La liberté de l’être humain « est le pouvoir, enraciné dans la raison et la volonté, d’agir ou de ne pas agir, de faire ceci ou cela, de poser ainsi par soi-même des actes délibérés. Par le libre-arbitre, chacun dispose de soi. La liberté est en l’homme une force de croissance et de maturation dans la vérité et la bonté. La liberté atteint sa perfection quand elle est ordonnée à Dieu, notre béatitude » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1731). « Tant qu’elle ne s’est pas fixée définitivement dans son bien ultime qu’est Dieu, la liberté implique la possibilité de choisir entre le bien et le mal, donc celle de grandir en perfection ou de défaillir et de pécher » (Ibid., n° 1732). « La liberté de l’homme est finie et faillible. De fait, l’homme a failli. Librement il a péché […], il s’est trompé lui-même ; il est devenu esclave du péché » (Ibid., n° 1739). La liberté est un « signe privilégié de l’image divine » dans l’homme (Concile Vatican II, constitution pastorale sur l’Église dans le monde Gaudium et spes, n° 17 ).
En utilisant bien sa liberté, la personne humaine trouve sa perfection dans la recherche et l’amour du vrai et du bien (cf. Catéchisme de l’Église catholique, n° 1704) et augmente sa ressemblance avec l’image de Dieu à laquelle elle a été créée (cf. Genèse 1, 27). En effet, comme l’Apôtre l’exprime, « nous tous, dont le visage découvert réfléchit la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, toujours plus glorieux, comme sous l’action du Seigneur qui est esprit » (2 Corinthiens 3, 18). L’homme atteint ainsi peu à peu la perfection, qui est la fin et la félicité de la personne humaine, et qui atteindra sa plénitude au ciel, dans la vision de Dieu « face à face » (1 Corinthiens 13, 12) : « Nous lui serons semblables, parce que nous Le verrons tel qu’il est » (1 Jean 3, 2). L’homme est appelé à connaître Dieu (cf. Ibid., n° 1721), à « la vie parfaite avec la Très Sainte Trinité », qui est la « réalisation des aspirations les plus profondes de l’homme, l’état de bonheur suprême et définitif » (Ibid., n° 1024). La gloire de Dieu, c’est que l’homme atteigne cette perfection et soit heureux ; et la félicité de l’homme, c’est de rendre gloire à Dieu (cf. Ibid., 294) : « La gloire de Dieu, c’est que l’homme vive, et la vie de l’homme, c’est la vision de Dieu » (Saint Irénée, Adversus hæreses 4, 20, 7).
Pour y parvenir, l’homme a la loi éternelle à sa disposition, comme une carte qui indique la route à suivre. On appelle loi éternelle le plan de la Sagesse divine pour conduire toute la création jusqu’à sa fin (cf. Saint Thomas d'Aquin, Somme théologique, I-II, q. 93, a. 1, c). À travers la loi éternelle, « Dieu, dans son dessein de sagesse et d'amour, règle, dirige et gouverne le monde entier, ainsi que les voies de la communauté humaine » (concile Vatican II, déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ, n° 3). Par sa nature, l’homme participe à cette loi éternelle. Il faut parler maintenant de cette participation, appelée loi naturelle.
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Bien et mal - Page 5
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3. La liberté humaine
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2. La moralité des actes humains
Est humain un acte de l’homme ou de la femme qui est libre et volontaire. N’est donc pas humain en ce sens l’acte de l’enfant qui n’a pas encore atteint l’usage de la raison, pas plus que celui du fou, du moins dans les moments où il n’est pas lucide. « Les actes humains, c’est-à-dire librement choisis par suite d’un jugement de conscience, sont moralement qualifiables. Ils sont bons ou mauvais » (Catéchisme de l’Église catholique, n°1749). Ils peuvent aussi être indifférents du point de vue de leur qualification morale : il est indifférent, par exemple, que j’écrive ce texte sur la toile ou sur une feuille de papier, debout ou assis. « L’agir est moralement bon quand les choix libres sont conformes au vrai bien de l’homme et manifestent ainsi l’orientation volontaire de la personne vers sa fin ultime, à savoir Dieu lui-même » (Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, 6 août 1993, n° 72). « La question initiale du dialogue entre le jeune homme et Jésus : « Que dois-je faire de bon pour avoir la vie éternelle ? » (Matthieu 19, 16) met immédiatement en évidence le lien essentiel entre la valeur morale d’un acte et la fin ultime de l’homme […]. La réponse de Jésus et la référence aux commandements manifestent aussi que la voie qui mène à cette fin est marquée par le respect des lois divines qui sauvegardent le bien humain. Seul l’acte conforme au bien peut être la voie qui conduit à la vie » (Ibid.).
Il s’ensuit une conséquence importante : la qualification morale d’un acte humain, le fait qu’il soit moralement bon ou moralement mauvais, n’est pas une notion acquise par un vote populaire ou démocratique ; elle n’est pas davantage le fruit de sondages ou l’adaptation à un consensus, à ce que l’on appelle de nos jours la pensée « politiquement correcte ». La qualification morale des actes humains échappe en partie à l’emprise de l’homme, en ce sens que la référence qui permet de juger de la moralité n’est pas l’impression du moment, la sensation ou le profit que j’en retire, mais l’adéquation de mon acte à la loi morale objective, c’est-à-dire à la loi divine inscrite par Dieu dans la nature humaine, présentée sous la forme d’un droit positif que sont les Dix commandements remis par Dieu à Moïse (cf. Exode 24, 12-18 ; Deutéronome 9, 9-10). Je disais que la qualification morale échappe « en partie » à la volonté de l’homme, parce qu’il est question ici des actes humains, donc des actes dans lesquels l’homme engage sa liberté. C’est bien lui, en définitive, qui agit et donc qui fait que le bien ou le mal soient présents sur terre, progressent ou régressent.
Intervient ici la notion de liberté, qui demande quelques précisions.
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6. L’homme face à la loi
En créant l’homme, Dieu lui a imposé une limite, ne pas manger du fruit de l’arbre de la science du bien et du mal (cf. Genèse 2, 16-17). « Par cette image, la Révélation enseigne que le pouvoir de décider du bien et du mal n’appartient pas à l’homme, mais à Dieu seul » (Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, n° 35). L’homme est donc invité à reconnaître en lui la loi morale que Dieu lui donne et à l’accepter, de sorte que « c’est dans cette acceptation que la liberté humaine trouve sa réalisation plénière et véritable. […] « La Loi de Dieu n’atténue donc pas la liberté de l’homme et encore moins ne l’élimine ; au contraire, elle la protège et la promeut » (Ibid.).
L’homme dispose donc d’une véritable « autonomie morale ». C’est dire que Dieu respecte la liberté humaine, s’est en quelque sorte imposé cette limite à sa toute-puissance. En effet, il « a voulu le laisser à son propre conseil (Siracide 15, 14) pour qu’il puisse de lui-même chercher son Créateur et, en adhérant librement à lui, s’achever ainsi dans une bienheureuse plénitude » (concile Vatican II, constitution Gaudium et spes, 17). L’autonomie morale est la capacité interne de la connaissance morale, mais elle ne consiste pas dans « la création des valeurs et des normes morales par la raison elle-même » (Jean-Paul II, encyclique Veritatis splendor, n° 40). Autrement dit, l’homme n’est pas la source de la connaissance morale (connaissance du bien et du mal), « mais […] il y participe seulement par la lumière de la raison naturelle et de la révélation divine qui lui manifestent les exigences et les appels de la Sagesse éternelle » (Ibid., n° 41). C’est pourquoi « l’autonomie morale authentique de l’homme ne signifie nullement qu’il refuse, mais bien qu’il accueille la loi morale » (Ibid.). « La loi morale est l’œuvre de la Sagesse divine […]. Elle prescrit à l’homme les voies, les règles de conduite qui mènent vers la béatitude promise ; elle proscrit les chemins du mal qui détournent de Dieu et de son amour » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1950).
Il est erroné d’affirmer que Dieu n’est pas Législateur et qu’il a laissé à l’homme la tâche d’établir les normes morales, c’est-à-dire que les normes de la loi morale naturelle auraient leur origine exclusivement dans la raison humaine. Les normes morales ne seraient alors que le produit de la sagesse humaine, et non une participation de la Sagesse divine. Le pape Jean-Paul II a réfuté ces théories, en rappelant notamment que « cette prescription de la raison humaine ne pourrait avoir force de loi, si elle n’était l’organe et l’interprète d’une raison plus haute, à laquelle notre esprit et notre liberté doivent obéissance » ( encyclique Veritatis splendor, n° 44). Il est donc erroné de délier la compétence morale humaine de la Sagesse de Dieu, en niant qu’il existe entre les deux une relation de participation, en vertu de laquelle la loi morale naturelle est une loi divine. « La loi est déclarée et établie par la raison comme une participation à la providence du Dieu vivant Créateur et Rédempteur de tous » (Catéchisme de l’Église catholique, n° 1951).
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