LA PRÉSENCE DU CHRIST DANS LE MESSAGE DE SAINT JOSÉMARIA ESCRIVA, FONDATEUR DE L’OPUS DEI (suite)
Le Cœur très Sacré de Jésus. La sainte Plaie ouverte dans le côté de Jésus donne directement accès à son Cœur, humain et divin, ce « Cœur du Christ, paix des chrétiens », comme le qualifie le titre d’une homélie du bienheureux Josémaria (Quand le Christ passe, n° 162-170). « La vraie dévotion au Cœur de Jésus consiste à connaître Dieu, à nous connaître nous-mêmes, à fixer notre regard sur Jésus, à recourir à Celui qui nous encourage, nous enseigne et nous guide. Cette dévotion n’est superficielle que pour l’homme qui, faute de n’être pas parvenu à être vraiment humain, n’arrive pas à pénétrer la réalité du Dieu incarné » (Quand le Christ passe, n° 164). Ce Cœur n’est pas un cœur quelconque. C’est celui du Fils de Dieu fait homme. C’est un Cœur qui déborde d’Amour, un Cœur qui ne trahit pas, un Cœur qui aime sans se lasser et qui se laisse aimer, car c’est aussi le Cœur de chair de celui qui est l’Ami par excellence de l’homme : « Jésus est ton ami. — L’Ami. — Avec un cœur de chair comme le tien. — Avec des yeux pleins de bonté, qui ont versé des larmes pour Lazare… — Et il t’aime, toi, autant que Lazare » (Chemin, n° 422). Le Cœur du Christ aime d’un Amour débordant, patient et miséricordieux. Il s’offre à nous comme le modèle du parfait Amour, traduit dans un don de soi désintéressé, jusqu’à donner sa vie pour ceux que l’on aime. Nous disons alors : « Merci, ô Jésus, d’avoir voulu devenir un Homme parfait, au Cœur aimant et très aimable, et qui aime jusqu’à la mort et qui souffre ; qui se remplit de joie et de douleur ; qui s’enthousiasme pour les chemins des hommes, et nous montre celui qui mène au ciel ; qui se soumet, héroïque, à son devoir, et agit avec miséricorde ; qui veille sur les pauvres et sur les riches ; qui prend soin des pécheurs et des justes… — Merci ! Merci ! mon Jésus, et donne-moi un cœur à la mesure du tien ! » (Sillon, n° 813).
Être apôtres du Christ. Un cœur à la mesure de celui du Christ est un cœur d’apôtre. L’apostolat est une tâche primordiale des baptisés, conformément au mandat missionnaire que Jésus leur a donné quand il a dit à ses apôtres de parcourir le monde en prêchant l’Évangile et en baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit (voir Matthieu 28, 19). Le chrétien est donc appelé à être « apôtre d’apôtres » (Quand le Christ passe, n° 1). Il doit devenir un alter Christus pour être le « Christ qui passe » dans la vie de ses semblables. Le bienheureux Josémaria développe une théologie profonde du rôle du chrétien dans l’œuvre du salut. Pour lui, « notre désir le plus ardent est de nous considérer comme corédempteurs avec le Christ, sauver avec lui toutes les âmes, parce que nous sommes, nous voulons être ipse Christus, Jésus-Christ lui-même, et lui s’est livré pour le rachat de tous (1 Timothée 2, 6) » (Quand le Christ passe, n° 121). Être « corédempteur », voilà une tâche essentielle du chrétien, dont il ne peut se désintéresser. Elle fait partie de sa nature de baptisé. Elle est une exigence du sacerdoce commun de tous les fidèles. L’apostolat « est comme la respiration du chrétien » et, dans l’esprit de l’Opus Dei, il s’accomplit avant tout à l’occasion des activités quotidiennes : « il s’agit de sanctifier le travail ordinaire, de se sanctifier dans cette tâche et de sanctifier les autres dans l’exercice de sa profession, chacun dans son état » (ibid., n° 122 ; voir D. Le Tourneau, « Remarques sur la place du travail dans la sanctification des laïcs », Al Manarat 41 [2000]). Il faut mentionner ici une des interventions directes dont Dieu gratifiait l’âme du fondateur, pour lui préciser tel ou tel point de l’esprit et de la vie de l’Opus Dei. Il s’agit d’une locution divine du 7 août 1931, qu’il a lui-même commentée à plusieurs reprises : « Lorsque je considère l’ampleur de notre tâche apostolique au milieu des activités humaines, j’essaie de retenir dans ma mémoire, unies aux scènes de la mort — du triomphe et de la victoire — de Jésus sur la Croix, ses paroles : et ego, si exaltatus fuero a terra, omnia traham ad meipsum (Jean 12, 32) ; et moi, élevé de terre, j’attirerai tout à moi. Unis au Christ par la prière et la mortification dans notre travail quotidien, dans les mille circonstances humaines de notre vie toute simple de chrétiens courants, nous réaliserons cette merveille : déposer toutes choses aux pieds du Seigneur, élevé sur sa Croix, où il s’est laissé clouer pour avoir tant aimé le monde et les hommes. Et simplement, en travaillant et en aimant, dans la tâche propre à notre profession ou à notre métier, celle que nous réalisions lorsqu’il est venu nous chercher, nous accomplissons ce travail apostolique qui consiste à mettre le Christ au sommet et au cœur de toutes les activités des hommes ; puisqu’aucune de ces activités honnêtes n’est exclue du domaine de notre travail, qui devient une manifestation de l’amour rédempteur du Christ. Le travail est ainsi pour nous, […] surtout, le chemin spécifique de notre sanctification personnelle, que Dieu notre Père nous a tracé, et le grand instrument apostolique et sanctificateur que Dieu a déposé entre nos mains, pour obtenir que l’ordre voulu par lui resplendisse dans toute la création. Le travail, qui doit accompagner la vie de l’homme sur terre (voir Genèse 2,15), est pour nous en même temps — et au plus haut point, puisqu’aux exigences naturelles s’unissent d’autres, clairement surnaturelles — le point de rencontre de notre volonté avec la volonté salvatrice de notre Père du Ciel » (Lettre du 11 mars 1940, n° 13, citée dans A. Vazquez de Prada, o.c., p. 380-381). Par la sanctification de la vie courante, le chrétien collabore avec le Christ à la grande tâche de la Rédemption, en contribuant à ce que les fruits de la mort de Jésus sur la Croix soient appliqués dans le temps, aux âmes une par une, puisque c’est l’homme qui doit faire son salut individuellement, bien qu’inséré dans la communauté ecclésiale et humaine. Et c’est bien parce que nous sommes solidaires les uns des autres que le chrétien ressent tout particulièrement sa responsabilité de faire de l’apostolat, afin d’améliorer la société selon la loi du Christ, qui est une loi d’amour. « Chaque chrétien doit permettre au Christ d’être présent parmi les hommes ; il doit se comporter de telle manière que ceux qui le fréquentent perçoivent le bonus odor Christi (2 Corinthiens 2, 15), la bonne odeur du Christ ; il doit agir de sorte qu’on puisse découvrir le visage du Maître à travers les actions du disciple » (Quand le Christ passe, n° 105).
(à suivre…)
Dominique LE TOURNEAU