Le passé ne doit point nous embarrasser, puisque nous n'avons qu'à avoir regret de nos fautes. Mais l'avenir nous doit encore moins toucher, puisqu'il n'est point du tout à notre égard, et que nous n'y arriverons peut-être jamais. Le présent est le seul temps qui est véritablement à nous, et dont nous devons user selon Dieu. C'est là où nos pensées doivent être principalement comptées. Cependant le monde est si inquiet, qu'on ne pense presque jamais à la vie présente et à l'instant où l'on vit ; mais à celui où l'on vivra. De sorte qu'on est toujours en état de vivre à l'avenir, et jamais de vivre maintenant. Notre Seigneur n'a pas voulu que notre prévoyance s'étendît plus loin que le jour où nous sommes. C'est les bornes qu'il faut garder, et pour notre salut, et pour notre propre repos. Car en vérité les préceptes chrétiens sont les plus pleins de consolation : je dis plus que les maximes du monde.
Pascal, Lettre à Mademoiselle de Roannez, VIII, décembre 1656.