Palerme, 19 février. Hier, nous avons visité les cathédrales dont l’extérieur, en un style tout à fait étrange, produit un effet étonnant de forteresse rendue plus séduisante à l’œil. L’intérieur est celui d’une grande église comme Saint-Sulpice.
Le Palais Royal, avec son bijou de Chapelle Palatine, malheureusement un peu trop sombre ; mais quelle somptuosité et quelle impression on aurait si on pouvait restituer une cérémonie religieuse avec les costumes du XIIème siècle.
La chambre du Roi Roger nous a fait aussi une étrange impression. C’est un somptueux cachot plutôt qu’une chambre.
L’ancienne église Saint-Jean, avec son petit cloître et toute sa flore exotique, est d’une poésie toute prenante ; quel joli coin ! Mais on regrette qu’il n’y ait que des murs.
La promenade à l’Acqua Santa et au village d’Arremelia [Arenella sur les cartes modernes] est agréable et permet de jouir de la Baie de Palerme du côté de Palerme. C’est bien de formes, un peu plus accentuées que les montagnes de Sorrente. Mais il y avait un peu trop de nuages et de brume en fin de journée.
La population vit dehors et les enfants vous accompagnent en bande, vous offrant leurs services, et demandant de la « moneta ». Leur voix est douce et leur physionomie généralement agréable de traits ; les hommes ont la voix gutturale. Les femmes ont des yeux superbes et une démarche pleine de noblesse. Mais on voit qu’il y a diversité de races et grand mélange de sang.
La ville est bien changée et améliorée, mais perd son cachet spécial : on a créé de grandes voies et tout un quartier neuf au pied du Monte Pellegrino. On rencontre encore dans la vieille ville tous les vicolos avec balcons et linges pendants qui donnent un cachet tout particulier et inconnu de nos pays.
Nous venons de visiter le Musée, qui est intéressant et contient des œuvres assez remarquables en peinture et sculpture, mais, sauf certaines ˛œuvres de Renaissance, ce ne sont pas les sommités de l’art.
Les églises de San Cataldo et de la Martorana sont intéressantes par leur disposition intérieure que l’on a restitué autant que possible, et leurs mosaïques, en partie anciennes ; mais ce sont de petites églises n’ayant pas les dimensions de nos sanctuaires actuels.
Dans la journée, nous sommes allés à la Villa Julia, à la promenade le long de la mer, d’où la vue est très belle sur la baie de Palerme, avec un bon éclairage des montagnes environnantes.
Girgenti [rebaptisée Agrigente en 1927], 22 février 1906. Nous sommes arrivés hier par la pluie battante, après avoir eu mauvais temps pendant une partie de notre route de Palerme ici.
Le trajet a été rendu désagréable par le transbordement de 500 mètres à pied sous la pluie, par suite d’un affaissement de la voie.
La route n’offre pas toutes les beautés dont on nous avait parlé. Il y a de beaux points de vue avec la mer et de hautes montagnes couvertes de neige, mais le paysage finit par être le même, surtout dans la traversée de la Sicile. Cependant, il y a de la grandeur et de la noblesse dans les lignes de montagnes que l‚on contourne.
L’arrivée à Girgenti produit une grande impression, avec ses horizons de montagnes couvertes de neige et ses premiers plans fortement vallonnés, et presque partout cultivés. La ville est curieuse mais n’offre rien de particulier ; les églises sont sans intérêt, et les quelques édifices que l‚on trouve sont d’un style médiocre.
Mais quelle joie et quelle satisfaction à la vue des temples antiques ! Leurs belles proportions et leurs lignes si pures étant si sévères, produisent un si prodigieux effet avec tant de simplicité.
Quelle devrait être l‚impression si l’on pouvait restituer les édifices qui entouraient ces temples, les habitants, etc.
Le Temple de la Concorde permet d’imaginer ce que pouvaient être ces cérémonies. Mais quelle était la décoration intérieure ? Rien ne peut nous aider dans une restitution.
Le Musée offre de l’intérêt par de superbes vases grecs, un magnifique sarcophage orné de triglyphes en marbre blanc, un torse de jeune homme d’une beauté et d’une exécution parfaites.
La situation de cette ville antique était superbe et fait comprendre combien elle était enviée par les peuples qui se disputaient la Sicile.
Les amandiers sont tous en fleurs, les blés sont verts, et toutes les fleurs des champs s’épanouissent au milieu des roches et des débris antiques. Aussi la campagne est séduisante, surtout en songeant à nos arbres sans feuilles. Autour de Palerme, on voit une quantité de citronniers, remplacés ici par des amandiers.
(à suivre…)