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Péguy

  • Lire en étant un personnage

    Il faudrait […] des hommes qui regardent une œuvre tout uniment pour la voir et la recevoir, qui lisent une œuvre tout uniment pour la lire et la recevoir, pour s’en alimenter, pour s’en nourrir, comme d’un aliment précieux, pour s’en faire croître, pour s’en faire valoir, intérieurement, organiquement, nullement pour travailler avec, pour s’en faire valoir, socialement, dans le siècle ; des hommes aussi, des hommes enfin qui sachent lire, et ce que c’est que lire, c’est-à-dire que c’est entrer dans ; dans quoi, mon ami ; dans une œuvre, dans la lecture d’une œuvre, dans une vie, dans la contemplation d’une vie, avec amitié, avec fidélité, avec même une sorte de complaisance indispensable, non seulement avec sympathie, mais avec amour ; qu’il faut entrer comme dans la source de l’œuvre ; et littéralement collaborer avec l’auteur ; qu’il ne faut pas recevoir l’œuvre passivement ; que la lecture est l’acte commun, l’opération commune du lisant et du lu, de l’œuvre et du lecteur, du livre et du lecteur, de l’auteur et du lecteur.

    C. Péguy, Clio, Paris, Gallimard, 1932, p. 19-20.

  • Eucharistie et présence de Dieu

    Il est là comme au premier jour.

    Il est là parmi nous comme au jour de sa mort.

    Éternellement il est là parmi nous autant qu’au premier jour ;

     

    Son Corps, son même Corps pend sur la même croix ;

    […] Son Sang, son même Sang saigne des mêmes plaies ;

    Son Cœur, son même Cœur saigne du même amour

     

    Le même sacrifice immole la même chair.

    Le même sacrifice verse le même sang.

    C’est la même histoire, exactement la même,

    Éternellement la même qui est arrivée en ce temps-là

    Et dans ce pays-là et qui arrive tous les jours de toute éternité

    Dans toutes les paroisses de la chrétienté.

    C. Péguy, Mme Gervaise, Le Mystère de la Charité de Jeanne d’Arc.

  • Lire en étant un personnage

    Il faudrait […] des hommes qui regardent une œuvre tout uniment pour la voir et la recevoir, qui lisent une œuvre tout uniment pour la lire et la recevoir, pour s’en alimenter, pour s’en nourrir, comme d’un aliment précieux, pour s’en faire croître, pour s’en faire valoir, intérieurement, organiquement, nullement pour travailler avec, pour s’en faire valoir, socialement, dans le siècle ; des hommes aussi, des hommes enfin qui sachent lire, et ce que c’est que lire, c’est-à-dire que c’est entrer dans ; dans quoi, mon ami ; dans une œuvre, dans la lecture d’une œuvre, dans une vie, dans la contemplation d’une vie, avec amitié, avec fidélité, avec même une sorte de complaisance indispensable, non seulement avec sympathie, mais avec amour ; qu’il faut entrer comme dans la source de l’œuvre ; et littéralement collaborer avec l’auteur ; qu’il ne faut pas recevoir l’œuvre passivement ; que la lecture est l’acte commun, l’opération commune du lisant et du lu, de l’œuvre et du lecteur, du livre et du lecteur, de l’auteur et du lecteur.

    C. Péguy, Clio, Paris, Gallimard, 1932, p. 19-20.

  • Le Notre Père

     

    Notre père qui êtes aux cieux. Evidemment quand un homme a commencé comme ça.

    Quand il m’a dit ces trois ou quatre mots.

    Quand il a commencé par faire marcher devant lui ces trois ou quatre mots.

    Alors il peut continuer, il peut me dire ce qu’il voudra.

    Vous comprenez, moi, je suisdésarmé.

    Et mon fils le savait bien.

    Qui a tant aimé ces hommes.

     

    Ch. Péguy, Le Mystère des Saints Innocents, Paris, Gallimard, coll. La Pleïade, Œuvres poétiques complètes, p. 698.

  • L'existence du diable

    A deux reprises, pour me rendre compte, je lui posai une colle (Johannet à Péguy), assez innocente : « Qu’est-ce que vous pensez du diable ? lui demandais-je. Y croyez-vous ? – Si j’y crois ? J’y crois si bien, me répondit-il, que dans mon Eve (il travaillait alors à ce poème), je ne parle pas une seule fois de lui. Vous entendez ? Pas une seule fois. C’est une gageure. Vous voyez ça d’ici, hein ? (il comptait sur ses doigts) : la Chute, l’Incarnation, la Rédemption – dans une Eve, qui plus est -, sans parler une seule fois du diable. (son accent plaisant jusque-là, devint subitement sérieux pour conclure :) - C’est le plus grand tour qu’on puisse lui jouer. Ne pas parler de lui, il n’y a rien qui le vexe comme ça, parce que Satan, c’est l’orgueil. »

    R. Johannet, Vie et mort de Péguy, Paris, Flammarion, 1950, p. 455-456.

  • La maladie

    Mes enfants, je n’ai plus peur de tomber malade, car je le suis. C’est un grand souci de moins.

     

    Ch. Péguy, cité dans R. Johannet, Vie et mort de Péguy, Paris, Flammarion, 1950, p. 449.

  • Sanctification de la vie ordinaire

    (tableau général de la France avant 1880) Tout était rythme et rite et cérémonie dans la vie quotidienne… Tour était une élévation intérieure et une prière, toute la journée, le sommeil et la veille, le travail et le peu de repos, le lit et la table, la soupe et le bœuf, la maison et le jardin… Tout leur travail était une prière. Et l’atelier était un oratoire.

     

    Ch. Péguy, cité dans R. Johannet, Vie et mort de Péguy, Paris, Flammarion, 1950, p. 180.