Liberté et vision du monde
Les philosophies classiques et modernes ont, pour leur part, appelé liberté ce qui n'était, en réalité, qu'un désir naturel, inconscient de son objet et de sa structure — de liberté aussi, certes. Désir naturel impuissant à déboucher sur des résultats précis, faute de réalisme de l'intelligence et de claire appréhension de l'ordre et du droit naturels.
Que le monde soit l'œuvre d'une intelligence supérieure et qu'il comporte un ordre bon appelant un respect en réponse, voilà une vérité fondamentale que la société païenne connaissait déjà. Saint Josémaria intègre cette vérité dans la spiritualité qu'il préconise. Dans une formule heureuse, il présente la liberté comme « une plante forte et saine qui s'acclimate mal aux pierres, aux épines et aux chemins battus par les gens » (st Josémaria, Quand le Christ passe, Paris, 1989, n° 185). Allusion on ne peut plus claire à la parabole du semeur (cf. Luc 8, 5-7), qui nous dévoile à quel point ces idées sont incompatibles avec une conception du monde qui limite le connaissable à ce que l'on peut imaginer en un instant. Notre monde ne peut faire l'économie de Dieu, sauf à échouer misérablement.
Il peut censurer Dieu, l'évincer, proclamer sa mort, il ne peut échapper à l'attraction de la nature et se prosterner devant une représentation sublimée de lui-même, devenant par le fait même son propre esclave. Le spectacle qu'il offre alors est celui d'un être appelé à communier avec Dieu qui se dégrade volontairement à un niveau infra-animal.
Que ne comprend-il la grandeur de l'esprit qui ne saurait se résigner à être déterminé ni par ses passions ni par celles d'autrui et qui n'entend se soumettre qu'à la vérité ! Que ne sait-il s'élever au-dessus des contingences immédiates et se rebeller contre les modes et les comportements stéréotypés ! « Je n'accepte pas d'autre esclavage que celui de l'Amour de Dieu. Et cela parce que la religion est la plus grande révolte de l'homme qui ne tolère pas de vivre comme une bête, qui ne se résigne pas, qui ne s'apaise pas avant de fréquenter et de connaître le Créateur. Je vous veux rebelles, libres de tout lien, car je vous veux — le Christ nous veut — enfants de Dieu » (st Josémaria, Amis de Dieu, n° 38).
(à suivre…)