Distinguons bien en quoi consiste progrès [dans les vertus]. Un mot paradoxal de la si judicieuse et si spirituelle sainte Thérèse nous permettra de préciser notre pensée : « Depuis que je suis Prieure, chargée de nombreux travaux et obligées à de fréquents voyages, je fais beaucoup plus de fautes. Et cependant, comme je combats généreusement, et ne me dépense que pour Dieu, je sens que je me rapproche de lui de plus en plus. » Sa faiblesse se manifeste plus souvent que dans le repos et le silence claustral. La sainte le constate, mais sans se troubler. La générosité toute surnaturelle de son dévouement et des efforts plus accentués qu’auparavant pour le combat spirituel, fournissent en revanche des occasions de victoires qui contrebalencent largement les suprises d’une fragilité qui exisatit auparavant, mais à l’état latent. Notre union avec Dieu, dit saint Jean de la Croix, réside dans l’union de notre volonté avec la sienne et se mesure uniquement d’après elle. Au lieu de ne voir, par faux concept de la spiritualité, la possibilité de progrès dans l’union avec Dieu que dans la tranquillité et la solitude, sainte Thérèse juge que c’est au contraire l’activité imposée vraiment par Dieu et exercée dans les conditions voulues par Lui qui, en alimentant son essprit de sacrifice, son humilité, son abnégation, son ardeur et son dévouement pour le règne de Dieu, vient accroître l’union intime de son âme avec notre Seigneur vivant en elle et animant ses travaux, et l’acheminer ainsi vers la sainteté.
Dom J.-B. Chautard, L’Âme de tout apostolat, E. Vitte, 15e éd., 1937, p. 73.