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Suite du voyage à Pompei et au Vésuve

Suite du récit du voyage à Pompéi et au Vésuve en 1866

9 juin. Je suis installé tant bien que mal à Pompéi depuis deux jours. Parti le 5 au matin de Rome, je suis arrivé le soir à Naples, et ai passé la matinée à porter des lettres dont on m’avait chargé à Rome, la poste décachetant parfois les lettres. À Pompéi, j’ai choisi pour étude la dernière maison découverte, intéressante par ses vastes dispositions, un très grand atrium, des cuisines, des chambres, un escalier et deux portes d’entrée, une grande et une petite, et sur la rue, il y avait une terrasse avec balustrade, maintenant détruite, à laquelle on arrivait par un escalier de six marches existant encore.


Cette maison n‚a pas encore été relevée ; elle n’est même pas sur le plan, et, en ce moment, on finit de découvrir le jardin.

Le temple de Junon est en réalité un temple de Vénus, médiocrement intéressant, car il ne reste que les quatre murs sans aucune décoration.

Je suis toujours enthousiasmé de cet admirable panorama du Golfe à Pompéi, mais je n’y suis pas bien confortablement. Je suis ici avec deux peintres, et nous vivons ensemble comme si nous nous connaissions depuis notre naissance. Tous les jours, lorsque les fouilles ferment, à 6 heures, je vais prendre un bain de mer, ce qui me remet de la grande chaleur que j’ai à supporter dans la journée.


17 juin. Mon séjour ici s’est prolongé pour plusieurs raisons : d’abord, pendant trois jours, nous avons eu des orages effrayants, accompagnés ou suivis de pluies torrentielles qui m‚obligeaient à cesser tout travail ; puis on n’avait pas encore entièrement déblayé le jardin, et je voulais voir si on y trouverait des choses utiles à mon travail. Ce jardin est maintenant complètement fouillé : on n’y a trouvé que des jattes [sic] à lait en terre de très grandes dimensions ; le lait, par suite de la chaleur, s’est solidifié, et a diminué de volume, devenu un corps gras, granuleux et s‚écrasant sous le doigt ; j’en rapporte un petit morceau qu’on m’a permis de prendre.

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Mes études sont très longues et fatigantes à faire, parce que nous ne sommes pas installés, et travaillons sur nos genoux, ce qui n’est pas commode pour l’architecture.

Cette semaine, j’ai fait deux excursions : d’abord, je suis remonté au Vésuve, montant par Bosco, versant opposé à celui de Portici, par où j’étais monté la première fois. Puis, le Vésuve, si tranquille la première fois, est maintenant fort méchant et tonne comme plusieurs batteries d’artillerie, et lance des pierres comme de la mitraille. Et le spectacle en valait la peine.

Au lieu du panorama de la terre, j’avais un panorama de nuages dorés par le soleil et ressemblant à une immense mer de glaces bordée par les montagnes qui entourent le Golfe de Naples et moi seul au milieu de cette immensité. C’est un spectacle saisissant, et il l’était d’autant plus pour moi que je le voyais pour la première fois. Quant au volcan, un spectacle grandiose m’attendait ! La lave intérieure avait monté d’au moins dix mètres en se crevassant en tous sens, et laissant apercevoir le feu intérieur. À la place de la cheminée fumant à peine, où j’étais monté la première fois, il y avait un immense cône de pierres encore incandescentes, ouvert en son milieu pour laisser échapper avec un bruit effroyable des torrents de fumée sulfureuse et une pluie de pierres incandescentes lancées à plus de vingt-cinq mètres de hauteur. Spectacle grandiose et émouvant : j’aurai vu un volcan, et, dans le pays, on s’attend à une éruption dans peu de temps. Il paraît qu’à Torre del Greco tous les puits sont à sec, ce qui est un signe précurseur. On a déjà ressenti quelques oscillations.

Ma seconde excursion a été pour San Pietro, village à deux heures de Pompéi, où il y avait une grande foire en l’honneur de San Antonio del Foco. Pour tout le pays, ce jour qui est le 13 juin est une grande fête. On a pour ce saint une grande vénération, à cause de sa puissance sur le Vésuve « il paraît qu’il a arrêté une éruption ». À cette foire, nous avons vu les plus beaux types que j’aie encore rencontrés en Italie. Les femmes y sont fort belles, et toutes dans leurs costumes, corsages décorés de dentelles ou de passementeries, jupons rouges, rubans et épingles dans les cheveux, boucles d’oreilles de forme étonnante et cependant gracieuse, collier avec mouchoir sur la gorge. Les hommes en culotte courte et en veste avec gilet rouge et chapeau de feutre noir. La population de la campagne et de la montagne dans ses habitudes et dans son costume.



Rome, 19 juin. J’ai encore beaucoup de monuments à voir, monuments non indiqués sur les guides, inconnus des Romains eux-mêmes, et qu’il faut aller chercher dans les rues les plus affreuses de la Ville. Je vais m’occuper de les trouver tous, maisons, palais, églises, afin que Rome n‚ait plus de secrets pour moi, et que je sois bien pénétré de cette belle Renaissance de l’art en Italie, plus belle que la nôtre sous le rapport du grandiose, de la belle proportion, de la pureté des grandes lignes, mais inférieure pour les détails de l’ornementation.

La chaleur commence à se faire sentir d’une façon tout à fait insolite pour moi. De midi à 3 ou 4 heures, il ne faut pas songer à mettre le pied dehors, sous peine de fièvres. Voici comment je règle mon temps : lever de bonne heure pour pouvoir être au travail sur les 7 heures ; rentrer, déjeuner, faire la sieste, ressortir à 3 ou 4 heures
suivant le temps, et rentrer à 7 heures. C‚est la meilleure marche à suivre dans ce pays, et les Romains n’agissent pas autrement.

L’excursion projetée du côté de Viterbe, Caprarole, etc. n’est pas possible en ce moment à cause des brigands.

La guerre est tout à fait décidée, et elle va éclater d’un moment à l’autre. Le nord de l’Italie est maintenant inabordable pour les étrangers à cause de la révolution qui remue tout le pays ; on arrête indistinctement tout le monde, Italiens et étrangers à Naples. La Vénétie est tout à fait impossible à visiter.

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