Le regard de Jésus qui passe sur la route
Pénètre plus à fond qu’une épée à deux fils.
Il est déjà une annonce de l’Évangile
Et il met toute résistance kock-out.
Jean, le cousin de Jésus, dit très sobrement
À l’autre Jean et à André : « Voici l’Agneau
De Dieu, qui est envoyé pour l’enlèvement
Des péchés du monde, personnels et sociaux.
C’est de lui que je vous ai dit que me suivra
Quelqu’un qui existe avant moi et me précède. »
Ses disciples l’abandonnent sans intermède
Pour un nouveau magister, qui les instruira.
Ils commencent à suivre Jésus à distance,
Conscients de faire une rencontre d’importance.
Jésus les a entendu et les attendait,
S’arrête et les regarde pour leur demander :
« Que cherchez-vous ? » Eux : « Maître, où demeures-tu ? »
C’est tout, quatre mots ; pas plus. Puis ils se sont tus.
« Venez voir », leur répondit Jésus simplement.
Et tous deux allèrent voir, docilement.
Ils passèrent auprès de lui le reste du jour
— Il était environ seize heures — étonnés
Et ils s’attachèrent au Rabbi pour toujours,
Redevenant ainsi comme des nouveaux-nés.
Il aperçoit Nathanaël sous un figuier,
Mais ne dit rien : il attend qu’il vienne lui-même,
Invité par Philippe au nom de l’amitié
Qui lui dit avoir vu le Rabbi et l’entraîne.
« Celui dont Moïse a parlé dans la Loi,
Celui que nos prophètes ont annoncé,
Celui que nous attendons tous, et toi et moi,
Eh oui ! le rejeton de l’arbre de Jessé,
Il est parmi nous : c’est Jésus, fils de Joseph.
Ce que je peux t’en dire ne sera que trop bref.
Viens donc le voir, il est natif de Nazareth. »
« De Nazareth ? Ce n’est pas possible. Arrête,
Laisse-moi, il ne peut rien en sortir de bon. »
« Si tu l’avais perçu, tu n’aurais fait qu’un bond. »
« Bien, j’y vais. Après tout, je n’ai rien à y perdre.
J’apprécierai la nature de sa cathèdre. »
« Voici un Israélite en qui tout est droit »,
Dit Jésus, le mirant d’un regard qui foudroie.
Voyant là un phénomène surnaturel,
Ému, Nathanaël s’enquiert d’une voix frêle :
« Rabbi, comment se fait-il que tu me connaisses ? »
Réponse : « Avant que Philippe t’appelât,
Tu étais assis sous ton figuier, un peu las.
Je t’ai vu, et j’ai prié mon Père pour toi. »
Nathanaël répliqua : « Alors tu es le Roi
D’Israël, c’est toi le fils de Dieu attendu. »
« Tu crois avec le peu que tu as entendu ?
Tu assisteras à de plus grandes merveilles,
Car c’est une nouvelle Alliance qui s’éveille.
Oui, je suis le Fils de Dieu mais, pour le moment,
Ne proclame pas à tous vents ce sentiment. »
Parmi la foule anonyme, Jésus repère
L’armée des hommes de bonne volonté :
Sourds et boiteux, aveugles et gagne-misère,
Estropiés, que les braves gens ont rejetés.
« Venez, les bénis de mon Père. Recevez
Un denier en récompense de vos misères,
La pièce vous ouvrant l’accès au paradis. »
Et avec le Bon larron, chacun s’enhardit.
À chaque fois, son regard brise les défenses
Que l’homme pourrait improviser pour décliner
L’invitation à le suivre pour moissonner :
Il y a urgence, et tâche en abondance.
C’est un regard qui, avec suavité, transperce
La carapace de l’égoïsme et renverse
Les plus beaux projets humains pour les replacer
Dans une optique divine et donc insensée.
Dominique LE TOURNEAU
Extrait d’un poème inédit Le Regard.
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