puissions pas les qualifier d’« historiques » au sens actuel du mot ne veut pas dire qu’ils transmettent des informations ou des notions fausses ou trompeuses et, par conséquent, qu’ils ne sont pas crédibles. Ils transmettent des vérités et font référence à des faits qui se sont réellement produits dans le temps et dans le monde dans lequel nous vivons, racontés selon des façons de parler et de s’exprimer distinctes, mais également valides.
    Ces livres n’ont pas été écrits pour satisfaire notre curiosité au sujet de détails sans importance pour le message qu’ils transmettent, comme ce que mangeaient les personnages dont il est question, comment ils s’habillaient ou quels étaient leurs goûts. Ce qu’ils offrent, c’est surtout une appréciation des faits du point de vue de la foi d’Israël et de la foi chrétienne.
    Les textes bibliques permettent de connaître ce qui s’est produit mieux que ce que les témoins directs des événements en ont perçu, étant donné qu’ils ne pouvaient pas disposer de toutes les données nécessaires pour apprécier ce dont ils étaient témoins dans toute sa portée. Par exemple, quelqu’un qui serait passé à côté du Golgotha le jour de la crucifixion de Jésus se serait rendu compte que les Romains étaient en train d’exécuter un condamné à mort, mais le lecteur des Évangiles, en plus de cette réalité, sait que ce crucifié est le Messie et qu’à ce moment précis la rédemption de tout le genre humain s’accomplit.

    Francisco Varo, doyen de la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • Qu'est-ce que la bibliothèque de Nag Hammadi ?

    Qu’est-ce que la bibliothèque de Nag Hammadi ?

    C’est la collection des dix codes de papyrus recouverte cuir qui a été découverte par hasard en 1945 en Haute-Égypte, près de l’ancienne ville de Khénoboskion, à dix kilomètres de la ville moderne de Nag Hammadi. Elle est conservée au Musée copte du Caire et est désignée par le signe NHC (Codes Nag Hammadi). On ajoute d’ordinaire à cette collection trois autres codes connus depuis le XVIIIème siècle qui se trouvent à Londres (Codex Askewianus, connu sous le nom de Pistis Sophia), Oxford (Codex Brucianus) et Berlin (Codex Berolinensis). Ces trois codes, bien que plus tardifs, proviennent de la même zone.
    Les NHC ont été réalisés vers 330 et enterrés à la fin du IVème siècle ou au début du Vème. Ces codes contiennent près de cinquante ouvrages écrits en copte, la langue parlée par les chrétiens d’Egypte, et rédigés en caractères grecs, qui sont des traductions du grec, parfois peu fiables. Presque tous ces ouvrages sont de nature hérétique et reflètent diverses tendances gnostiques qui, en général, étaient déjà connues parce que les Pères de l’Église les ont combattues, en particulier saint Irénée, saint Hyppolite de Rome et saint Épiphane. Le principal apport de ces codes est que nous avons maintenant directement accès aux ouvrages des gnostiques eux-mêmes et que nous pouvons vérifier que les Pères connaissaient bien ce à quoi ils s’opposaient.
    Du point de vue littéraire, les genres les plus divers sont présents dans NHC : traités théologiques et philosophiques, apocalypses, évangiles, prières, actes des apôtres, lettres, etc. Les titres manquent parfois dans l’original : ils ont été ajoutés par les éditeurs compte tenu du contenu. Pour ce qui est des ouvrages appelés évangiles, ils faut observer qu’ils ressemblent très peu aux Évangiles canoniques, étant donné qu’ils ne donnent pas un récit de la vie du Seigneur, mais les révélations secrètes que Jésus aurait faites à ses disciples. C’est le cas, par exemple, de l’évangile de Thomas, qui aligne cent quarante dits de Jésus, les uns après les autres, sans autre contexte narratif que quelques questions posées de temps à autre par les disciples ; ou de l’évangile de Marie (Madeleine) qui raconte la révélation que le Christ glorieux lui fait sur l’ascension de l’âme.
    Du point de vue des doctrines qu’ils renferment, les codes contiennent en général des œuvres gnostiques chrétiennes, même si dans certains cas, comme dans l’Apocryphe de Jean, un des plus importants étant donné qu’il se trouve dans quatorze codes, les traits chrétiens paraissent secondaires par rapport au mythe gnostique qui en constitue le noyau. Ce mythe interprète à l’envers les premiers chapitres de la Genèse en présentant le Dieu créateur ou Démiurge comme un dieu inférieur et pervers qui a créé la matière. Mais les codes contiennent aussi des ouvrages gnostiques non chrétiens qui recueillent une gnose gréco-païenne développé autour de la figure de Hermès Trismégiste, considéré comme le grand révélateur de la connaissance (Discours du huit et du neuf). Ce type de gnose était déjà connu en partie avant les découvertes. NHC VI contient même un fragment de La République de Platon.

    Gonzalo Aranda, professeur à la Faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins

  • Qu’apportent les manuscrits de Qumran ?


    En 1947, dans le Wadi Qumran, près de la mer Morte, furent découvertes dans onze grottes des vases en argile qui contenaient un bon nombre de documents écrits en hébreu, en araméen et en grec. On sait qu’ils furent rédigés entre le IIème siècle avant Jésus-Christ et l’année 70 après Jésus-Christ, année de la destruction de Jérusalem.
    On a recomposé environ 800 écrits à partir des milliers de fragments, étant donné que très peu de documents nous sont parvenus complets. On y trouve des fragments de tous les livres de l’Ancien Testament, à l’exception d’Esther, de beaucoup de livres juifs non canoniques déjà connus et d’autres jusqu’alors méconnus, ainsi qu’un bon nombre d’écrits propres à la secte des Esséniens qui s’étaient retirés au désert.

    Les documents les plus importants sont sans aucun doute les textes de la Bible. Jusqu’à la découverte des « textes de Qumran », les manuscrits en hébreu les plus anciens que nous possédions dataient des IXème-Xème siècles après Jésus-Christ, ce qui laissait supposer qu’ils avaient subi des mutilations, ajouts et modifications de mots ou de phrases difficiles des originaux. Avec les nouvelles découvertes, on a pu constater que les textes trouvés coïncident avec les textes médiévaux, bien qu’ils leur soient antérieurs de près de mille ans et que les quelques variantes présentes coïncident en grande partie avec certaines de celles qui se trouvent déjà dans la version grecque des Septante ou dans le Pentateuque samaritain. Beaucoup d’autres documents ont contribué à démontrer qu’il existait une façon d’interpréter les Écritures différente de celle qui était habituelle parmi les saducéens et les pharisiens.
    Aucun texte du Nouveau Testament et aucun écrit chrétien ne figurent dans les textes de Qumran. À un moment donné, on a discuté pour savoir si quelques mots écrits en grec sur deux petits fragments de papyrus trouvés à Qumran appartenaient au Nouveau Testament, mais il ne semble pas que ce soit le cas. En dehors de cela, aucun autre document chrétien ne se trouvait dans ces grottes.
    Il ne semble pas davantage que l’on puisse trouver une influence des textes juifs de Qumran sur le Nouveau Testament. De nos jours, les spécialistes sont d’accord pour dire que dans le domaine doctrinal Qumran n’a nullement influencé les origines du christianisme, car le groupe de la mer Morte était une secte, minoritaire et vivant à l’écart de la société, alors que Jésus et les premiers chrétiens ont vécu immergés dans la société juive de leur temps et ont dialogué avec elle. Les documents ont servi uniquement à éclairer certains termes ou expressions habituels à cette époque et qui sont difficiles à comprendre de nos jours, et à mieux comprendre le milieu juif si pluraliste dans lequel le christianisme est né.
    Dans la première moitié des années quatre-vingt-dix, deux formidables mythes se sont propagés, qui sont très affaiblis de nos jours. Le premier est que les manuscrits comportaient des doctrines qui contredisaient ou le judaïsme ou le christianisme et que, par suite, le grand Rabbinat et le Vatican s’étaient mis d’accord pour en empêcher la publication. Or, tous les documents sont aujourd’hui publiés et il est évident que les difficultés de publication n’étaient pas d’ordre religieux, mais d’ordre scientifique. Le second mythe est plus sérieux, car il se présente avec une prétention scientifique : une professeur de Sydney, Barbara Thiering, et un professeur de la State University de Californie, Robert Eisenman,, ont publié plusieurs ouvrages dans lesquels ils comparent les documents de Qumran avec le Nouveau Testament et concluent que les deux sont écrits en langage codé, qu’ils ne disent pas ce qu’ils disent, mais qu’il faut en découvrir le sens secret. Ils suggèrent que le Maître de justice, fondateur du groupe de Qumran, aurait été Jean-Baptiste et son adversaire Jésus (selon B. Thiering) ou que le Maître de Justice aurait été Jacques et son adversaire Paul. Ils se fondent sur le fait que certains personnages sont mentionnés en des termes dont la signification nous échappe, tels que Maître de Justice, Prêtre impie, le Menteur, le Lion furieux, les chercheurs d’interprétations faciles, les fils de la lumière et les fils des ténèbres, la maison de l’abomination, etc. Actuellement, aucun spécialiste n’admet ces affirmations. Si nous méconnaissons la portée de cette terminologie, ce n’est pas parce qu’elle contient des doctrines ésotériques. Il est évident que les contemporains de la secte de Qumran étaient familiarisés avec ces expressions et que les documents de la mer Morte, s’ils contiennent des doctrines et des normes différentes de celles que le judaïsme officiel défendait, n’ont aucune clé secrète et ne cachent pas de théories inavouables.

    Santiago Ausín, professeur à la faculté de théologie de l’Université de Navarre
    Disponible sur le site www.opusdei.es
    Traduit par mes soins