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poésie - Page 3

  • Regard de Jésus dans le Temple

    Jésus s’est assis devant le tronc des offrandes :
    Il observe les mouvements des pèlerins
    Qui ignorent qu’il est leur suzerain,
    Qu’il est le Roi de l’univers, à ses commandes.
    Il n’a pas besoin qu’on lui explique les choses :
    Il connaît dans quelle situation se débat
    Cette pauvre veuve qui respecte le sabbat.
    Son geste est modique : il la métamorphose.
    Attentif, Jésus n’a rien perdu de la scène :
    L’arrivée spectaculaire des gens aisés
    Qui ont mis gros, avec la conscience apaisée
    En apparence, mais une intention malsaine.
    Ils se faisaient précéder même de trompettes
    Pour que tous soient témoins de leur entourloupette.
    Quant à la vieille, c’est une modeste obole
    Qu’elle jette dans le trésor sans protocole.
    Les yeux du Seigneur brillent devant l’héroïsme
    D’un comportement empreint d’un grand naturel.
    Les autres ont rempli une démarche égoïste,
    Elle, elle accumule pour l’intemporel.
    medium_JCauTemple.jpg
    Mais cette pauvresse y a mis tout son avoir,
    Elle l’a fait par charité et non par devoir.
    Les pharisiens ont donné de leur superflu
    Au risque de se trouver parmi les exclus.
    Les apôtres ne se sont aperçus de rien,
    Aussi Jésus tient-il à relever le fait
    Qu’avec deux piécettes, elle a fait plus de bien
    Qu’une cascade de pièces cherchant un effet.

    Dominique LE TOURNEAU

    Extrait d’un poème inédit Le Regard.

    La reproduction est autorisée à condition d’en indiquer la provenance. Il est possible de donner aussi l’adresse de ce bloc-note (vulgo dicto « blog »)

  • Regard sur la création

    medium_Creation.jpg
    À chaque étape de la création du ciel
    Et de la terre, que le narrateur sacré
    Présente comme un hexaméron chamarré,
    Dieu vit ce qui était né à l’existentiel,
    Il l’examina en pensant à ses futurs
    Utilisateurs, qui auront à le gérer,
    Et il vit que c’était bon et que sa texture
    Était de nature à croître et à prospérer.
    Mais quand il en arriva à l’homme et la femme,
    Le Créateur s’enthousiasma bien davantage,
    Car ils possédaient sur le reste l’avantage
    D’imiter son image, d’en être la flamme.
    L’argile que le sculpteur céleste boulange
    Met au jour une créature nonpareille
    Devant laquelle tombent en extase les anges
    Lorsqu’elle s’anime, sortant du sommeil.
    Dieu leur a communiqué une morbidesse
    Qui en fait des êtres d’une mobilité
    Spéciale et d’une grande sensibilité,
    Et les a faits participants de sa Sagesse.
    Dieu vit que cela était bon. « Que tu es belle,
    S’exclame-t-il, considérant l’âme immortelle,
    Vraiment elle est à mon image et ressemblance ;
    De toute ma création, elle est l’excellence. »
    Alors, ne contenant pas sa jubilation,
    Il s’écria à la face de l’univers :
    « Cela est très bon. Voici la population
    De cette terre à l’état embryonnaire,
    Les premiers parents d’une longue descendance
    De saints pour mon paradis, de damnés aussi
    Pour l’enfer, qui n’auront pas su faire repentance
    Lorsque j’aurai envoyé mon Fils, le Messie.
    La vie de chaque être est plus que la nourriture
    Et son corps a plus de prix que son vêtement,
    Voilà pourquoi l’humain mérite un traitement
    Tout à fait spécial, lui et sa progéniture. »
    À Adam et Ève encore dans l’innocence,
    Dieu n’a donné qu’un unique commandement,
    De ne pas toucher l’arbre de la connaissance
    Du bien et du mal, sous peine de châtiment.



    Dominique LE TOURNEAU

    Extrait d’un poème inédit Le Regard.

    La reproduction est autorisée à condition d’en indiquer la provenance. Il est possible de donner aussi l’adresse de ce bloc-note (vulgo dicto « blog »)

  • Regard de Jésus sur des disciples

    medium_JCregard4.jpg
    Le regard de Jésus qui passe sur la route
    Pénètre plus à fond qu’une épée à deux fils.
    Il est déjà une annonce de l’Évangile
    Et il met toute résistance kock-out.
    Jean, le cousin de Jésus, dit très sobrement
    À l’autre Jean et à André : « Voici l’Agneau
    De Dieu, qui est envoyé pour l’enlèvement
    Des péchés du monde, personnels et sociaux.
    C’est de lui que je vous ai dit que me suivra
    Quelqu’un qui existe avant moi et me précède. »
    Ses disciples l’abandonnent sans intermède
    Pour un nouveau magister, qui les instruira.
    Ils commencent à suivre Jésus à distance,
    Conscients de faire une rencontre d’importance.
    Jésus les a entendu et les attendait,
    S’arrête et les regarde pour leur demander :
    « Que cherchez-vous ? » Eux : « Maître, où demeures-tu ? »
    C’est tout, quatre mots ; pas plus. Puis ils se sont tus.
    « Venez voir », leur répondit Jésus simplement.
    Et tous deux allèrent voir, docilement.
    Ils passèrent auprès de lui le reste du jour
    — Il était environ seize heures — étonnés
    Et ils s’attachèrent au Rabbi pour toujours,
    Redevenant ainsi comme des nouveaux-nés.

    Il aperçoit Nathanaël sous un figuier,
    Mais ne dit rien : il attend qu’il vienne lui-même,
    Invité par Philippe au nom de l’amitié
    Qui lui dit avoir vu le Rabbi et l’entraîne.
    « Celui dont Moïse a parlé dans la Loi,
    Celui que nos prophètes ont annoncé,
    Celui que nous attendons tous, et toi et moi,
    Eh oui ! le rejeton de l’arbre de Jessé,
    Il est parmi nous : c’est Jésus, fils de Joseph.
    Ce que je peux t’en dire ne sera que trop bref.
    Viens donc le voir, il est natif de Nazareth. »
    « De Nazareth ? Ce n’est pas possible. Arrête,
    Laisse-moi, il ne peut rien en sortir de bon. »
    « Si tu l’avais perçu, tu n’aurais fait qu’un bond. »
    « Bien, j’y vais. Après tout, je n’ai rien à y perdre.
    J’apprécierai la nature de sa cathèdre. »
    « Voici un Israélite en qui tout est droit »,
    Dit Jésus, le mirant d’un regard qui foudroie.
    Voyant là un phénomène surnaturel,
    Ému, Nathanaël s’enquiert d’une voix frêle :
    « Rabbi, comment se fait-il que tu me connaisses ? »
    Réponse : « Avant que Philippe t’appelât,
    Tu étais assis sous ton figuier, un peu las.
    Je t’ai vu, et j’ai prié mon Père pour toi. »
    Nathanaël répliqua : « Alors tu es le Roi
    D’Israël, c’est toi le fils de Dieu attendu. »
    « Tu crois avec le peu que tu as entendu ?
    Tu assisteras à de plus grandes merveilles,
    Car c’est une nouvelle Alliance qui s’éveille.
    Oui, je suis le Fils de Dieu mais, pour le moment,
    Ne proclame pas à tous vents ce sentiment. »

    Parmi la foule anonyme, Jésus repère
    L’armée des hommes de bonne volonté :
    Sourds et boiteux, aveugles et gagne-misère,
    Estropiés, que les braves gens ont rejetés.
    « Venez, les bénis de mon Père. Recevez
    Un denier en récompense de vos misères,
    La pièce vous ouvrant l’accès au paradis. »
    Et avec le Bon larron, chacun s’enhardit.
    À chaque fois, son regard brise les défenses
    Que l’homme pourrait improviser pour décliner
    L’invitation à le suivre pour moissonner :
    Il y a urgence, et tâche en abondance.
    C’est un regard qui, avec suavité, transperce
    La carapace de l’égoïsme et renverse
    Les plus beaux projets humains pour les replacer
    Dans une optique divine et donc insensée.



    Dominique LE TOURNEAU

    Extrait d’un poème inédit Le Regard.

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  • Regard sur la création

    medium_Creation.jpg
    À chaque étape de la création du ciel
    Et de la terre, que le narrateur sacré
    Présente comme un hexaméron chamarré,
    Dieu vit ce qui était né à l’existentiel,
    Il l’examina en pensant à ses futurs
    Utilisateurs, qui auront à le gérer,
    Et il vit que c’était bon et que sa texture
    Était de nature à croître et à prospérer.
    Mais quand il en arriva à l’homme et la femme,
    Le Créateur s’enthousiasma bien davantage,
    Car ils possédaient sur le reste l’avantage
    D’imiter son image, d’en être la flamme.
    L’argile que le sculpteur céleste boulange
    Met au jour une créature nonpareille
    Devant laquelle tombent en extase les anges
    Lorsqu’elle s’anime, sortant du sommeil.
    Dieu leur a communiqué une morbidesse
    Qui en fait des êtres d’une mobilité
    Spéciale et d’une grande sensibilité,
    Et les a faits participants de sa Sagesse.
    Dieu vit que cela était bon. « Que tu es belle,
    S’exclame-t-il, considérant l’âme immortelle,
    Vraiment elle est à mon image et ressemblance ;
    De toute ma création, elle est l’excellence. »
    Alors, ne contenant pas sa jubilation,
    Il s’écria à la face de l’univers :
    « Cela est très bon. Voici la population
    De cette terre à l’état embryonnaire,
    Les premiers parents d’une longue descendance
    De saints pour mon paradis, de damnés aussi
    Pour l’enfer, qui n’auront pas su faire repentance
    Lorsque j’aurai envoyé mon Fils, le Messie.
    La vie de chaque être est plus que la nourriture
    Et son corps a plus de prix que son vêtement,
    Voilà pourquoi l’humain mérite un traitement
    Tout à fait spécial, lui et sa progéniture. »
    À Adam et Ève encore dans l’innocence,
    Dieu n’a donné qu’un unique commandement,
    De ne pas toucher l’arbre de la connaissance
    Du bien et du mal, sous peine de châtiment.



    Dominique LE TOURNEAU

    Extrait d’un poème inédit Le Regard.

    La reproduction est autorisée à condition d’en indiquer la provenance. Il est possible de donner aussi l’adresse de ce bloc-note (vulgo dicto « blog »)

  • Voyage à Lisbonne

    medium_Lisbonne.jpg
    Une conque ouverte en grand, tournée vers le large
    Montre une perle au grand jour, vraie, étincelante,
    La splendide parure de l'estuaire du Tage
    Qu'Hélios à son zénith fait reluire éclatante.

    L'antique Olisipo, municipe romain,
    Servait d'escale vers les îles mythiques,
    Oui les Cassérides, productrices d'étain,
    Même pour les Ibères venus de la Bétique.

    La civilisation arabe y imprima
    Son caractère, gloire des califats jadis,
    Encore visible dans le quartier d'Alama
    Et Lisbonne devint un coin de paradis.

    Aujourd’hui elle l’est encore,, assurément.
    Ce n'est pas l'apport de l'époque médiévale,
    Si présent dans les hauteurs, qui le dément.
    Et sa splendeur par vagues vers l’océan dévale.

    À cet endroit, le fleuve s'appelle mer de Paille
    Il prit part aux combats des maures et des croisés
    Et en accueillit une abondante tripaille
    Qu'on pouvait oui-da la mesurer au toisé.
    medium_Lisbonne1.jpg
    L'histoire à chaque époque remodèle les arts.
    Voici le monastère dit des Jeronimos
    Et la tour de Belém, manuéline, à l'écart
    Puis l’infinie richesse de ses azulejos.

    Au siècle des Lumières ici on aménage
    La place du Commerce dedans la ville basse.
    Elle sert de socle à ses différents étages
    Dont la beauté bauté d’un lieu à l’autre se surpasse.

    Ses habitants, aimables autant que travailleurs,
    Ont su accommoder l’ancien et le moderne.
    Fiers marins, ayant le regard tourné ailleurs,
    Ils ont édifié une audacieuse poterne.

    C'est le pont Vasco de Gama qui d'une rive
    À l'autre enjambe, altier, le cours des eaux sereines.
    L'imagination trop sollicitée dérive
    Et couronne Lisbonne, faisant d’elle sa reine.

  • Regard de Jésus à Marie

    Jésus l’a regardée avec admiration
    Pendant toute sa vie, attendri pour de vrai
    De son aide humble et sûre, de sa contribution
    À nous libérer du péché, nous délivrer.
    Jésus, depuis qu’il s’est éveillé à la vie,
    Observe sa mère en qui il voit le modèle
    D’une âme que le feu de son Esprit havit
    Et qui, sa vie durant, reste à jamais fidèle.
    Elle est la femme du « oui » inconditionnel
    Qui, le Samedi saint, se place en sentinelle,
    Prenant sous son manteau l’Église en gestation,
    Devenue tabernacle en édification.
    Jésus-Christ dévisage la si pleine de grâces,
    Associée à son œuvre pour qu’elle aussi terrasse
    Le Prince de ce monde, et qu’elle provoque
    La sainteté par vagues à toutes les époques.
    Il voit l’or des vertus qui resplendit en elle,
    Reflet des perfections infinies du Seigneur,
    Il se complait dans cette distinction solennelle,
    Qui la gratifie d’une perfection supérieure.

    * * *

    À-demi aveuglé, tu aperçois ta Mère.
    Hélas, son doux visage t’apparaît déformé,
    Pourtant c’est bien Elle, vision douce et amère,
    Celle qui dans son sein virginal t’a formé.
    La vision que, du gibet, tu as de sa Mère,
    Douce consolation dans ces heures amères,
    Mêle complicité et robuste empathie,
    Liniment calmant les tourments dont tu pâtis.
    Puisant dans les rares énergies qui te restent,
    Ému par cet amour que nul ni rien n’arrête,
    Tenant ton faible souffle tout près d’être asphyxié,
    Tu ouvres encore ta bouche de supplicié :
    « Mère, voici ton fils », dis-tu en montrant Jean.
    « Quoi, un pécheur à la place du Rédempteur !
    Ô mon Unique, comme tu sais être exigeant !
    Tu n’avais plus que moi. Je te dis « oui » sur l’heure. »
    Possédant l’accord dont tu n’avais pas douté,
    Puisque Marie ne t’a jamais rien refusé,
    Tu te tournes vers le disciple chouchouté :
    « Voici ta mère, prends d’elle un soin empressé. »
    À partir de ce jour-là, Jean la prit chez lui,
    Trouvant en elle non seulement un appui
    Mais une Éducatrice pour découvrir son Fils
    En tout présent et se réjouir des sacrifices.

  • Voyage à Khinsasa

    medium_Kinshasa.jpg
    Le mal d'Afrique est un mal dont on ne meurt pas
    Mais il est rare que ceux qui portent leurs pas
    Sur ce grand continent piriforme y échappent :
    C'est fièvre d'amour qui fermement vous attrape.

    C’est irrationnel, et un peu incontrôlé,
    L'étranger ne se laisse certes pas enjôler,
    Non, il est plutôt embobeliné, séduit
    Par des sortes d'effluves dont il est comme enduit.

    Au Congo, Kinshasa, la grande métropole,
    Elle aussi de colline en colline cajole
    Le nouveau venu, quel qu'il soit, et le mignote,
    Fait pression sur son cœur, puis après le grignote.

    L'explorateur Stanley John fonda cette ville
    Pensant au roi, il la nomma Léopoldville,
    Hommage à qui créa pour une coloniale
    L'Association africaine internationale.

    Le majestueux Congo s'étale et prend ses aises
    Puis chute d’un seul coup, rappelant le Zambèze.
    Il forme à Kinshasa le seul Malebo Pool
    Large de bien trente kilomètres et s'écoule

    Vers Matadi, où il est agité soudain.
    Par ses rapides il file non sans dédain,
    Tandis que dans les rues des foules de kinois
    Déambulent toujours avec leur gai minois.

    Ils vont, ils viennent sur des artères de sable
    Entre des palissades d'où n'émerge aucun gable.
    Ils gravissent les pentes, et puis en redescendent
    En colonnes sans fin qui de partout serpentent.
    medium_Kinshasa.1.jpg
    Qu'importe s'il n'y a plus aucun lampadaire,
    Si les lampes à huile donnent un drôle d'air
    À la ville, où la nuit est tombée de bonne heure,
    Sa latitude étant à peu près l'équateur ?

    Qu'importe tout ce qui manque à l'occidental ?
    Il est pris, quoi qu'il veuille, c'est tout sentimental,
    Par l'atmosphère ambiante et puis par l'air du temps,
    Par l'humus africain et par ses habitants.

  • Regard de Jésus au tabernacle

    medium_Eucharistie2.jpg
    Tu jettes sur moi un regard d’intelligence
    Qui met en lumière les points de divergence
    Entre les devoirs de notre union baptismale
    Et les réclamations du vieil homme animal.
    Je vois un Christ qui n’est pas Jésus, mais l’image
    Que mes yeux, voilés par les péchés, ont formé.
    Componction, humilité, constituent le lavage
    Indispensable pour pouvoir les ranimer.
    Or toi, du ta bernacle d’où tu me dévisages,
    Même si je suis en permanent déphasage
    Avec ton Amour, je m’ouvre tout grand à toi,
    Car le feu de l’Esprit me brûle et me nettoie.
    À genoux sur un prie-Dieu, assis sur un banc,
    Nous restons tous les deux, seuls dans un face à face.
    Et tu m’apportes la clarté du Mont Liban,
    Nous conversons et la notion du temps s’efface.
    medium_Eucharistie4.jpg
    Le silence éloquent de ton éternité
    Soulève un peu le voile de ta divinité.
    Mais c’est le regard de qui est Dieu, de mon Dieu,
    Aussi surprenant que cela puisse paraître,
    Qui donne d’exister et maintient dans l’être,
    Pendant le cours de la vie terrestre et aux cieux.
    Comme j’aimerais être à jamais absorbé
    Dans l’univers où tout mon mal est résorbé.
    Ah ! Jésus-Hostie, quelles minutes délicieuses
    Que celles consacrées à la contemplation !
    Et combien l’âme en tire comme consolation !
    Que ta présence bien réelle est mystérieuse !
    C’est un dard qui traverse jusqu’à la moelle osseuse,
    Un dard qui blesse sans blesser, car il est fait
    D’Amour étourdissant, d’ambitions audacieuses
    Qu’il concoure sans cesse à exalter, à chauffer.
    Mesuré à toi, je ne suis qu’un avorton,
    Sans concevoir aucune humiliation.
    Je ne suis qu’un morceau écorné de carton
    Prêt à recevoir une divine ondulation.
    Présente-moi le Père, et cela me suffit,
    Puisque toi seul a pouvoir de le révéler.
    Les contacts établis entre nous m’édifient
    Et je m’approche de toi jusqu’à te frôler.
    En scrutant ton visage je me mets à t’aimer
    Pour parvenir à la grandeur paroxystique :
    De tout mon cœur et mes forces, à m’en pâmer,
    De tout mon esprit, pour égaler les mystiques.
    Ma présence ne passe guère souventes fois
    Celle du chiot fidèle couché devant son maître,
    Mais je suis là pourtant, témoignant de ma foi :
    Je t’offre toutes mes facultés, tout mon être.
    « Plus je te vois, plus je t’entends et plus je t’aime.
    Tu dis des mots, des mots d’amour, toujours les mêmes. »
    Je ne vois pas pourquoi il faudrait en changer
    Alors que chacun d’entre eux me rend plus léger.
    Le regard du Fils, c’est aussi celui du Père
    Et celui de l’Esprit, un regard trinitaire,
    Qui, in abscondito, m’aide à le découvrir,
    À me reconnaître en lui, pour ne pas mourir,
    À comprendre que je saurai à la manière
    Dont je suis connu par Dieu, la Science plénière,
    À exulter en Dieu et en Dieu me réjouir,
    À laisser pour toujours son regard m’éblouir.

  • Regard de Jésus sur Marie-Madeleine

    medium_MarieMadeleine3.2.jpg
    Un groupe bruyant et gesticulant s’avance :
    C’est une femme, par les cheveux empoignée.
    Il y a eu offense, qui réclame vengeance,
    Comme les pharisiens se sont imaginé :
    « Elle a été surprise en flagrant adultère.
    Notre Loi nous fait un devoir de lapider
    Ce genre de femme. Toi, quelle est ton idée ?
    Devons-nous la mettre à mort, ou vas-tu te taire ? »
    Il ne se taira pas, mais sans lever les yeux
    Il lance une réponse qui est déconcertante
    Dont il a le secret : « Que celui que ne hante
    Aucun péché et qui se juge religieux
    Lui jette la première de ces pierres mortelles. »
    La masse des délits passés les écartèle.
    Ils se retirent alors, les plus vieux en premier.
    De la faute ils avaient été de fins limiers…
    Il subsiste en eux un semblant de dignité :
    Se détournant de la pécheresse, ils partent
    Déçus, démasqués dans leur inhumanité
    Et laissent seule avec Jésus la sœur de Marthe.

    * * *

    Elle avait aussi un frère, nommé Lazare.
    Ils habitaient un bourg, du nom de Béthanie,
    Située sur le chemin que, comme par hasard,
    Jésus suivait pour se rendre à Gethsémani.
    Or, les deux sœurs prévinrent le Seigneur que leur frère
    Était tombé malade gravement. Mais lui
    Fit semblant de ne pas avoir été instruit,
    De mésestimer une optique funéraire.
    Quand il se décida à gagner Béthanie,
    Son ami était mort depuis bien quatre jours.
    « Tu pouvais empêcher une telle avanie
    Si tu avais voulu avancer ton séjour
    Parmi nous, et mon frère n’aurait pas été mort »,
    Lui dit Marie en pleurs, prosternée à ses pieds.
    — La foule des amis était là à l’épier.
    Voyant ce regard de souffrance qui l’implore,
    Jésus fut à son tour gagné par l’émotion.
    Il s’enquit : « Où l’avez-vous mis ? » On répondit :
    « Seigneur, viens voir. » À ces simples mots, il fondit
    En larmes. « Il avait une vraie dévotion
    Pour ce Lazare », dirent ceux qui étaient présents.
    « Que n’a-t-il usé de son pouvoir bienfaisant
    Pour lui épargner la mort et nous le laisser ?
    Mais voyez comme son cœur d’amour est blessé. »
    Une fois face au caveau, le Maître s’écria :
    « Lazare, sors. » Les anges entonnent le Gloria
    Et Lazare s’avance, pleinement entouré
    De bandages. « Déliez-le, et qu’il soit libéré. »

    * * *
    medium_MarieMadeleine2.2.jpg
    Le lendemain de la Pâque, Marie se rend
    Au tombeau, escortée des autres saintes femmes,
    Elle porte un flacon de parfums enivrants,
    Pour finir d’embaumer Jésus après le drame.
    Elle se penche, tout en pleurant, dans la tombe,
    Et voit deux anges en blanc qui étaient assis,
    Et s’adressent à elle sur un ton adouci :
    « Ô femme, qui cherches-tu dans ces catacombes ? »
    « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais
    Où on l’a placé. » Puis, sentant une présence,
    Elle se retourna et perçut à distance
    Un homme qui pourrait parler du trépassé,
    Car elle pensait que c’était le jardinier.
    « Femme, pourquoi es-tu en pleurs ? » demanda-t-il.
    « Si c’est toi, où as-tu caché le crucifié ? »
    « Myriam ! » Le ton de la voix est chaud et subtil.
    Marie capte alors le regard et reconnaît
    Celui qu’elle cherchait éplorée. « Rabbouni ! »
    La voilà qui s’en trouve aussitôt rajeunie.
    « Ne me touche pas, bien que tu sois passionnée,
    Je ne suis pas encore remonté vers mon Père,
    Mais vas porter la bonne nouvelle à tous mes frères,
    Et dis-leur que je vais remonter vers mon Père
    Et votre Père, et que j’ai délaissé l’ossuaire. »

  • Regard de Jésus à Pierre

    medium_StPierrecles.jpg

    André ayant quitté Jean pour l’autre Rabbi
    Ne peut vivre seul ce cheminement subit.
    Il s’empresse d’aller trouver Simon, son frère,
    Devant aux travaux de la pêche le soustraire.
    « Le Messie, le Messie, nous l’avons rencontré.
    Il vient d’arriver, mais si ! dans notre contrée.
    Laisse tes compagnons achever le travail,
    Viens t’adjoindre à ceux qui font partie du sérail. »
    Jésus le fixa du regard, puis il lui dit :
    « Tu es Simon, fils de Jean : tu t’appelleras
    Désormais Képhas, ou Pierre, et tu seras
    Un pêcheur d’hommes, pour remplir mon paradis. »

    * * *

    « Tu es un compagnon de ce Galiléen. »
    Cette apostrophe d’une servante à Simon
    Est le piège qu’invente l’astucieux démon
    Pour que chute le bras droit du Nazaréen.
    En effet, devant tous avec force il nia :
    « Non, vraiment, je ne vois pas ce que tu veux dire. »
    il abandonne sur le champ son vicariat,
    N’hésitant pas, le malheureux, à se dédire.
    Il se rapproche du portail, pour partir,
    Quand un autre dit : « Tu étais avec Jésus ! »
    De Nazareth », bloquant ainsi l’unique issue.
    Pierre va se laisser encore pervertir :
    « Je ne connais pas cet homme, vous ai-je dit ! »
    Il fait cette assertion sans la moindre assurance.
    Il ne pense pas une seconde aux souffrances
    De Jésus, seule compte sa propre tragédie.
    « Et pourtant ta façon de parler te trahit. »
    Par cette affirmation, l’homme a surenchéri.
    Alors, Pierre se lance dans des imprécations,
    Se met à jurer et nie toute relation :
    « Je ne connais pas cet homme, je vous le jure ! »
    Pour la troisième fois dans la cour du palais
    Du grand prêtre résonne cet atroce parjure :
    Terrorisé, Simon-Pierre s’est emballé.
    Le serviteur tout de go l’a désarçonné,
    Et ce, par peur d’être à son tour emprisonné !
    Pierre peut le regretter : ce qui est dit est dit.
    Il est l’acteur de la terrible tragédie.
    Il devait devenir une pierre angulaire
    Pour l’Église, et en plus affermir tous ses frères,
    Mais voilà qu’il s’effondre pris de couardise,
    Tombant de plein gré dans une effroyable mouise.
    Pendant ce temps, Jésus consent à un semblant
    D’interrogatoire. Et, simultanément,
    Tandis qu’il descend de l’étage un coq chante,
    Jésus se tourne vers Simon en fin de pente.
    Leurs regards se croisent. Pour Jésus, un regard
    De tristesse et d’Amour, où on peut discerner
    Déjà le pardon. Et pour Simon, un regard
    De honte, le cœur pris dans de tristes chardons.
    Dans ce regard perçant, il entrevoit l’horreur
    De son inconcevable et dure trahison,
    Il voit qu’une fois de plus, il est dans l’erreur,
    La peur de la prison reste son horizon.
    Découvrant sa misère, il sait qu’il est aimé
    En dépit de tout, au lieu d’être condamné.
    Il a pourtant renié et beaucoup blasphémé,
    Mais il y a moyen de se désaliéner.
    La possibilité d’un vrai relèvement,
    N’a pas disparu, qui suppose un mouvement
    De purification avec l’acceptation
    De la situation, épurant l’intention.
    La chance de Pierre est d’avoir su accepter
    De croiser le regard de Jésus, son bon Maître,
    D’avoir pu pleurer sa trahison, pour renaître
    À la vie, et ne plus se laisser dérouter.
    Il sortit enfin de l’enceinte du palais,
    Malade, comme si on l’avait empalé.
    Il pleura longuement, versa de chaudes larmes,
    Lui qui croyait sauver Jésus-Christ par les armes.

    * * *

    Dans les jours qui font suite à la Résurrection,
    Jésus demande à Pierre, seul, dans un tête-à-tête :
    « M’aimes-tu ? » « Oui, Seigneur, et mon cœur est en fête. »
    Cette question, il la pose à répétition :
    « Simon, fils de Jean, m’aime-tu plus que tous ceux-ci ? »
    « Oui, Seigneur, répondit-il, tu sais que je t’aime. »
    « Pais mes brebis », dit Jésus, qui le remercie.
    Mais voici encore une question, une troisième :
    « M’aimes-tu ? » Simon est peiné de l’insistance
    Du Rabbi. Pourtant il faut faire pénitence
    De la négation triple, qui a pour conséquence
    La manifestation de la Toute-Puissance.
    Il lui répond : « Seigneur, toi tu sais tout, tu sais
    Bien que je t’aime ». Leurs regards se sont croisés.
    Et tandis que Jésus répond : « Pais mes brebis »,
    Il sait que le pardon a soldé son débit.