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Loisirs - Page 5

  • Un voyage en Corse

    Un de mes cousins, Louis Le Tourneau, a retrouvé de vieux papiers de famille et a pris la peine de transcrire un récit de voyage rédigé par mon arrière grand-oncle, Fernand Le Tourneau (1875-1959).

    SÉJOUR à BASTIA et TOUR du CAP CORSE par M. et Mme Le Tourneau, Mai 1909
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    Dimanche après-midi, nous sommes allés nous promener dans la ville, et sur la côte, où le tramway nous a amenés à trois kilomètres pour 0.20 [francs]. Le tramway est un petit break de 6, où l’on a la prétention de faire tenir jusqu’à 10 personnes, du même modèle que les fiacres de la ville.

    Vers 6 heures, sur la Place Saint-Nicolas, nous nous sommes assis pour regarder passer le beau monde de Bastia, toilettes très claires, toutes jeunes filles à la poitrine déjà opulente et sans corset, amours de petits enfants très bien habillés.

    Après dîner, nous fûmes au Théâtre, qui est tout un poème : les premières coûtent 1.50 chaque, ce qui n’est pas cher, mais presque personne ; davantage aux places bon marché, pas mal de militaires. Ils estiment n’avoir pas besoin de sortir pour se soulager, et que les corridors sont faits tout exprès pour cela, de sorte que la salle empuante, et de telle façon que même en se bouchant le nez et respirant par la bouche, on ne peut y échapper.

    Deux actes ainsi parfumés et mal joués — que peuvent manger les pauvres cabots ? — nous ont suffi, et à 10 heures, nous étions rentrés.

    Départ lundi à 8 heures pour le tour du Cap Corse. Nous allons déjeuner à Macinaggio, à l’extrémité orientale du Cap. La route suit la mer ; la côte est presque droite ; il y a une succession de petits caps, derrière lesquels se dressent les montagnes du massif central. De temps en temps, un petit cours d’eau et quelques maisons : c’est la « marine » d’une commune, dont les villages sont éparpillés aux flancs des montagnes. Chaque vallée forme comme un éventail dont la tige aboutit à la mer, tandis que la partie dépliée est à l’intérieur, et les montagnes, par contre, étroites au départ à la chaîne centrale, s’élargissent en approchant de la mer.

    Après déjeuner, nous partons par une chaleur assez forte pour passer du versant oriental au versant occidental, en contournant à grande hauteur le nord du Cap. Région presque inhabitée, maquis très maigre. Le temps s’est malheureusement couvert, et du col de la Lena (361 mètres) nous ne voyons que les profondes découpures de la côte occidentale. Les nuages nous cachent le Cinto et ses neiges. Nous descendons en contournant la côte jusqu’à Morsiglia, où nous devons dîner et coucher. Nous faisons un tour dans le village, qui domine la mer de très haut : très différent d‚aspect des villages de l’intérieur de l’île. On ne rencontre pas d’hommes à fainéanter, ni de cochons à vagabonder sur la route ; il ne dégage pas l’odeur de Corte, et les enfants, comme les champs, sont propres et bien tenus. La terre est cultivée tout autour, retenue par des terrasses, jusqu’à la mer.

    Nous nous asseyons au bord de la route, dans l’espérance d’un beau coucher de soleil, mais il se couche dans les nuages, et nous rentrons faire dans cette auberge de peu d’apparence le meilleur dîner de notre voyage : potage, langouste, poissons frits, petits pois au lard, sanglier, raisiné [confiture que l’on fait avec du jus de raisin et d’autres fruits], brocchio aux œufs, sorte de crème renversée, le tout arrosé de vin blanc de l’année, et de vin fin, récolté et soigné par l’aubergiste depuis 17 ans et qui était délicieux.

    L’aubergiste nous servit, la serviette sous le bras, et nous conta des détails sur le pays. La langouste s’y vend maintenant 22 ou 24 sous la livre, alors qu’il y a vingt ans, elle n’en valait que quatre [un sou équivaut à 5 centimes de franc]. Le vin fin qu’il nous sert est le produit des meilleures vignes du pays, avant le phylloxéra. Les grappes, cueillies et triées, étaient mises à sécher au soleil avant d’être pressées, et on avait ainsi du vin naturel ayant jusqu’à 14, 15 et même 18° d‚alcool. Le vin était soutiré tous les ans de grands fûts dans de petits, puis dans des dames-jeannes et n’était bon à mettre en bouteilles qu’à la sixième année.

    On chasse le sanglier toute l’année, et on en tue une soixantaine chaque année. Si un étranger désire chasser, tout le pays s’en met, et il arrive parfois qu’on tue deux ou trois bêtes dans la même battue, comme il arrive que l‚on ne tue rien. Les bêtes ne sont pas vendues, on les partage entre tous les chasseurs.

    La côte est très poissonneuse ; les pêcheurs sont rentrés la nuit dernière avec environ 3000 kilos de poisson, et sont partis avec les mulets chargés pour en vendre dans tous les villages avoisinants.

    Les chèvres sont dans la montagne et ne reviennent pour pâturer dans les maquis communaux que du 23 décembre au 23 mars.

    Chambre très propre, blanchie à la chaux, lits de fer, serviettes-éponges, et, sur la toilette, savon et brosse à dents !!!

    En nous éveillant, nous entendons les oiseaux : ceci est une nouveauté, car il n’y en a presque pas à l’intérieur de la Corse.

    (à suivre…)

  • Voyage en Italie (suite 4)

    7 mars, temps couvert. Nous sommes allés au Musée [de Naples], dont nous avons revu les chefs d’œuvre, et avons parcouru la vieille ville, où j’ai retrouvé quelques marchands de cuisine en plein air, à la Porte Capuana, mais bien moins qu’autrefois.
    Ensuite, visite de la Cathédrale, que je ne me rappelais pas. La nouvelle façade sera bien, lorsque les deux flèches seront achevées.
    Que ce pays est donc beau !

    9 mars. Le temps couvert nous a fait rester à Naples. Nous sommes allés au Campo Santo, fort curieux par toutes ces chapelles de confréries où l’on dépose les corps momifiés dans des caves, comme aux catacombes à Rome. Quelques-unes sont comme de petites églises ; il y en a aussi comme les nôtres et des monuments plus ou moins baroques.
    Le jour, nous sommes allés dans les parties neuves de la ville, avec rues à angles droits, et à San Martino pour redescendre à Chiaja par les nouvelles voies en corniche. Nous avons eu la chance de rencontrer un quatuor ambulant, violon, violoncelle, flûte et clarinette qui ne jouait vraiment pas mal. Il y a eu un air populaire, repris en chœur par les auditeurs.

    medium_Pompei1.jpg Pompéi, 10 mars. J’ai eu la joie de retrouver tout seul la maison que j’avais relevée en 1866. Je l’ai parcourue avec amour, car je retrouvais mon enfant, et ai admiré tout ce que j’avais dessiné il y a quarante ans. Mais aussi, j’ai éprouvé une vraie peine en voyant dans quel état de vétusté et de délabrement étaient toutes les peintures que je trouvais si vives et si bien conservées, lorsqu’on les découvrait devant moi. Dans ce qui était le jardin, il y a encore de ces grandes jarres, dans lesquelles j’avais recueilli du lait solidifié. Cette maison doit avoir été reconnue comme ayant un intérêt spécial, car elle a une inscription spéciale et est mentionnée au guide.
    Nous avons eu un grand bonheur en revoyant cette ville si intéressante et curieuse. Mais le temps a fait son œuvre et une grande partie des peintures est altérée au point de ne plus être reconnaissable. Telles celles de la Maison de Faune medium_Pompeimaisonfaune.jpg et du Poète tragique. medium_Pompeimaisonpoetetragique1.jpg


    Quel changement aussi dans ce petit coin : on y arrive en train ou tram électrique ; l’Hôtel Dieu est éclairé à l’électricité, et nous y avons bu d’excellent Lacryma-Christi.

    Pompéi, 11 mars. Pendant que votre Maman montait au Vésuve, je suis allé flâner dans les ruines, évoquant mes souvenirs et ceux de ma jeunesse. J’étais d’autant plus heureux que j’étais seul, et que j’ai pu aller et venir sans rencontrer de forestieri.
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    Dans la journée, après 3 heures, votre Mère étant revenue, nous avons visité la Villa Diomède, la Voie des Tombeaux, la Maison du Faune et le Musée, où sont les moulages palpitants encore des angoisses de la mort.
    Votre Mère dit : « Le temps était clair le matin ; j’en ai profité pour monter au Vésuve, évitant ainsi la caravane Cook, et y allant d’ici seule, avec une voiture, un cheval et un guide. Quelle déception en haut : des nuages partout, et après m’être fait haler sur le cône de cendres, il m’a été dit : voilà le cratère, vous le voyez fumer ; il n’est pas prudent d’aller plus loin, et il n’y a qu’à redescendre. En bas du cône, nous avons obliqué pour nous approcher d’une coulée de lave incandescente.
    Le temps s’est éclairci lorsque j’étais dans la plaine. Il semble que cette époque de l’année n’est pas favorable aux ascensions. La prudence n’était pas exagérée ; il y a eu deux jets de pierres incandescentes comme nous commencions à descendre, et l’un des voyageurs a été blessé à l’endroit où nous devions aller.
    La descente en déambulant dans la cendre était amusante, et les guides ne comprenaient pas que je préfère gagner la voiture à pied plutôt qu’endurer les secousses du cheval ».

    Rome, 12 mars. En face de la Poste, installée dans le couvent où étaient en 1866 le mess des officiers et le Génie, j’ai retrouvé la maison où j’avais habité chez le commandant Maurice, maintenant Maison de Banque. Puis nous sommes allés à la Place du Peuple, qui n’a pas changé, avec ses fontaines, ses églises, et l’entrée du Pincio, puis au Palais Borghèse où il y a maintenant un marchand d’antiquités.
    Par la via Repetta, nous sommes allés au Tibre, qui est maintenant bordé de hauts quais avec des ponts en fer, ce qui le fait ressembler à un canal d’eau jaune et sale ; puis nous sommes revenus à la Place Navone, medium_RomeplaceNavone.jpg où il n’y a plus une seule boutique ambulante, ni un seul mendiant. Nous sommes passés devant le Panthéon, qui est complètement dégagé et entouré de grilles pour protéger les restes de murs que l’on a trouvés derrière.

    (à suivre…)

  • Voyage en Italie (suite 2)

    23 février. La route de Girgenti à Syracuse est longue et monotone, avec quelquefois de beaux points de vue sur les montagnes couvertes de neige. L’Etna, tout blanc et brillant au soleil, fait bel effet et est bien majestueux. Nous en avons bien joui, et on ne peut le voir mieux.
    La campagne commence à s’animer. Les paysans labourent et préparent leurs vignes ; mais on laboure comme au temps des Romains avec la houe de bois.
    La route côtoie des carrières de soufre, dont on voit seulement les fours de distillation, car elles sont souterraines. Dans la plaine de l’Etna, il y a de belles cultures d’orangers, et des arbres fruitiers en grand nombre, qui donnent à la campagne un aspect de printemps.

    Syracuse, 24 février.

    medium_Syracuse.jpg

    La ville est petite et n’a d’intéressant que son église cathédrale avec de superbes colonnes du temple de Minerve, une fort belle chapelle en marbre blanc, et de magnifiques grilles de clôture en fer forgé, assemblées par des ornements rapportés.
    Le théâtre grec, l’amphithéâtre romain et les latomies sont d’intérêt tout à fait unique :
    - le théâtre par sa construction, puisqu’il est entièrement creusé dans le rocher, sa situation puisque la mer lui sert de fond de scène, position qui n’est surpassée que par celle du théâtre de Taormine.
    - l’amphithéâtre par sa position, également creusé en partie dans le rocher ; malheureusement, il ne reste aucune décoration et l’on est dans l’impossibilité de tenter une reconstitution vraisemblable.
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    - les latomies, anciennes carrières, dont le ciel s’est effondré en maints endroits, sont devenues de véritables oasis de verdure, avec toutes sortes d’arbres et de plantes, où le mandarinier voisine avec le citronnier, l’olivier, le palmier et les plantes des Tropiques.
    Les catacombes sont fort curieuses par la longueur de leurs voies et les dimensions de leurs carrefours ou salles rondes, bien plus grandes que celles de Rome. Les tombes sont parfois réunies dans une chambre faisant comme une chapelle particulière ouvrant par une baie sur la voie, que fermait probablement une porte.
    Toutes les sépultures ont été violées, et il ne reste que quelques ossements et quelques débris de poteries grossières.

    25 février. Partis le matin en voitures, nous sommes allés visiter un ancien château fort à l’extrémité ouest de l’ancienne ville, curieux par ses souterrains et ses magasins, creusés dans le roc.
    Du haut des tours, la vue est superbe sur la baie de Syracuse et l’ancienne ville, qui était immense. Il n’en reste rien.
    Après déjeuner dans une maison décorée à la Pompéienne, nous avons repris la voiture et gagné une barque qui nous attendait à l’entrée de la Pima, petite rivière que nous avons remontée jusqu’à sa source, au milieu des papyrus qui la bordent sur ses deux rives, et font presque un berceau de verdure d’un effet très pittoresque, tout à fait inconnu des habitants du nord.
    En rentrant, nous avons visité les restes du gymnase romain. On y voit une piscine, une palestre, et on y trouvera sans doute autre chose, tout n’étant pas déblayé.
    Comme c’est aujourd’hui dimanche, on promène le Bonhomme Carnaval, gros Anglais remuant têtes [sic] et bras, avec une nuée de pierrots et d’arlequins sous sa chaise. La musique de la ville la précède et joue un air endiablé. Dans la ville, on se jette des confetti. Partout, des enfants costumés et les gens sur leurs portes regardent passer la foule.

    26 février. La route pour gagner Taormine côtoie la mer. Le temps est splendide et le soleil éclaire l’Etna tout blanc, se dessinent sur une mer bleue. [Il doit manquer quelques mots, au moins le sujet pluriel de « se dessinent »]
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(à suivre…)