Une fois en Croix, Jésus ne vit plus très longtemps. En effet, quand les soldats viennent briser les jambes des trois suppliciés — deux malfaiteurs flanquaient Jésus —, ils durent constater « qu’il était déjà mort » (Jean 19, 32), et « Pilate s’étonna qu’il fût déjà mort et, faisant venir le centurion,il lui demanda s’il était mort depuis longtemps » (Marc 15, 44).
Toutefois, Jésus n’est pas mort en un clin d’œil. Il a eu le temps de prononcer des paroles et d’accomplir des gestes qui sont décisifs pour l’histoire du salut. Les musiciens ont brodé souvent sur le thème des « sept paroles de Jésus en Croix ». « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font » (Luc 23, 34) : on se serait attendu à tout autre chose de la part d’un supplicié. Mais parce qu’il est Dieu et qu’il est venu nous sauver, il implore le pardon de son Père pour ses bourreaux et pour nous tous qui, en péchant, crucifions Jésus de nouveau (cf. Hébreux 6, 6). Au bon larron qui lui demande de se souvenir de lui quand il viendra dans son règne, Jésus répond : « En vérité, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (Luc 23, 43). Puis, voyant Marie, sa Mère, au pied de la Croix,, il lui dit : « Femme, voici ton fils. » Puis il dit au disciple saint Jean : « Voici ta mère. » Et à partir de ce moment, le disciple la prit chez lui (Jean 19, 26-27), ce que nous sommes tous invités à faire dans la vie spirituelle. En proie aux tourments, il s’adresse ensuite à son Père avec des mots de l’Écriture : « Eli, Eli, lema sabacthani, c’est-à-dire : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Matthieu 27, 46), laissant entrevoir l’intensité de sa souffrance. Jésus s’écrie encore : « J’ai soif ! » (Jean 19, 28), et pas seulement parce que sa gorge est desséchée, mais parce qu’il veut attirer toutes les âmes à son Père. C’est le moment où s’accomplit ce qu’il avait annoncé : « Et moi, quand j’aurais été élevé de terre, j’attirerai toutes choses à moi » (Jean 12, 32). Enfin, il peut dire : « C’est achevé » (Jean19, 30), j’ai mené à bon terme la mission que tu m’avais confiée. Et, « jetant un grand cri, il dit : « Père, je remets mon esprit entre tes mains, et, ce disant, il rendit l’esprit » (Luc 23, 46).
Le moment tant attendu par les générations passées est arrivé. Et il est arrivé par des voies que nul n’aurait osé imaginer. Le secret du réalisme des poèmes du Serviteur de Dieu chez Isaïe n’avait pas été percé. Maintenant nous savons à quoi il correspondait. Il est sur la Croix « sans grâce ni beauté pour attirer nos regards, et sans apparence attirant notre amour. Il était méprisé et abandonné des hommes » (Isaïe 53, 2-3), qui se moquent tous de lui : grands prêtres, scribes, foule, mauvais larrons, bourreaux… Mais il nous a gagné le ciel, il nous a laissé l’assurance de son pardon pour qui revient à lui avec un cœur contrit et humilié (cf. Psaume 51, 19), et, surtout, il nous a confiés aux soins maternels de la Vierge Marie, médiatrice de toutes les grâces.
Aux yeux des hommes, Jésus est mort comme un malfaiteur supplicié de la pire manière. Mais aux yeux du croyant, il a triomphé sur la Croix des trois adversaires de l’homme ici-bas : la mort, le péché et le diable. C’est pourquoi nous exaltons et vénérons la Croix partout et nous l’entourons d’un culte spécial le Vendredi saint en mémoire du Salut qu’elle a apporté ce jour-là à tous les hommes de bonne volonté.