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Poésie - Page 4

  • Voyage à Khinsasa

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    Le mal d'Afrique est un mal dont on ne meurt pas
    Mais il est rare que ceux qui portent leurs pas
    Sur ce grand continent piriforme y échappent :
    C'est fièvre d'amour qui fermement vous attrape.

    C’est irrationnel, et un peu incontrôlé,
    L'étranger ne se laisse certes pas enjôler,
    Non, il est plutôt embobeliné, séduit
    Par des sortes d'effluves dont il est comme enduit.

    Au Congo, Kinshasa, la grande métropole,
    Elle aussi de colline en colline cajole
    Le nouveau venu, quel qu'il soit, et le mignote,
    Fait pression sur son cœur, puis après le grignote.

    L'explorateur Stanley John fonda cette ville
    Pensant au roi, il la nomma Léopoldville,
    Hommage à qui créa pour une coloniale
    L'Association africaine internationale.

    Le majestueux Congo s'étale et prend ses aises
    Puis chute d’un seul coup, rappelant le Zambèze.
    Il forme à Kinshasa le seul Malebo Pool
    Large de bien trente kilomètres et s'écoule

    Vers Matadi, où il est agité soudain.
    Par ses rapides il file non sans dédain,
    Tandis que dans les rues des foules de kinois
    Déambulent toujours avec leur gai minois.

    Ils vont, ils viennent sur des artères de sable
    Entre des palissades d'où n'émerge aucun gable.
    Ils gravissent les pentes, et puis en redescendent
    En colonnes sans fin qui de partout serpentent.
    medium_Kinshasa.1.jpg
    Qu'importe s'il n'y a plus aucun lampadaire,
    Si les lampes à huile donnent un drôle d'air
    À la ville, où la nuit est tombée de bonne heure,
    Sa latitude étant à peu près l'équateur ?

    Qu'importe tout ce qui manque à l'occidental ?
    Il est pris, quoi qu'il veuille, c'est tout sentimental,
    Par l'atmosphère ambiante et puis par l'air du temps,
    Par l'humus africain et par ses habitants.

  • Regard de Jésus au tabernacle

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    Tu jettes sur moi un regard d’intelligence
    Qui met en lumière les points de divergence
    Entre les devoirs de notre union baptismale
    Et les réclamations du vieil homme animal.
    Je vois un Christ qui n’est pas Jésus, mais l’image
    Que mes yeux, voilés par les péchés, ont formé.
    Componction, humilité, constituent le lavage
    Indispensable pour pouvoir les ranimer.
    Or toi, du ta bernacle d’où tu me dévisages,
    Même si je suis en permanent déphasage
    Avec ton Amour, je m’ouvre tout grand à toi,
    Car le feu de l’Esprit me brûle et me nettoie.
    À genoux sur un prie-Dieu, assis sur un banc,
    Nous restons tous les deux, seuls dans un face à face.
    Et tu m’apportes la clarté du Mont Liban,
    Nous conversons et la notion du temps s’efface.
    medium_Eucharistie4.jpg
    Le silence éloquent de ton éternité
    Soulève un peu le voile de ta divinité.
    Mais c’est le regard de qui est Dieu, de mon Dieu,
    Aussi surprenant que cela puisse paraître,
    Qui donne d’exister et maintient dans l’être,
    Pendant le cours de la vie terrestre et aux cieux.
    Comme j’aimerais être à jamais absorbé
    Dans l’univers où tout mon mal est résorbé.
    Ah ! Jésus-Hostie, quelles minutes délicieuses
    Que celles consacrées à la contemplation !
    Et combien l’âme en tire comme consolation !
    Que ta présence bien réelle est mystérieuse !
    C’est un dard qui traverse jusqu’à la moelle osseuse,
    Un dard qui blesse sans blesser, car il est fait
    D’Amour étourdissant, d’ambitions audacieuses
    Qu’il concoure sans cesse à exalter, à chauffer.
    Mesuré à toi, je ne suis qu’un avorton,
    Sans concevoir aucune humiliation.
    Je ne suis qu’un morceau écorné de carton
    Prêt à recevoir une divine ondulation.
    Présente-moi le Père, et cela me suffit,
    Puisque toi seul a pouvoir de le révéler.
    Les contacts établis entre nous m’édifient
    Et je m’approche de toi jusqu’à te frôler.
    En scrutant ton visage je me mets à t’aimer
    Pour parvenir à la grandeur paroxystique :
    De tout mon cœur et mes forces, à m’en pâmer,
    De tout mon esprit, pour égaler les mystiques.
    Ma présence ne passe guère souventes fois
    Celle du chiot fidèle couché devant son maître,
    Mais je suis là pourtant, témoignant de ma foi :
    Je t’offre toutes mes facultés, tout mon être.
    « Plus je te vois, plus je t’entends et plus je t’aime.
    Tu dis des mots, des mots d’amour, toujours les mêmes. »
    Je ne vois pas pourquoi il faudrait en changer
    Alors que chacun d’entre eux me rend plus léger.
    Le regard du Fils, c’est aussi celui du Père
    Et celui de l’Esprit, un regard trinitaire,
    Qui, in abscondito, m’aide à le découvrir,
    À me reconnaître en lui, pour ne pas mourir,
    À comprendre que je saurai à la manière
    Dont je suis connu par Dieu, la Science plénière,
    À exulter en Dieu et en Dieu me réjouir,
    À laisser pour toujours son regard m’éblouir.

  • Regard de Jésus sur Marie-Madeleine

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    Un groupe bruyant et gesticulant s’avance :
    C’est une femme, par les cheveux empoignée.
    Il y a eu offense, qui réclame vengeance,
    Comme les pharisiens se sont imaginé :
    « Elle a été surprise en flagrant adultère.
    Notre Loi nous fait un devoir de lapider
    Ce genre de femme. Toi, quelle est ton idée ?
    Devons-nous la mettre à mort, ou vas-tu te taire ? »
    Il ne se taira pas, mais sans lever les yeux
    Il lance une réponse qui est déconcertante
    Dont il a le secret : « Que celui que ne hante
    Aucun péché et qui se juge religieux
    Lui jette la première de ces pierres mortelles. »
    La masse des délits passés les écartèle.
    Ils se retirent alors, les plus vieux en premier.
    De la faute ils avaient été de fins limiers…
    Il subsiste en eux un semblant de dignité :
    Se détournant de la pécheresse, ils partent
    Déçus, démasqués dans leur inhumanité
    Et laissent seule avec Jésus la sœur de Marthe.

    * * *

    Elle avait aussi un frère, nommé Lazare.
    Ils habitaient un bourg, du nom de Béthanie,
    Située sur le chemin que, comme par hasard,
    Jésus suivait pour se rendre à Gethsémani.
    Or, les deux sœurs prévinrent le Seigneur que leur frère
    Était tombé malade gravement. Mais lui
    Fit semblant de ne pas avoir été instruit,
    De mésestimer une optique funéraire.
    Quand il se décida à gagner Béthanie,
    Son ami était mort depuis bien quatre jours.
    « Tu pouvais empêcher une telle avanie
    Si tu avais voulu avancer ton séjour
    Parmi nous, et mon frère n’aurait pas été mort »,
    Lui dit Marie en pleurs, prosternée à ses pieds.
    — La foule des amis était là à l’épier.
    Voyant ce regard de souffrance qui l’implore,
    Jésus fut à son tour gagné par l’émotion.
    Il s’enquit : « Où l’avez-vous mis ? » On répondit :
    « Seigneur, viens voir. » À ces simples mots, il fondit
    En larmes. « Il avait une vraie dévotion
    Pour ce Lazare », dirent ceux qui étaient présents.
    « Que n’a-t-il usé de son pouvoir bienfaisant
    Pour lui épargner la mort et nous le laisser ?
    Mais voyez comme son cœur d’amour est blessé. »
    Une fois face au caveau, le Maître s’écria :
    « Lazare, sors. » Les anges entonnent le Gloria
    Et Lazare s’avance, pleinement entouré
    De bandages. « Déliez-le, et qu’il soit libéré. »

    * * *
    medium_MarieMadeleine2.2.jpg
    Le lendemain de la Pâque, Marie se rend
    Au tombeau, escortée des autres saintes femmes,
    Elle porte un flacon de parfums enivrants,
    Pour finir d’embaumer Jésus après le drame.
    Elle se penche, tout en pleurant, dans la tombe,
    Et voit deux anges en blanc qui étaient assis,
    Et s’adressent à elle sur un ton adouci :
    « Ô femme, qui cherches-tu dans ces catacombes ? »
    « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais
    Où on l’a placé. » Puis, sentant une présence,
    Elle se retourna et perçut à distance
    Un homme qui pourrait parler du trépassé,
    Car elle pensait que c’était le jardinier.
    « Femme, pourquoi es-tu en pleurs ? » demanda-t-il.
    « Si c’est toi, où as-tu caché le crucifié ? »
    « Myriam ! » Le ton de la voix est chaud et subtil.
    Marie capte alors le regard et reconnaît
    Celui qu’elle cherchait éplorée. « Rabbouni ! »
    La voilà qui s’en trouve aussitôt rajeunie.
    « Ne me touche pas, bien que tu sois passionnée,
    Je ne suis pas encore remonté vers mon Père,
    Mais vas porter la bonne nouvelle à tous mes frères,
    Et dis-leur que je vais remonter vers mon Père
    Et votre Père, et que j’ai délaissé l’ossuaire. »

  • Regard de Jésus à Pierre

    medium_StPierrecles.jpg

    André ayant quitté Jean pour l’autre Rabbi
    Ne peut vivre seul ce cheminement subit.
    Il s’empresse d’aller trouver Simon, son frère,
    Devant aux travaux de la pêche le soustraire.
    « Le Messie, le Messie, nous l’avons rencontré.
    Il vient d’arriver, mais si ! dans notre contrée.
    Laisse tes compagnons achever le travail,
    Viens t’adjoindre à ceux qui font partie du sérail. »
    Jésus le fixa du regard, puis il lui dit :
    « Tu es Simon, fils de Jean : tu t’appelleras
    Désormais Képhas, ou Pierre, et tu seras
    Un pêcheur d’hommes, pour remplir mon paradis. »

    * * *

    « Tu es un compagnon de ce Galiléen. »
    Cette apostrophe d’une servante à Simon
    Est le piège qu’invente l’astucieux démon
    Pour que chute le bras droit du Nazaréen.
    En effet, devant tous avec force il nia :
    « Non, vraiment, je ne vois pas ce que tu veux dire. »
    il abandonne sur le champ son vicariat,
    N’hésitant pas, le malheureux, à se dédire.
    Il se rapproche du portail, pour partir,
    Quand un autre dit : « Tu étais avec Jésus ! »
    De Nazareth », bloquant ainsi l’unique issue.
    Pierre va se laisser encore pervertir :
    « Je ne connais pas cet homme, vous ai-je dit ! »
    Il fait cette assertion sans la moindre assurance.
    Il ne pense pas une seconde aux souffrances
    De Jésus, seule compte sa propre tragédie.
    « Et pourtant ta façon de parler te trahit. »
    Par cette affirmation, l’homme a surenchéri.
    Alors, Pierre se lance dans des imprécations,
    Se met à jurer et nie toute relation :
    « Je ne connais pas cet homme, je vous le jure ! »
    Pour la troisième fois dans la cour du palais
    Du grand prêtre résonne cet atroce parjure :
    Terrorisé, Simon-Pierre s’est emballé.
    Le serviteur tout de go l’a désarçonné,
    Et ce, par peur d’être à son tour emprisonné !
    Pierre peut le regretter : ce qui est dit est dit.
    Il est l’acteur de la terrible tragédie.
    Il devait devenir une pierre angulaire
    Pour l’Église, et en plus affermir tous ses frères,
    Mais voilà qu’il s’effondre pris de couardise,
    Tombant de plein gré dans une effroyable mouise.
    Pendant ce temps, Jésus consent à un semblant
    D’interrogatoire. Et, simultanément,
    Tandis qu’il descend de l’étage un coq chante,
    Jésus se tourne vers Simon en fin de pente.
    Leurs regards se croisent. Pour Jésus, un regard
    De tristesse et d’Amour, où on peut discerner
    Déjà le pardon. Et pour Simon, un regard
    De honte, le cœur pris dans de tristes chardons.
    Dans ce regard perçant, il entrevoit l’horreur
    De son inconcevable et dure trahison,
    Il voit qu’une fois de plus, il est dans l’erreur,
    La peur de la prison reste son horizon.
    Découvrant sa misère, il sait qu’il est aimé
    En dépit de tout, au lieu d’être condamné.
    Il a pourtant renié et beaucoup blasphémé,
    Mais il y a moyen de se désaliéner.
    La possibilité d’un vrai relèvement,
    N’a pas disparu, qui suppose un mouvement
    De purification avec l’acceptation
    De la situation, épurant l’intention.
    La chance de Pierre est d’avoir su accepter
    De croiser le regard de Jésus, son bon Maître,
    D’avoir pu pleurer sa trahison, pour renaître
    À la vie, et ne plus se laisser dérouter.
    Il sortit enfin de l’enceinte du palais,
    Malade, comme si on l’avait empalé.
    Il pleura longuement, versa de chaudes larmes,
    Lui qui croyait sauver Jésus-Christ par les armes.

    * * *

    Dans les jours qui font suite à la Résurrection,
    Jésus demande à Pierre, seul, dans un tête-à-tête :
    « M’aimes-tu ? » « Oui, Seigneur, et mon cœur est en fête. »
    Cette question, il la pose à répétition :
    « Simon, fils de Jean, m’aime-tu plus que tous ceux-ci ? »
    « Oui, Seigneur, répondit-il, tu sais que je t’aime. »
    « Pais mes brebis », dit Jésus, qui le remercie.
    Mais voici encore une question, une troisième :
    « M’aimes-tu ? » Simon est peiné de l’insistance
    Du Rabbi. Pourtant il faut faire pénitence
    De la négation triple, qui a pour conséquence
    La manifestation de la Toute-Puissance.
    Il lui répond : « Seigneur, toi tu sais tout, tu sais
    Bien que je t’aime ». Leurs regards se sont croisés.
    Et tandis que Jésus répond : « Pais mes brebis »,
    Il sait que le pardon a soldé son débit.

  • Regard de Jésus sur la Croix

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    En toi je ne découvre ni grâce ni beauté
    Vers lesquelles mon âme se retrouve attirée.
    C’est tout le poids de ta très Sainte Humanité,
    Autre qu’au Thabor où tu t’es transfiguré.
    Il peut paraître hagard, mais c’est bien le regard
    Du Fils de l’Homme et un regard d’éternité,
    Mêlé d’humaine entente en confraternité,
    Cherchant à attirer les hommes qui s’égarent.
    Offusqué de filets de sang coagulé,
    Il voit le nombre sans fin des générations
    Au long des siècles en train de s’accumuler
    Qui toutes ont besoin d’une réparation.
    Depuis Adam et Ève jusqu’au jour du retour
    En gloire pour juger les vivants et les morts
    Tous, dans son Acte Pur, il se les remémore,
    Il pousse pour chacun au point de non-retour.
    Tous sont présents : cupides, rapaces et voleurs,
    Semeurs d’injustices et fort beaux parleurs,
    Idolâtres, cupides et pécheurs solitaires,
    Ivrognes, impudiques, tenants de l’adultère,
    Calomniateurs, perfides et magistrats iniques,
    Exploiteurs du faible et du pauvre, usuriers,
    Dirigeants despotiques et meneurs tyranniques,
    Efféminés, rebelles, fourbes et meurtriers,
    Athées, présomptueux, semeurs de zizanie,
    Les trafiquants du Temple et de la simonie,
    Et l’armée de ceux par qui le scandale arrive,
    Les oisifs, et tous ceux à la vie conflictive…
    Nos pensées, nos paroles, actions et omissions
    Se dressent devant nous et prennent tout leur sens
    Face à Celui que blesse un adroit coup de lance
    Qui est le résultat de leur longue addition.
    « Ils dévisageront Celui qu’ils ont percé. »
    Ma place est au Calvaire : si jamais je l’oublie,
    Il suffit de peu pour que je sois renversé
    Que mes défenses soient plus encore affaiblies.
    Où que j’agisse, dans le monde qui m’entoure,
    Mon refuge est dans ta Croix comme en une tour.
    C’est là, seulement là, que des mauvais désirs
    Et mauvaises pensées je peux me dessaisir.
    Sois sous mes yeux comme un reproche permanent
    Pour que je mène ma bataille maintenant.
    Que ta sainte Croix soit un rappel affectueux
    Pour abandonner toute vie de voluptueux.
    Ne permets pas que je m’écarte d’un iota
    Du bois sacré planté sur le mont Golgotha
    Et que mes yeux se tournent continuellement
    D’une Plaie à une autre, pour t’aimer follement.
    Mais les regards me semblent peu, car ce que je dois
    C’est y pénétrer en esprit et te trouver
    Dans les tiens sentiments qu’il me faut éprouver
    Pour les faire miens et pour grandir dans la foi.
    Et quand je parviens à joindre ton Cœur blessé
    Je souffre, mais d’amour, de t’avoir délaissé.
    Nous nous disons des choses exquises et ardentes
    Mon âme devient — je rêve ! — une confidente.
    C’est au monde que tu m’appelles à vivre ainsi
    — J’y insiste — au sein des tâches quotidiennes ;
    Qui constituent l’autel sur lequel j’officie,
    Joint à ton oblation qui est contemporaine.
    Ainsi uni à toi, partout et en tous lieux,
    Je vois ce que tu vois, tous les hommes, mes frères.
    Te ressemblant, je ne serai pas oublieux
    De donner, moi aussi, ma vie pour leurs misères.
    Ils seront ceux que tu as appelés « amis »,
    Non, comme cela est fréquent, des ennemis.
    Ensemble nous ferons régner la charité
    Et nous produirons une aimable hilarité.medium_JCcrucifixion.jpg

  • vacances à Las Vegas

    Devant quel dieu faudra-t-il s’immoler un jour ?
    Celui de Las Vegas qui habille de fièvre
    Ces hommes qui, en automates, nuit et jour
    Vivent en attendant un idéal aussi mièvre ?
    medium_LasVegas.jpg
    L’attente d’un gain, dans l’espérance fiévreuse
    Prolongée au-delà du simple supportable.
    Attente qui de jour en jour un peu plus creuse
    Des visages qui sont loin d’être charitables.

    Il faut avoir vu ces regards pleins de détresse,
    De cadavres vivants déjà dans leur linceul,
    Pour saisir qu’en dépit de l’inconstante presse
    Devant sa table de jeu chacun est bien seul.

    Il faut avoir croisé tel ou tel de ces gars
    Aiguillonné tantôt par un modique gain
    Devant sa machine à sou, avide et hagard,
    Haletant, à l’affût d’un éventuel regain.

    Il faut avoir senti toute l’inanité
    D’un comportement que seulement la passion
    Commande et qu’accompagne un brin de vanité
    Forçant, corps et biens, à la dilapidation.

    Ils sont tristes à voir tous ces pauvres minets,
    Qui rôdent incertains, et dont la pauvre allure
    S’est flétrie au contact de vils estaminets
    Et a perdu du même coup toute sa parure.

    Tout à l’heure, il faudra bien imposer un terme
    À l’envie tenace et pourtant insatisfaite
    Qui oblige de jour en jour à parier ferme,
    Enjeu funeste qui annonce la défaite.

    Las Vegas, où le vice du gain facile est roi,
    Las Vegas éclairée par des millions d’ampoules,
    Tu ne livres pas la paix mais le désarroi,
    Tu te découvres ogresse, et non pas mère poule.

    Malheur, ô engendreuse de rude perdition
    Qui colle sur l’âme une effroyable noirceur.
    L’homme a vite oublié qu’il devra reddition
    D’une vie de ripailles, lui le pauvre noceur.

    Malheur, ô enjôleuse de rude perdition
    Qui plonge l’âme dans une étrange laideur.
    L’homme a vite oublié de faire sécession,
    Sa vie de rimailleur, d’avoir été plaideur.

    Malheur, ô envoûteuse de rude perdition
    Qui endort l’âme d’une impayable torpeur.
    L’homme a vite oublié de poser condition :
    Sa vie de ricaneur, il n’en a point la peur.
    medium_LasVegas1.jpg
    Tu trimballes partout ta une richesse insolente.
    On te sent satisfaite de cet indécent luxe.
    L’homme que tu séduis garde l’âme dolente.
    Ton emprise l’empêche d'amorcer un reflux.

    Tu t’enorgueillis de ta richesse insolente.
    On te sent minaudant de lumière et d’ors.
    L’homme que tu séduis garde l’âme violente
    Ton emprise l’empêche d’éprouver du remords.

    Tu fais la fière de ta richesse insolente.
    On te sent prétentieuse dans tes petits décors.
    L’homme que tu séduis garde l’âme latente.
    Ton emprise l’empêche de vivre dans son corps.

    Que se déchaînent sur toi les foudres du ciel.
    Qu’elles triturent tes biens à jamais en cendres.
    Alors naîtra un grand signe, un arc-en-ciel.
    De semblable spectacle, on ne peut que s’éprendre

    Que s’abattent sur toi les foudres de mon ciel.
    Qu’elles malaxent tes biens à jamais en cendres.
    Alors naîtra un grand signe, un gratte-ciel.
    Sur semblable spectacle, on ne peut que s’étendre

    Que se déversent sur toi les foudres du ciel.
    Qu’elles réduisent tes biens à jamais en cendres.
    Alors naîtra un grand signe, si essentiel.
    Et semblable spectacle, seul peut le comprendre

    L’âme qui par le vice ne se laisse corrompre.
    Lassée du tintamarre de toutes les nations,
    De paix, de pureté, elle bat à tout rompre,
    Et elle entreprend une céleste élévation

    Fuyant à tout jamais les fastes inutiles
    Qui contre elle ont ourdi tant de conspirations.
    Dégagée de tous les lest et fardeaux futiles,
    Elle suit du mérite final l’aspiration.

    À quel Dieu s’immoler, cela elle le sait.
    Ce n’est pas au veau que tout Las Vegas adore.
    Son Amour, on peut dire qu’elle en a fait l’essai
    Et il ne trompe pas, il vaut plus que tout l’or.