Le premier dommage subi par celui qui a soumis sa liberté spirituelle à la tyrannie de l'orgueil, est d'être comme aveuglé et de perdre ainsi la rectitude de son jugement. Ce que font les autres, y compris le bien, lui déplaît ; il n'y a pour lui plaire que ce qu'il fait lui-même, y compris le mal. Il n'a que mépris continuel pour les réalisations d'autrui et admiration permanente pour les siennes ; il est persuadé que ce qu'il fait, lui, est quelque chose d'unique ; dans tout ce dont il fait l'exhibition, il se congratule intérieurement lui-même, poussé par son appétit de gloire, et, comme il reste intimement persuadé qu'en toutes choses il transcende tout le monde, il chante secrètement ses louanges : on dirait qu'il déambule, en compagnie de lui-même, sur la vaste promenade de ses pensées.
Saint Grégoire le Grand, Moralia 34, 23.