Jésus s’est assis devant le tronc des offrandes :
Il observe les mouvements des pèlerins
Qui ignorent qu’il est leur suzerain,
Qu’il est le Roi de l’univers, à ses commandes.
Il n’a pas besoin qu’on lui explique les choses :
Il connaît dans quelle situation se débat
Cette pauvre veuve qui respecte le sabbat.
Son geste est modique : il la métamorphose.
Attentif, Jésus n’a rien perdu de la scène :
L’arrivée spectaculaire des gens aisés
Qui ont mis gros, avec la conscience apaisée
En apparence, mais une intention malsaine.
Ils se faisaient précéder même de trompettes
Pour que tous soient témoins de leur entourloupette.
Quant à la vieille, c’est une modeste obole
Qu’elle jette dans le trésor sans protocole.
Les yeux du Seigneur brillent devant l’héroïsme
D’un comportement empreint d’un grand naturel.
Les autres ont rempli une démarche égoïste,
Elle, elle accumule pour l’intemporel.
Mais cette pauvresse y a mis tout son avoir,
Elle l’a fait par charité et non par devoir.
Les pharisiens ont donné de leur superflu
Au risque de se trouver parmi les exclus.
Les apôtres ne se sont aperçus de rien,
Aussi Jésus tient-il à relever le fait
Qu’avec deux piécettes, elle a fait plus de bien
Qu’une cascade de pièces cherchant un effet.
Dominique LE TOURNEAU
Extrait d’un poème inédit Le Regard.
La reproduction est autorisée à condition d’en indiquer la provenance. Il est possible de donner aussi l’adresse de ce bloc-note (vulgo dicto « blog »)
poésie - Page 3
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Regard de Jésus dans le Temple
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Regard sur la création
À chaque étape de la création du ciel
Et de la terre, que le narrateur sacré
Présente comme un hexaméron chamarré,
Dieu vit ce qui était né à l’existentiel,
Il l’examina en pensant à ses futurs
Utilisateurs, qui auront à le gérer,
Et il vit que c’était bon et que sa texture
Était de nature à croître et à prospérer.
Mais quand il en arriva à l’homme et la femme,
Le Créateur s’enthousiasma bien davantage,
Car ils possédaient sur le reste l’avantage
D’imiter son image, d’en être la flamme.
L’argile que le sculpteur céleste boulange
Met au jour une créature nonpareille
Devant laquelle tombent en extase les anges
Lorsqu’elle s’anime, sortant du sommeil.
Dieu leur a communiqué une morbidesse
Qui en fait des êtres d’une mobilité
Spéciale et d’une grande sensibilité,
Et les a faits participants de sa Sagesse.
Dieu vit que cela était bon. « Que tu es belle,
S’exclame-t-il, considérant l’âme immortelle,
Vraiment elle est à mon image et ressemblance ;
De toute ma création, elle est l’excellence. »
Alors, ne contenant pas sa jubilation,
Il s’écria à la face de l’univers :
« Cela est très bon. Voici la population
De cette terre à l’état embryonnaire,
Les premiers parents d’une longue descendance
De saints pour mon paradis, de damnés aussi
Pour l’enfer, qui n’auront pas su faire repentance
Lorsque j’aurai envoyé mon Fils, le Messie.
La vie de chaque être est plus que la nourriture
Et son corps a plus de prix que son vêtement,
Voilà pourquoi l’humain mérite un traitement
Tout à fait spécial, lui et sa progéniture. »
À Adam et Ève encore dans l’innocence,
Dieu n’a donné qu’un unique commandement,
De ne pas toucher l’arbre de la connaissance
Du bien et du mal, sous peine de châtiment.
Dominique LE TOURNEAU
Extrait d’un poème inédit Le Regard.
La reproduction est autorisée à condition d’en indiquer la provenance. Il est possible de donner aussi l’adresse de ce bloc-note (vulgo dicto « blog ») -
Regard de Jésus sur des disciples
Le regard de Jésus qui passe sur la route
Pénètre plus à fond qu’une épée à deux fils.
Il est déjà une annonce de l’Évangile
Et il met toute résistance kock-out.
Jean, le cousin de Jésus, dit très sobrement
À l’autre Jean et à André : « Voici l’Agneau
De Dieu, qui est envoyé pour l’enlèvement
Des péchés du monde, personnels et sociaux.
C’est de lui que je vous ai dit que me suivra
Quelqu’un qui existe avant moi et me précède. »
Ses disciples l’abandonnent sans intermède
Pour un nouveau magister, qui les instruira.
Ils commencent à suivre Jésus à distance,
Conscients de faire une rencontre d’importance.
Jésus les a entendu et les attendait,
S’arrête et les regarde pour leur demander :
« Que cherchez-vous ? » Eux : « Maître, où demeures-tu ? »
C’est tout, quatre mots ; pas plus. Puis ils se sont tus.
« Venez voir », leur répondit Jésus simplement.
Et tous deux allèrent voir, docilement.
Ils passèrent auprès de lui le reste du jour
— Il était environ seize heures — étonnés
Et ils s’attachèrent au Rabbi pour toujours,
Redevenant ainsi comme des nouveaux-nés.
Il aperçoit Nathanaël sous un figuier,
Mais ne dit rien : il attend qu’il vienne lui-même,
Invité par Philippe au nom de l’amitié
Qui lui dit avoir vu le Rabbi et l’entraîne.
« Celui dont Moïse a parlé dans la Loi,
Celui que nos prophètes ont annoncé,
Celui que nous attendons tous, et toi et moi,
Eh oui ! le rejeton de l’arbre de Jessé,
Il est parmi nous : c’est Jésus, fils de Joseph.
Ce que je peux t’en dire ne sera que trop bref.
Viens donc le voir, il est natif de Nazareth. »
« De Nazareth ? Ce n’est pas possible. Arrête,
Laisse-moi, il ne peut rien en sortir de bon. »
« Si tu l’avais perçu, tu n’aurais fait qu’un bond. »
« Bien, j’y vais. Après tout, je n’ai rien à y perdre.
J’apprécierai la nature de sa cathèdre. »
« Voici un Israélite en qui tout est droit »,
Dit Jésus, le mirant d’un regard qui foudroie.
Voyant là un phénomène surnaturel,
Ému, Nathanaël s’enquiert d’une voix frêle :
« Rabbi, comment se fait-il que tu me connaisses ? »
Réponse : « Avant que Philippe t’appelât,
Tu étais assis sous ton figuier, un peu las.
Je t’ai vu, et j’ai prié mon Père pour toi. »
Nathanaël répliqua : « Alors tu es le Roi
D’Israël, c’est toi le fils de Dieu attendu. »
« Tu crois avec le peu que tu as entendu ?
Tu assisteras à de plus grandes merveilles,
Car c’est une nouvelle Alliance qui s’éveille.
Oui, je suis le Fils de Dieu mais, pour le moment,
Ne proclame pas à tous vents ce sentiment. »
Parmi la foule anonyme, Jésus repère
L’armée des hommes de bonne volonté :
Sourds et boiteux, aveugles et gagne-misère,
Estropiés, que les braves gens ont rejetés.
« Venez, les bénis de mon Père. Recevez
Un denier en récompense de vos misères,
La pièce vous ouvrant l’accès au paradis. »
Et avec le Bon larron, chacun s’enhardit.
À chaque fois, son regard brise les défenses
Que l’homme pourrait improviser pour décliner
L’invitation à le suivre pour moissonner :
Il y a urgence, et tâche en abondance.
C’est un regard qui, avec suavité, transperce
La carapace de l’égoïsme et renverse
Les plus beaux projets humains pour les replacer
Dans une optique divine et donc insensée.
Dominique LE TOURNEAU
Extrait d’un poème inédit Le Regard.
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Regard sur la création
À chaque étape de la création du ciel
Et de la terre, que le narrateur sacré
Présente comme un hexaméron chamarré,
Dieu vit ce qui était né à l’existentiel,
Il l’examina en pensant à ses futurs
Utilisateurs, qui auront à le gérer,
Et il vit que c’était bon et que sa texture
Était de nature à croître et à prospérer.
Mais quand il en arriva à l’homme et la femme,
Le Créateur s’enthousiasma bien davantage,
Car ils possédaient sur le reste l’avantage
D’imiter son image, d’en être la flamme.
L’argile que le sculpteur céleste boulange
Met au jour une créature nonpareille
Devant laquelle tombent en extase les anges
Lorsqu’elle s’anime, sortant du sommeil.
Dieu leur a communiqué une morbidesse
Qui en fait des êtres d’une mobilité
Spéciale et d’une grande sensibilité,
Et les a faits participants de sa Sagesse.
Dieu vit que cela était bon. « Que tu es belle,
S’exclame-t-il, considérant l’âme immortelle,
Vraiment elle est à mon image et ressemblance ;
De toute ma création, elle est l’excellence. »
Alors, ne contenant pas sa jubilation,
Il s’écria à la face de l’univers :
« Cela est très bon. Voici la population
De cette terre à l’état embryonnaire,
Les premiers parents d’une longue descendance
De saints pour mon paradis, de damnés aussi
Pour l’enfer, qui n’auront pas su faire repentance
Lorsque j’aurai envoyé mon Fils, le Messie.
La vie de chaque être est plus que la nourriture
Et son corps a plus de prix que son vêtement,
Voilà pourquoi l’humain mérite un traitement
Tout à fait spécial, lui et sa progéniture. »
À Adam et Ève encore dans l’innocence,
Dieu n’a donné qu’un unique commandement,
De ne pas toucher l’arbre de la connaissance
Du bien et du mal, sous peine de châtiment.
Dominique LE TOURNEAU
Extrait d’un poème inédit Le Regard.
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Voyage à Lisbonne
Une conque ouverte en grand, tournée vers le large
Montre une perle au grand jour, vraie, étincelante,
La splendide parure de l'estuaire du Tage
Qu'Hélios à son zénith fait reluire éclatante.
L'antique Olisipo, municipe romain,
Servait d'escale vers les îles mythiques,
Oui les Cassérides, productrices d'étain,
Même pour les Ibères venus de la Bétique.
La civilisation arabe y imprima
Son caractère, gloire des califats jadis,
Encore visible dans le quartier d'Alama
Et Lisbonne devint un coin de paradis.
Aujourd’hui elle l’est encore,, assurément.
Ce n'est pas l'apport de l'époque médiévale,
Si présent dans les hauteurs, qui le dément.
Et sa splendeur par vagues vers l’océan dévale.
À cet endroit, le fleuve s'appelle mer de Paille
Il prit part aux combats des maures et des croisés
Et en accueillit une abondante tripaille
Qu'on pouvait oui-da la mesurer au toisé.
L'histoire à chaque époque remodèle les arts.
Voici le monastère dit des Jeronimos
Et la tour de Belém, manuéline, à l'écart
Puis l’infinie richesse de ses azulejos.
Au siècle des Lumières ici on aménage
La place du Commerce dedans la ville basse.
Elle sert de socle à ses différents étages
Dont la beauté bauté d’un lieu à l’autre se surpasse.
Ses habitants, aimables autant que travailleurs,
Ont su accommoder l’ancien et le moderne.
Fiers marins, ayant le regard tourné ailleurs,
Ils ont édifié une audacieuse poterne.
C'est le pont Vasco de Gama qui d'une rive
À l'autre enjambe, altier, le cours des eaux sereines.
L'imagination trop sollicitée dérive
Et couronne Lisbonne, faisant d’elle sa reine. -
Regard de Jésus à Marie
Jésus l’a regardée avec admiration
Pendant toute sa vie, attendri pour de vrai
De son aide humble et sûre, de sa contribution
À nous libérer du péché, nous délivrer.
Jésus, depuis qu’il s’est éveillé à la vie,
Observe sa mère en qui il voit le modèle
D’une âme que le feu de son Esprit havit
Et qui, sa vie durant, reste à jamais fidèle.
Elle est la femme du « oui » inconditionnel
Qui, le Samedi saint, se place en sentinelle,
Prenant sous son manteau l’Église en gestation,
Devenue tabernacle en édification.
Jésus-Christ dévisage la si pleine de grâces,
Associée à son œuvre pour qu’elle aussi terrasse
Le Prince de ce monde, et qu’elle provoque
La sainteté par vagues à toutes les époques.
Il voit l’or des vertus qui resplendit en elle,
Reflet des perfections infinies du Seigneur,
Il se complait dans cette distinction solennelle,
Qui la gratifie d’une perfection supérieure.
* * *
À-demi aveuglé, tu aperçois ta Mère.
Hélas, son doux visage t’apparaît déformé,
Pourtant c’est bien Elle, vision douce et amère,
Celle qui dans son sein virginal t’a formé.
La vision que, du gibet, tu as de sa Mère,
Douce consolation dans ces heures amères,
Mêle complicité et robuste empathie,
Liniment calmant les tourments dont tu pâtis.
Puisant dans les rares énergies qui te restent,
Ému par cet amour que nul ni rien n’arrête,
Tenant ton faible souffle tout près d’être asphyxié,
Tu ouvres encore ta bouche de supplicié :
« Mère, voici ton fils », dis-tu en montrant Jean.
« Quoi, un pécheur à la place du Rédempteur !
Ô mon Unique, comme tu sais être exigeant !
Tu n’avais plus que moi. Je te dis « oui » sur l’heure. »
Possédant l’accord dont tu n’avais pas douté,
Puisque Marie ne t’a jamais rien refusé,
Tu te tournes vers le disciple chouchouté :
« Voici ta mère, prends d’elle un soin empressé. »
À partir de ce jour-là, Jean la prit chez lui,
Trouvant en elle non seulement un appui
Mais une Éducatrice pour découvrir son Fils
En tout présent et se réjouir des sacrifices. -
Voyage à Khinsasa
Le mal d'Afrique est un mal dont on ne meurt pas
Mais il est rare que ceux qui portent leurs pas
Sur ce grand continent piriforme y échappent :
C'est fièvre d'amour qui fermement vous attrape.
C’est irrationnel, et un peu incontrôlé,
L'étranger ne se laisse certes pas enjôler,
Non, il est plutôt embobeliné, séduit
Par des sortes d'effluves dont il est comme enduit.
Au Congo, Kinshasa, la grande métropole,
Elle aussi de colline en colline cajole
Le nouveau venu, quel qu'il soit, et le mignote,
Fait pression sur son cœur, puis après le grignote.
L'explorateur Stanley John fonda cette ville
Pensant au roi, il la nomma Léopoldville,
Hommage à qui créa pour une coloniale
L'Association africaine internationale.
Le majestueux Congo s'étale et prend ses aises
Puis chute d’un seul coup, rappelant le Zambèze.
Il forme à Kinshasa le seul Malebo Pool
Large de bien trente kilomètres et s'écoule
Vers Matadi, où il est agité soudain.
Par ses rapides il file non sans dédain,
Tandis que dans les rues des foules de kinois
Déambulent toujours avec leur gai minois.
Ils vont, ils viennent sur des artères de sable
Entre des palissades d'où n'émerge aucun gable.
Ils gravissent les pentes, et puis en redescendent
En colonnes sans fin qui de partout serpentent.
Qu'importe s'il n'y a plus aucun lampadaire,
Si les lampes à huile donnent un drôle d'air
À la ville, où la nuit est tombée de bonne heure,
Sa latitude étant à peu près l'équateur ?
Qu'importe tout ce qui manque à l'occidental ?
Il est pris, quoi qu'il veuille, c'est tout sentimental,
Par l'atmosphère ambiante et puis par l'air du temps,
Par l'humus africain et par ses habitants. -
Regard de Jésus au tabernacle
Tu jettes sur moi un regard d’intelligence
Qui met en lumière les points de divergence
Entre les devoirs de notre union baptismale
Et les réclamations du vieil homme animal.
Je vois un Christ qui n’est pas Jésus, mais l’image
Que mes yeux, voilés par les péchés, ont formé.
Componction, humilité, constituent le lavage
Indispensable pour pouvoir les ranimer.
Or toi, du ta bernacle d’où tu me dévisages,
Même si je suis en permanent déphasage
Avec ton Amour, je m’ouvre tout grand à toi,
Car le feu de l’Esprit me brûle et me nettoie.
À genoux sur un prie-Dieu, assis sur un banc,
Nous restons tous les deux, seuls dans un face à face.
Et tu m’apportes la clarté du Mont Liban,
Nous conversons et la notion du temps s’efface.
Le silence éloquent de ton éternité
Soulève un peu le voile de ta divinité.
Mais c’est le regard de qui est Dieu, de mon Dieu,
Aussi surprenant que cela puisse paraître,
Qui donne d’exister et maintient dans l’être,
Pendant le cours de la vie terrestre et aux cieux.
Comme j’aimerais être à jamais absorbé
Dans l’univers où tout mon mal est résorbé.
Ah ! Jésus-Hostie, quelles minutes délicieuses
Que celles consacrées à la contemplation !
Et combien l’âme en tire comme consolation !
Que ta présence bien réelle est mystérieuse !
C’est un dard qui traverse jusqu’à la moelle osseuse,
Un dard qui blesse sans blesser, car il est fait
D’Amour étourdissant, d’ambitions audacieuses
Qu’il concoure sans cesse à exalter, à chauffer.
Mesuré à toi, je ne suis qu’un avorton,
Sans concevoir aucune humiliation.
Je ne suis qu’un morceau écorné de carton
Prêt à recevoir une divine ondulation.
Présente-moi le Père, et cela me suffit,
Puisque toi seul a pouvoir de le révéler.
Les contacts établis entre nous m’édifient
Et je m’approche de toi jusqu’à te frôler.
En scrutant ton visage je me mets à t’aimer
Pour parvenir à la grandeur paroxystique :
De tout mon cœur et mes forces, à m’en pâmer,
De tout mon esprit, pour égaler les mystiques.
Ma présence ne passe guère souventes fois
Celle du chiot fidèle couché devant son maître,
Mais je suis là pourtant, témoignant de ma foi :
Je t’offre toutes mes facultés, tout mon être.
« Plus je te vois, plus je t’entends et plus je t’aime.
Tu dis des mots, des mots d’amour, toujours les mêmes. »
Je ne vois pas pourquoi il faudrait en changer
Alors que chacun d’entre eux me rend plus léger.
Le regard du Fils, c’est aussi celui du Père
Et celui de l’Esprit, un regard trinitaire,
Qui, in abscondito, m’aide à le découvrir,
À me reconnaître en lui, pour ne pas mourir,
À comprendre que je saurai à la manière
Dont je suis connu par Dieu, la Science plénière,
À exulter en Dieu et en Dieu me réjouir,
À laisser pour toujours son regard m’éblouir. -
Regard de Jésus sur Marie-Madeleine
Un groupe bruyant et gesticulant s’avance :
C’est une femme, par les cheveux empoignée.
Il y a eu offense, qui réclame vengeance,
Comme les pharisiens se sont imaginé :
« Elle a été surprise en flagrant adultère.
Notre Loi nous fait un devoir de lapider
Ce genre de femme. Toi, quelle est ton idée ?
Devons-nous la mettre à mort, ou vas-tu te taire ? »
Il ne se taira pas, mais sans lever les yeux
Il lance une réponse qui est déconcertante
Dont il a le secret : « Que celui que ne hante
Aucun péché et qui se juge religieux
Lui jette la première de ces pierres mortelles. »
La masse des délits passés les écartèle.
Ils se retirent alors, les plus vieux en premier.
De la faute ils avaient été de fins limiers…
Il subsiste en eux un semblant de dignité :
Se détournant de la pécheresse, ils partent
Déçus, démasqués dans leur inhumanité
Et laissent seule avec Jésus la sœur de Marthe.
* * *
Elle avait aussi un frère, nommé Lazare.
Ils habitaient un bourg, du nom de Béthanie,
Située sur le chemin que, comme par hasard,
Jésus suivait pour se rendre à Gethsémani.
Or, les deux sœurs prévinrent le Seigneur que leur frère
Était tombé malade gravement. Mais lui
Fit semblant de ne pas avoir été instruit,
De mésestimer une optique funéraire.
Quand il se décida à gagner Béthanie,
Son ami était mort depuis bien quatre jours.
« Tu pouvais empêcher une telle avanie
Si tu avais voulu avancer ton séjour
Parmi nous, et mon frère n’aurait pas été mort »,
Lui dit Marie en pleurs, prosternée à ses pieds.
— La foule des amis était là à l’épier.
Voyant ce regard de souffrance qui l’implore,
Jésus fut à son tour gagné par l’émotion.
Il s’enquit : « Où l’avez-vous mis ? » On répondit :
« Seigneur, viens voir. » À ces simples mots, il fondit
En larmes. « Il avait une vraie dévotion
Pour ce Lazare », dirent ceux qui étaient présents.
« Que n’a-t-il usé de son pouvoir bienfaisant
Pour lui épargner la mort et nous le laisser ?
Mais voyez comme son cœur d’amour est blessé. »
Une fois face au caveau, le Maître s’écria :
« Lazare, sors. » Les anges entonnent le Gloria
Et Lazare s’avance, pleinement entouré
De bandages. « Déliez-le, et qu’il soit libéré. »
* * *
Le lendemain de la Pâque, Marie se rend
Au tombeau, escortée des autres saintes femmes,
Elle porte un flacon de parfums enivrants,
Pour finir d’embaumer Jésus après le drame.
Elle se penche, tout en pleurant, dans la tombe,
Et voit deux anges en blanc qui étaient assis,
Et s’adressent à elle sur un ton adouci :
« Ô femme, qui cherches-tu dans ces catacombes ? »
« On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais
Où on l’a placé. » Puis, sentant une présence,
Elle se retourna et perçut à distance
Un homme qui pourrait parler du trépassé,
Car elle pensait que c’était le jardinier.
« Femme, pourquoi es-tu en pleurs ? » demanda-t-il.
« Si c’est toi, où as-tu caché le crucifié ? »
« Myriam ! » Le ton de la voix est chaud et subtil.
Marie capte alors le regard et reconnaît
Celui qu’elle cherchait éplorée. « Rabbouni ! »
La voilà qui s’en trouve aussitôt rajeunie.
« Ne me touche pas, bien que tu sois passionnée,
Je ne suis pas encore remonté vers mon Père,
Mais vas porter la bonne nouvelle à tous mes frères,
Et dis-leur que je vais remonter vers mon Père
Et votre Père, et que j’ai délaissé l’ossuaire. » -
Regard de Jésus à Pierre
André ayant quitté Jean pour l’autre Rabbi
Ne peut vivre seul ce cheminement subit.
Il s’empresse d’aller trouver Simon, son frère,
Devant aux travaux de la pêche le soustraire.
« Le Messie, le Messie, nous l’avons rencontré.
Il vient d’arriver, mais si ! dans notre contrée.
Laisse tes compagnons achever le travail,
Viens t’adjoindre à ceux qui font partie du sérail. »
Jésus le fixa du regard, puis il lui dit :
« Tu es Simon, fils de Jean : tu t’appelleras
Désormais Képhas, ou Pierre, et tu seras
Un pêcheur d’hommes, pour remplir mon paradis. »
* * *
« Tu es un compagnon de ce Galiléen. »
Cette apostrophe d’une servante à Simon
Est le piège qu’invente l’astucieux démon
Pour que chute le bras droit du Nazaréen.
En effet, devant tous avec force il nia :
« Non, vraiment, je ne vois pas ce que tu veux dire. »
il abandonne sur le champ son vicariat,
N’hésitant pas, le malheureux, à se dédire.
Il se rapproche du portail, pour partir,
Quand un autre dit : « Tu étais avec Jésus ! »
De Nazareth », bloquant ainsi l’unique issue.
Pierre va se laisser encore pervertir :
« Je ne connais pas cet homme, vous ai-je dit ! »
Il fait cette assertion sans la moindre assurance.
Il ne pense pas une seconde aux souffrances
De Jésus, seule compte sa propre tragédie.
« Et pourtant ta façon de parler te trahit. »
Par cette affirmation, l’homme a surenchéri.
Alors, Pierre se lance dans des imprécations,
Se met à jurer et nie toute relation :
« Je ne connais pas cet homme, je vous le jure ! »
Pour la troisième fois dans la cour du palais
Du grand prêtre résonne cet atroce parjure :
Terrorisé, Simon-Pierre s’est emballé.
Le serviteur tout de go l’a désarçonné,
Et ce, par peur d’être à son tour emprisonné !
Pierre peut le regretter : ce qui est dit est dit.
Il est l’acteur de la terrible tragédie.
Il devait devenir une pierre angulaire
Pour l’Église, et en plus affermir tous ses frères,
Mais voilà qu’il s’effondre pris de couardise,
Tombant de plein gré dans une effroyable mouise.
Pendant ce temps, Jésus consent à un semblant
D’interrogatoire. Et, simultanément,
Tandis qu’il descend de l’étage un coq chante,
Jésus se tourne vers Simon en fin de pente.
Leurs regards se croisent. Pour Jésus, un regard
De tristesse et d’Amour, où on peut discerner
Déjà le pardon. Et pour Simon, un regard
De honte, le cœur pris dans de tristes chardons.
Dans ce regard perçant, il entrevoit l’horreur
De son inconcevable et dure trahison,
Il voit qu’une fois de plus, il est dans l’erreur,
La peur de la prison reste son horizon.
Découvrant sa misère, il sait qu’il est aimé
En dépit de tout, au lieu d’être condamné.
Il a pourtant renié et beaucoup blasphémé,
Mais il y a moyen de se désaliéner.
La possibilité d’un vrai relèvement,
N’a pas disparu, qui suppose un mouvement
De purification avec l’acceptation
De la situation, épurant l’intention.
La chance de Pierre est d’avoir su accepter
De croiser le regard de Jésus, son bon Maître,
D’avoir pu pleurer sa trahison, pour renaître
À la vie, et ne plus se laisser dérouter.
Il sortit enfin de l’enceinte du palais,
Malade, comme si on l’avait empalé.
Il pleura longuement, versa de chaudes larmes,
Lui qui croyait sauver Jésus-Christ par les armes.
* * *
Dans les jours qui font suite à la Résurrection,
Jésus demande à Pierre, seul, dans un tête-à-tête :
« M’aimes-tu ? » « Oui, Seigneur, et mon cœur est en fête. »
Cette question, il la pose à répétition :
« Simon, fils de Jean, m’aime-tu plus que tous ceux-ci ? »
« Oui, Seigneur, répondit-il, tu sais que je t’aime. »
« Pais mes brebis », dit Jésus, qui le remercie.
Mais voici encore une question, une troisième :
« M’aimes-tu ? » Simon est peiné de l’insistance
Du Rabbi. Pourtant il faut faire pénitence
De la négation triple, qui a pour conséquence
La manifestation de la Toute-Puissance.
Il lui répond : « Seigneur, toi tu sais tout, tu sais
Bien que je t’aime ». Leurs regards se sont croisés.
Et tandis que Jésus répond : « Pais mes brebis »,
Il sait que le pardon a soldé son débit.