Regardez une châtaigne. Lorsqu'elle est sur l'arbre, son enveloppe est garnie d'une multitude de piquants. Mais c'est à l'intérieur de son écorce que se développe la châtaigne, d'abord sous la forme d'un liquide laiteux. Elle n'a rien alors qui puisse blesser, rien d'épineux et de dangereux. Elle ne souffre pas des épines qui l'entourent. C'est dans ce milieu très doux qu'elle s'alimente et se réchauffe, qu'elle se développe selon sa nature et selon son espèce. Arrivée à l'âge adulte et brisant sa coque, elle en sort mûre sans être blessée par les aspérités et la rugosité de son écorce. Comprenez ceci : puisque Dieu a permis à la châtaigne d'être conçue, nourrie et formée sous les épines, mais à l'abri de leurs piqûres (...), ne pouvait-il pas préparer un corps humain, dont il voulait se faire un sanctuaire pour y habiter corporellement, de façon à devenir homme parfait dans l'unité de sa personne divine ? Certainement il le pouvait. Si donc il l'a vouli, il l'a fait.
Eadmer (1964-1141).