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  • Lire en étant un personnage

    Il faudrait […] des hommes qui regardent une œuvre tout uniment pour la voir et la recevoir, qui lisent une œuvre tout uniment pour la lire et la recevoir, pour s’en alimenter, pour s’en nourrir, comme d’un aliment précieux, pour s’en faire croître, pour s’en faire valoir, intérieurement, organiquement, nullement pour travailler avec, pour s’en faire valoir, socialement, dans le siècle ; des hommes aussi, des hommes enfin qui sachent lire, et ce que c’est que lire, c’est-à-dire que c’est entrer dans ; dans quoi, mon ami ; dans une œuvre, dans la lecture d’une œuvre, dans une vie, dans la contemplation d’une vie, avec amitié, avec fidélité, avec même une sorte de complaisance indispensable, non seulement avec sympathie, mais avec amour ; qu’il faut entrer comme dans la source de l’œuvre ; et littéralement collaborer avec l’auteur ; qu’il ne faut pas recevoir l’œuvre passivement ; que la lecture est l’acte commun, l’opération commune du lisant et du lu, de l’œuvre et du lecteur, du livre et du lecteur, de l’auteur et du lecteur.

    C. Péguy, Clio, Paris, Gallimard, 1932, p. 19-20.

  • Pentecôte et apôtres

    Si l’on interroge les Actes des Apôtres, à première vue, il semble que l’Esprit soit descendu de la même manière non seulement sur les Douze, mais sur tous ceux qui étaient là présents, et qui, selon toute vraisemblance, sont les mêmes dont il a été parlé un peu plus haut, « environ cent vingt personnes » (Actes 1, 15).

    Cependant, dans ces premiers chapitres des Actes, de nombreux indices nous font penser que le don de l’Esprit eut pour les douze une signification et une valeur particulières. Ils ont été choisis « sous l’action de l’esprit Saint » (1, 2) ; c’est à eux que Jésus apparaît, avec eux qu’il s’entretient pendant quarante jours, et c’est encore à eux qu’il fait une promesse spéciale de baptême dans l’Esprit Saint (1, 3-5) ; grâce à cette force de l’Esprit, ils seront ses témoins jusqu’aux confins de la terre (1, 8).

    J. Lécuyer, Le sacrifice de la Nouvelle Alliance, Le Puy-Lyon-Paris, Éditions Xavier Mappus, 1962, p. 166.

  • Fascination de la croix

    Je deviens complètement obsédé par cette croix [accrochée au mur de sa chambre, pendant des vacances] qui m’attire à elle comme un aimant [il n’a alors que onze ans]. Dans la journée, je retourne souvent dans ma chambre et je reste là, à la contempler ! Évidemment, j’y vais quand je suis seul, pour ne pas être surpris par les autres. Je sais bien que ma famille n’est pas chrétienne [elle est juive, non pratiquante] et j’ai vaguement l’impression de transgresser quelque chose. Mais c’est plus fort que moi : devant la croix, je me sens tellement bien que je pourrais y rester des heures !

    Jean-Marie Élie Setbon, De la kippa à la croix. Conversion d’un Juif au catholicisme, Paris, Salvator, 2013, p. 33.

  • De bonnes lectures

    [Les lecteurs] se mettront en garde contre la curiosité, qui cherche plus à savoir du nouveau qu’à s’édifier ; contre la vanité, qui veut connaître les choses spirituelles pour pouvoir en parler et se faire valoir ; contre l’esprit critique, qui au lieu de profiter de ce qui est enseigné, l’écoute pour en critiquer le fond ou la forme littéraire .

    A. Tanquerey, Précis de théologie ascétique et mystique, Paris-Tournai-Rome, Desclée et Cie, 8e éd., 1923-1924, p. 371.

  • La littérature catholique

    Il y a lieu d’admirer tant de « bonnes presses », de « bons cinémas », de « bons romans », qui s’offrent loyalement et avec une bonne volonté certaine pour les véhicules attitrés du bien. Toute revue catholique ne se propose-t-elle pas, si c’est une revue de jeunes, d’être l’organe du renouveau catholique, ou si c’est une revue de doctrine et d’information, de donner une idée complète de la pensée catholique et de l’activité catholique de nos jours ? On verra cela à la fin du monde, les abonnés risquent d’être un peu étonnés. // Admirons aussi tant de littérateurs catholiques qui se persuadent que leurs ouvrages constituent la littérature catholique, autant dire la littérature de Dieu. Loin de nous de soutenir que les choses de la grâce ne sauraient devenir sujet de fiction ou de roman ; elles sont plus intimes à la vie humaine que cette vie elle-même, comment le romancier en ferait-il abstraction ? Mais ce qui est requis c’est que son œuvre ne les diminue pas et respecte leur transcendance, ce profond secret qui est la marque des mystères divins.

    J. Maritain, Religion et culture, Questions disputées, Paris, D.D.B. & Cie, 1930, p. 61-62.

  • Besoin du Saint-Esprit

    Rien ne perturbe et ne salit tant l’œil de l’âme que la foule de préoccupations mondaines et le grand nombre des concupiscences. C’est le bois de ce feu (cf. Ps 101, 4 : « Mes jours se dissipent comme le feu »). Quand le feu prend dans un matériau humide et mouillé, il fait beaucoup de fumée ; de même, quand la concupiscence fortement enflammée prend dans une âme humide et dissolue, elle produit aussi beaucoup de fumée. D’où la nécessité de la rosée de l’Esprit Saint et de son doux souffle, pour éteindre le feu, dissiper la fumée et donner des ailes à nos pensées.

    Saint Jean Chrysostome, Hom. in S. Matth. 2, 5.

  • Nature de l'assemblée eucharistique

    C’est une communauté de conversion, formée par l’amour repentant. Il y a là une dimension normale de l’Assemblée, car c’est toujours un homme pécheur qui se présente au sacrifice de Jésus-Christ. On vient à la messe pour se convertir au Dieu vivant et vrai, pour demander et obtenir son pardon par Jésus-Christ. Et ceci explique le moment pénitentiel […]. C’est aussi une communauté de charité envers Dieu – l’amour adorant, « l’adoration en esprit et en vérité » - qui s’accomplit dans le Saint-Esprit. Tous se donnent à Dieu dans le Christ, et la séparation du mal et du péché, l’amour pour Dieu, sont donnés par le sacrifice. […] C’est une communauté de charité fraternelle. / Tous ensemble se rassemblent pour former la sainte communauté, où il n’y a plus ni grec, ni juif, ni esclave ni homme libre, ni homme ni femme, mais simplement des enfants de Dieu. C’est là-dessus que doit porter la conversion : pardonner, accueillir, prendre la dernière place, abandonner l’agressivité, briser les barrières de l’égoïsme, se décider à servir. […] C’est aussi une communauté de repas fraternel. On mange le pain, on boit le vin, qui sont l’unique corps et sang du Seigneur. […] / C’est un repas de guérison, « le remède par quoi nous sommes libérés des péchés quotidiens et préservés des péchés mortels » (Trente), parce que « le médecin charnel et spirituel » (CS 5) y est toujours présent. C’est un repas de fraternité divine parce que l’Eucharistie est un repas de charité et que la charité construit l’Église. […] L’Eucharistie est encore un repas d’action de grâces. […] L’Eucharistie est enfin un repas de résurrection : elle confère l’immortalité ; elle en dépose la semence dans nos âmes et dans nos corps ; elle anticipe mystérieusement la résurrection dernière et le banquet eschatologique. Bref, le repas s’achève dans l’au-delà et dans la gloire, parce qu’il s’accomplit en Jésus-Christ, qui est, lui-même, l’au-delà et la gloire. C’est le sens des paroles du Christ en saint Jean : « Je suis le pain qui vit, celui qui est descendu du ciel. Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement » (Jn 6, 51). […] L’Assemblée eucharistique est, enfin, l’assemblée de la gloire de Dieu. Là se réalisent sa finalité et sa signification dernières : tout, dans l’Assemblée, existe pour la gloire de Dieu. Les chrétiens, le prêtre, le Christ, tous sont déjà – par le Christ - le retour à Dieu de l’humanité sauvée et sanctifiée. Mais si la gloire de Dieu est réalisée par le sacrifice lui-même, elle doit être désirée, participée, assumée librement par les fidèles.

    J. Mouroux, Faites ceci en mémoire de moi, Paris, Aubier, 1970, p. 87-93.